Tour de surveillance côtière, nuit. Gauvain contemple l'horizon, Yvain mange. |
Gauvain |
(Respire à fond.) Vous rendez-vous compte de la beauté de la voûte céleste ? |
Yvain |
C'est quoi la voûte céleste, c'est le ciel ? (Acquiesce.) Mmh. |
Gauvain |
La lune qui se reflète dans la mer, c'est absolument magnifique ! |
Yvain |
Ouais, c'est mortel, ouais. En plus, avec les bateaux au loin c'est encore plus classe. |
Gauvain |
Imaginez ces navigateurs perdus au beau milieu de cette immensité... |
Yvain |
Si ça se trouve, c'est des explorateurs. |
Gauvain |
Oui... ou quelque marchand qui rapporte des denrées rares et exotiques. |
Yvain |
Ou alors, c'est des envahisseurs qui viennent ici. |
Gauvain |
Oui, peut-être ! J'imagine les cales de leurs navires gorgées de soldats rageurs, s'apprêtant à poser le pied sur nos plages et à nous terrasser. |
Yvain |
Ouais... ouais c'est classe... |
(Ouverture.) |
Tour de surveillance côtière, nuit. Yvain est affalé sur la table, Gauvain se tient debout. |
Yvain |
Bon ben on se couche ? J'en peux plus, moi... |
Gauvain |
Ah tout de même, c'est préoccupant... |
Yvain |
Mais vous avez dit que c'était des marchands exotiques ! |
Gauvain |
Bah, les bateaux ont quand même l'air de faire cap vers nous ! |
Yvain |
Hé ben, c'est des marchands qui viennent nous vendre des trucs ! |
Gauvain |
Non moi je donnerais bien l'alerte, quand même. |
Yvain |
Mais non, on va pas donner l'alerte pour rien, on va encore se faire engueuler ! |
Gauvain |
Mais si on la donne pas et que ce sont des envahisseurs ? |
Yvain |
Hé ben on se fera engueuler aussi mais de toute façon ils sont jamais contents alors on dort, y en a marre... |
Gauvain |
Si seulement il faisait un peu plus clair pour que nous puissions distinguer le pavillon de ces maudites embarcations... |
Yvain |
Pourquoi, vous savez les reconnaître, les pavillons, vous ? |
Gauvain |
Non, mais on peut peut-être se fier au dessin du pavillon... s'il fait un peu peur, si par exemple... c'était un loup ou un serpent... |
Yvain |
Ah ouais ou une guêpe... allez, on donne l'alerte ! |
Gauvain |
On donne l'alerte ! |
Yvain |
(Embrase un morceau de bois.) |
Tour de surveillance côtière, jour. Yvain, Gauvain et Bohort se tiennent dans un coin de la tour et regardent Léodagan, qui observe l'horizon. |
Bohort |
Mon dieu, c'est affreux ! |
Léodagan |
Oh commencez pas, Bohort... s'il vous plaît... |
Bohort |
Quoi, vous voulez dire qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter ? Ce ne sont que des marchands ? |
Léodagan |
Je vois pas bien ce que des marchands feraient sur des drakkars vikings... |
Bohort |
Des... des drakkars vikings ? (Hurlant depuis une fenêtre.) Nous allons tous mourir ! |
Gauvain |
Et qui c'est qui a donné l'alerte ? |
Yvain |
(Fièrement.) C'est Yvain... et Gauvain ! Wouh ! |
(Yvain et Gauvain entament leur traditionnel mouvement de célébration.) |
Léodagan |
Oui oh oh oh oh oh, je voudrais bien que vous preniez le temps de m'expliquer pourquoi vous l'avez donnée si tard. Parce que là dans trois heures ils sont sur le sable. J'ai pas le temps d'amener des armes de jet, moi ! Alors ça va tout se faire au corps à corps à cause de vos conneries ! |
Bohort |
Au corps à corps avec les Vikings ? Mais vous êtes un malade ! |
Gauvain |
Mais comment on pouvait savoir que c'était des Vikings, aussi ? |
Léodagan |
On vous en a jamais donné, des cours sur les pavillons ? Vous vous foutez de moi ? Seulement vous glandez rien, pendant les leçons, alors après venez pas faire les étonnés ! |
Gauvain |
Ouais mais de toute façon c'est toujours notre faute, quoi... |
Léodagan |
Oh, non mais je vais vous donner l'occasion de vous racheter. En première ligne, dès qu'ils accostent. Je serais vous je commencerais à m'échauffer maintenant. |
Bohort |
C'est affreux... nous allons nous faire embrocher par ces sauvages ! |
Léodagan |
Bon allez, passez-moi les pigeons, que je donne l'ordre à l'armée de se pointer. |
Gauvain |
Les pigeons ? Mais on les a relâchés, les pigeons... |
Léodagan |
(Abasourdi.) Quoi ? |
Yvain |
Ils arrêtaient pas de chier partout, alors... |
Léodagan |
Y a pas un pigeon pour envoyer un message ? |
Bohort |
C'est une catastrophe... |
Léodagan |
Ah... ouais. |
Yvain |
Non mais c'est bon ! Déjà la surveillance, c'est pourri, si en plus faut vivre avec des oiseaux... |
(Fermeture.) |
Tour de surveillance côtière, jour. Yvain et Gauvain sont terrés dans la tour, remplie de fumée. On entend le bruit d'une bataille alentour. |
Gauvain |
(Criant pour couvrir le bruit de la bataille.) Vous pensez qu'ils vont s'intéresser à nous ? |
Yvain |
En tout cas ils s'arrêtent pas, là ! |
Gauvain |
On a bien fait de fermer les volets ! Ils vont croire que cette maison est inhabitée ! |
Yvain |
Ouais, ils se disent euh... « Ouais non c'est bon, c'est une maison abandonnée, on s'arrête pas, on trace ! » |
Gauvain |
« Ouais euh, on a mieux à faire euh... » |
Yvain |
Ouais, euh par contre y a juste un truc, c'est les petits bruits qui font « tchac tchac » ! |
Gauvain |
Ouais moi aussi j'y ai pensé ! |
Yvain |
Mmh. On est d'accord on dirait un peu des flèches qui se plantent dans le bois ? |
Gauvain |
Avec la possibilité qu'elles soient enflammées. |
Yvain |
Ouais. |
Gauvain |
Ce qui expliquerait cette fumée nauséabonde ! |
Yvain |
(Acquiesce.) Mmh... mais à tous les coups c'est des flèches perdues, ça ! |
(Noir.) |
Yvain |
Ils vont pas tirer sur une maison abandonnée, les mecs ! |
(Stab final.) |