Azénor
❰ Livre I – épisode 48 ❱
Couloir du château, jour. Arthur et Bohort s'apprêtent à entrer dans la salle du trône. | |
Arthur | C'est quoi maintenant ? |
Bohort | On reçoit la jeune fille qui doit devenir votre nouvelle maîtresse. |
Arthur | Ah, très bien, très bien. Ça va, je suis pas trop, euh... (Se montre le visage.) |
Bohort | (Arrange la chevelure d'Arthur avec minutie.) |
Lancelot | (Arrive et les regarde.) |
Arthur | Vous avez un commentaire à faire ? |
Lancelot | J'ai rien dit ! |
Arthur | (Agacé, à Bohort.) Bon non ça va. |
(Ils entrent dans la salle du trône.) | |
(Ouverture.) |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, entouré de Lancelot et Bohort. Devant eux se tient Azénor. | |
Azénor | On m'a dit de venir, mais on m'a pas dit pourquoi... |
Lancelot | Vous vous nommez bien Azénor ? |
Azénor | Oui ? |
Lancelot | Vous vous trouviez bien il y a deux semaines à la fête des quatre forêts ? |
Azénor | Oui ? |
Bohort | Et c'est là que vous avez eu la chance de rencontrer le roi Arthur ! |
Azénor | « Rencontré »... je lui ai amené du raisin... on a un peu discuté, mais... |
Bohort | (Taquin, à Arthur.) Comme quoi, le raisin, ça mène à tout ! |
Arthur | (Gêné.) Oh, arrêtez... |
Lancelot | Eh bien Mademoiselle, j'ai le plaisir de vous annoncer que le roi Arthur vous a désignée comme nouvelle maîtresse, faisant de vous une des femmes les plus importantes du pays. |
Bohort | Félicitations ! |
Azénor | Non merci. |
Lancelot | Euh... enfin Mademoiselle, ce n'est pas offre qui se décline ! |
Bohort | C'est comme ça, c'est décidé... |
Arthur | Non bah non, non bah... tant pis, ça fait rien... |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, entouré de Lancelot et Bohort. Devant eux se tient Azénor. | |
Bohort | Mais enfin Mademoiselle, est-ce qu'on peut vous demander ce qu'il y a qui ne tourne pas rond chez vous, aujourd'hui ? |
Azénor | Mais rien, tout va bien ! Seulement je me suis toujours débrouillée pour pas faire le tapintapin (n.m.) Prostituée En savoir plus, c'est pas pour commencer maintenant ! |
Lancelot | Non mais qui est-ce qui vous parle de tapintapin (n.m.) Prostituée En savoir plus ? |
Azénor | Ne me prenez pas pour une tanchetanche (n.f.) Idiot En savoir plus ! Ça commence avec le roi, et puis après faut passer de chambre en chambre ! |
Arthur | Non ! Non non, mais là c'était pas ça... enfin, ça fait rien. |
Bohort | Nous ne sommes pas en train de vous proposer une place de danseuse de table, nom d'un chien ! |
Lancelot | Nombre de demoiselles à votre place vendraient leur mère pour se voir offrir un tel honneur ! |
Azénor | Bah les autres elles font ce qu'elles veulent. Mais moi je suis désolée, Sire, on se connaît pas, et puis euh... physiquement, bon... sans être totalement repoussant, y a pas non plus de quoi bousculer une charrette« il n'y a pas de quoi bousculer une charrette » (loc.) il n'y a rien d'exceptionnel En savoir plus, hein... |
Bohort | Vous vous prenez peut-être pour un modèle de gravure ! |
Azénor | Non mais c'est à moi qu'on demande, là. |
Lancelot | Ben non, justement non, on vous demande pas ! C'est un ordre ! |
Arthur | Ah ben non, mais... non mais ça lui dit rien, ça lui dit rien, laissez tomber, tant pis... |
Bohort | (À Arthur.) C'est sûr que si vous y tenez pas plus que ça... |
Azénor | Non et puis attendez euh... « choisie »... tout dépend de ce qu'on entend par « choisie » ! Y en a combien des maîtresses officielles, en ce moment, qui ont eu « la chance de leur vie », comme moi ? Cent ? Deux cents ? |
Arthur | Ah, mais non ! |
Bohort | Ma pauvre fille... vous êtes vraiment à côté de vos sandales« être à côté de ses sandales » (loc.) Manquer totalement de réalisme, de lucidité ; être en décalage par rapport à la réalité En savoir plus. |
Lancelot | Six ou sept, pas plus. |
Azénor | Pas plus que ça ? |
Bohort | Non, ma petite dame. |
Azénor | Ah mais vous m'avez vraiment choisie, alors ? |
Arthur | Bah ouais... parce qu'on s'était marrés... parce que vous m'aviez amené du raisin puis j'avais fait un jeu de mots avec les euh... les euh... non mais là, sorti de son contexte, ça va être nul, ça fait rien. |
Salle à manger, soir. Arthur et Azénor mangent ensemble. | |
Azénor | Mettons que je sois d'accord, qu'est-ce que j'aurai pas le droit de faire ? |
Arthur | Mais vous faites ce que vous voulez ! |
Azénor | Qui c'est qui donne des ordres ? |
Arthur | Personne ! La reine, un peu. Enfin elle est pas chiante, hein. |
Azénor | Et si un soir, j'ai pas envie, qu'est-ce qu'on fait ? |
Arthur | Bah rien. Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse ? |
Azénor | Et si un jour je me sens pas bien, ou je m'ennuie, je peux partir ? |
Arthur | Mais évidemment, vous êtes pas en tauletaule (n.f.) Prison En savoir plus ! |
Azénor | J'ai quatre enfants à moi. Je peux les amener ? |
Arthur | Bien sûr, oui. Avec plaisir. |
Azénor | Bon d'accord, je reste. Et sinon, euh... y a moyen de devenir reine ? |
Arthur | Non... a priori, non... sauf si la reine meurt, quoi. |
Azénor | Et il faut qu'elle meure de mort naturelle, ou... peu importe ? |
Arthur | Euh... faudrait que je regarde, ça, je sais plus comme ça... pourquoi ? |
Azénor | Non non... on verra ça plus tard. |
(Fermeture.) |
Chambre d'Arthur, nuit. Arthur et Guenièvre sont au lit. | |
Guenièvre | Elle est très jolie, votre nouvelle maîtresse. |
Arthur | Merci. |
Guenièvre | Vous vous êtes toujours débrouillé pour être avec des belles femmes, vous, hein ! |
Arthur | (Hausse les sourcils d'un air blasé.) |
Guenièvre | Vous avez un commentaire à faire ? |
Arthur | Mais j'ai rien dit ! |
(Noir.) | |
Arthur | Ça va, la parano ! |
(Stab final.) |