Feu L'Âne De Guethenoc
❰ Livre I – épisode 62 ❱
Couloir du château, jour. Arthur et Lancelot sont devant la porte de la salle du trône et s'apprêtent à entrer. | |
Arthur | Euh... beaucoup de doléances, aujourd'hui ? |
Lancelot | Pas mal, oui. Plus d'une douzaine de cas. |
Arthur | C'est une connerie, ces histoires de doléances... |
Lancelot | Comment ça, Sire ? |
Arthur | Mais oui ! Vous dites aux gens : « Venez, vous pouvez vous plaindre au roi ! », bah les mecs ils sont pas cons, hein... ils viennent, ils se plaignent... voilà. |
Lancelot | (Acquiesce.) |
(Ouverture.) |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, Lancelot à côté de lui. Devant eux se trouvent Guethenoc et Roparzh. | |
Guethenoc | Vous me connaissez, Sire. C'est pas mon genre de venir chougnerchougner (v.) Se plaindre, geindre, pleurnicher En savoir plus dès que j'ai un cor au pied ! Mais là, on est arrivés à un stade, si c'est pas vous qui tranchez, ça sera moi. Et moi, ce sera à coups de bêche dans la tête ! |
Roparzh | Moi, j'étais d'avis d'y régler à l'amiable, Sire ! Mais c'est cette bestiole-là qui veut rien entendre ! Moi, je suis pour la diplomatie... |
Guethenoc | Il m'a zigouillézigouiller (v.) Tuer En savoir plus mon âne ! Vous trouve diplomate, vous ? |
Roparzh | Un regrettable accident, Sire... c'est un animal qu'il avait l'habitude de venir brouter sur mon pré, il se trouve que mes chiens lui sont tombés dessus... il faut les comprendre, ils font le travail ! |
Lancelot | Bon, on va pas passer deux heures sur un âne ! Guethenoc, je suppose que vous demandez une compensation. |
Guethenoc | Un peu !« un peu ! » (loc.) Oui, bien sûr ; évidemment En savoir plus Un joli petit âne, courageux, travailleur, si vous aviez vu ça, seigneur Lancelot... |
Lancelot | Roparzh ? |
Roparzh | Ah moi, tout ce qui est solution amicale, je vous ai dit, je suis pour. Par contre, pour les compensations, je préfère le dire tout de suite, il peut se les mettre en pendentif ! |
Guethenoc | (S'approche très près du visage de Roparzh.) |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, Lancelot à côté de lui. Devant eux se trouvent Guethenoc et Roparzh. | |
Guethenoc | (Menaçant.) Attention, attention, il va arriver un moment y a des granges qui vont se mettre à flamber, il faudra pas demander d'où ça vient ! |
Roparzh | Vous inquiétez pas, Sire. J'ai l'habitude de gérer les petites querelles de voisinage. Mes chiens à moi, ils visent les noixnoix (n.f.) Testicule En savoir plus, direct ! |
Arthur | Dites-moi, Guethenoc, juste une chose... comment se fait-il que votre âne se soit retrouvé sur le pré de votre voisin ? C'est pourtant pas la place qui manque, chez vous ! |
Guethenoc | Un joli petit âne pas sauvage pour deux ronds« pas... pour deux ronds » (loc.) Pas du tout En savoir plus, Sire... je le laissais un peu se promener... |
Roparzh | Et puis le bestiau, pas folle la guêpe« pas folle la guêpe » (loc.) Pas idiot, malin En savoir plus ! C'est chez moi qu'il radinaitradiner (v.) Arriver, faire apparition En savoir plus ! Parce que vous avez pas vu mon pré... mais vous avez surtout pas vu le sien ! Tout boueux, des trous comme ça (représente la taille d'un trou avec ses mains), de la merde partout ! |
Arthur | (Sarcastique.) Tandis que chez vous... |
Roparzh | Ah bah on parle pas de la même chose... moi, je connais mon métier. C'est pas compliqué, faites une visite chez lui, vous verrez ! Il y a un signe qui trompe pas : toutes ses bêtes sentent la pisse. Et puis fort ! Déjà, vous passez devant son portail, ça vous prend le museaumuseau (n.m.) Visage voire, par extension, le nez ou la bouche En savoir plus, là... non, c'est pas du boulot ! |
Guethenoc | Moi je suis dans l'agriculture, je suis pas parfumeur, moi ! En attendant, les produits qui sortent de ma ferme, on se les arrache ! C'est pas comme tout le monde ! Vous verriez ses fromages, à lui ! Des petits machins ronds, tout noirs, pour les couper, faut les balancerbalancer (v.) Lancer, envoyer, expédier En savoir plus contre les pierres ! Un truc à vous coller une chiassechiasse (n.f.) Diarrhée En savoir plus de tous les diables ! |
Roparzh | Personne vous demande d'en manger ! |
Guethenoc | Ah bah encore une chance ! |
Lancelot | Silence ! Roparzh, est-ce que vous avez un âne ? |
Guethenoc | Des ânes ? Il a que ça tout le tour du ventre« en avoir tout le tour du ventre » (loc.) Disposer d’une chose en grande quantité En savoir plus ! |
Roparzh | J'ai quelques ânes, oui... pourquoi ? |
Lancelot | Vous pourriez en donner un à Guethenoc, par exemple. |
Roparzh | Quoi ? Vous voulez rigoler ? |
Guethenoc | Ce serait pourtant la moindre des choses ! |
Roparzh | Mais Seigneur Lancelot, il avait au moins soixante-quinze ans, le sien ! Il était déjà à moitié crevécrever (v.) Mourir En savoir plus ! |
Guethenoc | Une bête magnifique ! Le poil luisant ! |
Roparzh | Tout mité, bourré de puces, les chicotschicot (n.m.) Dent En savoir plus moisis ! |
Guethenoc | Un museau racé, l'œil vif ! |
Roparzh | Une saloperie ! |
Guethenoc | Une merveille ! |
Roparzh | Je suis sûr que mes chiens ont chopé le typhus ! |
Lancelot | Bon stop ! |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, Lancelot à côté de lui. Devant eux se trouvent Guethenoc et Roparzh. | |
Roparzh | Un âne comme le sien, ça vaut à peine la moitié d'un des miens. |
Arthur | Eh ben donnez-lui la moitié d'un âne. |
Roparzh | Qu'est-ce que voulez-vous dire, Sire ? |
Arthur | Vous me dites « ça vaut la moitié », vous prenez un âne, vous le coupez en deux et vous lui donnez. |
Lancelot | Sire, vous êtes sérieux ? |
Roparzh | Mais... je vais pas couper un âne en deux... |
Guethenoc | Qu'est-ce que vous voulez que je foute d'une moitié d'âne ? |
Arthur | (Se lève, excédé.) Et moi ? Qu'est-ce que vous voulez que je foute de vos conneries ? Une heure et demie que je me farcisse farcir (v.) Endurer, supporter En savoir plus la sérénade ! Et « mon âne » et « mes chiens » et « mes poules »... merde ! Là ! (Saisit une bourse pleine de pièces et la jette à Guethenoc.) Tenez ! Vous avez de quoi vous en payer cent cinquante, des ânes, avec ça ! Alors maintenant vous allez me foutre le camp ! Compris ? Allez, déblayezdéblayer (v.) Partir, s’en aller En savoir plus ! |
(Guethenoc et Roparzh détalent.) | |
Arthur | (Se rassoit et se calme.) Je suis désolé. |
Lancelot | Sans vouloir critiquer, Sire, on est plutôt censés faire office d'arbitres ! |
Arthur | Oui non mais je sais, là c'est... j'ai arbitré un peu secsec (adv.) Sans ménagement, rudement En savoir plus, c'est parce que... voilà. Mais en même temps, ça... savez... (Souffle.) |
(Fermeture.) |
Couloir du château, jour. Arthur et Lancelot sont devant la porte de la salle du trône et s'apprêtent à entrer. | |
Arthur | Euh... c'est quoi la prochaine doléance, déjà ? |
Lancelot | C'est un jeune paysan des environs qui a perdu des œufs. |
Arthur | Qui a perdu des œufs ? |
Lancelot | Non mais en grande quantité, apparemment... enfin en tout cas, ça l'inquiète. |
(Noir.) | |
Arthur | C'est pas top prestige, en ce moment, les doléances... |
(Stab final.) |