Cour du château, jour. Calogrenant, Perceval et Karadoc discutent. |
Calogrenant |
À ça il était, à ça ! L'autre, il était empêtré dans les hautes herbes, il avait qu'à tendre son épée droit devant il le tuait ! |
Karadoc |
Mais Bohort, il sort pas son épée ! |
Calogrenant |
Ah si si, il la sort ! Mais il s'en sert de canne pour marcher. |
Karadoc |
Ou des fois, il met une saucisse au bout pour mettre au-dessus du feu. C'est moi qui lui ai appris. |
Calogrenant |
J'en reviens pas. Le chef, il pouvait buterbuter (v.) Tuer En savoir plus le chef. La guerre était finie, on restait ici peinards. |
Perceval |
Vous savez, faudrait que vous preniez cinq minutes pour lui apprendre à se battre. |
Calogrenant |
Figurez-vous que j'ai autre chose à faire ! |
Perceval |
Ouais, pareil. Nous on pourrait le faire, surtout pour la partie technique. On est sans arrêt en train de faire évoluer, alors... |
Karadoc |
C'est trop pointu. Il serait perdu. |
(Ouverture.) |
Chambre de Bohort, matin. Arthur se tient debout à côté du lit de Bohort, où ce dernier dort. |
Arthur |
(Jette un seau d'eau au visage de Bohort.) Allez hop ! Debout ! (Tape sur le lit.) |
Bohort |
Mais... mais Sire, que se passe-t-il ? |
Arthur |
Il se passe que c'est l'heure. Alors, mettez vos michesmiche (n.f.) Fesse En savoir plus dans vos vêtements, on y va ! (Jette les vêtements de Bohort sur ce dernier.) |
Bohort |
Mais ? On va... où ça ? |
Arthur |
Dans la cour pour votre entraînement ! |
Bohort |
Mais... mon entraînement de quoi ? |
Arthur |
Votre entraînement aux armes. À propos, où est-elle ? |
Bohort |
Vous cherchez quelque chose ? |
Arthur |
Votre épée. |
Bohort |
Mais elle n'est pas là ! |
Arthur |
Pas là ? Un chevalier ne reste jamais loin de son épée ! |
Bohort |
Je vais pas garder une épée dans ma chambre... imaginez que je me coupe... |
Cour du château, jour. Arthur et Bohort se font face. |
Arthur |
Bon, la première chose à maîtriser, c'est la distance. |
Bohort |
(Rassuré.) Ah bon... |
Arthur |
De quoi « ah bon » ? |
Bohort |
Non mais moi, tant qu'on parle pas de se battre, tout va bien ! |
Arthur |
Mais de quoi croyez-vous qu'on parle, andouille ? |
Bohort |
Ben, vous me dites « les distances »... |
Arthur |
Les distances de combat ! |
Bohort |
(Déçu.) Évidemment... |
Arthur |
Je vais vous dire une chose Bohort, le fait que vous n'ayez pas... (Se ravise et reprend plus bas.) Le fait que vous n'ayez pas fait vos classes, passe encore, quoi que je me trouve déjà très sympathique de pas déjà vous avoir foutu à la porte de la Table ronde, mais alors que vous me loupiez un coup comme celui de l'autre fois alors ça, ça c'est intolérable. |
Bohort |
Je sais, j'étais pétrifié. Ce chef vandale était une monstruosité ! |
Arthur |
Je veux pas le savoir ! Alors, on va tout reprendre depuis le début, moi je vais vous les faire vos classes. Allez, en piste ! Donc, comme je disais la première chose à maîtriser c'est... |
Bohort |
(Ne répond rien.) |
Arthur |
La distance ! Alors mettons que là, je sois menaçant. À quelle distance croyez-vous qu'il faille se tenir de moi pour prendre le moins de risques possible ? |
Cour du château, jour. Arthur et Bohort se font face. |
Arthur |
Voilà donc là on est d'accord, la distance ça n'allait pas. |
Bohort |
Je sais. Ça aurait été que de moi« n'être que de (quelqu'un) » (loc.) Ne dépendre que de quelqu'un En savoir plus, j'aurais été plus derrière, dans d'autres fermes, mais... là-bas y a les chèvres et les béliers. Ça vaut pas le coup d'éviter un danger pour se précipiter dans un autre ! |
Arthur |
Je... persiste à croire que c'était un poil trop loin, (se rapproche de Bohort) alors que là, vous voyez, en revanche, là c'est un petit peu trop près. (Décoche un violent coup de poing à Bohort.) |
Bohort |
Mais... mais Sire ? |
Arthur |
Rien ne vaut l'exemple. Votre position n'était pas sécurisée. |
Bohort |
Mais vous auriez pu me le dire ! |
Arthur |
Oui bah voilà, je vous le dis. Là, on est en combat à mains nues. Je pense que la bonne distance c'est à peu près ça parce que pour vous toucher, je dois faire un pas. (Fait un pas en avant et fait semblant de porter un coup de pied au buste de Bohort.) Voyez-vous ? |
Bohort |
Mais c'est quoi que vous faites, là ? |
Arthur |
De quoi « c'est quoi » ? Je vous donne un coup de pied. |
Bohort |
Un coup de pied dans le buste ? Mais, c'est de la folie ! La douleur doit être atroce... |
Arthur |
(Frappe un coup de pied sauté dans le buste de Bohort.) |
Cour du château, jour. Arthur et Bohort se font face, Bohort est plié en deux et se tient le ventre. |
Arthur |
Vous n'avez pas pris assez de coups, Bohort. Du coup, vous n'avez même pas la présence d'esprit d'esquiver. |
Bohort |
(À peine audible, à bout de souffle.) À chaque bataille, je fais tout pour rester au camp à surveiller les chevaux. C'est une forme d'esquive... |
Arthur |
Vous voulez pas au moins essayer d'apprendre une... une parade de coup de pied, ou de coup de poing ? Ou n'importe quoi, une parade de pichenette, je sais pas ? |
Bohort |
Attendez... avant tout, je pense qu'il serait judicieux que je vomisse. |
(Fermeture.) |
Cour du château, jour. Arthur et Bohort se font face, en position de combat à mains nues. |
Arthur |
Vous êtes prêt ? |
Bohort |
Je sais pas... |
Arthur |
Allez allez allez, concentrez-vous. Hop ! (Porte un coup à Bohort, qui le pare.) |
Bohort |
Ah mon dieu, c'est ça ? C'est ça, n'est-ce pas, j'ai paré le coup ! |
Arthur |
Mais oui mais parfaitement ! Et puis alors maintenant, vous en profitez pour me... ré-attaquer. |
Bohort |
Ah ben non quand même, il faut pas exagérer... |
Arthur |
Allez allez allez allez allez, hop ! (Replace les bras de Bohort dans la bonne position.) Vous êtes prêt ? Hop ! (Porte un coup à Bohort, qui le pare.) |
Bohort |
(Assène un violent coup de poing à Arthur.) |
Arthur |
(S'effondre.) |
Bohort |
Sire ! Sire ! Répondez-moi ! Je ne voulais pas... |
(Noir.) |
Bohort |
Je suis un misérable ! |
(Stab final.) |