Chambre à Tintagel, matin. Arthur, hirsute et barbu, est allongé sur un lit. Le père Blaise est assis près du lit, une tablette sur les genoux. |
Arthur |
Dites, euh... ça vous ennuie, si on s'arrête, là ? |
Le père Blaise |
Bah, euh... |
Arthur |
J'en peux plus, j'ai les yeux qui se ferment tout seuls... |
Le père Blaise |
Ah, ben moi je veux bien, mais euh... |
Arthur |
Mais quoi ? |
Le père Blaise |
Bah vous savez ce qu'on a dit, euh... il faut qu'on finisse sans plus tarder au cas où... |
Arthur |
Au cas où je meurs, c'est ça ? |
Le père Blaise |
Euh oui... |
Arthur |
En plus je comprends pas... qu'est-ce qu'il nous reste à faire, là, je vous ai pas déjà tout raconté ? |
Le père Blaise |
Euh... |
Arthur |
Attendez... Rome, mon premier mariage, ma nomination en Bretagne... en plus les trois quarts des trucs vous étiez là, enfin, vous avez pas besoin de moi, si ? |
Le père Blaise |
Oui oui oui, après y a la... la fondation de Kaamelott, euh oui... |
Arthur |
Ah bah, à partir de la fondation de Kaamelott, vous avez pas tout noté au fur et à mesure ? |
Le père Blaise |
Ah si si si, si... |
Arthur |
Bon bah voilà ! |
Le père Blaise |
Non, mais... non. En fait ce qu'il me faudrait maintenant, c'est deux choses... y a deux choses, euh... tout d'abord, la première fois où vous avez retiré l'épée du rocher quand vous étiez tout petit, et... |
Arthur |
Non mais ça je vous ai déjà dit, non, je me souviens pas... |
Le père Blaise |
Euh oui non... pas grave... et euh, la deuxième chose, c'est le voyage que vous avez fait à la recherche de votre descendance, euh... jusqu'à... |
Arthur |
Jusqu'à ? |
Le père Blaise |
Ben... jusqu'à votre tentative de suicide. |
Arthur |
(Ne répond rien.) |
Le père Blaise |
Ben... il va bien falloir qu'on l'évoque à un moment ou à un autre ! |
Arthur |
Pourquoi ? |
Le père Blaise |
Comment ça, « pourquoi » ? |
Arthur |
Bah oui, pourquoi ? Est-ce qu'on est bien sûrs que c'est une chose à transmettre aux générations futures, ça ? Est-ce qu'on pourrait pas tout simplement... ne pas en parler ? |
Le père Blaise |
Ne pas en parler, ne pas en parler... oui, euh... on peut toujours, c'est sûr ! Enfin bon, c'est quand même Lancelot, votre pire ennemi, qui vous a sauvé la vie au dernier moment alors qu'il était venu pour vous tuer ! C'est... là je vous parle franchement, euh... vu le tas de conneries sans intérêt que je me suis farci du temps de Kaamelott, un coup comme votre suicide, ça me ferait mal de passer à côté. |
Arthur |
Bon. Alors qu'est-ce que vous voulez savoir ? |
Le père Blaise |
Euh... ben... en fait, ce qui vous a poussé à... |
Arthur |
Ce qui m'a poussé à. Ce qui m'a poussé à... j'allais pas bien ! |
Le père Blaise |
Oui... merci, je m'en serais douté, mais euh... vous pouvez pas développer, un peu ? |
Arthur |
J'ai les yeux qui se ferment tout seuls, je voudrais faire une pause. |
Le père Blaise |
Oui, mais... moi, je ne vous force à rien, euh... simplement, les druides ont dit que vous étiez en train de mourir d'anémie, et que ça pouvait arriver à n'importe à quel moment. |
Arthur |
(Ne répond rien, les yeux clos.) |
Le père Blaise |
Sire ? (Inquiet.) Sire ? |
Arthur |
Non, c'est bon, je dors, je suis pas en train de mourir... |
Le père Blaise |
(Soupire.) Bon, mais... mais Sire, euh... |
Arthur |
Arrêtez de m'appeler « Sire »... laissez-moi dormir un quart d'heure, je vous promets que je meurs pas. |
Le père Blaise |
(Pose sa tablette et part.) |
Chambre à Tintagel, matin. Rêve d'Arthur : Arthur, les cheveux courts et rasé de près, est allongé sur un lit. Mevanwi est assise sur lui. |
Mevanwi |
Je vous aime pas, comme ça. |
Arthur |
« Comme ça » comment ? |
Mevanwi |
Sans barbe. Pour un roi, c'est vraiment pas joli. |
Arthur |
Bah oui, mais je suis roi de Rome, moi... les rois à Rome, ils ont pas de barbe. |
Mevanwi |
Et Hadrien, il avait pas de barbe, peut-être ? |
Arthur |
Non mais Hadrien ça a rien à voir, il a construit le mur... il peut tout se permettre... un mur qui traverse le pays... moi j'ai pas construit de mur, je peux pas me permettre ces excentricités. |
Mevanwi |
Si vous avez pas construit de mur, vous avez fait quoi, vous, alors ? |
Arthur |
Pour Rome ? |
Mevanwi |
Ouais, pour Rome. |
Arthur |
Je l'ai laissée tomber. |
Mevanwi |
Comme moi. |
Arthur |
Comme vous. |
Mevanwi |
J'ai froid. |
Arthur |
Ah bon. |
Mevanwi |
(Se penche contre Arthur.) |
Aconia |
(Se redresse, en lieu et place de Mevanwi.) J'ai trop froid. Si tu n'allumes pas un feu, je m'en vais. |
Arthur |
Il fait moins froid, en Macédoine ? |
Aconia |
Partout, il fait moins froid. |
Arthur |
Et le fait d'être avec moi, vous avez pas moins froid ? |
Aconia |
Tu l'as retrouvé, le Graal ? |
Arthur |
Le Graal ? |
Aconia |
Oui, le Graal... tu l'as retrouvé ? |
Arthur |
Non. |
Aconia |
Et ton alliance ? Tu l'as retrouvée, ton alliance ? |
Arthur |
Non plus. |
Aconia |
Non plus ? |
Arthur |
Mais maintenant c'est trop tard, je la retrouverai plus. |
Chambre à Tintagel, matin. Arthur, hirsute et barbu, est allongé sur un lit, endormi. Cryda est assise près du lit. |
Arthur |
(Se réveille.) |
Cryda |
Ah ! Ça y est ? C'est bon ? Vous émergez ? |
Arthur |
J'ai dormi longtemps ? |
Cryda |
Ah, on peut dire ça, oui. À point tel que votre mère vous a déclaré officiellement mort. |
Arthur |
Quoi ? |
Cryda |
Hé bah oui ! Ça durait, ça durait... à la fin... elle en a eu ras le bol, quoi. Mettez-vous à sa place ! |
Arthur |
Ouais... attendez, attendez... qu'est-ce que vous entendez exactement par « déclaré officiellement mort » ? |
Cryda |
Bah elle... elle a envoyé des messages à tout le monde, pour leur dire de rappliquer ! Rapport à vos obsèques ! |
Arthur |
D'accord. D'accord, d'accord. Et euh... très bien, qu'est-ce qu'on fait, du coup ? Je me zigouille, en essayant de pas me louper, pour être raccord au message ? |
Cryda |
Mais non, mais on s'en occupe, hein... figurez-vous... on n'est pas entièrement encore complètement gâteuses... quand les gens arrivent, on leur explique ! |
Arthur |
Vous leur expliquez quoi, au juste ? Qu'il faut qu'ils reviennent plus tard ? |
Cryda |
Ah bah non, quand même, y en a qui arrivent de très loin ! Non, on leur propose de venir vous rendre hommage, mais de votre vivant. Et... du coup ils s'y retrouvent, hein, parce que par rapport aux obsèques, c'est quand même plus... |
Arthur |
Plus vivant ? |
Cryda |
Oui, voilà. Euh... oui donc maintenant que vous avez les yeux ouverts... et d'autant qu'on sait pas combien de temps ça va durer, euh... on va commencer à les faire rentrer. Alors, attention... y a du con. Mais... du bon con, vous voyez ? Je sais même pas si j'en ai... si j'en ai déjà vu autant d'un seul coup ! Non, à part chez vous, bien sûr, à Kaamelott, là... |
Arthur |
Mais euh... attendez, parce que... qu'est-ce que je leur dis, moi ? |
Cryda |
Ah non, non, c'est eux qui vont dire, vous c'est « bonjour, bonsoir ». Mais de toute façon vous étiez censé être mort, ils viennent pas là pour vous écouter ! |
Arthur |
Ouais... |
Cryda |
Je les fais venir ? |
Arthur |
Oui oui oui, bah oui... |
Cryda |
(Tente de siffler et échoue et se lève donc.) |
Chambre à Tintagel, matin. Rêve d'Arthur : Arthur, hirsute et barbu, est allongé sur un lit. Anna est assise près du lit et consulte des tablettes. |
Anna |
Il en manque. |
Arthur |
Pas tellement, non. |
Anna |
Pas tellement, mais il en manque. La fois où vous avez tué mon père, par exemple... c'est où ? |
Arthur |
Mais... c'est pas moi, qui ai tué votre père... c'est mon père qui a tué votre père. |
Anna |
C'est un Pendragon, c'est pareil. De toute façon, vous faites tout comme lui. |
Arthur |
Je risque pas de tout faire comme lui, je l'ai jamais connu. |
Anna |
Et la fois où vous avez retiré l'épée ? C'est où ? |
Arthur |
La première fois, vous voulez dire ? |
Anna |
Oui oui oui, la première fois. |
Arthur |
La première fois, je m'en souviens pas, j'étais trop petit. |
Anna |
À quatre ans on se souvient. |
Arthur |
Oui bah moi je me souviens pas. Je me souviens d'autres trucs, mais l'épée, je me souviens pas. |
Anna |
Ça vous ferait plaisir, de coucher avec votre demi-sœur ? |
Arthur |
Quoi ? |
Anna |
Coucher avec moi... ça vous ferait plaisir ? |
Arthur |
Mais on n'a pas le droit, de faire ça. |
Anna |
(Sourit cyniquement.) Mais je vous demande pas si on a le droit, je vous demande si ça vous ferait plaisir. |
Arthur |
Honnêtement, je crois pas. |
Anna |
Pourtant vous y viendrez. Faites moi confiance. Vous y viendrez.Ce passage rappelle le mythe d'Œdipe, aux parents duquel la Pythie de Delphes avait prédit qu'il finirait par coucher avec sa mère. |
Chambre à Tintagel, matin. Arthur, hirsute et barbu, est allongé sur un lit, endormi. Bohort est assis près du lit. |
Arthur |
(Se réveille, confus.) |
Bohort |
Vous avez fait un mauvais rêve, Sire. Vous parliez. |
Arthur |
Je parlais ? Je disais quoi ? |
Bohort |
Vous disiez... « Je me souviens pas, je me souviens pas... » |
Ygerne |
(Arrive.) Ça y est, c'est fini, oui ? Je vous rappelle qu'il y en a d'autres qui attendent ! |
Bohort |
Mais j'ai même pas commencé ! |
Ygerne |
Pas commencé ? Vous vous fichez de moi ? |
Bohort |
Mais il dormait ! Je vais pas présenter mes hommages à quelqu'un qui dort ! |
Ygerne |
Vous comptiez bien les présenter à quelqu'un qui est décédé ! Ça change pas grand chose ! |
Arthur |
Honnêtement, mère, est-ce que vous croyez vraiment que ça vaut bien le coup ? |
Ygerne |
Que quoi, vaut le coup ? |
Arthur |
Ben... je suis pas encore mort... est-ce que ça vaut bien le coup, de... que je me farcisse les hommages des gens ? C'est quand même tout l'intérêt d'être mort, ne pas être obligé de se taper les hommages... |
Ygerne |
Hé ben vous, vous vous les taperez de votre vivant ! Parce qu'il est hors de question que ces pignoufs campent dans mon couloir pendant tout le temps qui nous sépare de votre regrettée disparition ! (Criant.) Vous allez faire un effort pour me déblayer tout ça, en un minimum de temps ! (Désignant Bohort.) À commencer par celui-là ! (Part.) |
Bohort |
Euh... j'y vais ? |
Arthur |
Où ça ? |
Bohort |
Je vous présente mes hommages ? |
Arthur |
(Fait signe que ça lui est égal.) Hein ? Écoutez Bohort, vous croyez pas qu'on peut s'abstenir ? |
Bohort |
Vous pensez que vous n'allez pas mourir ? |
Arthur |
Bah c'est-à-dire oui, je vais bien finir par mourir à un moment ou à un autre, mais... |
Bohort |
Bah il faudrait au moins que vous mangiez quelque chose de consistant ! Votre tante m'a dit que depuis l'accident vous ne mangez presque rien, comment voulez-vous vous rétablir avec tout le sang que vous avez perdu ? |
Arthur |
J'arrive pas à manger, Bohort, ça passe pas. |
Bohort |
Les druides de Tintagel disent que cette fois-ci, c'en est trop pour votre constitution ! Que le corps va lâcher ! |
Arthur |
Les druides de Tintagel, hein... honnêtement, si ils sont aussi doués que le nôtre... |
Bohort |
De toute façon, Sire, il n'y a pas besoin d'être druide pour voir que si vous ne vous ressaisissez pas très vite... |
Cryda |
(Entre.) Bon, dites-moi, là-dedans, hein... comme vous avez pas tellement l'air de vouloir vous presser, on va commencer à faire passer les gens deux par deux... |
Merlin |
(Entre.) C'est moi ! J'ai apporté des herbages pour vous rafistoler ! |
Cryda |
Et dans un second temps, si vraiment vous vous obstinez à lambiner, on vous collera sur le balcon ! Et vous vous adresserez à tout le monde en une seule fois ! Vu ? (Part.) |
Bohort |
J'ai même pas eu le temps de commencer mes hommages... |
Merlin |
Mais pas besoin d'hommages, je vous dis, puisque je vais vous le rafistoler ! |
Arthur |
Ça fait vingt fois que vous essayez de me « rafistoler », comme vous dites. Ça marche jamais. |
Merlin |
Ça marche jamais parce que vous avez pas envie, c'est tout ! |
Arthur |
Pas envie de quoi ? |
Merlin |
Vous avez pas envie de récupérer ! Vous avez pas envie de refabriquer ce sang qui vous manque, combien de temps ça fait que vous vous êtes taillé les veines ? Six mois, un an ! Et vous êtes toujours blanc comme une fesse ! Faut pas exagérer ! |
Bohort |
Merlin, ne vous emballez pas... |
Merlin |
Je m'emballe pas, ça m'énerve ! Il suffirait que vous vous donniez un bon coup de pied au fion et vous reprendriez du poil de la bête, mais non ! |
Arthur |
(Ne répond rien.) |
Merlin |
Et voilà, il s'endort maintenant... |
Arthur |
Non mais attendez, mais moi je peux pas tenir des conversations longues comme ça, j'ai les yeux qui se ferment tout seuls... |
Merlin |
Sire... |
Bohort |
Chut ! |
Merlin |
Sire ! |
Bohort |
Chut ! |
Merlin |
(Criant.) Mais vous, chut ! |
Bohort |
Chut ! |
Chambre à Tintagel, matin. Arthur, hirsute et barbu, est allongé sur un lit, endormi. Karadoc est assis près du lit. |
Arthur |
(Se réveille.) |
Karadoc |
Ah ! C'est pas dommage« c'est pas dommage » (loc.) Formule pour exprimer son impatience après une longue attente En savoir plus ! (Pose une planche sur ses genoux, sur laquelle il dispose à manger.) Allez, installez-vous comme il faut, je vous ai emmené du pain et de la terrine de biche ! |
Arthur |
Ouais alors c'est gentil d'être passé, Karadoc, mais alors... |
Karadoc |
Et attention, hein ! C'est pas du pâté pourrave fait à la va-vite avec de la bidochebidoche (n.f.) Viande En savoir plus daubée ! Si je vous dis « terrine de biche », ça veut dire « terrine de biche estampillée Karadoc » ! Une terrine comme ça, elle peut vous servir de référence pour toutes les terrines que vous allez bouffer dans votre vie ! Puisque finalement vous êtes pas mort... |
Arthur |
Oui mais ce que je comprends pas, c'est que vous, vous croyiez que je l'étais, donc euh... quand vous allez rendre vos hommages à un mort, vous apportez de la terrine de biche, vous ? |
Karadoc |
Bah... j'ai pas réfléchi à la question, en fait. Je me suis dit, euh... « Tu vas voir Arthur, euh... te pointe pas les mains vides. » Alors après, mort ou pas mort, pff... j'ai pas fait attention. |
Arthur |
Bah c'est très gentil, Karadoc, merci beaucoup... seulement le truc, c'est que je mange pas. |
Karadoc |
Vous mangez pas ? |
Arthur |
Non. |
Karadoc |
C'est-à-dire ? |
Arthur |
C'est-à-dire ce que je vous dis, je mange pas. |
Karadoc |
Vous mangez pas souvent ? |
Arthur |
Non, je mange pas. |
Karadoc |
Vous mangez pas beaucoup ? |
Arthur |
Non... je mange pas. |
Karadoc |
(Confus.) « Je mange pas »... |
Arthur |
« Manger » ! « Manger ». Vous savez ce que ça veut dire, « manger » ? |
Karadoc |
Bah oui ! |
Arthur |
Voilà, « manger »... bon ben c'est l'inverse. |
Karadoc |
(Après réflexion.) Ouais, je comprends pas, mais c'est pas grave. Je vous fais une tartine ? |
Arthur |
Non merci. |
Karadoc |
(Commence à tartiner un bout de pain.) Et c'est parti ! Pendant que je vous tiens, je voulais vous parler d'un truc qui me turlupine. En fait... j'aurais voulu vous rendre le pouvoir. Ça me gonfle, d'être roi de Bretagne ! En plus... y a personne qui m'écoute, ils viennent même plus aux réunions de la Table ronde... ma femme, elle me demande des trucs, des machins... sincèrement, autant au début je trouvais qu'avoir la couronne c'était marrant... autant maintenant, j'en ai vraiment plein l'oignonoignon (n.m.) Derrière, postérieur, cul, spécifiquement l'anus En savoir plus. Ça vous embête si je vous le rends ? |
Arthur |
Ben, ma foi... |
Karadoc |
Bah, est-ce que c'est possible, déjà ? |
Arthur |
Quoi donc, de me rendre le pouvoir ? |
Karadoc |
Bah oui ! |
Arthur |
Bah... vous savez, le pouvoir... vous en faites ce que vous voulez hein, si vous voulez le rendre... non le truc, c'est que... j'ai plus Excalibur, moi, donc je suis plus légitime, sans elle. |
Karadoc |
Mais moi non plus, j'ai pas Excalibur... |
Arthur |
Ouais non mais vous vous exercez une régence, ça a rien à voir. |
Karadoc |
Ouais mais ça me gonfle, alors qu'est-ce qu'on fait ? |
Arthur |
Non non non, mais rendez le pouvoir, rendez le pouvoir... de toute façon on va pas vous obliger à diriger le royaume si vous avez pas envie, mon vieux... |
Karadoc |
Ah bah très bien ! Vous voyez, ça me soulage. Du coup, il faut que je vous signe un truc ? |
Arthur |
Mais parce que vous savez écrire, maintenant ? |
Karadoc |
Bah non, toujours pas... |
Arthur |
Bon bah voilà. On va dire que c'est une passation de pouvoir orale. C'est tout ce qu'il vous fallait ? |
Karadoc |
Ouais, pourquoi ? |
Arthur |
Parce que je m'endors, Karadoc, j'en peux plus. Allez, mon vieux... retournez dans votre clan et amusez-vous bien. |
Karadoc |
Merci, Sire. |
Arthur |
M'appelez pas « Sire ». |
Karadoc |
Ah bah si ! |
Arthur |
Ah oui oui oui, pardon, pardon... |
Chambre à Tintagel, matin. Arthur, hirsute et barbu, est allongé sur un lit, endormi. Guenièvre est assise près du lit. |
Arthur |
(Se réveille.) |
Guenièvre |
Je me suis sauvée de la maison... |
Arthur |
(Se redresse dans le lit.) Comment ? |
Guenièvre |
Mais quand j'ai appris que vous étiez mort, j'ai tellement pleuré, pleuré... j'ai supplié mon père de pouvoir venir vous voir, mais il m'a jamais laissée partir... |
Arthur |
Vous vous êtes sauvée ? |
Guenièvre |
Oui, ça m'a pris un temps fou... j'ai payé des guides... j'ai pris une diligence, sauf que c'était pas la bonne, alors j'en ai pris une autre... oh qu'est-ce que c'est loin, Tintagel, hein ! C'est terriblement loin ! |
Arthur |
Ah bah c'est la Carmélide, surtout, qui est loin... |
Guenièvre |
Oui, je sais... mais si vous croyez que ça me fait plaisir, d'être coincée là-haut... |
Arthur |
Ça fait longtemps que vous attendez ? |
Guenièvre |
Ben... normalement, je devais attendre avec les autres, mais... je me suis pris le bec avec votre mère, alors euh... je me suis mise à insulter les gens... oh là là, je suis désolée... je crois que j'ai traité votre tante de grosse gouine. Je voulais pas. Je... je voulais pas, mais... quand j'ai compris que vous étiez encore vivant, j'étais tellement pressée de venir vous voir que... je les ai tous envoyés chier ! Alors du coup, bah... j'ai attendu là. |
Arthur |
(Désignant les parchemins du père Blaise.) Euh... vous avez lu, tout ça ? |
Guenièvre |
C'est... vos mémoires, c'est ça ? Non, j'ai pas lu... j'avais peur de tomber sur des trucs, euh... |
Arthur |
Des trucs qui vous concernent ? |
Guenièvre |
Bah non... plutôt des trucs qui me concernent pas... y en a ? |
Arthur |
Des trucs qui vous concernent pas ? Je sais pas. Dans l'absolu, tout devrait vous concerner... mais des trucs que vous avez jamais sus, oui, y en a. |
Guenièvre |
Ah... des gros trucs ? |
Arthur |
Mon premier mariage, par exemple. |
Guenièvre |
Ah oui, quand même... là, on est plutôt sur du gros truc ! |
Arthur |
Tout est dedans... à peu de choses près. Lisez-le, quand même, quand je serai mort. Y a rien de... voilà... mais... c'est pas plus mal, de savoir. Y a probablement quelques machins que vous pourriez éclaircir. |
Guenièvre |
Et pourquoi vous me l'avez jamais dit ? |
Arthur |
Je sais pas. Je voulais pas vous faire de mal. |
Guenièvre |
Y a pas un moyen que vous mourriez pas ? |
Arthur |
(Fait une moue qui indique qu'il ne sait pas.) D'après les druides d'ici, non. J'arrive pas à refaire le sang qui me manque. |
Guenièvre |
(Réprobatrice.) Le sang qui vous manque, moi je l'ai vu, hein... |
Arthur |
C'est-à-dire ? |
Guenièvre |
Le sang qui vous manque, je l'ai vu ! Je dors avec ma mère, maintenant, en Carmélide, toutes les nuits... parce qu'à chaque fois que je ferme les yeux, je vois tout le sang qui vous manque, par terre... avec vos coupures au poignet, et puis vos yeux vides... alors, vous m'avez jamais avoué que vous vous étiez marié une première fois, hein, mais ça vous me l'avez laissé voir ! |
Arthur |
Je vous l'ai « laissé voir »... j'ai rien laissé voir du tout, moi, je veux dire, euh... je me suis buté, quoi, voilà... |
Guenièvre |
Si si ! Si ! Si ! Y en a d'autres, hein, des moyens de se buter ! Se jeter du haut d'une falaise, par exemple... ça, ça emmerde personne ! Mais vous, c'est pas ça que vous avez fait. Vous vous êtes ouvert les veines dans un bain que j'avais moi-même fait couler. |
Arthur |
Peut-être... |
Guenièvre |
Peut-être quoi ? |
Arthur |
Peut-être... que j'ai voulu vous empêcher de dormir... vous et les autres. Peut-être que j'ai voulu empêcher tout le monde de fermer l'œil. Peut-être que j'ai voulu vous mettre la faute sur le dos. |
Guenièvre |
Hé ben c'est pas gentil. |
Arthur |
Non. (S'allonge dans le lit.) Non, c'est pas gentil. (Soupire.) C'est pas gentil. Mais bon, je le referai plus. |
Chambre à Tintagel, matin. Arthur, hirsute et barbu, est allongé sur un lit, endormi. Lancelot est assis près du lit. Cryda se tient vers l'entrée. |
Arthur |
(Se réveille et regarde Lancelot.) Euh... c'est un rêve, là ? |
Cryda |
Non, non, c'est pas un rêve ! On en a bien discuté avec votre maman... on a décidé de le laisser rentrer. |
Bohort |
(Hors-champ, du couloir.) C'est une honte ! Imposer au roi le visage de son tourmenteur ! |
Cryda |
(Fort, à Bohort.) Il lui a sauvé la vie ! |
Bohort |
Mais il était venu pour la lui prendre ! |
Cryda |
Oui, bah finalement il l'a sauvé ! |
Bohort |
(Entre, en furie.) Je vous dis qu'il vient pour le tuer ! Ça se voit dans ses yeux ! |
Cryda |
Bon, alors c'est à Arthur de décider ! Voilà. S'il veut lui parler, il reste, s'il veut pas... je le ferai sortir par la garde ! |
Bohort |
Est-ce qu'il a été fouillé, au moins, bande d'inconscients ? |
Cryda |
Sûrement ! Oui, enfin... j'en sais rien... |
Bohort |
Vous en savez rien ? |
Lancelot |
Je peux pas être venu pour le tuer, puisqu'il est censé être déjà mort. |
Cryda |
Voilà. (À Arthur.) Enfin si y a un problème, vous appelez, on est juste derrière. |
Bohort |
Mais, euh... qui est juste derrière ? |
Cryda |
Hé bah vous, tiens ! Puisque vous êtes plein d'énergie, vous allez faire le pet devant la porte ! Allez ! |
Bohort |
(Sort à contrecœur.) |
Cryda |
(Sort à la suite de Bohort.) |
Arthur |
Vous pouvez me passer une tablette de cire, je vous prie ? Avec un style. Une vierge, s'il vous plaît. |
Lancelot |
(Donne une tablette et un style à Arthur.) |
Arthur |
Merci. (Commence à écrire.) |
Lancelot |
Il paraît qu'il faut pas trop vous fatiguer. |
Arthur |
« Il paraît », « il paraît »... il en paraît, des choses... les druides me donnent gagnant pour calancher dans les trois jours, et il faut pas que je me fatigue. Voyez, je croyais qu'on avait le druide le plus con du continent... finalement je me demande si c'est pas une caractéristique inhérente à la fonction. Je vous écoute. |
Lancelot |
Vous... m'écoutez ? |
Arthur |
Bah oui, vous étiez pas venu me présenter vos hommages ? |
Lancelot |
Ouais, la nouvelle court partout que vous êtes mort... que ceux qui vous ont côtoyé de plus ou moins près sont invités à vous rendre hommage à la forteresse de Tintagel, alors... |
Arthur |
Bah oui, bah du coup allez-y ! |
Lancelot |
Bah, c'est-à-dire que... vous êtes pas tellement mort... |
Arthur |
(Soupire.) Non mais... faites ce que vous avez à faire, Lancelot. Vraiment, vous occupez pas de savoir si je suis mort, pas mort... moi j'en ai marre... d'aller systématiquement contre vos idées, mon vieux. Vous savez ce qu'on va faire, aujourd'hui ? On va dire que je ne vais rien changer à vos plans. D'accord ? |
Lancelot |
(Perplexe.) Mais... du coup ? |
Arthur |
Présentez-moi vos hommages ! |
Lancelot |
Initialement, j'avais plutôt pensé à quelque chose d'intérieur... |
Arthur |
D'intérieur ? |
Lancelot |
De... dans la tête, quoi, enfin... une espèce de... de recueillement. |
Arthur |
Ah oui ! Bah allez-y... |
Lancelot |
Je... je me recueille ? |
Arthur |
Oui oui oui oui... |
Lancelot |
(Ferme les yeux et se recueille un moment.) |
Arthur |
(Finit d'écrire, et tapote la tablette avec le style.) Vous avez fini ? |
Lancelot |
Bah... bah y a pas une fin bien définie... |
Arthur |
Mmh. (Brandit la tablette.) Dans cette tablette, vous avez les pleins pouvoirs. |
Lancelot |
Pardon ? |
Arthur |
La forteresse de Kaamelott... le royaume de Logres... la fédération bretonne, la Table ronde, la quête du Graal... c'est vous qui êtes en charge, maintenant. |
Lancelot |
Je... je comprends pas... |
Arthur |
Mais y a rien à comprendre. Vous voulez essayer ? Hé ben essayez. Voilà, c'est votre récompense pour m'avoir sauvé la vie : les pleins pouvoirs. (Se redresse dans le lit et tend la tablette à Lancelot.) |
Lancelot |
Comme ça, là ? |
Arthur |
Oui, comme ça, là. Et je vous signale que vous devriez vous grouiller, parce que je peux mourir d'une minute à l'autre, je vais la faire tomber. |
Lancelot |
(Prend la tablette.) |
Arthur |
(S'allonge dans le lit en soupirant.) Vous vous souvenez de l'époque où... vous croyiez aux mêmes choses que moi ? Parce que moi, je m'en souviens. Vous savez ce qu'on va faire ? On va... on va faire comme si il s'était rien passé depuis. Et vous allez faire ça. |
Lancelot |
(Perplexe.) Je fais quoi ? |
Arthur |
Vous faites ça. Vous faites ce qu'on avait prévu. Vous êtes un grand chef, comme moi ? |
Lancelot |
Un grand chef ? |
Arthur |
Lancelot, vous êtes un grand chef ou pas ? |
Lancelot |
(Soupire.) Je crois, oui... |
Arthur |
Bon. Alors rappelez-vous toujours de ça : les grands chefs n'ont qu'un point commun... ils ne se battent que pour la dignité des faibles. (Soupire.) Allez, foutez le camp. |
Lancelot |
Je sais pas quoi dire. |
Arthur |
Y a rien à dire, maintenant. Y a à faire. Faites les choses bien. |
Lancelot |
(Part avec la tablette.) |
Chambre à Tintagel, matin. Arthur, hirsute et barbu, est assis sur un lit. Perceval est assis près du lit. |
Arthur |
En ce moment je m'endors tout le temps. Je peux rien y faire. Et je fais des rêves. Je vais vous en raconter un. Je suis dans l'espace... avec un vieux. Je vous raconte pas ça au hasard, hein... quand je me suis réveillé, j'ai tout de suite pensé à vous. L'espace. Ça a toujours été votre truc, ça, l'espace. Et les vieux... y en a toujours, dans vos histoires, à vous. Bref, je flotte dans l'espace... avec les étoiles, tout... et y a un vieux à côté. Alors je sais pas si c'est moi vieux, ou euh... parce que les rêves, c'est toujours le bordel, pour ça... et le vieux me fait : « Vous êtes prêt à voir le Graal ? » Ben moi je réponds « oui ». Alors on se dirige vers une... une grande boule... mais en fait, c'est notre terre à nous. Sauf qu'au lieu d'être bien plate, hé bah... elle est... elle est en boule, quoi. Bah comme je disais, les rêves c'est toujours le bordel. On descend, on descend... on atterrit sur un sentier, dans une forêt... sur le territoire du seigneur Dagonet. Alors me demandez pas pourquoi... d'autant qu'il est même pas dans le rêve, ce con-là, mais... je sais pas comment vous dire, je sais qu'on est chez Dagonet. Le vieux se retourne, il me fait : « J'espère que vous avez pas peur de la marche ! Parce que je vous préviens, c'est pas la porte à côté. » Ben moi je lui réponds : « Je comprends pas, pourquoi est-ce qu'on n'a pas atterri directement plus près, alors ? » Il me répond pas, il part devant. Je le suis... je le suis, je le suis, et puis au bout d'un moment, je me dis « Merde... c'est le chemin de Kaamelott, ici ! » « Oh ! », que j'y fais, au vieux... « C'est pas le chemin de Kaamelott, ça ? » « Si, pourquoi ? » « Comment, 'pourquoi' ? », je lui fais. « Le Graal, il est pas à Kaamelott, quand même ! » « Si. », il me fait. Alors je m'arrête... « Vous vous foutez de moi ? » Il se retourne, il me dit : « Vous voulez le voir, le Graal, ou vous voulez pas le voir ? Bon, bah alors bouclez-la et suivez ! » Et il repart. Bon. On arrive à Kaamelott... la baraque vide. Pas un garde à l'entrée, pas un loufiat dans les couloirs, on passe devant la salle de la Table ronde, pas de Table ronde, la pièce vide... on continue, on continue... et on arrive devant la porte de ma salle de bain. « Voilà ! Ouvrez, c'est là-derrière. » Je lui fais : « Là-derrière, où ça, dans la salle de bain ? » « Ouais, dans la salle de bain. » Alors je le regarde, j'essaie de voir s'il est pas beurré, ou quoi... et puis je rentre... là y a la baignoire, vide... enfin « vide », euh... y a de l'eau, mais... y a personne dedans... et du sang, partout. Partout, partout, partout. Il me fait : « Voilà ! C'est le Graal ! » « Quoi qui est le Graal, la salle de bain ? » « Non, pas la salle de bain, la baignoire ! » « La baignoire, c'est le Graal ? » « Ouais, c'est le récipient qui a reçu le sang du Christ. » Alors là dans le rêve, je lui mets une tarte, au vieux. Mais la bonne tartine hein, attention, avec la tête qui part de côté, les cheveux de travers, et tout. « Tu te paies ma gueule ? », que je lui fais. Et pis là mon vieux, c'est lui qui se retourne, qui revient, qui me fout une avoineavoine (n.f.) Correction, coup En savoir plus... j'ai l'impression que le plafond me tombe sur la gueule... je me ressaisis... et il me dit : « Qu'est-ce que c'est que quelqu'un qui souffre, et qui fait couler son sang par terre pour que tout le monde soit coupable ? Tous les suicidés sont le Christ. Toutes les baignoires sont le Graal. Et vous savez qu'on s'est toujours demandé si y avait pas une inscription gravée au fond du Graal... hé bah oui, y en a une. Allez voir. », qu'il me fait. Alors j'y vais... et au fond de la baignoire, y a marqué : « Vous m'avez bien cassé les couilles. » Et boum, je me réveille. |
Perceval |
C'est vraiment chouette, comme rêve. Moi l'autre nuit, j'ai rêvé que Karadoc avait des pinces. |
Arthur |
C'est-à-dire ? |
Perceval |
Comme un crabe. |
Arthur |
Ah... et qu'est-ce qu'il faisait, avec ses pinces ? |
Perceval |
Il me pinçait le ménisque. |
Arthur |
Le ménisque ? |
Perceval |
Comparés aux vôtres, ils sont pourris, mes rêves, ou pas ? |
Arthur |
(Réfléchit, puis se penche vers Perceval.) Les rêves... ça se compare pas. (S'allonge et se rendort.) |
Perceval |
(Ajuste la couverture d'Arthur.) |
Forêt, jour. Rêve de Lancelot : Lancelot marche seul sur un chemin, tenant toujours la tablette qu'Arthur lui a remise. |
Lancelot |
(Sent soudain une présence et se retourne, sans voir personne ; reprend son chemin, se retournant plusieurs fois ; soudain, Méléagant est devant lui et il crie de surprise.) Ah ! |
Méléagant |
Félicitations ! |
Lancelot |
C'est impossible... je croyais que vous m'aviez oublié... |
Méléagant |
Vous oublier ? Oh, comme c'est mal me connaître... |
Lancelot |
Fichez-moi la paix. Je suis votre plus mauvais élève, et vous le savez très bien. J'ai sauvé Arthur, en utilisant la magie blanche. Qu'est-ce que vous dites de ça ? |
Méléagant |
Ah bah j'en dis que vous êtes vraiment très futé ! |
Lancelot |
Très futé ? |
Méléagant |
Vous le sauvez... vous vous faites confier le pouvoir au lieu de le prendre par la force... vous possédez même une petite tablette qui vous donne la légitimité aux yeux des fidèles de votre prédécesseur, c'est vraiment très futé... |
Lancelot |
Mais... comment vous pouvez savoir... |
Méléagant |
Juste une petite question : vous comptez gouverner avec ses anciens collaborateurs ? |
Lancelot |
Je sais pas. |
Méléagant |
Vous ne savez pas... |
Lancelot |
J'ai besoin d'y réfléchir ! |
Méléagant |
Mais les augures sont clairs, mon ami... vous avez une chance unique de trouver le Graal et d'apporter la lumière sur la Terre... à condition de tout effacer. |
Lancelot |
Tout effacer ? |
Méléagant |
Tout. La forteresse, les alliances politiques, la Table ronde... et surtout les chevaliers. |
Lancelot |
Qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce que vous racontez ? Effacer tous les chevaliers ? |
Méléagant |
Table rase, Lancelot. Table rase. Table rase... |
Chambre à Tintagel, jour. Arthur, hirsute et barbu, est allongé sur un lit, endormi. Venec se tient debout près du lit. |
Venec |
Hé, Sire ! Allez. |
Arthur |
(Se réveille.) Oh ! Qu'est-ce qui... qu'est-ce qui se passe, c'est un rêve ? |
Venec |
Non non non, c'est pas un rêve. Il faut partir d'ici. |
Arthur |
Partir d'ici, mais pour quoi faire ? |
Venec |
Parce que les hommes de Lancelot vont pas tarder à se pointer. |
Arthur |
Les hommes de Lancelot ? Parce qu'il a des hommes, Lancelot ? |
Venec |
Il paraît que vous lui avez officiellement refilé le pouvoir. C'est vrai ou il ment ? |
Arthur |
Euh... non, c'est vrai.... |
Venec |
(Soupire.) OK, alors je vais vous la faire courte : tous les chevaliers sont pourchassés. Dans tout le pays. |
Arthur |
Quoi ? |
Venec |
Ils font des barrages sur les routes... ils fouillent les maisons... ils foutent tout en l'air, il faut partir tout de suite, là ! |
Arthur |
« Partir tout de suite », mais vous vous foutez de moi, je peux même pas me mettre debout ! |
Venec |
Si vous vous mettez pas debout, vous allez crever ! Ils peuvent arriver d'une minute à l'autre ! |
Arthur |
Mais... ils vont pas rentrer de force à Tintagel, si ? |
Venec |
Ils vont se gêner... vous croyez peut-être que c'est les trois gardes de votre mère qui vont les arrêter ? Allez, levez-vous. Tous les chevaliers sont en train de fuir, vous c'est pareil ! |
Arthur |
Mais ils fuient où ? |
Venec |
Mais où ils peuvent ! C'est la panique, je vous dis, Lancelot est complètement dingue ! |
Arthur |
Mais il en a tant que ça, des hommes ? |
Venec |
De partout... des types en blanc, il en a envoyé aux quatre coins du pays... pour buter les chevaliers, je vous dis ! Allez, levez-vous ! |
Arthur |
Mais... mais je vais aller où, moi ? |
Venec |
Quelque part où il viendra pas vous chercher. |
Arthur |
Mais il me retrouvera toujours, il connaît tous les endroits où je peux me cacher ! |
Venec |
Écoutez, la première chose, c'est d'arriver jusqu'à la plage. Là, j'ai un bateau, et on traverse. Une fois sur le continent, on avisera. |
Arthur |
Non mais sur le continent aussi, il connaît tous les endroits où je peux me cacher ! Chez Bohort, chez le duc d'Aquitaine, chez Hoël... |
Venec |
Bon Dieu, qu'est-ce qu'on fait ? Si vous restez là ils vont vous buter, c'est des cinglés ! Il faut que vous trouviez un endroit où il viendra pas vous chercher. Y a bien un truc qu'il connaît pas de vous, non ? |
Arthur |
Rome. |
Venec |
Quoi ? |
Arthur |
Rome. Rome, il y pensera pas. |
Venec |
Hé ben mais voilà, c'est parfait ça ! Si on arrive au bateau sans se faire coincer, je vous amène à Rome ! |
Arthur |
Non mais Rome, Rome... mais je connais plus personne, à Rome, moi ! |
Venec |
Au moins vous serez en sécurité ! |
Arthur |
Non mais attendez... de toute façon, je vais probablement crever pendant le voyage, alors... |
Venec |
Vous crèverez en essayant de faire quelque chose. Allez, accrochez-vous. (Tend la main à Arthur.) |
Arthur |
(Saisit la main de Venec et se redresse dans le lit.) Attendez, attendez, attendez... il me faut un bandage. |
Venec |
Un quoi ? |
Arthur |
Un bandage. |
Venec |
Pour quoi faire ? |
Arthur |
Cacher les plaies. |
Venec |
Les plaies ? De votre suicide ? Mais on s'en fout, de ça, je vous dis de vous grouiller ! |
Arthur |
(Criant.) Non ! Je pars pas sans bandage ! Si on croise un gamin, je veux pas qu'il tombe dessus. Je suis le roi Arthur. Je me désespère pas. Jamais je perds courage. Je suis un exemple, pour les enfants. |
Venec |
OK. (Défait son foulard.) On va vous trouver un bandage. (Donne son foulard à Arthur.) |
(Arthur et Venec partent.) |