Chambre de Karadoc, nuit. Karadoc est dans son lit et hurle. |
Arthur |
(Frappe à la porte.) Karadoc ! Karadoc, qu'est-ce qui se passe ? |
Karadoc |
Au secours ! À moi ! Au secours ! À moi ! |
Arthur |
(Entre, portant un chandelier.) C'est pas vrai, Karadoc, bouclez-la ! Qu'est-ce qui se passe, encore ? |
Karadoc |
Y a des spectres. Ils veulent me buter. |
Arthur |
Oh non mais c'est pas vrai... vous croyez pas que vous poussez ? Enfin bon Dieu, si vous avez la trouille des spectres, pourquoi est-ce que vous éteignez les bougies ? |
Karadoc |
Parce que j'ai la trouille des incendies, aussi... |
Arthur |
(Lève les yeux au ciel.) |
(Ouverture.) |
Chambre de Karadoc, nuit. Karadoc et Arthur sont allongés dans le lit. |
Karadoc |
Je suis désolé de vous avoir tiré du lit. |
Arthur |
Non mais c'est pas grave. Essayez de dormir, maintenant. |
Karadoc |
Vous étiez avec Mevanwi ? |
Arthur |
Ah bah... oui. |
Karadoc |
Bah vous avez du bol. |
Arthur |
Oh, bah Karadoc, quoi ? Ça va faire des semaines qu'on a fait l'échange d'épouses, vous allez pas me faire une crise de jalousie maintenant ? |
Karadoc |
Non mais je suis pas jaloux, je dis que vous avez du bol parce que vous avez quelqu'un à côté de vous ! Moi votre femme... enfin, ma femme... j'ai jamais été foutu de la ramener jusqu'ici. |
Arthur |
Je sais bien. Faut que je vous fasse une confession, quand même euh, Karadoc : quand on a fait l'échange d'épouses, je savais que ce serait pas facile de la récupérer. |
Karadoc |
Non mais j'étais au courant avant, et j'ai dit « oui » en toute technique d'arrosage, seulement... |
Arthur |
De quoi ? |
Karadoc |
Quoi « de quoi » ? |
Arthur |
Vous avez dit « oui » en toute quoi ? |
Karadoc |
« En toute technique d'arrosage ». Quand on est au courant des trucs avant, quoi. |
Arthur |
« En toute... connaissance de cause » ? |
Karadoc |
Ah, ouais, voilà. J'ai dit oui en toute connaissance de cause, seulement je pensais pas que ce serait si difficile de la reprendre à Lancelot ! C'est vraiment un gros con, ce mec... |
Arthur |
C'est plus compliqué que ça, mais... oui, il est particulier oui... |
Karadoc |
En plus, je vais être franc. Au début, Guenièvre... je voulais surtout la récupérer par fierté. Je me disais, « C'est ma femme, elle a rien à foutre là-bas avec l'autre con. » Seulement je me demandais quand même ce que ça allait donner entre nous. Est-ce qu'on allait bien s'entendre, euh... est-ce qu'elle allait pas me faire chier sur des trucs de régime... parce que moi, y a un sujet que je prends pas à la légère, c'est la bouffe. |
Arthur |
(Faussement surpris.) Oh ? C'est vrai ? Ah bah ça me coupe les guibolles, ça. |
Karadoc |
Bref. J'étais un peu dans la spectatrice, quoi. |
Arthur |
« L'expectative ». |
Karadoc |
Ouais. Mais maintenant, c'est plus pareil. Maintenant j'ai vraiment envie de la ramener ici. Pas pour faire le mariole. Parce que je sais qu'elle est pas bien. |
Arthur |
Elle est pas bien... là-bas ? |
Karadoc |
Bah non, elle est pas bien ! Je vais même vous dire une chose : elle serait un peu retenue de force par l'autre que ça m'étonnerait qu'à moitié. |
Arthur |
Ah bon ? |
Karadoc |
Ouais, c'est une impression. Du coup, euh... je suis encore plus mal de rien pouvoir faire pour elle. C'est quand même ma femme, merde. |
Arthur |
Je suis, euh... je suis désolé, Karadoc. Sincèrement. Euh... par rapport à vos paniques nocturnes là, ça vous dirait pas que je vous trouve quelqu'un pour euh... dormir avec vous ? Juste pour cette nuit, hein, c'est... bon je sais bien que ça vaut pas votre femme hein, ni l'ancienne ni la nouvelle mais enfin... ne serait-ce qu'une présence, ça vous réconforterait peut-être ? |
Karadoc |
Parce que vous restez pas, vous ? |
Arthur |
Je... faut que je dorme, Karadoc, j'en peux plus... faut que je me lève demain... non mais je vous trouve quelqu'un. Alors bon c'est pas pour euh... |
Karadoc |
Pour quoi ? |
Arthur |
Bah c'est pour dormir, quoi, je veux dire c'est pas pour euh... |
Karadoc |
Pour quoi ? |
Arthur |
Comment « pour quoi », c'est pas pour... enfin vous comprenez bien ce que je veux dire, non ? |
Karadoc |
Non. |
(Fermeture.) |
Chambre de Karadoc, nuit. Karadoc est au lit avec un serviteur, Arthur s'apprête à partir. |
Arthur |
Bon ! Bah voilà, vous allez être bien, là. Alors le truc, c'est qu'il parle pas la langue. Hein, moi je lui ai fait le topo en latin parce que... il a quelques notions, mais... |
Karadoc |
Je connais un truc en latin. « Cave canem ». |
Arthur |
Euh... ouais, ça veut dire « attention au chien ». Allez pas lui dire ça, parce que... il va pas piger. Et puis voilà ! Vous vous détendez, vous vous reposez hein, je lui ai dit de rester jusqu'à ce que vous vous endormiez. |
Karadoc |
Merci, Sire ! |
Arthur |
Je vous en prie. (Se tourne, puis se ravise.) Euh... ouais... point de vue garçons, vous en êtes où, vous ? |
Karadoc |
C'est-à-dire ? |
Arthur |
C'est-à-dire, euh... vous c'est gonzesses-gonzesses, ou... parce que sinon c'est quand même carrément le traquenard, pour le petit là. |
Karadoc |
Je comprends pas. |
Arthur |
Est-ce que vous aimez faire des saloperies avec les garçons ou non ? |
(Noir.) |
Karadoc |
Ah bah non, j'aime déjà pas ça avec les filles, alors euh... |
(Stab final.) |