Alpha du Centaure, matin. La Dame des Bois et la Dame des Pierres participent à une réunion présidée par la Fée Mère, dans un lieu céleste et éthéré. La Dame de la Sauvegarde tient le procès-verbal. Trois autres fées indéterminées sont présentes. Toutes sont rousses, à l'exception de la Dame des Pierres, dont la chevelure est d'un noir de jais. |
La Dame du Lac |
(Apparaît, et s'adresse à la Fée Mère.) Je suis vraiment désolée. |
La Dame de la Sauvegarde |
(Écrivant à son pupitre à l'aide d'une encre magique qui s'envole aussitôt en volutes.) Allez, Dame du Lac : en retard. |
La Dame du Lac |
Oh non, ces derniers temps j'étais toujours à l'heure ! |
La Dame de la Sauvegarde |
(Lève les yeux au ciel.) Non. |
La Dame des Pierres |
(Ravie.) C'est dommage ! Pour une fois que y avait quelque chose pour vous, ça vient de vous passer sous le nez... |
La Dame du Lac |
Quoi, c'est... c'est quoi ? |
La Dame des Bois |
On dit pas « c'est quoi ». |
La Dame du Lac |
Non mais allez... |
La Dame des Pierres |
De toute façon c'est trop tard ! Vous aviez qu'à être là. |
La Dame du Lac |
Attendez, cette réunion, elle était même pas prévue normalement. |
La Dame de la Sauvegarde |
C'est une réunion extraordinaire. |
La Dame des Pierres |
« Extraordinaire », c'est pas prévu. |
La Dame du Lac |
Ouais... ouais, mais moi je l'ai su vachement tard, aussi ! |
La Dame de la Sauvegarde |
Ah, vous l'avez su comme tout le monde... |
La Fée Mère |
(Agacée.) C'est fini, oui ou non ? Alors d'après nos informations... ça vaut ce que ça vaut, hein... il serait possible qu'Excalibur soit retirée du rocher. |
La Dame du Lac |
Quoi ? Quand ça ? |
La Fée Mère |
Bah dans un avenir, euh... plus ou moins proche, hein... |
La Dame de la Sauvegarde |
On ne dispose pas de l'information. |
La Dame des Pierres |
(À la Dame du Lac.) De toute façon c'est pas la peine de vous exciter, hein... ça vous concerne plus. |
La Fée Mère |
Oui, alors effectivement hein, comme vous n'étiez pas là, j'ai décidé de prendre les devants. |
La Dame de la Sauvegarde |
On a désigné quelqu'un d'autre. |
La Dame du Lac |
Quoi ? Ah non mais ça me concerne, Excalibur ! Je suis responsable ! |
La Dame de la Sauvegarde |
Quand on est responsable on arrive à l'heure. |
La Dame des Bois |
Carrément. |
La Dame des Pierres |
Prends-toi ça dans ta face... |
La Dame du Lac |
Bon, et qui c'est qui la retire, alors ? Ça a changé, c'est plus le fils de Pendragon ? |
La Fée Mère |
Ah si, aux dernières nouvelles, si... |
La Dame de la Sauvegarde |
On ne dispose pas de l'information... |
La Fée Mère |
Non, mais... si, enfin... si y a pas de pépin, ça devrait être lui, quand même... |
La Dame de la Sauvegarde |
Ouais, « si y a pas de pépin »... |
La Dame du Lac |
Ah non mais là il faut pas exagérer. Parce que le petit Arthur, c'est moi qui m'en suis occupée depuis le début, je lui ai tout appris ! |
La Dame des Pierres |
Ah bon ? Bah... je sais pas comment vous vous êtes démerdée mais il se rappelle rien du tout. |
La Fée Mère |
Hé ! On surveille son langage ! |
La Dame de la Sauvegarde |
Bon, euh... je note quand même, là, ou bien ? |
La Dame du Lac |
Il était petit, c'est normal qu'il se souvienne pas de tout ! |
La Dame des Pierres |
Bah... de tout d'accord, mais enfin de rien... |
La Dame des Bois |
Ni de vous, ni de son père adoptif, ni de Merlin ! Il se souvient même pas qu'il vient de l'île de Bretagne... |
La Dame du Lac |
Non mais je... je vais aller le voir, je vais lui faire un topo, et ça va vite lui revenir ! |
La Dame des Pierres |
Ah non mais vous allez rien voir du tout, vous êtes plus sur l'affaire ! |
La Dame des Bois |
Ça vous fera peut-être passer le goût d'arriver à la bourre ! |
La Dame du Lac |
(Suppliante.) Non, mais allez... (Geint.) |
La Fée Mère |
Bon, stop ! C'est moi qui parle, maintenant ! Alors, que ça vous plaise ou non, ce sera votre camarade la Dame des Pierres qui sera chargée de reprendre contact avec le jeune Pendragon. J'avais d'abord pensé à la Dame des Bois, mais euh... |
La Dame des Bois |
Je suis sur un projet. |
La Fée Mère |
Voilà, alors elle nous a expliqué, que... |
La Dame des Bois |
Si vous voulez vraiment faire ça tout de suite, tout de suite, là, je vais pas être dispo. |
La Dame du Lac |
Non... non mais sérieux, je vous jure, c'est la dernière fois que j'arrive en retard... |
La Fée Mère |
Ne jurez pas, la décision est prise. La Dame de la Sauvegarde va ratifier tout ça. C'est terminé ! Ce sera la Dame des Pierres qui sera chargée du jeune Pendragon ! |
La Dame de la Sauvegarde |
Et hop ! C'est noté. |
La Dame des Pierres |
(À la Dame du Lac.) En même temps je me mets à votre place hein, c'est sûr que ça doit pas être marrant-marrant ! |
La Dame du Lac |
Ouais ben va déjà te faire une teinture, connasse. |
(La Fée Mère et la Dame de la Sauvegarde laissent échapper une exclamation outrée.) |
La Fée Mère |
Qu'est-ce que j'ai entendu ? |
La Dame des Pierres |
J'ai reçu une malédiction, je vous ferais dire ! J'aimerais bien redevenir comme avant sauf que ça part pas ! |
La Dame du Lac |
(Désignant la Dame des Bois.) Mais c'est celle-là, qui vous l'a envoyée, la malédiction, c'est vous qui lui avez demandé ! |
La Dame des Pierres |
Mais comme c'est pas vrai ! |
La Dame du Lac |
(À la Fée Mère.) Soi-disant que maintenant que les Chrétiens prennent le pas sur les Celtes, le style rouquemoute ça fait ringard ! |
La Dame des Pierres |
C'est une malédiction de couleur de cheveux ! |
La Dame des Bois |
Mais les malédictions de couleurs de cheveux, je sais même pas les faire, moi ! |
La Dame du Lac |
Ah ouais ? Et pourtant les malédictions de couleurs de cheveux, ça enlève pas les taches de rousseur, que je sache ! Comment ça se fait, que vous en avez plus ? |
La Fée Mère |
Silence ! (À la Dame des Pierres.) Est-ce que c'est vrai ? |
La Dame des Pierres |
(Ne répond rien.) |
La Fée Mère |
(S'approche en lévitant de la Dame des Pierres et répète sa question, sévère.) Est-ce que c'est vrai ? |
La Dame des Pierres |
(Acquiesce, penaude.) |
La Fée Mère |
Bon... ben on reparlera de ça... croyez moi... (À la Dame du Lac.) En attendant, vous récupérez la mission du jeune Pendragon. |
La Dame des Pierres |
(Tape du pied, faisant retentir le tonnerre.) |
La Dame de la Sauvegarde |
Oh ben non, j'avais tout noté avec l'autre, moi... |
La Fée Mère |
(Agacée.) Bon, ben vous re-notez avec celle-là ! |
La Dame des Pierres |
(Projette par magie des pierres invisibles contre la Dame du Lac.) |
La Dame du Lac |
(Crie.) Ha ! Elle m'a jeté un sort de pierres invisibles ! |
La Fée Mère |
(À la Dame des Pierres.) Vous lancez des sorts pendant les réunions ? Non mais vous croyez judicieux d'aggraver votre cas ? |
La Dame du Lac |
(Projette par magie de l'eau sur la Dame des Pierres.) |
La Fée Mère |
Ça suffit ! |
La Dame du Feu |
(Apparaît.) Excusez-moi ! Mais qu'est-ce qui se passe, là ? |
La Dame du Lac |
Rien, je me suis encore fritée avec la pute... |
La Dame du Feu |
Laquelle de pute ? (Désignant la Dame des Pierres.) Celle-là, là ? |
La Dame du Lac |
(Acquiesce.) |
La Dame du Feu |
(Projette par magie une flamme contre la Dame des Pierres.) |
(La Dame des Flammes et la Dame du Lac échangent un sourire complice.) |
(Ouverture.) |
Tente de Macrinus, matin. Macrinus est assis à son bureau, Servius est allongé sur un divan, enroulé dans une couverture. |
Servius |
Dis-moi Macrinus... ça fait combien de temps, déjà, que t'es à la tête de la Bretagne ? |
Macrinus |
Je sais pas si on peut vraiment dire que je suis à la tête de la Bretagne... |
Servius |
Ah bon ? Tu n'es pas dux totius Britanniae ? |
Macrinus |
Si. |
Servius |
Hé ben alors ? Rome t'a bien mis à la tête de la Bretagne ! |
Macrinus |
Rome elle-même... est pas à la tête de la Bretagne ! |
Servius |
Joue pas sur les mots, s'il te plaît ! T'es bien à la tête de la partie romaine de la Bretagne ! |
Macrinus |
La partie romaine de la Bretagne, c'est pas la Bretagne. |
Servius |
OK d'accord. Non c'est bon, je... je causais juste pour passer le temps. |
Macrinus |
Bah si tu veux passer le temps, faut discuter avec un pote à toi... tu me poses une question, je te réponds... |
Servius |
Ah non, je suis pas con, quand même ! Je viens te visiter au pied du mur d'Hadrien, je suis vaguement au courant qu'au-dessus c'est pas à nous, quoi... |
Cordius |
(Entre.) Euh... je dérange ? |
Macrinus |
Qu'est-ce qui se passe ? |
Cordius |
Les espions pensent que les chefs de clans préparent une réunion secrète... et, il se pourrait que ce soit Léodagan qui préside. |
Macrinus |
(Soupire, ennuyé.) |
Servius |
Ils en font souvent, des réunions ? |
Cordius |
Jamais ! Non, ils ne... ils ne peuvent pas rester une heure dans le même endroit sans que ça frite. |
Servius |
(À Macrinus.) Bah... c'est plutôt bon pour nous ça non ? |
Macrinus |
Ben, si on tient plus ou moins le coup depuis tout ce temps, c'est justement parce qu'ils s'entendent pas... si un jour ils réussissent à s'organiser, là, pour le coup, on sera plus du tout du tout à la tête de la Bretagne. |
Cordius |
Ouais... |
Camp de Léodagan, matin. Léodagan et Calogrenant attendent. |
Léodagan |
Qu'est-ce qu'ils foutent... mais qu'est-ce qu'ils foutent ? |
Calogrenant |
Ça, je dois dire... |
Léodagan |
Tous à la bourre ! Un ou deux je dis pas, mais tous à la bourre, euh... c'est quand même une performance ! |
Calogrenant |
Je suis là, moi, quand même ! Mmh ? |
Léodagan |
Oui non mais vous, euh... d'accord... |
Calogrenant |
Comment ça, moi d'accord ? Je suis là ou je suis pas là ? |
Léodagan |
Oui... non mais vous, vous êtes toujours là... vous on vous dit de venir, boum vous radinez ! Hein voilà, euh... faut pas tomber dans l'excès inverse non plus ! |
Calogrenant |
Si vous avez quelque chose à me reprocher, faut le dire tout de suite ! |
Léodagan |
(Soupire.) Non mais j'ai rien de particulier à vous reprocher, je dis seulement que vous êtes, euh... voilà... |
Calogrenant |
Je suis quoi ? |
Léodagan |
Vous êtes, euh... fiable. |
Calogrenant |
Hé ben ? |
Léodagan |
Hé ben ça m'énerve. |
Calogrenant |
Bon. Moi je vais rentrer en Calédonie, ça va pas faire un pli. |
Léodagan |
(Agacé.) Oh, ça va... ça va bien... alors pour les réactions de bonne femme, merci, j'ai ce qu'il faut ! Je dis seulement que vous êtes sans fantaisie, et que c'est pas intéressant de vous côtoyer. C'est tout ! |
Goustan |
(Arrivant.) Vous, en revanche... vous m'avez l'air en forme, point de vue fantaisie. Je vous laisse le pouvoir, le trésor, les armées, tout ! Alors moi, bonne pomme, je me dis que... vous allez faire preuve de bon sens... cramer le pays sur toute sa surface, par exemple... et badaboum : réunion ! Ah c'est osé... |
Léodagan |
Écoutez père, on en a déjà parlé, je vois pas pourquoi on serait les seuls à envoyer nos hommes au casse-pipe. Parce que... les chefs de clans, pour gueuler « les Romains dehors, les Romains dehors », là ils sont fortiches ! Seulement quand il s'agit d'aller distribuer des tartes, là y a plus que nous ! Voilà, alors moi j'en ai marre ! Qu'est-ce que je fais ? |
Goustan |
Je ne sais pas... |
Léodagan |
J'encourage la synergie. |
Goustan |
Ah, mais c'est très bien... c'est très très bien... autre chose : euh, vous avez envie de garder « le Sanguinaire », comme surnom ? (Part.) |
Quartiers riches, jour. Arthur se promène, tenant un sac et mangeant une pomme, et passe devant un palais. |
Sallustius |
(Sort du palais et voit Arthur.) Hé, euh... euh... truc ! (S'approche d'Arthur.) |
Arthur |
(S'arrête.) Ah ! Ave. |
Sallustius |
Ave ! Euh... ça va ? Euh... julius ? |
Arthur |
Arturus. |
Sallustius |
Arturus ? Ça va ? T'allais où ? |
Arthur |
(Montrant une direction.) Par là. |
Sallustius |
Par là ? Moi j'allais de l'autre côté... mais je t'accompagne, un peu... (Pose sa main sur l'épaule d'Arthur.) |
(Arthur et Sallustius marchent ensemble.) |
Sallustius |
Alors... raconte-moi... |
Arthur |
Quoi donc ? |
Sallustius |
Ben je sais pas, euh... la Bretagne, tout ça... |
Arthur |
Je suis vraiment désolé de pas avoir pu vous aider plus que ça, tout à l'heure, mais j'ai... |
Sallustius |
Non ! C'est pas mal, déjà, hein... l'épée des rois... ah, non non... ah, c'est quelque chose, les... les traditions, hein ? |
Arthur |
Oui ! Les traditions, oui... |
Sallustius |
Oui... |
(Arthur et Sallustius s'arrêtent.) |
Sallustius |
Et l'épée ? Tu... tu l'as toujours ? |
Arthur |
Ah non, je l'ai replantée, l'épée, après... |
Sallustius |
Ah tu l'as... tu l'as replantée ? |
Arthur |
Ouais, parce qu'ils m'ont demandé de la replanter ! Certainement d'ailleurs pour que les autres gosses aillent, euh... (Mime le fait de tirer sur une épée.) |
Sallustius |
Attends attends attends ! Non non, attends, attends. Euh... moi on m'a toujours dit que... celui qui retirait l'épée il était tout seul, qu'il était désigné comme... comme roi de Bretagne ! C'est tout ! |
Arthur |
Bah oui, mais... je suis pas roi de Bretagne, moi ! |
Sallustius |
(Prend Arthur par les épaules, souriant.) Bon... à ton avis, euh... puisque tu te souviens pas vraiment d'avoir vu quelqu'un... retirer l'épée, est-ce qu'on peut pas imaginer que... imaginer, hein... que tu sois le seul ? |
Arthur |
Ça, imaginer, on peut toujours ! |
Sallustius |
Bon. Écoute, si tu te souviens de quelque chose, tu viens me voir, tout de suite. C'est vrai, parfois y a des trucs comme ça, qui reviennent... |
Arthur |
Merlin. |
Sallustius |
Quoi ? |
Arthur |
Le barbu qui me suivait tout le temps quand j'étais gamin, il s'appelait Merlin. |
Sallustius |
Merlin. |
Arthur |
Ah voilà ! Là d'accord, un type comme ça, s'il est pas mort, il pourrait sûrement vous en dire, sur la Bretagne ! |
Sallustius |
Bon, hé ben c'est pas mal, déjà, ça... hein ? Allez, je vais... je vais m'en occuper. Ça va, tu t'amuses bien ? |
Arthur |
Ouais... |
Sallustius |
T'es en permission, là ? |
Arthur |
Oui. |
Sallustius |
(Désignant le sac d'Arthur.) Et ça c'est de la bouffe que t'as piquée à la réserve pour filer à ta fiancée, c'est ça ? |
Arthur |
Non non non non ! Non, c'est... |
Sallustius |
(Complice.) Attends attends... oh... mais on a tous fait ça, tous ! Allez, profite profite ! Hein ? « Merlin »... (Part.) |
Arthur |
(Regarde Sallustius partir, puis reprend son chemin.) |
Tente de Léodagan, jour. Léodagan et Calogrenant attendent. |
Léodagan |
Dites, euh... vous faites la gueule, ou j'extrapole ? |
Calogrenant |
(Glacial.) Je fais pas la gueule. |
Léodagan |
Ah, bon... mmh... non parce que vu d'ici, je sais pas si c'est la... la lumière ou quoi, là, mais euh... on se méprendrait, presque. |
Calogrenant |
Bah oui mais non. |
Léodagan |
Ah bah j'aime autant. Hein ? Voilà, parce que je préfère être honnête, euh... je peux pas vous promettre que ça m'aurait pas mis de travers. |
Ketchatar |
(Arrive.) |
Calogrenant |
Tiens, quand même ! On vous attendait plus ! |
Léodagan |
Oui enfin c'est... manière de dire, moi je trouve qu'on vous attendait carrément. |
Ketchatar |
La route, depuis l'Irlande... il faut quand même la taillertailler (v.) Faire du chemin, parcourir une distance En savoir plus ! Et puis, votre petit campement... faut drôlement de l'acharnement pour le trouver ! |
Léodagan |
C'est un petit peu... le poste avancé d'où on se lance pour rentrer dans le chou des Romains, donc le côté discret c'est intentionnel ! |
Ketchatar |
Bah du coup c'est pas mal, hein ! Ça fait une heure que je tourne autour sans le trouver ! |
Calogrenant |
Une heure, seulement ? Vu que vous affichez une demi-journée de retard, je me vanterais pas trop. |
Léodagan |
Oui, d'une manière générale, euh... je parlerais un peu moins fort. |
Ketchatar |
Attendez... c'est une réunion pour causer, il paraît ? Je vois pas ce que ça a de pressé... |
Calogrenant |
Parce que causer, c'est pas pressé ? |
Ketchatar |
Je vous dis ça, j'en sais rien. Moi, je cause le moins possible, d'habitude. |
Léodagan |
Bousculez pas vos habitudes, bouclez-la. |
Ketchatar |
Mais du coup, ça cause de quoi ? |
Léodagan |
De rien. |
Calogrenant |
On attend vos homologues. |
Ketchatar |
Mes homo-quoi ? |
Calogrenant |
Logues ! Ceux qui sont comme vous. |
Ketchatar |
Quoi... en retard ? |
Léodagan |
Ouais, c'est ça, ouais. En retard. |
Chambre de Caesar, jour. Caesar mange silencieusement en compagnie de Sallustius. |
Caesar |
(Après un moment.) Ils t'ont mis poulet, à toi ? |
Sallustius |
Non, moi j'ai demandé sans viande... |
Caesar |
Ah. Bah moi j'ai rien demandé, ils m'ont mis poulet... |
Sallustius |
Vous voulez qu'on... qu'on fasse changer ? |
Caesar |
Non... non... (Après un moment.) Alors ? Qu'est-ce que tu me racontes de beau ? |
Sallustius |
Ma foi, pas... pas grand-chose... enfin... on serait plutôt sur la... sur la Bretagne, en ce moment... |
Caesar |
Sur la Bretagne ? |
Sallustius |
(Acquiesce.) |
Caesar |
(Amusé.) Mais qu'est-ce qui vous prend ? |
Sallustius |
(Rit doucement.) Je sais pas... c'est venu comme ça... ça aurait pu tomber sur autre chose ! |
Caesar |
Oui... bah il aurait valu autre chose, parce que... la Bretagne, honnêtement... |
Sallustius |
Ouais... je sais bien, je sais bien. |
Caesar |
Je sais même plus qui tient le front en Bretagne, maintenant... |
Sallustius |
Manius Macrinus Firmus... j'ai regardé ce matin. |
Caesar |
Macrinus ? Ouais, probablement... ça me dit rien ! |
Sallustius |
Depuis, euh... treize ans ! On pourrait peut-être profiter pour en changer, parce que ça... ça avance pas, quoi, c'est... |
Caesar |
Ouais mais enfin... pour avancer, en Bretagne, faut un Breton ! |
Sallustius |
(Acquiesce.) Mmh. |
Caesar |
Y a rien a faire ! Parce que... ils sont trop... |
Sallustius |
Patriotes ! |
Caesar |
Ouais ! Racistes ! Tu penses à qui ? |
Sallustius |
Y a une tradition en Bretagne, euh... qu'on pourrait peut-être utiliser. Du coup, j'ai un... petit gars... qui pourrait servir de prête-nom. |
Caesar |
Je le connais ? Il vient d'où ? |
Sallustius |
De la milice urbaine. |
Caesar |
Quel grade ? |
Sallustius |
Non non, non, c'est un petit jeune, euh... il est pas... non non, mais il a pas de grade... |
Caesar |
Tu comptes refiler la Bretagne... à un grouillotgrouillot (n.m.) Subalterne chargé de petites besognes, serviteur, domestique En savoir plus de l'urbaine ? |
Sallustius |
(Mange nerveusement ce qui lui passe sous la main.) Y a pas de compote ? |
Caesar |
Oui, euh... y a toujours de la compote ! |
Appartement de Licinia, jour. Licinia, Julia et Verinus mangent, Manilius est assis avec eux et se lamente. Arthur se tient debout et les regarde. |
Manilius |
J'en peux plus, putain, j'en peux plus ! |
Licinia |
Bon bah ça va, t'es là depuis cette nuit ! C'est quand même pas la première fois ! |
Manilius |
Ça a rien à voir. |
Arthur |
Il va quand même falloir que tu supportes un petit peu... |
Manilius |
Ah ben ouais, c'est sûr, c'est facile à dire, pour toi ! Tu sors, tu vas à la caserne... |
Arthur |
De quoi ? |
Verinus |
Oh, et ça va encore gueuler... |
Manilius |
C'est marrant, hein... c'est toi qui casses la tête à Glaucia, c'est moi qui me planque. |
Arthur |
C'est toi qui te planques parce que t'as foncé dans le tas, à visage découvert, comme un con, sans réfléchir. Et si j'avais pas cassé la tête à Glaucia, tu serais au troutrou (n.m.) Prison En savoir plus, maintenant ! |
Julia |
Hé, si vous faites ce raffut, c'est vraiment pas la peine de se planquer hein ! |
Verinus |
Oui, et puis gueuler comme ça sans arrêt... |
Julia |
Chut ! |
Verinus |
...ça met tout le monde à cran, c'est tout ce que ça fait ! |
Manilius |
Sans rire, je peux pas rester là pendant trois mois. Il faut trouver quelque chose. |
Licinia |
Et qu'est-ce que tu veux faire ? Aller t'excuser ? |
Manilius |
Après tout, j'ai tapé personne, moi ! Si ça se trouve, je m'en sors avec euh... avec cinquante coups de fouet ! |
Julia |
Ouais sauf qu'ils vont te faire parler pour que tu dénonces Arturus. |
Arthur |
Non et puis mec, euh... oh, cinquante coups de fouet... t'as quand même une bonne chance sur deux d'y rester... |
Licinia |
Non mais... arrêtez, avec vos coups de fouet, là. |
Verinus |
Vous avez quand même dé... |
Julia |
Chut ! |
Verinus |
(Plus doucement.) Vous avez quand même dérouillé un officier, je vous rappelle ! Si il va se rendre et qu'ils ont que lui sous la main pour se venger dessus, euh... c'est pas des coups de fouet, qu'il va prendre ! |
Manilius |
Alors je fais quoi ? |
Arthur |
Mais... tu fais rien... t'attends... |
Manilius |
Combien de temps ? |
Arthur |
Je sais pas... de toute façon, même si on décide que tu dois quitter Rome, ça se prépare, un peu... (Désignant Verinus.) Celui-là, il faut qu'il trouve un bateau... |
Verinus |
(À voix haute.) Ah bah ouais ! Ah bah bien sûr les gars ! |
Julia |
Chut ! |
Verinus |
(Plus doucement.) Évidement ! Non mais allez-y, hein ! C'est mon truc, les bateaux, moi, je connais à mort, hein ! Allez-y, hein ! Je balance un caillou dans la flotte, y en a trente qui remontent. |
Licinia |
Mais arrêtez de vous engueuler ! Ça sert à rien. |
Camp de Léodagan, jour. Léodagan, Calogrenant et Ketchatar mangent de la viande grillée. |
(Loth et Galessin arrivent.) |
Loth |
Désolé ! (Désignant Galessin.) Celui-ci m'avait annoncé deux jours de voyage, il en a fallu trois. |
Galessin |
Ah, d'accord... |
Loth |
Quoi, qu'est-ce qu'il y a ? Je vous colle tout sur le dos ? Honnêtement, est-ce que c'est très surprenant ? |
Galessin |
Non. |
Loth |
Voilà. (À Léodagan.) Alors ? Qu'est-ce qu'on fait ? |
Léodagan |
On attend. |
Loth |
On attend quoi ? |
Calogrenant |
Votre homologue. |
Loth |
Quel homologue ? |
Ketchatar |
Les homologues, c'est tous les mecs qui sont en retard. Je vous expliquerai. |
Loth |
Bon ! |
Galessin |
Peut-être qu'on pourrait vous accompagner ? |
Calogrenant |
Où ça ? |
Galessin |
Non mais... pour le repas. |
Loth |
Pour pas vous imposer la gêne de manger devant des gens qui mangent pas. |
Galessin |
C'est vrai que quand on n'a pas été élevé dans une écurie, on propose aux visiteurs de partager le repas. |
Léodagan |
Ah ouais. Moi je me trouvais déjà bien élevé de pas vous proposer mon pied au cul. |
Goustan |
(Sort de sa tente.) Alors c'est ça, la stratégie moderne ? Réunir cinq trous de balle en cercle, et se balancer des fions ? |
Léodagan |
Six. |
Goustan |
Ah oui, j'ai bien compris que vous attendiez un autre ! |
Léodagan |
Non non... le sixième c'est vous, père. |
Goustan |
(Comprend et rit d'un rire forcé.) Bah voilà : bataille de fions. |
Antichambre du Sénat, jour. Sallustius est assis et subit les remontrances de Lurco, assis à côté de lui, et de Flaccus, Desticius et Pisentius, qui se tiennent debout face à eux. |
Desticius |
On te demande de régler le problème breton, et c'est tout ce que tu trouves à nous proposer ? |
Flaccus |
(Ricane.) Hé tu nous la refais, celle-là ? Il dit quoi déjà, ton... folklore indigène ? C'est qui qu'on doit mettre à la tête de l'île ? |
Pisentius |
Un merdeux de l'urbaine, sans noblesse ni éducation. |
Sallustius |
(Enragé.) Mais c'est un prête-nom, bon Dieu, c'est un prête-nom, c'est un prête-nom, un prête-nom... |
Desticius |
Prête-nom de mes deux ! |
Lurco |
Attention... je ne dis pas que j'approuve Sallustius, mais euh... si ce gamin a l'épée... |
Sallustius |
(Mal à l'aise.) Ah mais il... il a pas l'épée... |
Lurco |
Quoi ? |
Sallustius |
Il a pas l'épée ! J'ai jamais dit qu'il avait l'épée, il m'a dit qu'il l'avait simplement retirée y a très longtemps, mais il a pas l'épée, il l'a plus, il a plus l'épée, il l'a pas... |
Lurco |
(Se levant, agacé.) Non mais attends, là... non mais attends, là, c'est n'importe quoi ! |
Pisentius |
Et... Caesar ? Puisque l'immense Sallustius a l'honneur de le fréquenter, qu'est-ce qu'il en pense ? |
Desticius |
À cheval sur la hiérarchie comme il est, il risque pas de donner son consentement pour tes mascarades ! |
Sallustius |
Hé ben Caesar, si je prends le temps de lui expliquer... |
Flaccus |
T'expliqueras rien du tout ! Hors de question qu'on passe pour des cons à cause de toi ! |
Pisentius |
Si on veut passer pour des cons, on est assez grands pour se débrouiller tout seuls. Et tac. |
Flaccus |
(Content de cette sortie.) Ah... |
Desticius |
Exactement. |
Sallustius |
Hé ben allez-y, récupérer la Bretagne, mettez-vous un casque sur la tronche et allez-y, on vous regarde ! |
Flaccus |
On va se faire engueuler, en plus... |
Lurco |
Oh... je n'aime pas ça, Sallustius... j'aime vraiment pas ça... |
Flaccus |
Tu persistes dans tes petites combines. Compte pas sur nous pour t'épauler. |
Sallustius |
Oui oh bah ça, j'ai jamais compté sur vous pour m'épauler, hein... |
Pisentius |
Il ne s'agit pas que de récupérer la Bretagne, Sallustius ! Il s'agit de la récupérer proprement... |
Desticius |
Exactement. On égorge... on coupe des têtes... on brûle des familles. |
Lurco |
Proprement ! |
Pisentius |
(En même temps que Lurco.) Proprement ! |
Flaccus |
(En même temps que Lurco.) Proprement ! |
Lurco |
Le seul pouvoir romain que je reconnaisse, c'est celui de la guerre, Sallustius... pas celui des manigances. |
Sallustius |
Et moi le seul pouvoir romain que je reconnaisse, c'est celui de quatre trous de balle enroulés dans une toge, et qui passent leur temps à me faire des leçons. (Se lève.) Il me semble... que ça commence à bien faire ! Attention ! (Part.) |
Lurco |
Ah vous voyez, lui... quand il fait des sorties dramatiques... ça marche ! |
Pisentius |
Ah oui mais il a... |
Flaccus |
Ah, faut avouer que... il a... |
Desticius |
Il a... il a plus de... |
Lurco |
Quoi ? |
Pisentius |
Il a un truc, là... |
Flaccus |
Non mais c'est vrai, il... |
Lurco |
Il a quoi ? |
Flaccus |
Oh bah tout de suite... |
Pisentius |
Il... |
Mess des officiers, jour. Caius est torse nu, les bras attachés à deux cordes. Procyon et Glaucia se tiennent derrière lui. Glaucia a la tête entourée d'un bandage ensanglanté. |
Glaucia |
J'aime autant prévenir... je suis pas précisément dans ce qu'on pourrait appeler un bon jour. |
Procyon |
Moi non plus. |
Glaucia |
Ta gueule ! |
Procyon |
Ouais, mais quand même ! |
Glaucia |
Hier soir, j'ai pris une avoineavoine (n.f.) Correction, coup En savoir plus. |
Procyon |
Par un gros bâtard qui a même pas osé montrer sa tête ! |
Glaucia |
Tu vas me couper jusqu'à quand, là ? |
Procyon |
Pardon, mais je suis dix fois trop énervé, là ! J'arrive pas à gérer, là, je... |
Glaucia |
(Soupire.) Pour la dernière fois, Caius... qui m'a maravé la gueule hier soir ? |
Caius |
(Détachant chaque mot.) J'en sais rien ! |
Glaucia |
D'accord. On va commencer par une petite dizaine, pour se mettre en train. |
Caius |
Petite dizaine de quoi ? |
Procyon |
Ben de coups de fouet ! |
Caius |
Ah parce que y a un fouet ! |
Procyon |
Ben, évidemment ! (Brandit un fouet.) C'est quoi, ça ? |
Caius |
Ah, pardon... ah non mais je... ah ouais mais j'en sais rien, moi, je vois pas d'ici, euh, je... ah ben si y a un fouet, je parle... c'est Arturus qui vous a tapé dessus. C'est bon là, vous... pouvez me détacher, s'il vous plaît ? |
Glaucia |
(À Procyon.) Tu vas me chercher Arturus, et tu me le mets exactement à la place de celui-là. |
Procyon |
(Sort.) |
Tente de Léodagan, jour. Léodagan, Loth, Galessin, Ketchatar et Calogrenant attendent. |
Hoël |
(Entre, triomphal.) Ha ha ! Tiens tiens tiens tiens tiens... qu'est-ce qui se passe donc, sous la tente, là ? Qu'est-ce que c'est que cette petite réunion ? De quoi est-ce que vous êtes en train de parler ? De moi peut-être, non ? |
Léodagan |
Ben... pour le moment non... mais euh... à rentrer en gueulant sous ma tente sans dire ni « merde » ni « bonjour », vous allez devenir un sujet de discussion, c'est sûr ! |
Hoël |
Ah, ça... vous avez bien failli réussir votre petit coup, hein... c'est passé à ça que j'en entende jamais parler, de votre histoire. |
Calogrenant |
Mais quelle histoire ? |
Hoël |
(Criant.) Votre rendez-vous à la noix ! |
Ketchatar |
Moi je comprends rien, là. |
Galessin |
Moi non plus... |
Loth |
Non, moi non plus. Il faudrait qu'il sorte un peu de la systématique ironique parce que là, c'est effet de style sur effet de style, euh... on n'en saura pas plus. |
Hoël |
(Agite un message sous le nez des autres.) Et ça, c'est un effet de style, ça ? |
Calogrenant |
Et c'est quoi ça ? Un message ? |
Loth |
Un message, et pourtant, la situation n'est pas plus... lisible ! Voilà, un peu d'humour, euh... |
Hoël |
Un message que mes espions ont intercepté. Un message qui parle d'une réunion dans votre camp. Une réunion à laquelle je ne suis pas invité. Comme par hasard ! |
Léodagan |
Euh... faites voir ? |
Hoël |
(Donne le message à Léodagan.) C'est ça, réfugiez-vous dans le détail... |
Léodagan |
(Lit le message.) Ah oui ! C'est le message que je vous ai envoyé, ça. |
Hoël |
De quoi ? |
Léodagan |
Ça vous est destiné, ça ! Y a votre nom, derrière. |
Hoël |
(Réfléchit un moment, puis crie.) Ah ne me prenez pas pour une truite ! C'est mes espions, qui ont intercepté ça ! |
Léodagan |
Vos espions ont intercepté un message qui vous était destiné. |
Ketchatar |
Ça fait deux jours qu'on vous attend, tête de nœud ! Ouais, moi je suis arrivé après mais c'est pas une raison ! |
Calogrenant |
Dites-moi, ils sont drôlement forts, vos espions ! |
Galessin |
En Armorique, le renseignement, c'est une spécialité, non ? |
Hoël |
Ouais, bon... on va y aller mollo sur les fions... quand même... parce que bon... j'ai pas tout compris... (hurlant) mais j'aime pas bien ça ! |
Appartement de Licinia, jour. Manilius et Licinia sont assis. |
(On frappe à la porte.) |
Manilius |
(Va se cacher.) |
Licinia |
Qui c'est ? |
Verinus |
(Hors-champ, des escaliers.) Verinus ! |
Julia |
Et Julia ! |
Licinia |
Bah rentrez... |
(Verinus et Julia entrent.) |
Manilius |
(Sort de sa cachette.) |
Verinus |
Bon, c'est la merde. |
Manilius |
Qu'est-ce qu'il y a ? |
Verinus |
Y a que... c'est la merde. |
Julia |
Ils vont torturer Arturus. |
Licinia |
Quoi ? Mais qu'est-ce qui s'est passé ? |
Manilius |
C'est Caius, qui a bavé ? |
Julia |
(Acquiesce.) Ils l'ont torturé aussi. |
Verinus |
Alors, c'est la merde ou pas ? |
Licinia |
Bon bah... qu'est-ce qu'on fait, on se tire ? |
Manilius |
On se tire où ? |
Licinia |
Ben on se tire de Rome, si Arturus te dénonce... |
Manilius |
Non mais Arturus... |
Licinia |
Arturus quoi ? |
Manilius |
Arturus c'est pas Caius, il est quand même plus... |
Julia |
Sous la torture ? |
Verinus |
Moi je vous préviens tout de suite, hein... si on me torture je balance tout. Direct. Non parce que je fais viril, comme ça, mais je dispose quand même d'une sensibilité propre. |
Licinia |
Bon... en tout cas, on va pas prendre le risque d'attendre qu'ils viennent te chercher, on se tire. |
Manilius |
On se tire, on se tire... (À Verinus.) Est-ce qu'on est seulement prêts à se tirer ? |
Licinia |
(À Verinus.) Ouais, tu l'as trouvé, ton bateau, toi ? |
Verinus |
Oui, alors attends... est-ce qu'on peut arrêter deux secondes avec les bateaux ? Parce que moi j'ai jamais dit à qui que ce soit que je pouvais lui trouver des bateaux, donc ça suffit, hein ! |
Julia |
(Bouleversée.) Bon ! On pourrait pas trouver un truc, là, pour euh... qu'Arturus se fasse pas torturer ? |
Manilius |
Il a cassé la tête à Glaucia, il va manger, c'est tout. On peut rien faire. |
Licinia |
Ils vont le tuer ? |
Manilius |
Ouais. En le torturant ou au cirque. |
Julia |
Ah ouais, donc c'est... mort-mort. |
Manilius |
Je suis pas équipé pour prendre d'assaut la caserne. |
Licinia |
Bon et pour ce soir, qu'est-ce qu'on fait ? |
Manilius |
Faut que je réfléchisse jusqu'à demain. (À Verinus.) Toi tu vas monter la garde au bout de la rue... si tu sens qu'une patrouille arrive, tu viens me le dire. |
Verinus |
Ah oui d'accord, donc moi je passe toute la nuit dehors à faire le pet tout seul, quoi, c'est ça le programme. |
Manilius |
Ça va, ouais ? |
Licinia |
En même temps on t'a jamais rien demandé ! |
Verinus |
Bah justement ! C'était bien ! |
Mess des officiers, jour. Caius attache Arthur aux cordes dont il était lui-même précédemment prisonnier, sous le regard de Glaucia et Procyon. |
Caius |
Je me sens vraiment merdeux, là... |
Arthur |
Non mais c'est bon... |
Caius |
Non mais c'est le fouet... honnêtement, le fouet je peux pas ! Je sais pas comment tu fais ! |
Arthur |
Bon, ça va, je te dis... je t'en veux pas, OK ? |
Caius |
Non mais à la limite, c'est de moi à moi... quand je suis comme ça, je te jure, je m'écœure... |
Glaucia |
Caius, si tu veux pas en ramasser une par ricochet, je te conseille de te grouiller ! |
Caius |
Oui, j'arrive, je me dépêche ! (À Arthur.) Tu vois, même là, là... ce petit ton de fiotte, sans déconner, je me supporte plus... |
Glaucia |
Fous le camp, Caius ! |
Caius |
(Sort.) |
Glaucia |
Bon ! |
Procyon |
Bon ! |
Glaucia |
On va commencer gentil, hein. |
Procyon |
En souplesse. |
Glaucia |
Dans un second temps, on te posera quelques questions... « Où est Manilius ? », par exemple... mais pour se mettre dans l'ambiance, on va te donner trente coups de fouet, ça te convient ? |
Arthur |
(Ne répond rien.) |
Glaucia |
Ça te convient ou pas ? |
Arthur |
Ah mais c'est une vraie question ? Ah non, mais là, je sais pas quoi vous dire... |
Procyon |
Je rêve ou il fait le mariole, là ? |
Arthur |
Non mais de toute façon je sais pas, où est Manilius. |
Glaucia |
(Ricane.) Moi je suis confiant, je pense que ça va te revenir, va... (À Procyon.) Vas-y ! |
Procyon |
(Se prépare à donner un coup de fouet à Arthur.) |
Iuventius |
(Entre précipitamment, hors d'haleine.) |
Glaucia |
Ben, euh... qu'est-ce qui te prend, toi ? |
Iuventius |
Sénateur... |
Glaucia |
Quoi, « sénateur » ? |
Iuventius |
Y a un sénateur ! |
Glaucia |
Un sénateur, mais qu'est-ce que tu me chantes, là ? |
Sallustius |
(Entre.) Bon, bah... je rentre, parce que j'ai pas que ça à faire non plus, hein... |
Procyon |
Garde à vous... garde à vous ! |
Arthur |
Ah bah, euh... garde à vous, ça va pas être simple, pour moi là ! |
Glaucia |
Ave Lucius Sillius Sallustius... qu'est-ce qui t'amène ? |
Sallustius |
C'est... Arturus qui est attaché, là ? |
Glaucia |
Tu... tu le connais ? |
Sallustius |
Qu'est-ce qu'il a fait ? |
Glaucia |
(Montre sa blessure.) Ça ! |
Procyon |
Moi il m'a tapé dans la pomme d'Adam ! Bon... ça se voit moins, parce que... je vais un petit peu mieux, mais... |
Sallustius |
Non mais... rappelle-moi son grade, s'il te plaît ? |
Glaucia |
Ah non mais j'ai le droit de le tuer hein, c'est un soldat ! |
Sallustius |
Non, non mais je... (rit) je te demande pas ça pour ça, mais... euh... jusqu'à quel grade on peut élever un simple soldat, déjà ? |
Glaucia |
À quel grade ? Tout dépend ! |
Procyon |
Tout dépend. |
Sallustius |
Mmh mmh, tout dépend de quoi ? |
Glaucia |
Des grades ! Y en a des tas... |
Sallustius |
Ouais... non mais au plus haut, la plus haute nomination pour un simple soldat... dans la milice, là, c'est quoi ? C'est quoi, déjà ? |
Glaucia |
Euh, je sais pas... comme dans la légion, euh... centurion... |
Procyon |
Oui, centurion, ouais ! |
Sallustius |
Centurion ? Bon ben voilà, bah tu me le mets centurion ! |
Glaucia |
Centurion, mais... mais quand ? |
Sallustius |
Ben maintenant ! |
Procyon |
Quoi mais d'un coup, comme ça, là ? |
Sallustius |
Oui, exactement, oui... et puis comme t'as pas le grade pour punir un centurion, tu le détaches, bien sûr... |
Glaucia |
Non mais... Sallustius... pour passer de simple soldat à centurion en une seule fois, faut... faut quelque chose d'exceptionnel ! |
Sallustius |
Et moi qui suis venu en personne dans ton clapier, là, c'est pas... assez exceptionnel ? Hein ? Tu fais ce que je te dis. (Part.) |
Procyon |
(À Glaucia.) Centurion, euh... c'est plus fort ou c'est moins fort que vous ? |
Glaucia |
Hein ? Moins ! (Part, puis revient.) Mais par rapport à vous, c'est plus ! Allez, détache-le... |
(Procyon et Iuventius détachent Arthur.) |
Villa Aconia, soir. Sallustius est accueilli par Drusilla, extrêmement impressionnée. |
Drusilla |
Madame arrive tout de suite, c'est que... pardon... mille excuses, mais... comme votre visite était pas annoncée... |
Sallustius |
Non mais tout va bien ! (Rit gentiment.) |
Drusilla |
(Part, puis revient.) Pardon, c'est de nouveau moi... mille excuses, mais selon votre grade... je sais plus si j'ai le droit de vous laisser seul dans la pièce ou pas. |
Sallustius |
Oui... en fait selon mon grade, vous n'avez pas le droit de m'adresser la parole, mais bon... (Rit doucement.) |
Drusilla |
Ah... d'accord... parce que... une fois j'ai eu un sénateur ici, et... je l'ai largué au milieu de la pièce et il a rien dit. |
Sallustius |
(Rit.) En fait, moi, euh... en plus d'être sénateur, je suis conseiller de Caesar, tu vois ? |
Drusilla |
D'accord. Autre chose, euh... j'ai comme des toute petites mouches qui virevoltent devant les yeux dans un ballet ininterrompu. C'est normal ? |
Aconia |
(Arrive.) C'est bon Drusilla, tu peux nous laisser. |
Drusilla |
Très bien... et puis y aura pas besoin de me le dire deux fois. (Part.) |
Sallustius |
Je te dérange ? |
Aconia |
Je me reposais. |
Sallustius |
(Avance lentement dans l'atrium en regardant autour de lui.) Wouh ! Euh... j'aurais besoin d'un petit service, Aconia. |
Aconia |
Pour mériter une visite en personne, il doit pas être si petit. |
Sallustius |
Tu connais Caesar... (s'assoit sur un lit) il a toujours été... un peu... excentrique... sa dernière lubie, c'est de s'être entiché d'un jeune soldat. |
Aconia |
Je savais pas qu'il touchait aux soldats. |
Sallustius |
Ah... attention, j'ai jamais dit qu'il touchait aux soldats ! Non... il s'est pris d'affection pour lui, il l'a nommé centurion, comme ça, d'un seul coup, sur un coup de tête... alors, euh... au Sénat... on s'inquiète, tu comprends ? (S'allonge.) |
Aconia |
On s'inquiète de quoi ? |
Sallustius |
Ah, bah écoute... imagine que Caesar le bombarde je sais pas quoi encore, on se retrouverait avec un officier supérieur qui n'aurait aucune éducation de rien ? Non... tu me suis ? |
Aconia |
Je ne vois toujours pas très bien en quoi ça me concerne, mais... j'écoute. (S'assoit sur le bord de l'impluvium.) |
Sallustius |
C'est pourtant simple : un petit crétin d'un côté... (s'assoit) de l'autre côté une des dames romaines les plus instruites et les plus raffinées de la cité... |
Aconia |
Vous... me demandez de donner des leçons à un soldat ? |
Sallustius |
Mmh. Exactement ! Mais à ton rythme, bien entendu... |
Aconia |
Mais je n'ai pas entendu dire que Rome était en manque d'instructeurs... |
Sallustius |
Envoyer le jeune soldat dans une école officielle, ce serait admettre qu'on donne de l'avancement à des idiots. Voilà... ce que j'attends de toi, c'est autant d'efficacité que de discrétion. |
Aconia |
Honnêtement, je ne suis pas sûre que ce soit à mon âge qu'on se lance dans l'enseignement. |
Sallustius |
Écoute... attends... tu es toute seule ici dans cette grande maison... |
Aconia |
(Se lève, grave.) C'est Rome... qui a fait que j'y suis seule. |
Sallustius |
(S'allonge.) Hé bah justement ! Rome te propose un peu de compagnie ! (Rit.) |
Aconia |
C'est de l'humour, Sallustius ? Rome m'a complètement oubliée, et maintenant il faut lui rendre service ? |
Sallustius |
« Service », euh... |
Aconia |
Quoi ? C'est un ordre ? |
Sallustius |
(Acquiesce.) De Caesar. Je suis désolé, hein. Je ne suis que le jouet de sa fantaisie, moi... (S'assoit.) |
Aconia |
(Part, puis se retourne.) En ville, on dit que c'est vous qui tirez les ficelles... |
Sallustius |
Si c'est moi qui tirais les ficelles, y a longtemps que j'aurais réglé ton problème, Aconia... |
Aconia |
(Part.) |
Dortoir de la caserne, nuit. Arthur essaie son nouvel uniforme de centurion, sous le regard de Caius, Papinius et du reste du dortoir. |
Caius |
Non mais regarde-moi ça, on pourrait en mettre deux comme toi, là-dedans ! |
Papinius |
(Sifflote.) Ouais, tu vas perdre ton frocfroc (n.m.) Pantalon En savoir plus, Arturus, là ! |
Arthur |
Putain, en plus ça me fait un mal de chien aux épaules... |
Caius |
Bah, si tu supportes pas, donne-le-moi ! En plus ça te va pas, on dirait une brouette... |
Falerius |
(Entre.) Arturus... (Se ravise.) Ah pardon... ave Centurion... euh, y a ton pote dehors ! |
Arthur |
Mon pote ? Quel pote ? |
Falerius |
L'autre là, qui veut toujours nous vendre des trucs... |
Arthur |
Verinus ? |
Falerius |
(Acquiesce.) Mmh. Il paraît que y a des fouilles dans les quartiers pauvres et qu'il faut que tu viennes. |
Arthur |
Que je vienne où ? Dehors ? Ben je peux pas ! |
Caius |
Mais quoi, tu peux pas ? |
Arthur |
Ben, je peux pas... enfin si, comme d'hab, quoi, faut que je fasse le mur ! |
Caius |
Non mais... t'es centurion, pauvre tache ! Tu rentres et tu sors comme tu veux ! |
Arthur |
Ah ouais. |
Caius |
Bah ouais ! |
Papinius |
Bah ouais... |
Arthur |
Mais je sors, euh... quoi, par la porte ? |
Caius |
Hé bah ouais ! |
Arthur |
Ouais bah ouais... (Part.) |
Le milicien |
(Tenant la spatha d'Arthur.) Hé ! Et ça ? |
Caius |
Ouais, tu la prends pas, ta spatha... centurion ? |
Arthur |
(Prend sa spatha et sort.) |
Quartiers pauvres, nuit. Arthur, muni d'une torche, rejoint la patrouille qui opère des fouilles dans le quartier de Licinia, dirigée par Iuventius. |
Arthur |
Ave Iuventius. |
Iuventius |
Ah bah t'es là, toi ? Ah non mais euh... ave Centurion, excuse-moi. |
Arthur |
Vous... êtes sur quoi, là ? |
Iuventius |
On tente de localiser le fugitif, Appius Manilius... enfin Manilius, quoi. |
Arthur |
Mmh... et qu'est-ce que ça donne ? |
Iuventius |
Pour l'instant pas grand-chose... mais il nous reste encore quatre rues. |
Arthur |
(Parlant plus fort, pour être entendu de Verinus.) Qu'est-ce que ça donne ? |
Iuventius |
Bah euh, comme je te disais, euh... |
Arthur |
(Apercevant Verinus au coin d'une rue et feignant la surprise.) Attention ! Un individu de type suspect qui circule pendant le couvre-feu ! Amenez-moi cet énergumène ! |
Iuventius |
Halte ! (À ses hommes.) Allez me le chercher, celui-là ! |
(Les soldats ramènent Verinus manu militari.) |
Verinus |
(Jouant la comédie, à Iuventius.) Centurion, Centurion... je dispose d'une information, mais... capitale ! |
Arthur |
Non mais c'est moi... |
Verinus |
(À Arthur, à voix basse.) De quoi ? |
Iuventius |
Je suis pas centurion, moi... |
Arthur |
(Agacé, à voix basse.) Ben non c'est moi. C'est moi, « centurion ». Quatre fois je l'ai dit. (Montrant son casque.) Ça... la brosse... (Plus fort.) Parle ! Quelle est donc cette fameuse information dont tu nous rebats les oreilles ? |
Verinus |
(À voix basse.) Mais je le dis à qui là du coup ? |
Arthur |
Parle, débile ! |
Verinus |
(D'une façon exagérément théâtrale.) Une rumeur circule... |
Arthur |
(Soupire, à voix basse.) Non, non non non, hou là c'est trop, beaucoup trop... |
Verinus |
Ah bon ? |
Arthur |
Oui. |
Verinus |
(Plus sobrement.) Une rumeur circule dans les bas-quartiers, Centurion. Négligeant le couvre-feu, j'ai cru bon de vous tenir informés dès que j'ai eu, euh... |
Arthur |
(À voix basse.) « ...pris connaissance des faits ». |
Verinus |
...connaissance des faits ! |
Iuventius |
Vous vous connaissez, non ? |
Arthur |
Non. Si, oui... non, « on se connaît », c'est-à-dire c'est mon informateur. |
Iuventius |
Ah. |
Arthur |
(À Verinus.) Parle, homme du peuple ! |
Verinus |
La rumeur... évoque un soldat en fuite... nommé... appius Manilius... |
Arthur |
Manilius ? Que nous chantes-tu là ? |
Iuventius |
(À Verinus.) C'est celui qu'on cherche ! Grouille ! |
Verinus |
Plusieurs personnes prétendent... qu'il aurait trouvé refuge dans une demeure des quartiers riches... |
Arthur |
(Faussement surpris.) Quoi ? (À Iuventius.) J'en sais suffisamment pour cesser les recherches dans cette partie de la ville. |
Iuventius |
(Ne répond rien.) |
Arthur |
Non ? |
Iuventius |
Bah, du coup... oui. |
Arthur |
Oui, voilà ! Bon, Iuventius, rentre à la caserne avec tes hommes, demain on organise les fouilles dans les quartiers résidentiels. (Tente de siffler puis laisse tomber.) |
Iuventius |
Bon... (À ses hommes.) Bon allez les asticots, on rentre se coucher ! (Part, puis se retourne.) Ave Centurion... excuse-moi, je... j'ai pas encore bien pris le coup... (Part.) |
(Les hommes de Iuventius partent avec lui. Arthur, resté seul avec Verinus, tente sans succès d'éteindre sa torche en la secouant.) |
Tente de Léodagan, nuit. Léodagan, Loth, Galessin, Ketchatar, Calogrenant et Hoël sont réunis. |
Léodagan |
Bon ! À moins d'un impromptu type incendie de forêt, attaque de dragons, ou l'un d'entre vous qui s'étouffe en avalant un moustique, il me semble... que la réunion peut débuter. Bien. |
(Séli et Goustan entrent, en tenue de voyage. Goustan porte un bonnet en peau et un gigantesque sac à dos.) |
Séli |
Bon allez, on n'attend plus que vous ! |
Léodagan |
Quoi ? De quoi ? Mais qu'est-ce qui se passe, encore ? |
Séli |
Comment « qu'est-ce qui se passe » ? On rentre ! |
Léodagan |
On rentre ? Mais on rentre où ? |
Séli |
Mais en Carmélide ! Où voulez-vous qu'on rentre ? |
Goustan |
Hé, je suis fin prêt ! À part s'il pleut, il faudra que je m'arrête pour rajouter des trucs sur les pieds. |
Léodagan |
Vous vous foutez de moi, non ? On est à deux doigts de démarrer, là ! |
Séli |
C'est nous qui sommes à deux doigts de démarrer ! Y a deux jours, vous me dites : « On rentre dans deux jours. » J'ai demandé à votre fille de s'occuper du petit jusqu'à demain, on rentre ! Nous on est prêts. |
Goustan |
Allez ! Et si on part assez tôt, on pourra peut-être s'arrêter deux minutes si on tombe sur des champis ! |
Calogrenant |
Attendez... qu'est-ce que c'est que ce cirque ? |
Loth |
Euh... vous allez nous larguer là, c'est ça le programme ? |
Séli |
Ben il faut partir de nuit, à cause des patrouilles romaines ! La nuit c'est maintenant ! |
Ketchatar |
Des patrouilles romaines ? Vous avez des patrouilles romaines chez vous, maintenant ? |
(Loth, Galessin, Ketchatar, Calogrenant et Hoël rient.) |
Séli |
Bah chez nous, non... mais ici, officiellement, on est en zone occupée... |
Galessin |
En zone occupée ? |
Loth |
En zone occupée ? Et nous on est arrivés de jour, comme des rosières ! On aurait pu se faire gauler ! |
Léodagan |
On est en poste avancé ! |
Galessin |
« En poste avancé », mais qu'est-ce que ça fout, ça, « en poste avancé » ? |
Hoël |
Un poste avancé, ça peut très bien être chez vous ! |
Léodagan |
Ah non, désolé ! Vous êtes pas chez les lopes, ici... moi mes postes, je les avance jusque sous le pif des Romains ! |
Ketchatar |
Ben mes agneaux... on a eu un drôle de fion de passer à travers ! |
Loth |
Du coup, il faut qu'on reparte maintenant nous aussi ! |
Séli |
Bah vous, vous faites ce que vous voulez, nous on rentre garder le gamin ! Allez, top départ... (Sort.) |
Léodagan |
Oh non, mais alors... c'est n'importe quoi ! |
Goustan |
Hé ben vous inviterez vos copains à la maison, on vous organisera une petite après-midi à la plage et vous pourrez faire des pâtés ! |
Léodagan |
(Donne un coup sur la table, furieux, et part.) |
Goustan |
(Intercepte Léodagan.) Faites la guerre, au lieu de causer... imbécile ! (Sort.) |
Appartement de Licinia, nuit. Arthur, toujours dans son uniforme de centurion, est assis à côté de Julia. |
Julia |
En tout cas ça te va bien... |
Arthur |
Mmh... faut que je rajoute des trucs sous les épaules, parce que ça me fait saigner... hé, il faut pas qu'il parte trop loin, Mani, là ! |
Julia |
Mais il prend l'air... |
Arthur |
Ouais, attends... c'est pas parce que j'ai viré une patrouille qu'il va pas s'en pointer une seconde... |
Julia |
Bon allez... (Se lève et soulève sa jupe.) On n'a pas huit jours, hein. |
Arthur |
(Se place derrière Julia.) Ouais. |
La Dame du Lac |
(Apparaît.) |
Arthur |
(Tombe par terre.) Putain ! Qu'est-ce que c'est ? |
Julia |
Qu'est-ce qui t'arrive ? |
La Dame du Lac |
(Souriante.) Bonsoir ! |
Julia |
T'es malade, tu m'as foutu une trouille ! |
Arthur |
Mais qui vous êtes, vous ? |
Julia |
Mais qui ça, « vous » ? |
Arthur |
Comment ça, « qui ça vous » ? |
La Dame du Lac |
Elle ne peut pas me voir, y a que vous qui me voyez ! |
Julia |
Mais qu'est-ce qui te prend, t'es complètement dingo ? |
(On frappe à la porte.) |
Licinia |
(Hors-champ, des escaliers.) C'est bon, vous avez fini ? On peut revenir ? |
La Dame du Lac |
Bon, il vaut peut-être mieux que je repasse à un autre moment... |
Arthur |
Attendez, attendez, attendez ! |
Manilius |
(Hors-champ, des escaliers.) Ouais bah... on attend mais finissez, quoi... |
Verinus |
(Hors-champ, des escaliers.) Ouais, vous prendrez votre temps une autre fois, là... |
Arthur |
Je vous reconnais, non ? |
La Dame du Lac |
Oui ! Oui oui, c'est normal. |
Julia |
(À Licinia, Manilius et Verinus.) Euh... vous pouvez rentrer, là ? Il déconne complet ! |
(Licinia, Manilius et Verinus entrent.) |
Licinia |
Bah y a quelque chose qui va pas ? |
La Dame du Lac |
Je repasse, honnêtement c'est plus simple. (Disparaît.) |
Manilius |
Il te va vraiment bien, le costard de centurion ! |
Abords du camp de Macrinus, matin. Servius et Cordius sortent d'une tente et traversent le camp. |
Cordius |
Dites-moi... je voulais vous demander... sans indiscrétion, évidemment... vous allez leur dire quoi, à Rome ? Qu'on s'en sort pas ? |
Servius |
Que vous ne vous en sortez pas, ils le savent déjà. |
Cordius |
Ouais... et, euh... ils vous ont fait venir ici pour quoi ? |
Servius |
Pour l'ambiance. |
Cordius |
Ah ouais. |
(Un soldat arrive et tend un message à Cordius.) |
Cordius |
(Prend le message et le lit.) Ah bah c'est pour vous. |
Servius |
Pour moi ? |
Cordius |
Ouais... |
Servius |
(Prend le message et le lit.) Ah... avant de partir, faut que je trouve un type qui s'appelle... mer... merlin ? |
Cordius |
Comment ? |
Servius |
Merlin, ça vous dit quelque chose ? |
Cordius |
Euh... hou là, non si, euh bah franchement, si vous avez pas plus d'infos, là, non... |
(À la lisière du camp, des branches tombent d'un arbre.) |
Merlin |
(Tombe de l'arbre en criant.) Non, laissez-moi... laissez-moi ! Laissez-moi ! |
(Deux soldats amènent Merlin à Cordius. Ses cheveux sont ébouriffés et pleins de feuilles.) |
Merlin |
Alors attention, je sais ce que vous allez penser, tout porte à croire que j'espionnais. Hé ben figurez-vous que pas du tout. Je cueillais des trucs. Parce que je suis druide, et les druides... ça cueille des trucs. |
Plage, matin. Servius est dans une barque prête à prendre la mer. La barque est flanquée de deux soldats. Merlin se tient à quelques mètres, ses sandales dans les mains. |
Servius |
Sincèrement, vous pensez que vous allez en avoir pour combien de temps ? A peu près, hein... |
Merlin |
Zut ! Laissez-moi me faire à l'idée ! |
Servius |
Vous faire à l'idée de quoi ? |
Merlin |
À l'idée de monter dans cette saloperie ! |
Servius |
Quelle saloperie ? La barque ? Vous êtes jamais monté dans une barque ? |
Merlin |
Non, figurez-vous Monsieur j'ai-tout-vu-tout-fait, je ne suis jamais monté dans une barque ! |
Servius |
Et comment on fait pour habiter sur une île sans jamais monter dans une barque ? |
Merlin |
On reste sur l'île ! Une autre question ? |
Servius |
Ouais... vous préférez monter dans la barque maintenant, de plein gré ? Ou dans vingt secondes avec un coup de pompes dans l'oignonoignon (n.m.) Derrière, postérieur, cul, spécifiquement l'anus En savoir plus ? |
Merlin |
(En panique.) J'aime pas ça, j'aime pas ça, j'aime pas ça, je sens que ça va bouger ! |
Servius |
Mais non, la mer est calme, montez ! Hé sans déconner, si vous montez pas, c'est moi qui descends. |
Merlin |
J'ai les jetons des poissons ! |
Servius |
Vous avez les jetons des poissons ? |
Merlin |
Oui oh bah ça va, en eau douce j'ai pas peur, je vous ferais dire... les truites, les carpes, c'est quand vous voulez, mais là-dedans y a des machins qui font trois fois votre taille ! |
Servius |
Montez. |
Merlin |
(Ne bouge pas.) |
Servius |
(Soupire et claque des doigts.) |
(Les deux soldats se ruent sur Merlin et l'emmènent dans la barque.) |
Merlin |
Non... non, non ! Ah non ! Laissez ! Ah ! |
Servius |
Hé bah c'est pas dommage« c'est pas dommage » (loc.) Formule pour exprimer son impatience après une longue attente En savoir plus... |
Merlin |
Zut ! |
Servius |
(Claque des doigts.) Allez on y va. |
Merlin |
Non non non non ! On n'y va sûrement pas ! |
(Noir.) |
Merlin |
Vous me laissez le temps de me faire à l'idée ! |
(Stab final.) |
(Fermeture.) |