Plage, jour. Arthur et Manilius, dont la barque vient d'accoster en Bretagne, refusent d'en descendre. Merlin, le père Blaise et le maître d'armes, déjà sur la plage, s'impatientent. |
Merlin |
Non mais sans blague, qu'est-ce que vous foutez ? |
Le père Blaise |
J'en sais rien, je comprends pas ce qui se passe... |
Le maître d’armes |
Regardez-moi la jolie petite paire de fillettes, si c'est pas fragile ! |
Arthur |
C'est une blague, le temps qu'il fait, là ? |
Manilius |
Parce que sinon, on n'est pas du tout équipés... |
Le père Blaise |
Ici, quand il fait ce temps-là, on dit que c'est vivifiant ! |
Arthur |
Ouais... hé bah à Rome, quand il fait ce temps-là... |
Manilius |
Non, à Rome il fait pas ce temps-là, déjà... |
Arthur |
Déjà, oui, exactement ! Ça a pas dû arriver depuis l'ère glacière... |
Le maître d’armes |
Ouais, mais si vous restez figés comme deux mémés dans votre barquette, mes petits bijoux... vous allez forcément finir par vous les geler ! |
Manilius |
Ouais il a raison, faut bouger, là... |
Arthur |
« Faut bouger »... hé bah bouge, toi, si le cœur t'en dit, te gêne pas ! |
Manilius |
(Sort de la barque et va se placer vers Merlin, le père Blaise et le maître d'armes.) |
Arthur |
(Se hisse hors de la barque et place pour la première fois depuis longtemps le pied en Bretagne.) |
(Ouverture.) |
Plage, jour. Aziliz et Tumet sont assises sur la plage, non loin de la barque d'Arthur qui vient d'accoster, et observent au large le trirème dont est partie la barque. Manilius s'approche d'elles, portant un signum orné de l'aigle impérial. |
Manilius |
(Plante le signum dans le sable et regarde la mer, lyrique.) Face... à la puissance de la nature... les conquêtes de l'Homme paraissent bien dérisoires. Non ? |
Aziliz |
Il est à vous, le bateau, là-bas ? |
Manilius |
Ouais, c'est celui de mon copain ! |
Arthur |
(Arrive en courant.) Non non non, non non non ! Non non non non ! Non non non, c'est pas à nous ça, on l'a... on l'a volé ! |
Manilius |
Ah ouais, mieux, ça... (À Aziliz et Tumet.) Ça vous dirait de faire un tour dessus ? |
Tumet |
C'est un bateau romain ? |
Manilius |
Ouais, un bateau de guerre. |
Arthur |
Oui, parce qu'on l'a volé aux Romains. |
Manilius |
Exactement. On est des hors-la-loi spécialisés dans le vol de bateaux de guerre romains. |
Arthur |
(Lève les yeux au ciel.) |
Aziliz |
Mais... c'est pas des uniformes d'officiers romains, que vous portez ? |
Manilius |
Si ! |
Arthur |
Si, parce qu'on les a trouvés sur le bateau. On les a mis. |
Aziliz |
Mais... vous êtes pas romains ? |
Arthur |
Non. Non, on n'est pas romains. Je suis breton, moi. |
Manilius |
Ouais allez, moi aussi. |
Tumet |
On les aime pas, les Romains, nous ! |
Arthur |
Mais nous non plus, on peut pas les blairerblairer (v.) Supporter, apprécier En savoir plus. |
Manilius |
C'est pour ça, on leur pique tout le temps des trucs, des euh... des fringues, des bateaux... |
Aziliz |
Ils ont tué notre mère sous nos yeux, quand on avait sept ans. |
Tumet |
Mais notre mère, elle venait de tuer soixante Romains d'un coup, en empoisonnant la nourriture d'un camp ! |
Arthur |
Ouais... euh... nous, il faudrait qu'on se rende au camp fortifié qu'il y a juste à côté du mur d'Hadrien. |
Aziliz |
Pour quoi faire, un attentat ? |
Tumet |
Ils vous laisseront pas approcher, hein ! |
Manilius |
Non mais on va se démerder... avec les uniformes, ça va passer ! |
Arthur |
Ouais, ils sont tellement cons, de toute façon... |
Tumet |
Notre frère, il dit qu'un jour, il dira à notre père qu'il part à la pêche, mais en fait il partira attaquer un bateau comme celui-là, avec sa barque ! |
Manilius |
Votre frère, il va attaquer un trirème avec une barque ? |
Tumet |
Ouais ! |
Aziliz |
Il attend le bon moment, et il y va ! |
Tumet |
Pour le camp... (indique une direction) vous longez la côte, par là, jusqu'au mur... et au mur, vous longez le mur jusqu'au camp. |
Manilius |
(Acquiesce et part, laissant le signum planté.) |
Arthur |
(Jette le signum par terre et part.) |
Camp de Léodagan, jour. Léodagan et Goustan discutent. Séli et Guenièvre sont assises non loin. |
Léodagan |
Un nouveau Pendragon ? Vous croyez que c'est bon, pour nous, ça ? |
Goustan |
Tout dépend. |
Léodagan |
Non mais ça, « tout dépend », euh... tout dépend toujours un peu ! |
Goustan |
Tout dépend si le fils ressemble au père ! C'est le même genre de taré ? |
Léodagan |
Est-ce que je sais, moi ? Je l'ai jamais vu, le fils ! |
Goustan |
Ah, le père c'était un gros dingo, hein ! C'est tout ce que je peux dire ! |
Séli |
C'est maintenant que vous vous demandez si c'est un taré ? |
Guenièvre |
Oui, parce que je vous signale que je vais me marier avec, hein... |
Séli |
Non parce que si il faut éviter à la Bretagne trente ans de merdier, il faut peut-être le buter, votre nouveau roi, au lieu de lui servir à bouffer ! |
Guenièvre |
Ah mais parce que vous allez le buter ce soir ? Déjà ? |
Léodagan |
Voyons ce qu'il vaut, d'abord, euh... il sera toujours temps de le buter après ! |
Goustan |
Oh là là, on réfléchit avant d'agir... |
Léodagan |
Mais quoi, qu'est-ce qu'il y a ? |
Goustan |
Je vous ai donné le pouvoir, je vais pas vous le reprendre... mais essayez quand même de pas devenir une tarlouze... (Part.) |
Tente des hommes de Macrinus, jour. Macrinus et Cordius attendent, Arthur, Manilius, Merlin et le père Blaise arrivent. |
Arthur |
Ave, général. |
Macrinus |
Ave général. |
(Arthur et Macrinus se regardent en silence.) |
Cordius |
Bon... je pense que vous avez des tas de choses à vous dire... |
(Arthur et Macrinus restent silencieux.) |
Cordius |
Ou pas... mais de toute façon c'est le protocole, vous êtes obligés d'avoir un entretien privé... à l'intérieur. |
Macrinus |
C'est le protocole, ça ? |
Cordius |
Ah oui, et puis... c'est pas moi qui l'ai inventé ! |
Merlin |
« Privé », ça veut dire, euh... sans nous ? |
Cordius |
Oui, juste les deux ! Le nouveau dux bellorum, et puis euh... l'ancien, là ! (À Macrinus.) Enfin, « l'ancien », je... ne le prenez pas mal, hein. |
Manilius |
Même moi, je peux pas assister ? |
Le père Blaise |
Sans nous, ça veut dire sans vous non plus. Essayez de vous tenir à votre place. Déjà que vous la méritez pas... |
Manilius |
Ouais, c'est bien qu'on reste un peu dehors... comme ça je pourrai vous mettre une grosse tarte en plein air. |
Arthur |
Ça suffit ! |
Macrinus |
Faut se parler... parlons-nous ! (Sort.) |
Arthur |
(Suit Macrinus.) |
Tente de Macrinus, jour. Arthur et Macrinus sont assis l'un en face de l'autre, en silence. |
Macrinus |
Elles sont belles, tes bagues. (Désigne la bague de contrôle des lames.) Celle-là, c'est quoi ? |
Arthur |
C'est un cadeau de l'empereur. (Désigne une bague de Macrinus.) |
Macrinus |
Ma femme. (Désigne une autre bague d'Arthur.) Et celle-là ? |
Arthur |
Mariage. |
Macrinus |
Quand j'ai été affecté ici, j'ai cru que c'était une punition. Puis on m'a expliqué que c'était un honneur. Je prends toujours tout de travers. Et toi ? |
Arthur |
Moi quoi ? |
Macrinus |
T'as pas l'impression que c'est une punition ? |
Arthur |
Euh... je saurais pas dire... |
Macrinus |
Bah c'en est une. |
Arthur |
Mais pourtant, j'ai rien fait de mal... |
Macrinus |
Bah je me doute, j'ai pas dit que c'était logique... |
Arthur |
Sinon ? Un petit... conseil ? Un mot sur les Bretons ? |
Macrinus |
J'ai tenu un journal. Presque tous les jours à partir de la deuxième année. J'écrivais quelques lignes sur une tablette. À la fin, y en avait presque trois mille ! Il fallait une tente exprès pour les stocker. (Soupire.) Ça aurait été intéressant que tu les lises. C'est dommage. |
Arthur |
Pourquoi, elles sont où ? |
Macrinus |
Fondues. |
Arthur |
Fondues... y a eu un incendie ? |
Macrinus |
Ouais ! J'ai foutu le feu à la tente. Tu regarderas derrière, y a une grande flaque de cire... figée par terre. |
Arthur |
Mais... pourquoi vous avez fait ça ? |
Macrinus |
Bah, c'était trop triste, ce qu'il y avait dedans... ça donnait une fausse image de moi... parce que je suis d'un naturel rieur ! D'après ma grand-mère en Macédoine, quand j'avais deux ans, j'étais blond, bouclé, et je souriais à tout le monde, même aux étrangers. Toi, par exemple, euh... (se lève) si tu m'avais connu, quand j'avais deux ans... je t'aurais sûrement souri ! Tu sais, comme j'ai détruit les tablettes... tu tomberas peut-être sur des gens qui voudront savoir comment j'étais... dis-leur ça : « Blond, bouclé, toujours le sourire aux lèvres. » « Blond, bouclé, toujours le sourire aux lèvres. » (S'apprête à sortir.) « Toujours le sourire aux lèvres. » (Sort.) |
Tente des hommes de Macrinus, jour. Manilius, le père Blaise, Cordius et Merlin sont assis et attendent. |
Arthur |
(Arrive.) |
Cordius |
(Se lève.) |
Arthur |
Il est parti ? |
Cordius |
Oui. |
Arthur |
Mais... il a pas fait de discours aux hommes ? |
Cordius |
Non. Il est parti. |
Le père Blaise |
Il a même pas voulu prendre ses bagages. |
Merlin |
Direct au bateau, pfuit ! Comme ça. |
Cordius |
Ouais. |
Arthur |
(À Cordius.) Et... vous, vous l'avez pas suivi ? |
Cordius |
Ben il a pas voulu ! |
Le père Blaise |
En même temps, il avait pas l'air d'aller mal... |
Merlin |
Il souriait ! |
Cordius |
Ouais... |
Arthur |
(Après réflexion.) Et... moi, vous pensez qu'il faut que je fasse un discours aux hommes, ou pas ? |
Cordius |
Bah... là les hommes, ils sont sous la tente... ils ont pas envie de vous voir, pour le moment, quoi... |
Arthur |
Ils ont pas envie de me voir ? |
Manilius |
C'est une mutinerie. |
Cordius |
Mais non ! Non, ils sont juste un petit peu... tristounets, c'est tout... bon, ben là y a deux écoles, hein... soit vous les punissez pour qu'ils sachent tout de suite à qui ils ont affaire, soit euh... |
Arthur |
Non non, merci, merci, ça ira... bon venez avec moi, faut que je vous parle. (Sort.) |
Cordius |
(Suit Arthur.) |
Tente de Macrinus, jour. Arthur entre, suivi de Macrinus. |
Cordius |
Allez... faut pas vous formaliser... ah il vous faudra peut-être un peu de temps pour les apprivoiser ! |
Arthur |
Et vous ? Il va me falloir un peu de temps pour vous apprivoiser, aussi ? |
Cordius |
Non, moi je suis plutôt le bon gars... et puis j'ai une nature à prendre soin d'autrui... je tiens ça de ma tante ! |
Arthur |
Ah bon ? |
Cordius |
Ouais, une femme exceptionnelle... avec son petit caractère hein, attention ! Je me souviens d'une fois, d'ailleurs... |
Arthur |
Ouais, alors... ça vous me le raconterez demain... en attendant, il faut que je parte en mission d'espionnage. Alors vous allez me trouver des vêtements locaux. |
Cordius |
Des vêtements locaux ? |
Arthur |
Voilà. Pour moi et pour le centurion Appius Manilius, aussi. |
Cordius |
Mais, euh... enfin, je veux pas discuter les ordres, hein... mais... vous savez qu'on a des espions, ici ? |
Arthur |
Oui oui, non non mais je sais bien, mais... comme je viens juste d'arriver, tant que je les ai pas... « apprivoisés », comme vous dites, je préfère pas trop leur demander des trucs tout de suite, aux gars, voyez... |
Cordius |
Remarquez, ça... ce serait tout à fait propre à les apprivoiser... dux bellorum, qui fait son espionnage lui-même... |
Arthur |
Ben ouais. J'ai su rester simple. |
Cordius |
Ouais. |
Arthur |
Mes vêtements ? |
Cordius |
Ah oui ! (Commence à partir, puis se retourne.) Ah, euh... quand vous dites « vêtement locaux », euh... c'est locaux d'ici ? |
Arthur |
« Locaux d'ici » ? |
Cordius |
Oui, locaux de Bretagne ? |
Arthur |
Ben... oui... |
Cordius |
Ah ben ouais ! (Sort, amusé.) |
Arthur |
(Reste pantois.) |
Camp de Léodagan, jour. Léodagan, Séli, Guenièvre, Goustan, Calogrenant, Loth, Ketchatar et Hoël discutent. |
Ketchatar |
Attendez, attendez, qu'est-ce que c'est que cette embrouille, là ? |
Hoël |
Comment ça, « il a pas encore l'épée » ? |
Ketchatar |
Hou là là, mais j'avais pas compris ça, moi ! |
Léodagan |
Vous comprenez jamais ce qu'il y a à comprendre, de toute façon, vous êtes complètement à côté de vos pompes ! |
Calogrenant |
D'après le dernier rapport des espions, l'épée est toujours plantée dans le rocher, voilà. |
Loth |
Donc, vous nous invitez dans votre gourbi, pour rencontrer le nouveau roi de Bretagne... sauf qu'il existe pas encore ? |
Léodagan |
C'est pas qu'il existe pas encore... il est pas confirmé. |
Séli |
Donc, à l'heure qu'il est, là maintenant... c'est toujours un peigne-cul comme un autre ! |
Léodagan |
Oui vous avez raison, soyez pas trop de mon côté, on aurait l'air un peu « couple à la con » à être tout le temps d'accord... |
Séli |
Mais quoi, c'est vrai ou c'est pas vrai ? |
Guenièvre |
« Peigne-cul », « peigne-cul »... un type que je dois épouser dans les jours qui viennent... ah, c'est... encourageant... |
Hoël |
Mais qui est-ce que vous allez épouser ? |
Ketchatar |
Le nouveau roi ? |
Loth |
Ah bah d'accord ! Y en a qui ont déjà placé leurs pions ! Y a même pas encore de roi que y a déjà une reine ! |
Léodagan |
Oui ben je vous expliquerai. |
Guenièvre |
C'est pour la politique ! |
Séli |
Ah non ! Non c'est un mariage d'amour, on vous a déjà dit ! |
Guenièvre |
Ah oui, pardon... oui, mais sauf que je le connais pas, alors... comment vous expliquez... |
Séli |
Non mais l'amour ça s'explique pas. |
Hoël |
Et si il retire pas l'épée, l'autre kiki ? Le mariage, ça tient toujours ? |
Goustan |
Bon, alors écoutez-moi bien les sent-la-pisse... premièrement, vous êtes peut-être en train d'injurier un roi désigné par les dieux ! Et s'il est bien un truc dont il faut pas se foutre, c'est les dieux ! Deuxièmement, si vous rentrez pas vos miches dans la tente, on n'est pas près de nous servir le repas, et moi je crève de faim ! |
Séli |
Ah non ! Ah non non, mais le repas c'est pas là ! Non, j'ai dit que je pouvais vous préparer un en-cas juste pour vous, pour patienter, mais... je sers pas les repas maintenant ! |
Goustan |
Ah bon, j'ai un en-cas... ah, mais ça va... ah bah excusez-moi, les ramasse-merdes ! Comme si j'avais rien dit... |
Forêt, jour. Arthur et Manilius marchent sur un sentier, suivis par Merlin et le père Blaise. |
Merlin |
Je vous préviens, il faut pas vous attendre à des miracles, hein... |
Manilius |
Ils ont fait une quête, ou ils ont pas fait une quête ? |
Merlin |
Oui, ils ont fait une quête, mais bon... |
Arthur |
Mais bon quoi ? |
Merlin |
Ben pour certains, euh... ça va pas être la quête, euh... |
Le père Blaise |
Ça va pas être la quête quoi ? |
Merlin |
Ah, mais vous voyez bien ce que je veux dire, non ? |
Arthur |
Ben non, désolés non, on voit pas... ceux qui ont pas réussi à se distinguer par un fait d'armes spectaculaire, on les prend pas et puis c'est tout, je vois pas ce que ça a de compliqué... |
Merlin |
Après, tout dépend de ce que vous entendez par « spectaculaire »... |
Manilius |
Quelque chose que peu de gens peuvent faire ! Quelque chose de rare ! |
Le père Blaise |
Quelque chose qu'on puisse écrire, et qui impressionne les générations futures. |
Merlin |
Ah ouais non mais là je préfère être franc... je suis pas certain que les mecs se pointent avec des trucs qui impressionnent les générations futures ! |
Le père Blaise |
Les gars du coin, il faut admettre, euh... c'est pas franchement ce qu'on pourrait appeler des flèches, hein... |
(Perceval et Karadoc surgissent d'un fourré en hurlant, jettent de la poudre au visage d'Arthur et Manilius, vont se réfugier dans un autre fourré, puis en ressortent en criant de douleur.) |
Merlin |
Non attendez, je les connais, eux ! |
Arthur |
Vous les connaissez ? |
Merlin |
Ben il me semble. |
Manilius |
Pourquoi ils gigotent comme ça ? |
Perceval |
On a sauté dans les orties ! |
Karadoc |
Ça pique ! |
Le père Blaise |
Qu'est-ce que c'est qu'ils vous ont balancé, là ? |
Karadoc |
Du sable pilé. |
Arthur |
Du ? Sable pilé ? |
Manilius |
Qu'est-ce que c'est, ça ? |
Karadoc |
On a pris du sable et on l'a pilé. |
Perceval |
Pour que le grain soit plus fin et que ça rentre mieux dans les yeux. |
Karadoc |
Sauf qu'on l'a pilé trop fin, et on dirait de la fumée maintenant quand on le jette... |
Perceval |
Ouais, la prochaine fois on fera mi-fin. |
Karadoc |
Ouais. |
Le père Blaise |
Et ça nous explique pas pourquoi ils nous ont attaqués, euh... |
Perceval |
(À Karadoc, désignant Merlin.) Ah mais regardez ! C'est le barbu qui est venu parler des quêtes ! |
Karadoc |
Ah ouais ! |
Le père Blaise |
(À Merlin.) Vous êtes allé chez eux ? |
Merlin |
Bah... sûrement, s'ils m'ont déjà vu... |
Le père Blaise |
Mais vous vous souvenez pas ? |
Merlin |
Ah mais foutez-moi la paix ! J'ai traversé l'île en long, en large et en travers ! Pareil en Aquitaine et en Armorique ! Vous croyez que je me souviens de tous les trous du cul à qui j'ai balancé mon laïus ? |
Karadoc |
Mais si, Karadoc, à Vannes ! J'étais avec un putain de Chinetoque ! |
Perceval |
Et moi c'était au pays de Galles, à la ferme de mon père ! Pellinor, un vieux tout cradingue, con comme ses pieds ! Il vous a tenu la jambe pendant une plombe avec ses histoires de céréales ! |
Merlin |
Ah bah oui, peut-être... mais pourquoi vous nous attaquez, du coup ? |
Karadoc |
Mais on vous avait pas vu, vous... |
Perceval |
Comme quête, on voulait attaquer des Romains ! Alors, comme ceux-là ils ont des épées romaines... |
Le père Blaise |
Oui, bah vous venez juste d'attaquer le futur roi de Bretagne, hein... chapeau... |
Perceval |
Ah merde... |
Karadoc |
Bah... du coup, c'est pas plus mal qu'on ait foiré... |
Perceval |
Ouais, en même temps ça vous a prouvé qu'on n'avait pas froid au ventre ! |
Arthur |
Aux yeux ! |
Perceval |
Comment ? |
Arthur |
Aux yeux, pas froid aux yeux. |
Karadoc |
Froid aux yeux ? Comment c'est possible, ça ? |
Perceval |
Bah... si, à la limite, avec du vent... mais bon... si on a froid aux yeux, on les ferme ! |
Karadoc |
Bah ouais, ça fait comme une sorte de... de seconde couche ! |
Perceval |
Alors que le ventre, euh... si on n'a pas son vêtement, on est marron ! |
Karadoc |
Ben carrément. |
Perceval |
Ouais, c'est pour ça il faut se méfier quand même, hein... non ? |
Abords du rocher, jour. Arthur, Manilius, le père Blaise et Merlin marchent en direction du rocher, suivis par Perceval et Karadoc. Le temps s'est considérablement refroidi. |
Arthur |
Bon sang mais c'est pas vrai, qu'est-ce que c'est que ce patelin merdique, on se caille, tout d'un coup, là ! |
Perceval |
Ça nous fait tous du bien ! Ici c'est connu pour être vivifiant ! |
Karadoc |
Il parait même que tous les Bretons se pointent ici pour la vivifianceté. |
Merlin |
Ouais enfin ils se pointent surtout pour essayer de retirer l'épée... |
Karadoc |
Peut-être, mais aussi pour la vivifianceté ! |
Manilius |
C'est quoi là, le... le truc blanc, par terre ? |
Merlin |
Quel truc blanc, la neige ? |
Manilius |
C'est de la neige, ça ? Viens on rentre Arturus... on retourne à Rome... on va quand même pas rester dans un pays où y a de la neige ? |
Karadoc |
Non mais c'est rien, ça, c'est l'altitude... |
Merlin |
L'altitude, l'altitude... |
Le père Blaise |
Il faut dire aussi que... autour du rocher, y a comme un espèce de micro-climat... |
Merlin |
« Un micro-climat », vous dites comme ça, vous ? Moi j'appelle ça une malédiction... |
Le père Blaise |
Ah ! Bah ça y est, la revoilà, la fameuse malédiction ! Ça c'est votre côté druide, ça... |
Merlin |
Pardon, mais le fameux micro-climat, c'est votre côté con ! Parce qu'il faut pas être bien malin pour comprendre que ça fait vingt ans que l'épée est coincée dans ce rocher, vingt ans qu'on n'a pas de roi, et que les dieux ont maudit la région ! Y a de la neige toute l'année ! |
Le père Blaise |
Mais forcément que y a de la neige toute l'année, puisque y a un micro-climat ! |
Merlin |
Zut ! |
Arthur |
Dites, excusez-moi... le truc là-bas en haut, c'est pas le rocher, ça ? |
Le père Blaise |
Ah si si, exactement, ouais. |
Manilius |
Mais y a de la neige partout, là... viens on rentre Arturus, on rentre a Rome ! |
Perceval |
Ah mais il casse l'ambiance, celui-là ! C'est fini ou pas ? |
Karadoc |
Hé, quand on se promène, on profite et on n'emmerde pas les autres ! |
Manilius |
Allez, on se casse avant de perdre un orteil ! Je préfère être un grouillotgrouillot (n.m.) Subalterne chargé de petites besognes, serviteur, domestique En savoir plus à Rome que chevalier ici ! |
Le père Blaise |
Ah parce que vous êtes déjà chevalier, vous ? Hé ben, ça va vite... |
Arthur |
Bon, vous allez m'attendre là. |
Le père Blaise |
Vous attendre là, mais pourquoi ? |
Arthur |
Parce que, j'ai pas envie que vous soyez là à me regarder, si jamais ça foire je veux être tout seul. |
Merlin |
Dites pas ça, vous allez vous porter la poisse ! |
Le père Blaise |
Si vous êtes pas vaillant, les dieux risquent de pas vous reconnaître et de bloquer l'épée ! |
Arthur |
Attendez-moi là, je reviens. |
Rocher d'Excalibur, jour. Arthur progresse dans la neige et s'approche d'Excalibur. |
Arthur |
(Atteint Excalibur, puis se retourne et fait signe aux autres, restés plus bas.) |
La Dame du Lac |
(Apparaît, sa tête occupant une bonne partie du ciel.) Je viens juste pour regarder. |
Arthur |
Je me disais aussi... je trouvais bizarre que vous soyez pas encore venue ! |
Merlin |
(Hors-champ, au loin.) De quoi ? |
Arthur |
(Criant.) Rien ! (À la Dame du Lac.) Et si jamais je foire ? |
La Dame du Lac |
Y a pas de raison. |
Arthur |
Ouais mais... si jamais je foire sans raison ? |
La Dame du Lac |
Allez-y, on verra bien ! |
Arthur |
(Se frotte les mains.) Non mais partez. Partez, vous me donnez le trac, à me regarder comme ça. |
La Dame du Lac |
Ah bah non, quand même... |
Arthur |
Non mais vous... vous foutez le camp, c'est tout ! |
La Dame du Lac |
(Soupire et disparaît.) |
Arthur |
(Souffle sur ses mains, les frotte, puis retire brusquement Excalibur du rocher, avant de la brandir pour la montrer aux autres et redescendre.) |
Forêt, jour. Arthur et Manilius marchent sur un sentier, suivi de Merlin et du père Blaise, eux-mêmes suivis de Perceval et Karadoc. |
Arthur |
Dans une taverne, vous êtes sûr ? |
Manilius |
Comme endroit secret, vous avez rien trouvé de plus... |
Merlin |
De plus quoi ? |
Manilius |
Je sais pas... de plus secret ? |
Merlin |
En tout cas, c'est une taverne où y a pas de Romains. |
Le père Blaise |
Ah mais... recruter des chevaliers au bistrot, c'est quand même pas top prestige... |
Merlin |
Oui, hé bah c'est ça ou dehors ! |
Manilius |
Ah non, dehors ça caille ! |
Arthur |
Non non mais c'est bon, la taverne ça va très bien ! (Dégaine sa spatha pour la comparer à Excalibur.) |
Perceval |
Non mais elle est bien, cette taverne ! On commence à pas mal la connaître, nous ! |
Karadoc |
Vu qu'on maîtrise le terrain, on vous filera un coup de main. |
Perceval |
Ouais ! Placer les mecs, euh... faire une file d'attente... dehors, on peut... |
Arthur |
(Interrompant Perceval.) Non non mais ça va, merci ! |
Merlin |
Remarquez, ce serait pas bête... vu le paquet de monde qui risque de se pointer... |
Karadoc |
Ouais, on vous arrange les tables, et tout... |
Perceval |
Et ceux qui emmerdent le monde parce qu'ils ont pas été choisis ou quoi que ce soit, on les dégage ! |
Karadoc |
Ne vous inquiétez pas, on s'occupe de tout ! |
Arthur |
(À Manilius, discrètement.) C'est qui, déjà, ces deux glands ? Qu'est-ce qu'ils foutent, là, à nous suivre ? |
Manilius |
Tu les vireras pendant le recrutement, on s'en fout... |
Arthur |
Ouais... je vais pas me les farcir longtemps, ceux-là... |
Tente de Léodagan, soir. Léodagan, Loth, Ketchatar, Hoël et Calogrenant sont à table, en silence. |
Hoël |
Donc si je comprends bien, nous on bouffe pas ? |
Léodagan |
Mais... pourtant... si ! Si, normalement y a un repas de prévu... |
Hoël |
Bah il est où ? |
Calogrenant |
Vous êtes sûr ? |
Léodagan |
Bah, je suis sûr, euh... ça fait deux jours que ça parle de bouffe, euh... doit bien y en avoir quelque part, hein ! |
(Guenièvre entre, suivie de Guenièvre et Goustan.) |
Goustan |
(Mange de la viande séchée.) |
Léodagan |
Ah ! Euh... dites... voilà, on se posait la question pour la... pour la bouffe... |
Séli |
Quelle question ? |
Léodagan |
Ben... y en a ? |
Séli |
Ah oui, y en a. |
Guenièvre |
Des pleines malles ! |
Ketchatar |
Ça sent même pas le feu... y a rien qui cuit ? |
Goustan |
Non ! Y a rien qui cuit, mon con ! |
Séli |
Non, c'est que du séché. |
Guenièvre |
(Récitant.) Que du séché, parce que ça se conserve... et que ça se remballe ! |
Léodagan |
Mais euh... c'est-à-dire, « ça se remballe » ? |
Séli |
C'est un repas pour le roi de Bretagne, oui ou non ? Seulement, si jamais votre roi de Bretagne il arrive pas à retirer l'épée, il est donc pas roi de Bretagne ! Donc, quand il sera ici avec l'épée dans les mains je sortirai la bouffe, sinon je remballe tout, je ramène tout en Carmélide. |
Loth |
Ah bah d'accord ! Le roi de Bretagne, il a le droit de bouffer, et nous, euh... on mérite pas ! |
Goustan |
Ah bah oui mes petits trous de cul ! Si le roi est pas là, vous rentrez bouffer chez vous. |
Séli |
Ah non mais y en a marre, de goinfrer des soi-disant chefs de clans sous prétexte qu'ils sont importants ! Non ben s'ils sont importants, ils ont les moyens de se nourrir tout seuls ! |
Léodagan |
Oui non mais oh ! Euh... et moi ? Je bouffe pas non plus, moi ? |
Guenièvre |
Ben si, vous... on peut vous servir, mais... |
Séli |
Si ça vous dérange pas, de... manger devant eux qui vous regardent... |
Goustan |
Moi en tout cas... j'en ai rien à branler ! (Ricane.) |
Taverne, soir. Merlin et le père Blaise sont assis à une table, Galessin est assis en face d'eux. |
Galessin |
Je comprends pas... il est pas là, le roi Arthur ? |
Le père Blaise |
(Lassé.) Si, il est là le roi Arthur, sauf que c'est pas lui qui va vous auditionner ! |
Galessin |
C'est qui, alors ? |
Le père Blaise |
(Désigne Merlin et lui-même, perplexe.) |
Galessin |
C'est vous ? |
Le père Blaise |
Euh... oui, pourquoi ? On vous revient pas ? |
Galessin |
Euh... ben, ça dépend... vous êtes qui ? |
Merlin |
Mais qu'est-ce que ça peut foutre, qui on est, puisque c'est le roi Arthur qui nous a désignés pour vous auditionner à sa place ? |
Galessin |
Et pourquoi il les fait pas passer lui même, ses auditions ? Il est fatigué ? |
Le père Blaise |
Mais il les fait... il les fait à une autre table, hein, parce que vu le monde qu'il y a, on est obligés de s'y mettre à plusieurs, voyez-vous ? |
Galessin |
(Regardant la salle.) Ah, ouais... d'accord... donc en fait, c'est au pif... suivant comme ça tombe, on se retrouve soit à la table du roi, soit à celle des sous-fifres... |
Merlin |
Et qui vous dit qu'il est pas plus sévère que nous, le roi ? Vous avez peut-être plus de chances d'être choisi comme chevalier à notre table qu'à la sienne ! |
Galessin |
Même après vous avoir traités de sous-fifres ? |
Le père Blaise |
Ah, c'est sûr que « sous-fifres », euh... ça joue pas forcément en votre faveur, hein, mais... |
Merlin |
On va s'efforcer de rester objectifs. Une petite question : si vous deviez nous donner l'adjectif qui vous définit le mieux... |
Galessin |
« Déterminé ». |
Le père Blaise |
(Écrivant.) « Déterminé »... |
Galessin |
Non. (À voix basse.) « Fouille-merde »... (plus fort) pardon : « fouille-merde » ! |
Le père Blaise |
(Perplexe.) « Fouille-merde »... |
Le tavernier |
(Arrive, portant un saucisson et un pichet.) Ces Messieurs ! Alors... j'avais un saucisson aux herbes, et une carafe de cache-nez, j'ai bon ? |
Merlin |
Allez-y ! |
Le tavernier |
(Pose le saucisson et le pichet sur la table.) Et hop là ! C'est parti ! (Part.) |
Galessin |
(Regardant la sale.) C'est lequel, le roi Arthur ? |
Le père Blaise |
Ah mais chut ! Il est ici incognito ! |
Taverne, soir. Arthur est assis à une table, Lancelot est assis face à lui. |
Arthur |
(Ravi.) Pardon, mais c'est... c'est dingue ! Vous avez sauvé tout ce monde-là... en si peu de temps ? |
Lancelot |
Qu'est-ce que vous appelez « en si peu de temps » ? Parce que le premier... j'avais sept ans, quand même ! |
Arthur |
Ah mais attendez, mais d'accord... oui mais vous avez pas commencé... là, quand j'ai demandé ? |
Lancelot |
Non... pourquoi ? Il fallait vous attendre ? |
Arthur |
(Souriant.) Non non non, pas du tout, pas du tout... mais de toute façon, même en ayant commencé à sept ans... ça reste tout de même très impressionnant ! |
Lancelot |
C'est mon seul but. Sauver des gens. |
Arthur |
Très bien. Parfait, et vous seriez prêt à vous mettre au service d'une fédération ? |
Lancelot |
Oui. Le seul truc, c'est que... je suis un chevalier solitaire. Ça, j'y tiens beaucoup. |
Arthur |
Un chevalier solitaire, d'accord... et... très bien, mais est-ce que ça va bien... est-ce que ça va bien coller avec le projet, du coup ? Parce que... je vous cacherai pas que y a tout de même une petite idée de... de communauté, voyez ? |
Lancelot |
Non non, c'est bon... du moment que tout le monde est bien au courant que je suis un chevalier solitaire... ça me dérange pas. |
Arthur |
D'accord. |
Lancelot |
Vous voyez ce que je veux dire, ou... |
Arthur |
Non. Non, je vous avouerais que... non, je bite rien... mais ça fait rien ! Ça ne fait rien, je veux dire vous êtes un... un homme courageux, manifestement, euh après vous avez peut-être une conception un peu personnelle de l'indépendance, mais... ça, ça vous concerne. Euh... sinon, simplement, pour finir... si je vous demandais de choisir le qualificatif qui vous définit le mieux ? |
Lancelot |
« Loyal ». |
Arthur |
Très bien. |
Lancelot |
Ça vous va ? |
Arthur |
Oh ben oui, c'est... oui ! Ça, ça... ça va toujours ! |
Le tavernier |
(Arrive, portant deux coupes.) Les deux laits de chèvre, c'est pour ces Messieurs ? |
Arthur |
(Acquiesce.) |
Le tavernier |
(Pose les coupes sur la table.) Bien ! (Part.) |
(Arthur et Lancelot trinquent.) |
Taverne, soir. Manilius et Venec s'éloignent du comptoir. |
Manilius |
Mais attendez, je comprends pas... vous avez accompli quel fait d'armes, au fait ? |
Venec |
Aucun. |
Manilius |
Aucun ? |
Venec |
(S'asseyant devant le maître d'armes.) Les faits d'armes, c'est quand il faut sauver des mecs, et tout ? |
Manilius |
Ouais, par exemple, ouais... |
Venec |
Bon ben... non. |
Le maître d’armes |
Mais... vous avez quand même l'intention de devenir chevalier ? |
Manilius |
(S'assoit à côté du maître d'armes.) |
Venec |
Non plus ! C'est ce que je vous explique depuis trois quarts d'heure. J'en ai rien à foutre de devenir chevalier. Moi ce qui m'intéresse, si y a un nouveau roi qui chapeaute tout le système, c'est d'être en affaires avec ! |
Le maître d’armes |
Ouais non, mais euh... vous avez quand même écouté notre topo sur la fédération ? |
Venec |
Ouais... je vous ai pas coupés en plein milieu, parce que bon... mais effectivement, ça me concerne pas votre bordel. Que vous vous réunissiez pour faire des fédérations, jouer aux cartes... ce qui compte, c'est que ce soit moi qui vous fournisse en putes. Je vous demande pas grand chose ! |
Manilius |
Et si vous deviez choisir l'adjectif qui vous définit le mieux ? |
Venec |
« Idéaliste ». (Cligne de l’œil, fier de sa trouvaille.) |
Manilius |
(Rend son clin d’œil à Venec, sans grande conviction.) |
Le tavernier |
(Arrive, portant du pain et du fromage.) J'ai une miche de pain et un assortiment de fromages secs ! (Pose la nourriture sur la table.) Est-ce qu'ils ont besoin que je recharge en boisson ? |
Le maître d’armes |
(Consterné.) Absolument. |
Manilius |
Ouais. |
Taverne, soir. Perceval et Karadoc sont assis à une table, Bohort est assis en face d'eux. |
Perceval |
C'est ça que vous avez fait ? Foutre la trouille à des bandits ? |
Bohort |
Je les ai définitivement chassés de la région ! |
Karadoc |
Ouais mais sinon, quand le roi vous a demandé un fait d'armes, vous avez fait quoi ? |
Bohort |
Mais... je viens de vous le dire... |
Perceval |
Non mais attendez, on se comprend pas bien, là. Le roi, ce qu'il cherche... c'est des gars qui ont pas froid aux pieds ! |
Bohort |
Froid aux yeux ! |
Perceval |
(Agacé.) Oh, mais non, mais froid nulle part ! |
Karadoc |
Aux pieds, aux yeux... de toute façon, au jour d'aujourd'hui, on ne peut pas se permettre de trimballertrimballer (v.) Transporter, emmener avec soi En savoir plus des mecs frileux. |
Perceval |
Parce que des fois, faudra bosser dehors ! Même en plein hiver ! Ce sera pas le moment de venir réclamer des couvertures, je vous préviens ! |
Karadoc |
Si vous craignez le froid... c'est à vous de vous équiper, mon petit pote ! On n'est pas marchands de fringues, nous ! |
Bohort |
Il est vrai que je crains le froid, mais... je suis toujours suffisamment habillé ! |
Karadoc |
Hé, bah voilà ! Ça c'est bien ! Ça, ça veut dire : « Je suis capable de me prendre en main. » |
Perceval |
Faut nous parler de ça, plutôt que vos bandits à la con, là ! |
Karadoc |
Ouais, ça intéresse que vous, vos trucs personnels... |
Perceval |
Dernière chose... (À Karadoc.) Ah, c'est... c'est quoi déjà ? |
Karadoc |
(Cherchant.) Si... si vous avez... si... vous deviez ! Voilà. |
Perceval |
Ah oui ! Ça y est. Si vous deviez donner le sédatif qui vous correspond le mieux, vous diriez ? |
Bohort |
(Perplexe.) Le tilleul ? |
Karadoc |
Parfait. |
Perceval |
Ouais. |
Karadoc |
Parfait. |
Perceval |
Tout à l'heure, j'écoutais la table de derrière... y en a un qui a répondu « courageux » ! (Rit.) |
Karadoc |
« Courageux » ? Mais c'est complètement débile ! (Rit.) |
Perceval |
Il est con, lui, ou pas ? |
Le tavernier |
(Arrive, portant deux assiettes de charcuterie.) La dégustation charcuterie, c'est là ? Va falloir me faire de la place, parce que rien que les saucissons, y en a vingt-huit sortes ! |
Perceval |
Ah ! |
(Perceval et Karadoc font de la place sur la table.) |
Le tavernier |
Allez, hop là ! Attention, feu ! (Pose la charcuterie sur la table.) |
Taverne, soir. Arthur est assis à une table, Hervé de Rinel est assis face à lui. |
Arthur |
Non, c'est... faut trouver un... c'est rien, hein, si vous... faut trouver un adjectif... l'adjectif qui vous définit le mieux. |
Hervé de Rinel |
(Après réflexion.) « La Bretagne ». |
Arthur |
« La Bretagne » ? C'est pas un adjectif, « la Bretagne ». |
Hervé de Rinel |
Ah bon ? |
Arthur |
Non. |
Hervé de Rinel |
C'est pas un adjectif, « la Bretagne » ? |
Arthur |
(Fait « non » de la tête.) |
Hervé de Rinel |
Bon ben... « régional », alors ! |
Arthur |
(Lassé.) « Régional » ? |
Hervé de Rinel |
C'est pas un adjectif non plus ? |
Arthur |
Euh... si, ouais... non mais qu'est-ce que vous voulez dire par là, parce que... c'est-à-dire que vous vous considérez comme quelqu'un de... régional, donc, d'accord, mais ça veut dire quoi ? Vous vous sentez... proche de vos terres, ou... parce que j'ai du mal à saisir le truc, là. |
Hervé de Rinel |
De toute façon, « régional », on l'est tous plus ou moins ! |
Arthur |
Ouais... |
Hervé de Rinel |
Après, je sais pas si c'est ce qui me définit le mieux... |
Arthur |
Voilà. Mais c'est un peu ça que je veux dire. Parce que là, bon, « régional », on... vous êtes sûr que vous devez répondre ça ? |
Hervé de Rinel |
Non. L'adjectif qui me définit vraiment le mieux, c'est : « le plancton ». |
Arthur |
(Mange, perplexe.) |
Taverne, nuit. Arthur et Manilius discutent à une table, éclairés par des bougies. |
Manilius |
T'as trouvé quelque chose de propre, toi ? |
Arthur |
Pfft. Honnêtement, sans être pessimiste... |
Manilius |
Ouais, pareil. |
Arthur |
En même temps, bon... je suis tellement crevé que je pense que j'ai du mal à me faire une idée objective du truc... |
Manilius |
Pareil. |
Arthur |
Le dernier, là, sérieux... j'ai failli lui aligner une beigne. Mais tu vois, pas... les nerfs, quoi ! |
Manilius |
Moi je suis allé couper du bois. |
Arthur |
Couper du bois ? Quand ça ? |
Manilius |
Tout à l'heure... je suis sorti, pour pas craquer devant tout le monde... je suis tombé sur des bûches, dans l'arrière-cour... j'ai fait du petit bois. Ça m'a fait du bien. |
Arthur |
Ouais, en tout cas je peux te dire que je suis content que ce soit fini, parce que je... peux plus. |
(Guethenoc, Roparzh et Belt entrent en protestant. Belt tient un panier de victuailles.) |
Guethenoc |
(Confus et en colère.) Alors... hein ? Alors attention ! Attention, hein ! Il paraît que les représentants du monde paysan doivent venir s'entretenir avec le nouveau roi, hein je sais pas où il est, je sais pas... méfiez-vous ! Méfiez-vous, hein ! Non mais, parce que les représentants du monde paysan ils sont là, et ils en ont plein le cul, mais... mais quelque chose de bien prononcé ! |
Roparzh |
Il a intérêt à se montrer coopératif, le nouveau roi, parce qu'il pourrait bien se faire botter l'oignonoignon (n.m.) Derrière, postérieur, cul, spécifiquement l'anus En savoir plus ! |
Belt |
(Brandit un petit fromage, ému.) Tiens, hé ! Regardez-moi ce... petit fromage... des années et des années de travail, et pour en arriver où ? À un système qui s'essouffle ! (Jette le fromage sur Arthur.) |
Arthur |
(Reste impassible, perplexe.) |
Tente de Léodagan, nuit. Léodagan, Loth, Ketchatar, Hoël et Calogrenant sont à table et mangent. |
(Séli entre, suivie de Guenièvre et Goustan.) |
Séli |
(Furieuse.) Qu'est-ce que c'est que ce cirque ? |
Goustan |
Là ! Regardez-les, ces gros fumiers ! Ils sont pas en train de mâcher ? |
Guenièvre |
(Hystérique.) Ils ont volé la nourriture dans les caisses ! |
Léodagan |
Mais pas du tout ! |
Hoël |
(Se lève, digne et vexé.) Ce sont des biscuits personnels que j'ai la délicatesse de partager avec mes camarades. |
Calogrenant |
C'est sa marraine, qui les fait. |
Ketchatar |
Mmh, et on a été bien contents de les trouver ! |
Goustan |
(Hurlant.) Fumiers ! |
Léodagan |
Pardon mais, enfin... ils sont quand même un peu secs, hein... |
Hoël |
Ils sont pas secs... ils sont vieux. |
Loth |
Ils sentent la pisse, aussi ! |
Hoël |
(Se rassoit.) |
Loth |
Notez que... ça n'enlève rien au geste, c'est une remarque hein, rien de plus. |
Séli |
Ouais enfin... si c'est ça, moi je m'en fous... (Sort.) |
Guenièvre |
Oui, tant que vous volez pas... (Sort.) |
(Séli et Guenièvre reviennent.) |
Séli |
Pas de nouvelles du roi de Bretagne. Non, je dis ça parce que j'espère que vos biscuits vous profitent, parce que c'est sûrement tout ce que vous aurez ! Allez. (Sort.) |
Guenièvre |
(Sort, avec un sourire goguenard.) |
Léodagan |
Pas de roi de Bretagne... |
Calogrenant |
Pas pour le moment. |
Ketchatar |
Il est peut-être en train de tirer sur l'épée comme un taré ! (Rit.) |
Hoël |
(Rit.) Ou bien il trouve... il trouve pas le chemin d'ici ! |
Loth |
Non, ils sentent vraiment la pisse ! Loin de moi l'idée de manquer de respect à votre marraine... |
Goustan |
(Hurlant.) Fumiers ! (Plus doucement.) Je peux en avoir un, de vos biscuits à la con ? |
Taverne, nuit. Arthur et Manilius sont assis en face de Guethenoc, Roparzh et Belt. |
Guethenoc |
Non mais Sire ! Il faut mettre le holà tout de suite ! Sinon c'est la famine ! |
Manilius |
Il vient juste d'arriver. |
Roparzh |
Mais justement, c'est maintenant qu'il faut se secouer les rognons, sinon ça part tout à vau-l'eau ! |
Belt |
(Montrant un navet et hurlant, ému.) Regardez-moi ce petit... navet ! À quelle heure on doit se lever, nous, le matin ? On nous en colle jusque-là ! Ras la gueule, ras la gueule, ras la gueule ! Un jour, qu'est-ce qui va se passer ? (Jette le navet.) Patatrac ! |
Guethenoc |
Nous autres on demande quoi ? La considération ! |
Roparzh |
Du pognon, on avait dit ! |
Guethenoc |
Non mais attendez, non... taisez-vous, taisez-vous, taisez-vous... si, la considération ! |
Belt |
Pardon... moi je suis peut-être un peu inattentif, parce que je dois subir de fortes pressions dues à ma condition, mais j'ai très bien entendu qu'on voulait du pognon ! |
Roparzh |
Merci ! (À Arthur.) Venez pas nous prendre pour des mongoles, hein ? |
Belt |
(Montrant une miche de pain et hurlant, ému.) Regardez-moi... cette miche de pain... combien je la paie, moi, cette miche de pain ? Alors merde ! (Jette la miche de pain.) |
Manilius |
Mais... on n'en a pas encore, du pognon... on vient juste d'arriver. |
Guethenoc |
Ah vous venez d'arriver dans un fameux merdier ! Voilà, des fourches dans le gras du cul, c'est ça que vous allez ramasser comme cadeau de bienvenue ! |
Roparzh |
Ce soir je rentre à ma ferme... j'empoisonne toutes mes bêtes, même les petites... je fous le feu à mes récoltes... et je tue ma femme ! |
Belt |
(Fébrile.) Ah ! |
Guethenoc |
Mais pour quoi faire ? |
Roparzh |
Mais je sais pas ! |
Belt |
(Montrant une meule de fromage et hurlant, ému.) Regardez-moi cette meule ! J'ai affiné cette saloperie de frometon pendant des mois et des mois ! Résultat il est dégueulasse ! Pourquoi ? Parce que je suis nul en fromages ! Merde ! (Jette la meule de fromage.) |
(Perceval et Karadoc entrent.) |
Perceval |
C'est nous ! |
Karadoc |
Vous vous en êtes sortis tout seuls ? |
Arthur |
Ah ! Euh... hé ben vous tombez bien ! Parce qu'il faut qu'on se casse, nous. |
Manilius |
(À Guethenoc, Roparzh et Belt.) C'est des types du gouvernement, ils vont s'occuper de vous. |
Arthur |
Voilà, et honnêtement... y a pas mieux placé qu'eux, hein ? |
Manilius |
Ils nous feront un compte rendu. |
Arthur |
Voilà. (Se lève.) |
Guethenoc |
Hé là, hé là, hé mais oh, mais... mais qu'est-ce qui se passe, là ? |
Roparzh |
C'est quoi la tisane, là ? |
Belt |
Je me remets en rogne, ou bien ? |
Perceval |
(À Karadoc.) Vous voyez, on est déjà indispensables ! |
Karadoc |
Ouais, mais on va quand même commencer par commander à bouffer. |
Perceval |
Ouais. |
(Perceval et Karadoc se dirigent vers le comptoir.) |
Tente de Léodagan, nuit. Léodagan, Goustan, Loth, Ketchatar et Hoël sont à table, Goustan tente de retrouver son souffle. Derrière lui, Calogrenant tient un gros morceau de biscuit. |
Hoël |
Ça va mieux ? |
Calogrenant |
Regardez le morcif que vous aviez coincé dans le gosier ! |
Ketchatar |
Ça s'est aggloméré comme une sorte de... de brique. |
Goustan |
(À Hoël, hurlant.) J'ai failli m'étouffer à cause de votre pute de marraine ! |
Hoël |
Ouais mais pourquoi aussi en mettre autant à la fois dans la bouche, euh... la peur de manquer ? |
(Arthur et Manilius entrent.) |
Arthur |
Bonsoir... |
Léodagan |
Euh... ouais, c'est à... quel sujet ? |
Arthur |
Ben... c'est-à-dire, j'ai rendez-vous avec Léodagan de Carmélide, c'est pas vous ? |
Léodagan |
Tout dépend... |
Manilius |
Tout dépend de quoi ? |
Arthur |
Ben... sûrement de ça, non ? (Dégaine Excalibur.) |
(Léodagan, Goustan, Loth, Ketchatar, Hoël et Calogrenant laissent éclater leur joie.) |
Arthur |
Ben... je suis flatté de votre accueil ! |
Ketchatar |
(Rit.) |
Loth |
Non, faites pas attention, le fait que vous ayez l'épée, ça signifie qu'on n'est plus obligés de manger les biscuits de la marraine du roi d'Armorique ! Hé, ce qui n'enlève rien à votre exploit, hein ! |
Ketchatar |
(Hurlant.) Allez, envoyez la bouffe ! |
Hoël |
Hé, hé, hé, hé, hé ! Voilà ce que j'en fais, moi, de ces biscuits de merde qui sentent la pisse ! (Pulvérise un biscuit.) |
(Léodagan, Goustan, Loth, Ketchatar, Hoël et Calogrenant crient de joie, rient et se lancent des biscuits. Arthur et Manilius se regardent, perplexes.) |
Taverne, nuit. Perceval, Karadoc, Guethenoc, Roparzh et Belt sont à une table et jouent aux cartes. |
Perceval |
Non mais attendez... je comprends pas ce que vous faites, là... |
Guethenoc |
Comment, ce que je fais ? J'ai rien dit ! |
Perceval |
Bah justement ! Quand c'est à vous, et qu'on vient de faire un passe-jarret, vous annoncez le tour suivant ! |
Guethenoc |
Le tour suivant ? Mais je dis quoi ? |
Perceval |
Bah vous annoncez le nombre de points que vous comptez faire sur quatorze tours. |
Guethenoc |
Mais qu'est-ce j'en sais, moi ? |
Perceval |
Non mais c'est une estimation ! Vous dites à la louche... |
Guethenoc |
Bon ben... six ! (Pose une carte.) |
Perceval |
Six ? Ah ben mon vieux... |
Guethenoc |
Quoi, ça fait trop ? |
Perceval |
Ah bah c'est vous qui voyez, hein ! Mais annoncer « six » alors que votre voisin de droite vient de faire deux passe-jarrets d'un coup... faut drôlement en avoir dans le slip hein ! |
Guethenoc |
(Tente de reprendre la carte qu'il vient de poser.) |
(Les autres protestent.) |
Belt |
Le voisin de droite, c'est moi ? |
Perceval |
Ben ouais. |
Belt |
Et je viens de faire deux... deux passe-jarrets d'un coup, moi ? |
Perceval |
Ouais. |
Belt |
Alors j'ai une question : c'est possible de faire deux passe-jarrets sans le faire exprès ? |
Karadoc |
Bah évidemment, j'arrête pas d'en faire, moi ! Et je sais toujours pas à quoi ça sert... |
Roparzh |
Moi j'en fais pas un, soi-disant ! Alors pour les autres, c'est passe-jarret par-ci, passe-jarret par-mi, et je te renvoie la politesse... et moi comme par hasard, pas un ! Faudrait voir à pas se foutre de la gueule du monde ! |
Perceval |
Non mais vous vous êtes le lance-bûches ! Qu'est-ce que vous foutez avec des cartes ? |
Roparzh |
Je suis quoi, moi ? |
Perceval |
Le lance-bûches ! Vous vous distribuez et vous comptez les points ! Vous devez pas avoir des cartes ! |
Karadoc |
Non mais c'est n'importe quoi, là... |
Guethenoc |
Et les points, vous les avez comptés, au moins, ou on joue depuis une heure pour des pruneaux« pour des pruneaux » (loc.) En vain En savoir plus ? |
Roparzh |
Vous pouvez pas vous les compter vous-même, vos points ? Il faut forcément qu'on vous tienne le zizi ? |
Belt |
La troisième annonce, c'est quoi déjà ? Parce que... je crois que j'ai ça, moi. |
Perceval |
Jarret-souple. |
Belt |
Ah non, alors c'est pas ça. |
Perceval |
Qu'est-ce que vous avez, alors ? Un lance-jarret ? |
Belt |
Pfft. J'en sais rien. |
Perceval |
Un jarret-sifflé. |
Belt |
Pfft. J'en sais rien ! |
Perceval |
Un bi-jarret. |
Belt |
Pfft pfft. J'en sais rien ! |
Perceval |
Un mi-jarret ? |
Belt |
Pfft pfft pfft. J'en sais rien. |
Perceval |
Un charret. |
Belt |
Pfft... j'en sais rien. |
Perceval |
Un bjarret ? |
Belt |
Pfft pfft... j'en sais rien. |
Perceval |
Non mais... faites voir vos cartes ?... |
Belt |
(Tend ses cartes à Perceval.) |
Perceval |
Ah ouais mais non... là vous avez rien... (Rend ses cartes à Belt.) |
Belt |
Merde ! (Jette ses cartes.) |
Tente de Léodagan, nuit. Arthur, Manilius, Loth, Ketchatar, Hoël, Goustan, Calogrenant et Léodagan mangent ensemble. |
Léodagan |
(À Arthur.) Je vous aurais bien présenté votre future, mais... elle dort. |
Goustan |
Honnêtement, vu la gourde, ça peut largement attendre demain. |
Léodagan |
Père, vous pouvez pas la mettre au ralenti ? |
Loth |
Moi, pour la petite histoire, je suis votre beau-frère. Je dis ça pour préciser que... pendant que certains bricolent des liens du sang à la dernière minute, y en a d'autres qui sont naturellement légitimes. |
Calogrenant |
Oh lui, hé... |
Léodagan |
Il veut mon pied dans les noyaux, le beau-frère ? |
Manilius |
Vous êtes le frère de sa future femme ? |
Loth |
Non, je suis le mari de son actuelle demi-sœur. |
Arthur |
Ma demi-sœur ? |
Loth |
Ouais. Je devrais pas trop la ramener avec ça d'ailleurs, parce que... elle peut pas vous blairerblairer (v.) Supporter, apprécier En savoir plus. |
Arthur |
Ah bon ? |
Loth |
Ah... votre père a buté le sien ! Alors euh... |
Calogrenant |
Mais c'est des vieux trucs, ça... |
Hoël |
Mais qu'est-ce qu'il a à ramener ça sur le tapis, là... |
Ketchatar |
(À Loth.) Vous foutez une ambiance de merde, c'est tout ce que vous faites mon pauvre ami ! |
Loth |
Pardonnez-moi, c'est peut-être à force de mâchonner des trucs séchés... je sais pas si je préférais pas les biscuits de la marraine de l'autre con, finalement ! |
Hoël |
L'autre con, là, il pourrait vous les mettre dans la gueule, hein, les biscuits de sa marraine... |
Calogrenant |
Ah non vous allez pas commencer... |
Arthur |
Ouais, non... arrêtez, ça sert à rien, quoi... |
Ketchatar |
Hé ho ! Si on a envie de gueuler, on fait encore ce qu'on veut, non ? |
Hoël |
Ouais, on marche pas au sifflet, nous ! |
Calogrenant |
Mais fermez-la, nom de nom ! |
Loth |
Tiens ! Écoutez le petit lèche-cul ! |
Calogrenant |
Quoi ? |
Loth |
C'est pas une critique, mais... normalement c'est à moi de fayoter. Restez sur vos plates-bandes, mon vieux ! |
Léodagan |
(À Arthur.) Attention, euh... on veut bien être gentils, mais va pas falloir commencer à filer des ordres ! |
Arthur |
Ben... si. |
Léodagan |
Quoi ? |
Arthur |
Les dieux ont décidé que je serais roi de Bretagne, ça veut dire qu'à un moment, va falloir envisager de faire ce que je vous dis, oui... tôt ou tard. À moins que vous ne teniez à vous mettre les dieux à dos ! |
Loth |
« Deus minimi placet. » « Seuls les dieux décident. » |
Manilius |
(Voulant corriger Loth.) Non mais... |
Arthur |
(Donne un coup de coude à Manilius.) C'est-à-dire on... on parle pas latin. |
Manilius |
Ah... |
Arthur |
Ouais, c'est-à-dire on... on parle pas le latin. On a des notions, quoi... on peut pas... on peut pas dire qu'on... voilà. |
Camp de Léodagan, nuit. Arthur marche seul. |
Arthur |
(S'arrête et contemple la nuit.) |
Guenièvre |
(Rejoint Arthur.) C'est vous ? |
Arthur |
Oui. Enfin, ça... ça dépend, « c'est vous » qui ? |
Guenièvre |
C'est vous, le nouveau roi de Bretagne ? |
Arthur |
Voilà, oui. |
Guenièvre |
Ah d'accord. |
Arthur |
Et vous, vous êtes la fille de Léodagan. |
Guenièvre |
Oui. |
(Arthur et Guenièvre échangent un sourire poli et gêné.) |
Guenièvre |
C'est avec vous, que... je dois me marier ? |
Arthur |
Tout à fait. Oui oui oui. |
Guenièvre |
Et... à priori, comme ça à chaud, euh... je pourrais vous... convenir ? |
Arthur |
C'est... enfin oui, c'est-à-dire, euh... comme ça à chaud, euh... je peux pas... enfin je veux dire, personne n'aime la nouveauté, quoi, c'est... |
Guenièvre |
Ah bon... |
Arthur |
Mais, mais, mais... mais attention, euh... vous êtes, euh... vous êtes tout à fait charmante, si c'est... si ça peut répondre à votre question. |
Goustan |
(Crie, quelques mètres derrière Arthur et Guenièvre.) Hé ! À l'origine j'étais sorti pour lâcher une caisse, mais quand on vous voit comme ça dans le clair de lune, on n'a pas envie de bousiller le tableau. Je vais allez loufer à l'intérieur pour emboucaner les autres fumiers ! Profitez ! Profitez ! (Retourne dans la tente.) |
(Noir.) |
Goustan |
Le plus beau, dans les histoires d'amour... c'est le début. |
(Stab final.) |
(Fermeture.) |