Jizô

Livre V – épisode 6

Carriole de Loth, nuit. Loth et Anna font face à Galessin et Dagonet. Personne ne parle.
Dagonet Je rêve ou y a pas une super ambiance ?
(Personne ne répond.)
Dagonet C'est bien ce qui me semblait. Bon, vous vous en foutez complètement mais je vais vous le dire quand même : moi, le coup du « Je monte dans la carriole, je descends de la carriole, on part, on revient, fais ci, fais mi... », ça va doucement commencer à me gonfler. Non c'est vrai quoi, depuis que je trempe dans vos combines, je passe ma vie là-dedans.
(Personne ne répond.)
Dagonet Les voyages, y a vraiment rien de tel pour se faire des amis...
(Ouverture.)
Carriole de Loth, nuit.
Dagonet Et à peine rentré : « Allez hop, défaites pas vos bagages, on repart courir après Arthur. » Je me comprends.
Galessin Si vous arrêtez pas de parler, vous allez vraiment avoir des soucis...
Anna (Frappe à la paroi de la carriole.)
(La carriole s'immobilise.)
Anna (À Galessin et Dagonet, glaciale.) Descendez.
Dagonet Qui ça ?
Anna Vous deux.
Galessin Quoi ? Moi aussi ?
Anna Oui, descendez.
Dagonet Mais non, mais il... il fait nuit noire...
Galessin On sait même pas où on est !
Anna Descendez quand même.
Dagonet (À Loth.) Mais et... et vous, vous dites rien ?
Loth Non, parce que... étonnamment, je ne fais pas partie des personnes désignées pour descendre. Comme ça tient à un fil, euh... je me fais pas trop remarquer.
Anna (Désigne la porte d'un coup de tête.)
(Galessin et Dagonet descendent.)
Anna (Frappe à la paroi de la carriole.)
(La carriole repart.)
Anna (Agite sa main devant son visage, incommodée par l'odeur laissée par Galessin et Dagonet.)
Taverne, jour. Perceval, Karadoc, le tavernier et Ào Sï Kä se tiennent en face des autres membres du clan.
Perceval (Sévère.) Non, on s'est mal compris je crois !
Karadoc Le camp d'entraînement... c'est pour tout le monde ! C'est pas vous qui décidez si vous devez y aller, ou si vous devez pas y aller !
Perceval Y a quelque chose qui est pas bien rentré, là-dedans ! (Désigne son crâne.)
Karadoc Quand je pense à la chance que vous avez de faire partie d'un clan dirigé par des cerveaux du combat psychologique, qui se saignent aux quatre parfums du matin au soir pour vous enseigner des techniques...
Perceval Et eux, ils chougnent ! « Non, on est fatigués, on n'a pas bien dormi, euh... si on n'a pas nos huit heures de sommeil on se sent pas bien... »
Karadoc Combien de fois l'a-t-on dit : l'entraînement, c'est capital !
Perceval (Désignant alternativement ses deux oreilles, hurlant de plus en plus.) Je crois que c'est rentré par là, et c'est ressorti par là ! Et c'est rerentré par là, et c'est reressorti par là ! Et nous on se saigne aux quatre fromages !
Karadoc Il va falloir que vous appreniez à être sur le coup. Mettons que... un étranger entre maintenant dans la pièce. Est-ce que tout le monde est bien sûr de filer à son poste de sécurisation comme on a dit ?
Perceval Ah ! (Désignant deux hommes.) Tous les deux, directement sur le type, menace corporelle ! (Désignant d'autres hommes.) Toi, toi et toi vous passez au-dessus du comptoir et vous faites une cascade !
Karadoc (Désignant d'autres hommes.) Pendant que toi, toi et toi vous allez protéger le trésor de guerre.
Perceval Ouais bon là, le trésor on l'a pas encore, mais vous faites comme si.
Karadoc Voilà la question : est-ce que vous serez sur le coup ?
(Arthur et Guenièvre entrent.)
Arthur Bonjour !
Guenièvre Bonjour...
(Les hommes disent bonjour à Arthur et Guenièvre puis se regardent, perplexes. Karadoc regarde Ào Sï Kä, qui hausse les épaules, démuni.)
Perceval (Soupire, puis se lève.) Bon, bah vous allez y aller au camp d'entraînement !
Karadoc À coups de pompe dans le train s'il le faut, mais vous allez y aller.
Perceval Parce que ça sert vraiment à rien qu'on se saigne aux quatre saisons !
(Arthur et Guenièvre se regardent, perplexes.)
Carriole de Loth, matin. Loth et Anna sont assis côte à côte.
Loth Je pensais à une chose, euh... entendu que vous avez toujours abhorré ma proximité physique, ne serait-il pas opportun de profiter de l'absence inopinée d'autres voyageurs pour... que j'aille m'asseoir en face ?
Anna Bonne idée.
Loth (S'assoit en face d'Anna.) Vous croyez qu'il va vous reconnaître ? Après tout ce temps ? Ah ! Je peux vous dire que j'ai hâte de voir sa tête quand il va vous voir débarquer...
Anna Excusez-moi... est-ce qu'à un seul moment j'aurais par mégarde donné le moindre signe de vouloir discuter avec vous ?
Loth Euh... non !
Anna (Acquiesce.) Ah bon.
Taverne, jour. Arthur et Guenièvre sont assis face à Kadoc, Merlin, Karadoc, Perceval et le reste du clan.
Guenièvre Bon dites, ça va durer combien de temps votre histoire là, hein ?
Arthur (Épuisé.) Ah oui, non parce que là, moi je...
Merlin Ça va durer le temps que ça va durer ! Vous êtes pas à Kaamelott, ici ! Vous allez pas faire votre Monsieur je-sais-tout comme d'habitude !
Karadoc Sire, vous êtes le représentant d'un clan concurrentiel, et vous débarquez chez nous sans prévenir.
Arthur Bon alors déjà, Kaamelott c'est pas un clan... « concurrentiel », Kaamelott c'est l'autorité suprême, à laquelle votre clan est fédéré. De plus, je ne suis plus roi, pour la trentième fois, je n'ai plus rien à voir avec Kaamelott !
Guenièvre Oui, et puis... on se connaît, quand même, euh... qu'est-ce que c'est que ces façons de nous traiter comme des assassins ?
Kadoc (Se lève et pointe un doigt accusateur en hurlant.) Ça suffit ! Elle est où la poulette ? Elle est bien cachée ? (Se rassoit.)
Merlin (À Karadoc.) Oh non, hein... dites à votre frère de se tenir à carreau parce qu'on va pas s'en sortir !
Karadoc Bon, Sire ! Arrêtez de nous embrouiller avec vos machins techniques.
Arthur Arrêtez de m'appeler « Sire »...
Merlin On connaît parfaitement les lois figurez-vous, d'autant qu'ici, on les fait nous-même, alors... (Sifflote, intimant à Arthur de se taire.)
Guenièvre On voulait juste faire une pause à la taverne...
Karadoc Hé hé, et boum ! C'est notre quartier général !
Arthur Mais oui mais parce que j'avais oublié, moi, toute cette histoire, je me souvenais plus que vous l'aviez installé pile-poil là, dans cette taverne !
Le tavernier Oh Sire... ça a été... mais tout un imbroglio !
Arthur Arrêtez de m'appeler « Sire ».
Merlin Et crac ! Direct dans la gueule du loup !
Kadoc (Se lève et pointe un doigt accusateur en hurlant.) Vous rendez la poulette, ou sinon c'est plus vous qui donnez à manger aux lapins ! (Se rassoit.)
Perceval Mettez-vous à notre place, Sire... c'est quand même chaud !
Guenièvre (Hors d'elle.) Mais arrêtez de l'appeler « Sire », il est plus roi !
Arthur (À Guenièvre.) Non si ça y est. Je sais. (Au clan.) En fait, nous sommes des voyageurs... et... nous demandons officiellement à votre clan l'hospitalité pour la nuit.
(Merlin, Karadoc et Perceval se regardent, perplexes.)
Perceval Moi j'arrête, hein. Je pige plus rien !
Karadoc (À Merlin.) Euh... il faudrait peut-être qu'on prenne deux secondes pour aller discuter, non ?
Kadoc (Se lève en hurlant.) Ça suffit ! Ça suffit ! Ça suffit ! (Se rassoit.)
Camp d'entraînement, jour. Perceval, Karadoc, le tavernier, Ào Sï Kä et Kadoc font le point, accroupis dans les hautes herbes.
(Les hommes attendent en silence.)
Perceval On y retourne quand ?
Karadoc Bah deux secondes, sinon ça fait pas sérieux...
Merlin Mais on n'a rien décidé, on s'en fout ?
Karadoc Non mais c'est juste pour faire genre !
Perceval Ah ouais je vois, ça fait un peu les mecs qui... (Agite deux doigts.)
Merlin Ah ouais, comme si on réfléchissait, quoi !
Karadoc Allez, c'est bon !
Kadoc C'est bon !
(Les hommes se lèvent et repartent vers la taverne.)
Taverne, jour. Arthur et Guenièvre sont assis face à Kadoc, Merlin, Karadoc, Perceval et le reste du clan.
Karadoc Bon ! À l'issue d'une budgétisation difficile...
Arthur « Délibération ».
Merlin Ah, commencez pas à faire votre cake, hein !
Kadoc (Pointe un doigt accusateur.) Vous rendez la poulette ou c'est tout nu dans les orties !
Perceval Oh mais vous vous calmez ou pas ? On va passer pour des cons, là !
Karadoc Donc, à l'issue d'une budgétisation difficile...
Arthur (Lève les yeux au ciel.)
Merlin Nous c'est le mot qu'on a choisi pour dire qu'on a discuté d'un truc, et on fait ce qu'on veut !
Arthur (Lève les mains, indiquant qu'il n'entend pas s'opposer.)
Karadoc ...nous avons décidé de vous accepter en visiteurs, et de vous loger pour la nuit.
Merlin Mais au premier pet de travers, sachez qu'on vous envoie nos hommes... et qu'ils vous feront pas de cadeau.
Perceval Ouais, ouais... ça par contre, Sire, faites gaffe... parce qu'on en a, c'est des impitoyables.
(Arthur et Guenièvre regardent derrière eux, cherchant les impitoyables en question.)
Chambre de la taverne, nuit. Karadoc, Mevanwi et Merlin sont dans le lit du bas, Guenièvre dans celui du haut, Kadoc est assis dans un coin, Arthur et Perceval se tiennent debout.
Arthur Non mais... c'est n'importe quoi, là, on va pas s'entasser à sixRappel : Kadoc ne dort jamais. sur deux lits superposés !
Karadoc Ben y a plus de paillasse...
Arthur Et on peut pas dormir par terre ?
Merlin Non, parce que Monsieur Kadoc fait rentrer des oies et des canards dans la chambre pendant la journée, et que du coup on a une couche (montre une hauteur avec ses mains) comme ça de merde d'oiseau sur tout le plancher !
Kadoc Le caca des canards, c'est caca.
Merlin (Hurlant.) On en a assez !
Mevanwi Bon... moi, je dors là-haut. (Se lève.)
Perceval Ah bah non, je voulais y aller, moi... je vais pas coucher à côté de la mère cageotcageot (n.m.) Laideron
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 !
Mevanwi (Se hisse dans le hit du haut et se couche à côté de Guenièvre, qui semble mal à l'aise.)
Guenièvre Ah mais... du coup, donc euh... bon !
Perceval (À Arthur.) Si la moisie est en haut, je dors en bas ! (Se couche entre Karadoc et Merlin.)
Arthur Euh... oui, mais alors euh... oui, bon bah oui... (Se hisse dans le lit du haut et se couche entre Guenièvre et Mevanwi.) Euh...
Karadoc (Frappe contre le montant du lit et s'adresse aux occupants du lit supérieur.) Et vous trois, dans le cadre d'une cohabitation harmonieuse, il serait de bon ton de ne pas nous empêcher de dormir avec des petits gémissements et autres grincements de plumardplumard (n.m.) Lit
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. D'avance, merci.
Arthur Alors... je vous rassure, c'est pas du tout, du tout, l'ambiance !
Taverne, nuit. Guenièvre arrive dans la salle principale, une bougie à la main, et y trouve Arthur et le tavernier, qui mangent une collation.
Guenièvre Ah vous êtes là ?
Arthur Ouais.
Le tavernier (En même temps qu'Arthur.) Ouais.
Guenièvre Mais qu'est-ce que vous faites, vous dormez pas ?
Arthur Bah... vous non plus...
Guenièvre C'est-à-dire, euh... je trouve cette chaleur difficilement supportable.
Le tavernier À soixante dans une remise, il fait chaud, c'est sûr.
Guenièvre Et puis... il y a une odeur pestilentielle, je sais pas exactement ce que ça sent...
Arthur Le pet.
Guenièvre Pardon ?
Le tavernier Le pet. Ça sent le pet.
Guenièvre Mais... mais qu'est-ce qu'ils ont... ils sont malades ?
Arthur Non mais euh... y en a qu'un, qui pète !
Guenièvre Mais... l'odeur ne s'en va jamais !
Arthur Oui...
Le tavernier Non non mais parce que, il...
Arthur Non mais si...
Le tavernier Parce que, bon... il pète, mais euh...
(Arthur et le tavernier miment différentes couches superposées.)
Arthur Oui !
Le tavernier Hein ? Sans discontinuer.
Arthur Voilà, c'est...
Guenièvre Sans discontinuer ? Mais c'est affreux !
Arthur Ah...
Le tavernier C'est mieux comme ça.
Arthur Avec tous les gaz de fermentation qu'il accumule... il est obligé de loufer ! Sans ça, il serait... parfaitement sphérique.
Le tavernier Mmh. Et puis on pourrait pas s'approcher de lui avec une bougie, sans risquer de faire sauter la cabane !
Arthur Voilà.
Le tavernier Bon ! Hé bah les petits lapins... c'est pas le tout, mais demain il fait jour. Allez ! (À Arthur.) Euh dites, euh... vous remettrez bien le pain dans le torchon ?
Arthur (Acquiesce.)
Le tavernier (Part en saluant Guenièvre d'un signe de tête.)
Guenièvre (S'attable à côté d'Arthur, joueuse.) Qu'est-ce que vous mangez ?
Arthur Un bout de pain.
Guenièvre Un bout de pain... tout seul ?
Arthur Non.
Guenièvre Un bout de pain... avec quoi dessus ?
Arthur Avec un bout de viande. Vous en voulez ?
Guenièvre (Indiquant qu'elle ne sait pas.) Pfft.
Arthur Quoi, « pfft » ?
Guenièvre Pfft !
Arthur Mais, je vous... qu'est-ce... quoi, je vous fais une tartine ou pas ?
Guenièvre (Inspire, pensive.) Pfft !
Arthur Mais quoi, « pfft » ?
Guenièvre Pfft !
Arthur (Laissant tomber.) Oh...
Guenièvre Bah allez...
Arthur Mais non mais quoi, « allez » ? Vous en voulez, ou vous en voulez pas ?
Guenièvre Pfft !
Arthur (Levant les yeux au ciel.) Oh... (Soupire.)
Guenièvre (Rit doucement.)
Carriole de Loth, nuit. Loth semble nerveux. Il est assis en face d'Anna, qui se repose, les yeux fermés.
Anna (Sans ouvrir les yeux, glaciale.) Qu'est-ce que vous avez à vous agiter, imbécile ?
Loth Je m'agite pas !
Anna Vous vous agitez. Vous respirez fort et vous sentez la sueur.
Loth Bah... j'en ai marre ! Il est interminable, ce périple. Voilà deux jours qu'on est partis, maintenant il fait nuit noire, et on est toujours coincés là-dedans à se faire secouer comme des salades.
Anna Vous avez les jetons.
Loth (Rit moqueusement.) Les jetons ! Oui, j'ai les jetons que les chevaux nous lâchent ! À ce train-là, ils vont nous claquer dans les pattes au milieu de nulle part, on sera bien avancés !
Anna Vous avez les jetons parce qu'il fait nuit. Vous avez toujours eu les jetons de voyager la nuit. (Dégoûtée.) Vous êtes une gigantesque tarlouze.
Loth J'aime autant vous dire que... quand une bande de détrousseurs embusqués nous tombera sur la viande, et qu'il lui prendra le goût de vous passer dessus en file indienne... je lèverai pas le petit doigt.
Anna C'est pourtant bien la seule chose que vous seriez capable de lever.
Le cocher de Loth (Hors-champ, frappe à la paroi.) Sire, nous arrivons bientôt à destination !
Loth Ah ! Il m'a fait peur, ce con ! Vous êtes sûre que vous allez pas regretter ? Je veux dire... vous êtes sûre de votre coup ?
Anna Quand on veut être sûr de son coup, mon petit bonhomme... on plante des carottes, on joue pas les chefs d'État.
Couloir de la taverne, nuit. Arthur retourne à la chambre, Guenièvre accrochée à son bras.
Guenièvre Dites... je voulais vous demander une chose...
Arthur Quoi ?
Guenièvre Euh... dame Mevanwi, elle vous a toujours inspiré pour euh...
Arthur Pour ?
Guenièvre Bah, pour euh...
Arthur Ah ! Euh... oui bah oui, oui plutôt, oui...
Guenièvre Et... et moi non !
Arthur Ah ouais, non... pas certain d'avoir envie de... cette conversation... (Ouvre la porte de la chambre et entre.)
Guenièvre (Suivant Arthur.) Ah non non, non non non mais tout va bien ! Simplement, je me demandais...
Arthur Chut chut chut !
Guenièvre (À voix basse.) Je me demandais, si on n'aurait pas pu profiter d'être à trois dans le même lit... pour que vous commenciez par elle, et qu'au bout d'un moment, quand vous êtes bien, hop, vous trans...
Arthur Voilà, c'est ça. Donc c'est... donc chut, euh... parce que, en fait, ce que vous allez faire, euh... vous n'allez pas terminer cette phrase. Fermez la porte.
Chambre de la taverne, nuit. Karadoc, Perceval, Merlin, Guenièvre, Arthur et Mevanwi dorment. Kadoc est assis et manipule des petits objets posés sur une planche.
Le tavernier (Hors-champ, du couloir.) Sire Arthur ! (Frappe à la porte.)
Kadoc (Se lève d'un bond, faisant tomber sa planche.)
(Les dormeurs protestent mollement, sans se réveiller.)
Le tavernier Sire Arthur ! (Frappe à la porte.) Sire Arthur !
Arthur (Dans son sommeil.) Non mais m'appelez pas « Sire », hein...
Le tavernier (Frappe à la porte et crie.) Sire Arthur !
Arthur (Se réveille en sursaut.) Hein ! Ho !
(Les autres protestent, Karadoc et Merlin se réveillent.)
Arthur Que... quoi, qu'est-ce qui se passe ?
Le tavernier Il faut que vous descendiez, y a quelqu'un qui veut vous voir.
Arthur Quelqu'un qui veut me voir... maintenant ?
Merlin Oh, vous pouvez aller discuter ailleurs ?
Le tavernier Euh... c'est des bourgeois.
Arthur Mais quels bourgeois ?
Karadoc (Hurlant.) Mais allez-y, vous verrez bien !
Arthur Oui bon, ben... ça va, hé ! Doucement, euh... les basses, hein... (Se redresse.)
Guenièvre (Proteste vivement.) Oh !
Arthur (Touche accidentellement la cuisse de Guenièvre puis retire vivement sa main, dégoûté, et essaie de s'extirper du lit sans la toucher.) Non mais enlevez ça...
Guenièvre Oh, mais c'est...
Taverne, nuit. Arthur arrive dans la salle principale et tombe sur Loth et le tavernier.
Arthur (À Loth.) Qu'est-ce que vous foutez là, salopard ?
Loth Ah ouais... quand même...
Arthur Quoi, « quand même » ?
Loth Remarquez... je me doutais qu'on se tomberait pas dans les bras... seulement cette fois, c'est pas à moi qu'il faut vous en prendre.
Arthur (Perdu et agacé.) À quel sujet ?
Loth Au sujet de ma présence. C'est pas de mon fait.
Arthur Qu'est-ce que vous êtes encore en train de me monter comme turbin ?
Loth (Ricane doucement.) Vous savez, en ce qui vous concerne, j'ai plus tellement de turbin à monter... du temps des écarts regrettables, c'est au roi que je m'attaquais ! Maintenant que c'est plus vous...
Arthur (S'approchant de Loth.) Maintenant que c'est plus moi je ne suis plus tenu à la justice... ni au protocole... ni à la procédure, si j'ai envie de vous faire passer à travers la porte sans même l'ouvrir, je vois difficilement ce qui pourrait m'en empêcher !
Loth (Ayant reculé à mesure qu'Arthur avançais.) Euh... avant de vous lancer dans les excès de virilité, vous aurez la curiosité de jeter un œil à la table du fond. Je suis venu avec quelqu'un, qui veut vous parler.
Arthur (Se retourne et voit Anna, assise dans le fond.)
Le tavernier (À Loth, apeuré.) Que... qu'est-ce qu'on fait, là ?
Loth Rien ! Il faut surtout pas s'en mêler ! Comme quand deux chats sauvages se retrouvent sur le même terrain, ils s'observent, et aucun des deux ne baisse le regard sous peine d'être saigné à blanc ! Ce qui couperait court, c'est que y en ait un plus faible que l'autre, mais là... c'est pas le cas. C'est les deux mêmes sales bestioles ! Inflexibles... indomptables... et vivaces ! Ils tiennent ça de leur mère.
Le tavernier De leur mère ? (Bafouillant.) Je de de de de... comment, comment de leur mère, vous voulez dire que c'est sa sœur ?
Arthur Demi-sœur.
Anna (En même temps qu'Arthur.) Demi-sœur.
Loth Ah ah ! Ça cause ! Le dialogue s'amorce ! Peut-être que vous vous ferez pas dévaster votre boui-boui !
Le tavernier (Très mal à l'aise.) Que... qu'est-ce que je fais, du coup, je... je sers à boire ?
Arthur Allez vous coucher.
Le tavernier Bon. Euh... de toute façon, si vous avez soif... vous savez où c'est ! (Part.)
Loth Euh... juste pour info...
Anna Vous avez entendu ce qu'on vous a dit ?
Loth Ah mais, euh... moi aussi, je... vais me coucher ?
Anna Exactement.
Loth Bon. Je suppose que... c'est... par là ? (Partant.) Euh, dites donc, aubergiste, euh...
Arthur Alors... j'ai peut-être sauté une étape, mais moi dans mon souvenir on était plus ou moins en froid, non ?
Anna Jusqu'à maintenant vous cumuliez trois statuts : bâtard, fils d'assassin, et usurpateur. Bâtard vous le serez toujours, de même que vous serez toujours le fils de votre sale ordure de père... mais aujourd'hui que vous n'êtes plus roi... vous n'usurpez plus votre titre, c'est déjà ça.
Arthur Alors si vous êtes venue pour me dire ça, franchement vous auriez pu vous épargner le voyage.
Anna Votre beau-père est au pouvoir. Il projette d'annuler le sursis que vous nous aviez accordé, et de nous mettre à mort. Je suis venue vous demander d'intervenir auprès de lui en notre faveur.
Arthur (Encaissant le coup.) Carrément.
Anna Carrément.
Arthur Ah... dans la catégorie « salopes géantes », vous êtes quand même hors concours, hein. Y en a pas beaucoup qui vous tiennent le menton, croyez-moi. À part maman, peut-être...
Anna (Acquiesce.) Mmh.
Chambre de la taverne, nuit. Guenièvre, couchée près de Mevanwi, est anxieuse.
Guenièvre (À voix basse, secouant Mevanwi.) Dame Mevanwi ?
Mevanwi Mmh ?
Guenièvre À votre avis, qui peuvent bien être ces bourgeois ?
Mevanwi Comment voulez-vous que je le sache ?
Guenièvre Vous trouvez ça normal qu'Arthur ne revienne pas ?
Mevanwi Il reviendra quand il reviendra...
Guenièvre Je vous avoue que je suis un petit peu inquiète...
Mevanwi (Se retourne vers Guenièvre et la prend dans ses bras.)
Taverne, nuit. Arthur se tient debout devant Anna, assise au fond de la salle.
Anna Alors ?
Arthur Alors quoi ?
Anna Vous nous aidez ou vous nous aidez pas ?
Arthur Non mais ça me concerne plus, ces histoires. Le trône, Kaamelott, même... le pseudo-putsch de votre guignol de mari, tout ça j'en ai rien à secouer« n'en avoir rien à secouer » (loc.) Se désintéresser d’une chose ou y être totalement indifférent
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Anna M'obligez pas à vous supplier.
Arthur Non mais je vous oblige à rien, je m'en fous. Et entre nous, quand on a deux ronds de dignité, on ne traite pas quelqu'un de bâtard pendant trente ans pour finir par lui demander des services.
Anna (Se lève.) Ben tant pis pour vous. (Sort une petite dague de sa manche.)
Arthur (Se rue sur Anna.)
Loth (Projette depuis son doigt un arc électrique magique qui frappe Arthur, l'entravant dans ses mouvements.)
Arthur (Tombe au sol, son médaillon chauffé au rouge.)
Anna (S'accroupit et positionne sa dague contre la gorge d'Arthur.) C'est la mort du petit bâtard... ça lui apprendra à désobéir à sa grande sœur !
Loth (Sourit, puis reçoit un violent coup sur la tête et tombe au sol, inconscient.)
Anna (Tourne lentement la tête pour voir l'origine du coup.)
Guenièvre (Assène un violent coup au visage d'Anna à l'aide d'une pelle à pain.)
Anna (Tombe au sol, inconsciente.)
Arthur (Se redresse légèrement, hagard.)
Carriole de Loth, nuit. Loth et Anna sont allongés, le visage en sang et tuméfié.
Anna (La mâchoire ankylosée.) Mais qu'est-ce que vous avez foutu ?
Loth À quel moment ?
Anna L'autre conne, elle est arrivée par le même endroit que vous, crétin ! Comment vous avez fait pour pas la voir ?
Loth Je sais pas, je... je suppose que j'étais trop concentré à faire griller votre frère...
Anna Vous êtes un zéro.
Loth Non, mais... ça, ça a toujours été plus ou moins admis, mais... là, dans le contexte, euh...
Anna Taisez-vous ! Je veux pas entendre le son de votre voix jusqu'en Orcanie.
Loth Bah... vous dites ça, mais... en Orcanie j'aurai pas non plus le droit de l'ouvrir, alors euh...
Taverne, nuit. Guenièvre prépare son sac en hâte, Arthur somnole à une table devant une tasse et une tartine.
Guenièvre Allez, dépêchez-vous, vous êtes même pas habillé !
Arthur Bon bah ça va... je mets cinq minutes pour m'habiller...
Guenièvre On avait dit qu'on partait avant l'aube ! Bravo, hein !
Arthur Zut !
Le tavernier Elle a raison, Sire... si vous voulez arriver aux fermes avant la nuit...
Arthur Arrêtez de m'appeler « Sire ».
Guenièvre Allez ! Si on arrive de nuit on va se faire attaquer !
Arthur (Pouffe moqueusement.) Ben je les attends, les mecs, hein... ils seront pas déçus du voyage...
Le tavernier Allez, Sire ! On sait pas ce qui traîne, sur cette route !
Arthur Arrêtez de m'appeler « Sire ».
Le tavernier On entend des tas d'histoires !
Guenièvre Ah bon ?
Arthur Ah bon...
Le tavernier Hé bah... comme quoi que y aurait une équipe de tire-laines, de malandrins, qui serait postée au moment où c'est que y a des rochers en surplomb, voyez ?
Guenièvre Non...
Le tavernier Non ? Ah, bah comment vous... comment vous dire, euh... bon, vous voyez le bois ?
Guenièvre Euh... quel bois ?
Le tavernier Bah... le bois pour aller aux fermes.
Guenièvre Non, non.
Le tavernier Hé bah... à un moment, y a des rochers en surplomb. Hé bah, c'est là qu'ils sont postés... soi-disant.
Guenièvre Et... et ils sont dangereux ?
Le tavernier Je pense bien ! Il paraîtrait même... mais ça, euh... c'est des on-dit, hein, à prendre avec des circonflexes... (Mime des guillemets.)
Arthur (Tombe par terre, endormi, puis se relève.)
Lande, jour. Venec est posté sur un surplomb et s'adresse à ses hommes.
Venec Savoir identifier ses erreurs, je pense que c'est notre grande force. N'est-ce pas ce que nous sommes en train de prouver aujourd'hui ? En analysant efficacement nos résultats, et en proposant une reprise en main de nos ambitions ferme et volontaire ? Alors, un petit récapitulatif : les résolutions, quelles sont-elles ? Ne pas s'effrayer en cas de réaction d'une victime. On l'a dit : dans la majeure partie des cas, la fermeté et la conviction dans l'attaque suffisent à pétrifier la cible. Il peut arriver, une fois de temps en temps, de tomber sur une victime qui ne perd pas son sang-froid. Ça n'est pas une raison pour se barrer à toutes jambes, j'espère que c'est bien clair pour tout le monde ! Une question ?
(L'un des hommes de Venec lève la main.)
Venec Oui, tout à fait ?
Lande, jour. Arthur, Guenièvre et le tavernier marchent dans les hautes herbes ; le tavernier mène une chèvre au bout d'une corde.
Guenièvre (Soudain.) Vous avez entendu ?
Arthur Quoi encore ?
Le tavernier Moi, j'ai rien entendu.
Guenièvre Ah pourtant je suis sûre...
Le tavernier C'était peut-être la chèvre !
Guenièvre Non mais, j'ai... (pointe une direction) j'ai l'impression que ça venait de là-bas, dans les arbres !
Arthur Ah bah... oui, c'est-à-dire c'est une forêt, quoi... y a des bestioles, des machins, on va peut-être pas s'arrêter chaque fois qu'on entend une branche qui craque, si ?
Guenièvre Mais si c'est des bandits ?
Le tavernier Ah, non ! Dites pas ça, vous allez nous coller la poisse !
Arthur Bon Dieu mais quand on se fera attaquer par des bandits, on sera les premiers au courant, c'est pas la peine d'écouter si y a du bruit dans les arbres ! Alors grouillez-vous, maintenant ! (Reprend sa route.)
(Guenièvre et le tavernier suivent Arthur.)
Tour de surveillance désaffectée, jour. Bohort, en sueur, s'éponge le visage près de la fenêtre. Lionel est assis non loin.
Bohort Oh mon dieu !
Lionel Que se passe-t-il ?
Bohort (À voix basse.) Des gens sur le sentier !
Lionel Qu'est-ce qu'on fait ? (Saisit son arc.) On tire ?
Bohort Mais assez, bon sang ! Il ne vous a pas suffi de l'autre fois ?
Lionel L'autre fois, j'exécutais les ordres.
Bohort Hé bien, arrêtez d'exécuter les ordres, vous êtes ridicule !
Lionel Et s'il s'agit d'envahisseurs ?
Bohort Les envahisseurs sont censés voyager de l'extérieur vers l'intérieur, pas l'inverse...
Lionel Les ordres ne s'attardent pas à ce genre de détails.
Bohort Mais réfléchissez nom de nom, c'est complètement crétin ! Ces gens-là voyagent avec une chèvre !
Lionel Et après ? Vous pensez que le seigneur Léodagan a demandé de tirer sur tous ceux qui empruntent ce sentier, sauf sur ceux qui ont une chèvre ?
Bohort Les envahisseurs ne voyagent pas de Kaamelott vers la côte avec des chèvres !
Lionel Vous m'expliquerez, quand vous aurez le temps... ce que nous fabriquons dans cette tour de garde si nous nous obstinons à ne vouloir tirer sur personne.
Bohort On prend l'air ! Considérez que nous sommes en villégiature à la campagne !
Lionel Bon, et... et alors, je fais quoi, je tire ou je tire pas ?
Bohort (Exaspéré.) Vous prenez votre arc, et vous le bouffez, espèce de dégénéré sanguinaire ! Et si je vous vois tenter quoi que ce soit contre ces pauvres malheureux... (saisit une arbalète et vise Lionel) c'est moi qui vous tire dessus !
Lionel (Lève les mains en l'air.)
Lande, jour. Lancelot est allongé sur le dos, évanoui, le visage en sang. Venec le touche prudemment à l'aide d'un rameau, ses hommes attendant en arrière, les armes sorties.
Venec C'est bon, vous pouvez venir ! C'est pas dangereux !
(Les hommes de Venec s'approchent prudemment.)
Venec (Regardant ses hommes.) Bon ! Alors là, deux choses : premièrement, je le connais personnellement. Bon bah aujourd'hui je vais faire abstraction, hein, parce qu'il faut quand même bien qu'on bouffe... mais normalement, on n'attaque pas les gens avec qui on a traité par le passé. Deuxièmement... bon là, il est à moitié crevé, donc on risque rien. Mais ça veut pas dire qu'ils seront tous à moitié crevés ! Hein ? C'est quand même déjà exceptionnel de tomber sur un gars qui est déjà à moitié... (Regarde Lancelot.)
Lancelot (Redressé en position assise, assène un violent coup de bâton à Venec.)
(Les hommes de Venec prennent la fuite.)
Venec (Courbé par la douleur.) Ah ! Ah... ah... (À ses hommes.) Hé hé hé, attendez-moi ! (Poursuit ses hommes.) Oh, attendez-moi bon Dieu ou je vous préviens, je vous vire tous !
Lancelot (Retombe évanoui.)
Lande, jour. Arthur, Guenièvre et le tavernier se sont arrêtés.
Guenièvre Non mais là vous allez pas dire que vous avez rien entendu !
Le tavernier Ah, si, là y a quelqu'un qui a crié !
Arthur Ouais ouais, ça... (Indique vaguement une direction.) Ça venait de là-bas, je crois.
Guenièvre Bon, qu'est-ce qu'on fait, on fait demi-tour ?
Arthur Demi-tour ? Ah non mais ça va, je vais aller voir ce que c'est, vous vous restez ici... et je reviens vous chercher. (Pose son sac.)
Le tavernier Et... et si ils vous tombent dessus et que vous revenez pas ?
Arthur Bah on verra...
Guenièvre (En panique.) Non mais on verra quoi, si vous revenez pas ?
Arthur (Exaspéré.) Faites ce que je vous dis, foutez-moi la paix ! Là ! (Part dans la direction du cri.)
Guenièvre (Prend le bras du tavernier, anxieuse.)
Tour de surveillance désaffectée, jour. Bohort est assis près de la fenêtre, Lionel se tient debout près de lui.
Lionel Vous avez entendu ? Des cris !
Bohort (Sombre.) Oh mon Dieu... il se trame quelque sombre affaire dans cette forêt maudite...
Lionel (Avance accroupi jusqu'à la fenêtre, puis lève prudemment la tête pour regarder.) Qu'est-ce qu'on fait ? On tire ?
Bohort On tire ? Mais sur quoi voulez-vous donc tirer, encore ? Si ça vous démange à ce point-là, vous n'avez qu'à tirer sur moi, après tout... vous avez déjà abattu notre propre cousin...
Lionel Mais... nous sommes de garde, et il y a des cris ! Il me semble tout à fait curieux de ne pas intervenir !
Bohort Mais pour intervenir, il faudrait partir en direction des cris ! Or, je vous rappelle que nous sommes consignés dans cette tour !
Lionel Alors on va laisser les gens s'entre-tuer sans rien faire ?
Bohort Exactement. Considérez que ça ne nous regarde pas.
Lionel Ah non... vraiment ! La chose militaire me restera mystérieuse jusqu'au bout.
Bohort Vous n'aviez qu'à faire vos classes.
Lande, jour. Arthur marche dans les hautes herbes, cherchant l'origine du cri qu'il a entendu.
Arthur (Découvre sur le sol un bâton ensanglanté, qu'il saisit et examine. Il jette le bâton au loin, et découvre du sang frais sur le sol. Il ne voit pas Lancelot, couché plus loin.)
Lancelot (Reste immobile, sur le flanc, visiblement conscient que quelqu'un marche non loin de lui.)
Arthur (Retourne d'où il est venu.)
Lande, jour. Guenièvre et le tavernier, restés où Arthur les avait laissés, voient revenir ce dernier.
Guenièvre Alors ?
Arthur (Écarte les bras, perplexe.) Non, rien. Peut-être des bestioles qui se sont battues...
Guenièvre Des bestioles ?
Le tavernier Non, mais Sire, vous allez pas nous dire que c'était des bestioles, quand même !
Arthur M'appelez pas « Sire ».
Guenièvre Vous êtes allé là-bas, et vous n'avez rien remarqué ?
Arthur Si ! Enfin... non, non... un peu de sang par terre, voilà... en tout cas, là y a plus rien, on peut y aller.
Guenièvre Oh bah oui, y a du sang par terre, ça crie, mais on y va quand même, hein, pas de problème !
Le tavernier Ah bon Dieu, que j'y crains, ça !
Guenièvre En même temps, si c'est des bestioles, y a peut-être plus de chance qu'elles s'en prennent à la chèvre qu'à nous... mais...
Arthur Hé. Je vous dis qu'on peut y aller. (Part.)
(Guenièvre et le tavernier suivent Arthur à contrecœur.)
Arthur (Se retourne, impatient.) Allez !
Tour de surveillance désaffectée, jour. Bohort et Lionel sont assis sur le sol.
Lionel Les envahisseurs n'emportent-ils jamais avec eux leur propre nourriture ?
Bohort Qu'est-ce que vous voulez dire ?
Lionel Si je devais envahir un pays, je pense que j'emporterais avec moi la nourriture nécessaire. Ce qui expliquerait la présence de la chèvre.
Bohort Mais vous êtes encore là-dessus ? C'est de l'obsession, hein !
Lionel Une chèvre vivante ne s'avarie pas, et... il n'y a pas besoin de la porter, puisqu'elle marche. (Rit, impressionné par le stratagème qu'il vient de décrire.) C'est drôlement futé, hein, quand on y réfléchit !
Bohort Ces gens n'étaient pas des envahisseurs.
Lionel À la limite, ce que nous pouvons faire : vous, vous restez ici, comme ça il ne sera pas dit que nous avons déserté notre poste... et moi, je pars à la poursuite de ces barbares.
Bohort Il est absolument hors de question que je reste seul dans cette maudite tour ! Quant à vous, si vous ne pouvez vous passer de tuer quelqu'un, passez donc vos nerfs à tirer sur un oiseau ! Ça aura au moins le mérite de constituer notre pitance de ce soir.
Maison de Guethenoc, jour.
Le tavernier Vois-tu-moi-le !
Guethenoc Oh bah celle-là alors, elle est pas mal !
Le tavernier Hé, en plus du bestiau, je vous ramène du rupin !
Guethenoc Oh bah ça pour une surprise, (à Vouga) hé dites, regardez qui c'est qui est là !
Vouga C'est celui-là, votre copain Joss ?
Guethenoc Mais quoi, mais non ! Mon copain Joss, bon Dieu qu'elle est con... excusez, Sire, hein...
Le tavernier Oui, non, alors là attention parce que vous allez vous faire appeler Joffrey...
Guethenoc Non non mais je sais, je sais bien, Sire... nous autres aussi, on a bien su, la... le coup de l'épée, et tout... d'ailleurs, je sais pas ce qui faut que je vous appelle maintenant, euh... « Sire » ou pas « Sire » ?
Arthur Pas « Sire ».
Vouga Mais qui c'est qui l'appelle Sire, celui-là ?
Guethenoc Mais nom de nom de nom de nom, c'est le roi Arthur, ça, enfin ! Enfin... anciennement le roi Arthur, quoi ! Allez pas nous faire passer pour des bourrinsbourrin (n.m.) Individu manquant de finesse ; rustre
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 !
Vouga « Anciennement le roi Arthur », non mais vous auriez pas un peu forcé sur les champignons, vous ?
Guethenoc Écoutez, va falloir tâcher moyen de faire un effort, maintenant hein parce que si je dois passer pour un trou de balle à chaque fois que vous parlez... bon.
Vouga Et qui c'est, celle-là ? Cléopâtre ?
Guethenoc Mais non ! Ça, c'est... c'est anciennement, encore pareil, la reine Guenièvre !
Guenièvre Ah bah non, moi c'est pas « anciennement » !
Guethenoc (Rayonnant.) En tout cas, ça fait bien plaisir ! Hein, moi, je... j'attendais personne moi, alors... alors ça tombe bien ! Ça tombe bien...
Roparzh (Arrivant.) Oh bah bon Dieu ! Qu'est-ce qui se passe dans la boutique, c'est la fête du boudin ?
Vouga Tiens, regardez qui c'est qui se radine à l'heure de la bouffe !
Roparzh (Remarquant Arthur.) Monsieur Sire ! En chair et en personne !
Guethenoc Dites, vous avez pas des tâches agricoles vous, non ?
Roparzh J'ai fini ! Je venais pour vous emmerder, mais là ça m'a coupé le sifflet« couper le sifflet » (loc.) Laisser sans voix, interloquer
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.
Guethenoc Bon bah on parle, on parle, va peut-être falloir penser à s'humecter les boyaux, hein ?
Le tavernier Hé bah c'est vrai que c'est l'heure de la boisson !
Roparzh Pour l'occasion, j'espère que vous allez faire péter du haut de gamme !
Guethenoc En hommage aux visiteurs de prestige.
(Guethenoc, Vouga, Roparzh et le tavernier commencent à s'intéresser aux bouteilles. La plupart des propos sont inintelligibles. Arthur et Guenièvre restent en retrait.)
Le tavernier Qu'est-ce que... qu'est-ce qu'il nous sert, là ?
Guethenoc Ah bah là y a un peu de tout, y a un peu de tout...
Le tavernier Ah...
Guethenoc Hein y a un peu de la... de la quatre-vingt-dix, de la quatre-vingts... et puis de la cent dix, de la cent dix, où elle est la cent dix...
Arthur (À Guenièvre.) Non mais on... on va pas rester longtemps...
Guenièvre Ah, voilà. Oui c'est ce que j'allais vous demander.
(La discussion porte sur les différents alcools et l'ordre dans lequel il convient de les boire.)
Le tavernier Qu'est-ce que ça donne, ça ?
Guethenoc (Approximativement.) Ça c'est la cinquante, faut pas ouvrir par la cinquante, faut ouvrir par la quatre-vingts... faut monter la pente... après on va le redescendre...
Le tavernier Faut... faut être progressifs ! (Désignant une bouteille.) Et alors ça ? Ça c'est...
Guethenoc (Fier.) Ah !
Lande, jour. Lancelot est endormi dans les hautes herbes, toujours couvert de sang. La Dame du Lac le regarde.
La Dame du Lac Hé ! Hé ! Je suis pas une spécialiste, mais à mon avis là vous allez mourir, hein...
Lancelot (Ouvrant péniblement les yeux.) La Dame du Lac...
La Dame du Lac Et votre copain en noir ? Où il est ? Il vient pas vous aider ? C'est curieux, non ? Vous trouvez pas ?
Lancelot Foutez-moi la paix...
La Dame du Lac Et pourquoi vous n'utilisez pas la routine magique ?
Lancelot La routine magique ?
La Dame du Lac Évidemment, vous l'avez oubliée ! Pourquoi ? Parce que quand vous étiez petit, vous n'étiez jamais à ce que vous faisiez ! C'était toujours la croix et la bannière pour vous maintenir une minute concentré !
Lancelot La routine de guérison des plaies...
La Dame du Lac Voilà ! Seulement... je vous préviens, moi je m'en souviens plus. Alors si ça vous revient pas, je peux pas vous aider.
Lancelot Non, je... je suis incapable de me rappeler des mouvements !
La Dame du Lac Faut mettre l'autre main sur la plaie, déjà...
Lancelot (Pose sa main gauche sur sa plaie, grimaçant de douleur.) Il... il faut que je me souvienne... ça commençait sur quelle phalange ?
La Dame du Lac Ah non mais ne me demandez pas ça, si je vous dis que je n'en sais rien, c'est que... je n'en sais rien !
Lancelot C'est impossible... ça fait trop longtemps !
La Dame du Lac Je suis désolée si je vous ai donné de faux espoirs... seulement vous vouliez toujours en faire qu'à votre tête ! Hé bah vous voilà bien rattrapé, maintenant.
Maison de Guethenoc, jour. Arthur, Guenièvre, Roparzh, Vouga et le tavernier sont à table, Guethenoc se tient debout avec une dame-jeanne enveloppée d'osier. Tous sont ivres.
Guethenoc Hé, ah mais oh ! C'est la marée basse, ou... ou quoi que ce soit, là ? (Sert Roparzh.) Allez allez allez allez, oh bah hé ! (Sert le tavernier.)
Le tavernier Hé, pas plus haut que le verre, quand même !
Guethenoc Hop hop hop hop hop hop hop hop hop ! (Se sert lui-même.) Allez, oh... (Regarde Arthur en tapant sur la dame-jeanne.)
Arthur Ah non non, mais... non, moi... moi je peux pas picolerpicoler (v.) Boire de l'alcool, s'enivrer
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comme ça...
Guethenoc Mais ça peut rien vous faire... y a que du fruit !
Roparzh Quand j'étais jeune, je pouvais faire rentrer un pigeon directement dans la bouteille, sans la casser !
Guethenoc Oh... (Soupire.)
Roparzh C'est pas compliqué, vous prenez un pigeon... vous y faites sécher, jusqu'à que ce soit presque friable... après vous y mettez sur le... sur la branche de prunier, autour de la fleur... comme ça, la poire, elle pousse directement à l'intérieur du pigeon séché... et, avec le liquide, ça... ça gonfle, et... et ça fait reprendre une, euh... ça fait reprendre une forme de pigeon... (S'écroule sur la table.)
Vouga Il va encore falloir le ramener en brouette, celui-là !
Guenièvre (À Arthur.) J'ai mal derrière les yeux, c'est normal ?
Arthur (Tapote son verre pour expliquer à Guenièvre l'origine de son mal.)
Le tavernier Ouais, j'en ai de celui-là là dans mon établissement personnel... mais j'en vends uniquement à ceux qui sont déjà mourants.
Guethenoc Mais, euh... dites-moi, Sire, vous nous... vous nous avez pas... vous nous avez pas encore dit pourquoi... qu'est-ce que vous faisiez dans la... dans la région !
Arthur Oui, enfin c'est-à-dire j'ai déjà pas eu tellement l'occasion d'en placer une...
Guenièvre On est en voyage !
Vouga Ah ! En voyage de quoi ?
Guenièvre En voyage de... ben... (à Arthur) je sais pas si on peut bien le dire, euh...
Arthur Je cherche votre fille.
Guethenoc Ma fille ? Laquelle de fille ?
Guenièvre Madenn !
Guethenoc Madenn, elle est... elle est pas là !
Vouga Euh... Madenn elle est... au pré avec, euh... les bêtes.
Arthur Vous vous souvenez de la fois où vous êtes venu à Kaamelott pour m'engueuler, comme quoi soi-disant c'est moi qui l'avais mise enceinte ?
Guethenoc Si... si je me souviens ?
Vouga Oui, et comment que ça s'est soldé, cette histoire-là ?
Guethenoc Ça s'est... ça s'est... ça s'est soldé qu'on m'a... qu'on m'a prié d'aller me faire fiche !
Le tavernier C'est pour ça, moi, j'ai jamais été rien réclamer à Kaamelott. Déjà, j'aime pas bien aller pleurnicher, je bricole mes combines dans mon coin, je préfère escrocrer... plutôt qu'aller embêter autrui. Voyez ?
Guenièvre Bah en fait, c'était vrai ! Elle était enceinte de lui !
Guethenoc Ah !
Vouga Ah !
Arthur Mais non ! Mais, non... qu'est-ce que vous racontez ? Qu'est-ce que... qu'est-ce que c'est, on... on n'en sait rien !
Guenièvre (À voix basse.) Bah... c'est vous qui m'avez dit...
Arthur « C'est vous qui m'avez dit... », ça, qu'est-ce... qui c'est, qui a dit quoi ? J'ai... on a dit... qu'est-ce que j'ai dit ? J'ai dit « peut-être ». Voilà. Parce que attendez, sinon là, ça veut dire qu'on fait partie de la même famille, et puis qu'il faut re-picolerpicoler (v.) Boire de l'alcool, s'enivrer
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, alors ça... (Sifflote en faisant « non » du doigt.)
Roparzh Oh ! Il faut peut-être faire tenir un balai en équilibre sur le pif pour se faire servir, euh... ou quoi que ce soit ?
Vouga Madenn... des gamins, elle en a tellement eu, que j'ai jamais été foutue de retenir les prénoms, moi.
Guethenoc Moi... moi, vous m'en mettriez cinq ou six devant le nez, je les reconnaîtrais pas. On a pas le temps, nous... nous autres... pour ces choses-là.
Roparzh Vous allez encore vous plaindre que... nous autres paysans on travaille trop, on se lève tôt, alors que vous en foutez pas une rame du soir au matin !
Vouga Madenn elle est trop... voyez ! À... à peine un type jette un œil dessus... pan ! Elle est enceinte...
Le tavernier Ah... il faut quand même admettre que... que... qu'elle est mignonne, la petite, hein... c'est vrai, hein, voyez, quand... quand... quand on la voit, hé ben et puis qu'on vous voit vous, on a du mal à... à faire le rapprochement, voyez...
Guenièvre Et donc, vous savez pas lequel de vos petits-enfants est le fils d'Arthur ?
Le tavernier Ou la fille !
Vouga Non mais je... je sais qu'elle en a fait un avec un type, un gros, tout vilain, des fois on le croise... il a plus un chicot dans le bec !
Guethenoc Mais non ! Mais non, non... mais non, on n'est... on n'est même pas vraiment sûrs que... sûrs que ça soit lui...
Roparzh Moi je lui aurais bien fait un, mais... jamais eu moyen. Soi-disant, je picolepicoler (v.) Boire de l'alcool, s'enivrer
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trop, et... ça fait des gosses déformés.
Le tavernier Bon, allez, maintenant qu'on se connaît mieux, je peux quand même vous dire que bon, bah... normalement, il serait possible qu'elle en ait un... qui soit de moi. Il serait !
Guethenoc Hé ben mon cochon !
Arthur (Soupire profondément.)
Guenièvre (Réconforte Arthur.)
Guethenoc Mais Sire, si... si vous... si vous voulez vraiment savoir, il suffit que vous... il suffit que vous lui demandiez directement ! Moi demain matin, moi je... je pars la rejoindre là aux pâturages, vous avez qu'à me filer le train, et puis c'est tout !
Vouga Non, mais moi j'ai rien compris. Vous voudriez qu'elle en ait... un de vous... ou vous voudriez pas ?
Arthur (Après réflexion.) Oui ! Oui, je voudrais bien. Ce que je voudrais pas, c'est que ça devienne un prétexte pour que vous et moi on se voie plus souvent. Parce que ça, honnêtement, euh... non.
Guenièvre (Fait « non » de la tête.) On peut pas.
Lande, jour. Lancelot s'est redressé en position assise et s'adresse à la Dame du Lac, qui s'apprête à partir.
Lancelot Ne me laissez pas !
La Dame du Lac Vous savez que c'est justement parce que vous n'étiez pas capable de retenir cette routine que les dieux m'ont confié Arthur à la place de vous ?
Lancelot Aidez-moi à me souvenir !
La Dame du Lac Je vous avais même inventé une comptine pour vous aider à vous souvenir des gestes !
Lancelot Quelle comptine ?
La Dame du Lac Mais je m'en souviens plus, avec euh... une barrière, une rivière, un genre de pense-bête, quoi !
Lancelot La barrière ?
La Dame du Lac Le... le chevalier blanc, euh...
Lancelot « Le chevalier blanc traversera la rivière... »
La Dame du Lac Ou « la barrière »...
Lancelot Non, non, y a quelque chose avant la barrière ! Aidez-moi !
La Dame du Lac Non, je m'en vais ! Je déteste voir mourir les gens ! (Part.)
Lancelot La comptine !
La Dame du Lac (Hurlant.) Si je me la rappelais, je vous la dirais !
Lancelot (Tente de se souvenir des paroles de la comptine en murmurant tout bas.)
Maison de Guethenoc, matin. Guethenoc se prépare à partir en discutant avec Vouga. Arthur est toujours à table et Guenièvre le presse.
Guenièvre (Agacée.) Oh non, mais faites un effort, quoi ! On n'attend plus que vous !
Arthur Zut. Zut. Zut zut. Re-zut (criant) et re-zut derrière !
Guethenoc On n'est pas à Kaamelott, là, Sire, hein... à la campagne, on se lève pas à midi...
Vouga Sans ça, c'est pas la peine de tenir une ferme...
Arthur Bah je tiens pas une ferme, ça tombe bien... entre parenthèses, j'ai passé quinze ans de ma vie en camp militaire, je me levais tous les matins à quatre plombes... hein, alors euh... maintenant, excusez-moi, je trouve légèrement bourrant de me retrouver complètement décarré devant mes trois quignons de pain (jette son morceau de pain et hausse le ton) alors que le jour est même pas levé !
Guenièvre Oh... non mais vous vous rendez compte, si j'en faisais un plat pareil, moi ?
Arthur Bah on se lèverait plus tard, et... je vois pas où est le problème.
Guethenoc C'est une tradition, Sire ! Quand on voyage, on se lève tôt !
Vouga Pour pas voyager de nuit !
Arthur (Ricane.) Alors avec la cargaison de rouquin que vous êtes en train d'emballer dans votre sac, vous serez beurrés comme des tartines avant midi. Alors dans l'état où vous serez, on risque pas de voyager de nuit, soyez tranquilles...
Guenièvre Oh non mais vous êtes gonflé, moi je bois pas !
Vouga Moi si, mais je viens pas avec vous ! Alors...
Pâturage, jour. Arthur, Guethenoc et Guenièvre marchent dans les hautes herbes.
Guethenoc À une époque, moi je me suis dit « Tiens, tu devrais arrêter le mouton, qui est une activité très très très fastidieuse, et qui finalement rapporte pas autant qu'on croit. »
Arthur Non, mais c'est... non... vous pouvez arrêter ? Vous pouvez arrêter ou pas ?
Guethenoc Mais... mais qu'est-ce qu'il y a ?
Arthur Mais enfin ça fait quinze lieues que vous nous pétez les noyaux avec vos bestioles ! Les moutons, les chèvres, les poules, vous croyez que ça nous intéresse, ça ?
Guethenoc (Bougon.) Bon bah on peut pas parler, on parle pas...
Guenièvre Si, mais on pourrait peut-être parler d'autre chose !
Arthur Oh là là, mais c'est pas vrai, « les poules, euh... c'est plus ce que c'était », « les chèvres c'est pas rentable », maintenant « les moutons c'est fastidieux », vous savez même pas ce que ça veut dire, « fastidieux » !
Guethenoc Quoi, « fastidieux » ! Et pourquoi je saurais pas ce que ça veut dire « fastidieux », parce que je suis un gros con de paysan, c'est ça ?
Arthur Alors d'accord, alors d'accord, qu'est-ce que ça veut dire ?
Guethenoc Oh bah...
Guenièvre Oh, mais moi non plus je sais pas ce que ça veut dire, « fastidieux » !
Arthur Oui mais non, mais vous ça va, c'est bon...
Guethenoc Ah bon, d'accord alors elle c'est bon... parce que c'est une bourgeoise, elle... elle c'est bon ! Hein, voilà.
Arthur (Soupire.)
(Arthur, Guethenoc et Guenièvre s'arrêtent.)
Guenièvre Moi, je dirais que « fastidieux », ça veut dire... « qui est responsable de ».
Arthur (Épuisé.) Oh...
Guenièvre Non c'est pas ça ?
(Arthur, Guethenoc et Guenièvre reprennent leur marche.)
Guethenoc Oh non non non non non, enfin oh non non non ! « Fastidieux », quand moi je dis « fastidieux »... pour les moutons, pour les moutons, hein ! Euh... ça veut dire qu'on se les caille à se lever aux aurores hein, pour... pour s'en occuper, que ça pue... et qui c'est qui ratisse la merde de la bergerie, c'est bibibibi (pr.) Moi
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 ! Voilà, voilà ! Voilà, voilà ce que ça veut dire. Hein, alors... alors, si vous voulez, je dis... je dis, « fastueux », voilà comme ça.
Guenièvre « Fastueux » ou « fastidieux » ?
Guethenoc Pourquoi, qu'est-ce que j'ai dit ? Ah non « fastueux ». Non, bah non, « fastidieux » ! Pardon. Fastidieux.
Guenièvre Oui, parce que... « fastueux », c'est plus en rapport avec les animaux marins, non ?
(Arthur s'arrête, bientôt imité par Guethenoc et Guenièvre.)
Arthur (En panique.) Ah là là ! Ah là là ! Ah non ! Là c'est... là c'est pas possible ! Là c'est pas possible ! Si je vous file un... un bon gros paquet de fric, vous la bouclez ou pas ?
Guenièvre (Vexée.) Ah non mais dites, on peut parler, oui ?
Guethenoc Vous du fric, vous en avez plus, alors... (Ricane.)
Guenièvre Si vous pouvez supporter personne, il fallait voyager tout seul !
Arthur Hé bah c'était ce qui était prévu, figurez-vous !
Guethenoc (Désignant un point devant eux.) Oh bah tiens et puis en plus, on... on va pas tarder à arriver, je crois on arrive, j'entends... j'entends déjà les moutons ! Tiens, rien que les bêlements, rien que les bêlements, hein... dites, mais je peux plus supporter ! Je peux plus supporter, ça... mais ça c'est ça, c'est ça, c'est ça qu'on appelle la, la, la... la fasti... la fastidiosité du quotidien ! C'est... c'est qu'on en arrive à un point tel où quoi que ce soit, où quoi que ce...
Arthur (Brandissant le poing et saisissant Guethenoc.) Non, ça va pas recommencer, hein ? Ça va pas recommencer, parce que vous allez prendre un marron, maintenant, hein !
Guethenoc (Hurlant.) Mais quoi ? Merde on peut rien dire, quoi ?
Arthur Oh ! (Repousse Guethenoc et part.)
(Guethenoc et Guenièvre suivent Arthur.)
Guethenoc Mais quoi ? On peut rien dire, alors ! Alors c'est fastidieux ! (Inintelligible.)
Guenièvre C'est pas la peine de crier !
Lande, jour. Lancelot est allongé dans les hautes herbes et marmonne en effectuant des mouvements magiques avec les doigts de sa main droite.
Lancelot Le chevalier blanc... traversera la rivière... la coursière... la barrière... la coursière... la barrière... le chevalier blanc... traversera la coursière... la barrière, la rivière... le chevalier blanc traversera la rivière... la coursière, la barrière...
Pâturage, jour. Guethenoc interroge une bergère. Arthur et Guenièvre les regardent.
Guethenoc Comment ça, « il manque une brebis » ?
La bergère On a recompté trois fois chaque bête, il en manque une. Non, on n'a pas recompté trois fois chaque bête. On a recompté les bêtes trois fois chacune. Non attendez. On a chaque...
Arthur (Impatient.) Voilà. Alors euh... bon, OK... où est Madenn ?
La bergère (Désignant la forêt.) Bah elle est partie chercher celle qui manque !
Guethenoc Mais où ? Hein vous m'avez dit que vous aviez pas vu par où elle était partie !
La bergère Bah non on n'a pas vu mais il faut bien chercher quelque part de toute façon !
Guethenoc Bon bah, du coup... du coup, elle est partie où ?
La bergère La brebis ?
Guethenoc Madenn ! La brebis vous me dites que vous savez pas !
La bergère Bah oui, c'est pour ça, je comprenais pas la question...
Guethenoc Alors ?
La bergère Alors quoi ?
Guethenoc Mais Madenn, nom de bi ! Elle est partie par où ? Ça va commencer à bien faire, maintenant, là !
La bergère (Désignant la même direction que tantôt.) Hé ben par là !
Guethenoc Bon ! Hé bah allez, ben... allez !
Arthur « Allez », quoi, on y va nous aussi ?
Guenièvre Où ça ? Chercher la brebis ?
Guethenoc Ah bah oui ! Seulement nous... nous on part dans l'autre sens !
Arthur Dans l'autre sens ? Pour quoi faire ?
Guethenoc Mais comment ça « pour quoi faire » ? Pour trouver la brebis ! (Montre une direction.) Madenn elle est partie la chercher par là. (Montre une autre direction.) Nous on va la chercher par là ! À moins, à moins... à moins que vous vouliez qu'on se sépare, pour couvrir encore plus de terrain !
Arthur On s'est pas compris. Moi c'est votre fille que je suis venu voir. J'en ai rien à foutre, de vos bestiaux, moi.
Guethenoc Mais moi non plus, j'en ai rien à foutre, moi ! Rien... rien que d'être comme ça là au milieu, il me vient qu'une envie, c'est de les buter tous, les un après les autres, bon ! Seulement faut être raisonnable, bon une bête ça vaut de l'argent ! Hein, bon, ça vaut cher, hein, alors comme y en a une perdue dans la nature... bon, je vais pas rester les bras croisés comme ça en attendant qu'elle se fasse bouffer par un loup !
Guenièvre (À Arthur.) Mais... et moi, qu'est-ce que je vais faire, si vous partez chercher la brebis ?
Arthur Mais je ne pars pas chercher de brebis, je ne suis pas là pour ça !
La bergère (À Arthur.) Mais pourquoi vous voulez la voir, Madenn ?
Arthur Pourquoi je veux la... oui. Pff, c'est pas... c'est compliqué.
Guenièvre Mais je comprends pas, (désignant les moutons) c'est pas des moutons, ça...
Guethenoc Mais comment ça « c'est pas des moutons » ? Qu'est-ce que vous voulez que ce soit ?
Guenièvre Bah ils sont tout... tout bizarres...
La bergère Ben ils sont tondus !
Guenièvre Tondus ? Oh mon Dieu mais quelle horreur, mais... mais pourquoi vous avez fait ça ?
Guethenoc (À Arthur, désignant un direction.) Bon dites, hein... allez.
(Arthur et Guethenoc partent dans une direction, la bergère dans une autre.)
Lande, jour. Lancelot est allongé dans les hautes herbes et marmonne en effectuant des mouvements magiques avec les doigts de sa main droite.
Lancelot Le chevalier blanc... traversera la rivière, la coursière... la barrière, la barrière, la coursière... la frontière ! La rivière... la rivière... la rivière, la frontière... (Rit, constatant que sa routine fonctionne, et place sa main gauche sur sa plaie.) Le chevalier blanc traversa la rivière... la coursière, la barrière, la barrière, la coursière... la frontière, la rivière, la rivière, la rivière... la frontière ! (Retombe évanoui, la pointe de la flèche désormais dans sa main, extraite de la plaie.)
Forêt, jour. Arthur et Guethenoc marchent dans une forêt dense, à quelques encablures l'un de l'autre.
Guethenoc Vous voyez quelque chose ?
Arthur Zut !
Guethenoc Bon, ben quoi ?
Arthur Non bah si je vois quelque chose, je vous le dirais, non ?
Guethenoc Bah moi en tout cas, je vois rien...
Arthur (Las.) Non mais c'est n'importe quoi, on cherche là, si ça se trouve elle est là-bas, de l'autre côté de la vallée, on n'en sait rien !
Guethenoc De l'autre côté de la vallée, on ira après !
Arthur Quoi ? Non mais vous vous foutez de moi, vous croyez que j'ai que ça à foutre de courir après vos bestioles, moi c'est votre fille que je veux voir !
Guethenoc Mais elle est pas là, nom de Gu de nom de Gu, qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse, bon ? Du coup, vous avez rien à glander de particulier ! Vous pouvez bien me donner un... coup de main, non ?
Arthur Et qu'est-ce que je fais d'autre ?
Guethenoc Hé bah faites le sans râler... voilà... de toute façon, qu'est-ce que vous... que c'est... qu'est-ce que vous avez tant à lui dire, hein ? « Bonjour, est-ce que vous avez un enfant de moi ? », elle va dire « oui », « non », qu'est-ce que ça va changer ?
Arthur Qu'est-ce que ça change ?
Guethenoc Euh... qu'elle ait un enfant de vous ou pas, vous la voyez jamais ! Et puis... et puis de toute façon les deux, les deux... les deux jumelles là, y en a... y en a pas une qui était enceinte ? Y en a une qui est enceinte, c'est pas de vous ça ? C'est de vous ?
Arthur Quoi ?
Guethenoc De quoi, les... les deux jumelles là, y en a deux, bon, y en a une qui était enceinte, c'est de vous ?
Arthur (Se rapprochant de Guethenoc.) Qu'est-ce que vous êtes en train de me chanter, vous ?
Guethenoc Bah... ça se dit, ça se dit, ça, les jumelles, euh... c'est les jumelles de l'autre, là ils disent « les jumelles de l'autre », bon euh... y en a une qui...
Arthur « L'autre », c'est de moi « l'autre » ?
Guethenoc Bah attends, c'est pas, c'est pas... c'est pas, euh... non !
Arthur Déjà qu'est-ce que vous en savez, que... moi je sors avec des jumelles ?
Guethenoc Mais attendez, ça se... ça se sait, ou quoi que ce soit, là, ça se sait ! Les gens ils disent « Bon, c'est les jumelles, ben y en a bien une... »
Arthur Y a une jumelle... de mes jumelles à moi, qui est enceinte ?
Guethenoc Bah attendez, c'est bien ce qui m'a, il m'a... il m'a, il m'a semblé, ça...
Arthur Mais combien de temps ça fait ça, que vous avez vu ça ?
Guethenoc Bah j'en sais rien, mais je sais pas, je sais plus combien de temps, j'en sais rien...
Arthur À peu près ?
Guethenoc Mais j'en sais rien, à peu près, y a quelques temps, voilà quelques temps...
Arthur « Quelques temps » ? Attendez moi ça fait longtemps que je les ai pas vues, alors je voudrais savoir ! Ça fait longtemps, pas longtemps ?
Guethenoc Mais ça fait rien ! Vous pouvez très bien les avoir vues après, ça prend après, ça prend du temps, ça, c'est... y en a une qui est, y a en a une des deux...
Arthur Comment vous savez que c'est les miennes, déjà ?
Guethenoc Mais parce que, elles sont pas... elles sont pas, c'est pas des jumelles... bon, elles sont pas...
Arthur Les miennes elles sont brunes.
Guethenoc Oui, bah celles-là elles sont pas...
Arthur Brunes ?
Guethenoc Elles sont pas blondes, voilà elles sont blondes foncées, voilà, c'est...
Arthur Non, pas blondes foncées. Brunes. Noires, le cheveu noir comme ça, (saisit une branche de conifère) non pas comme ça, c'est pas noir ça.
Guethenoc Voilà, bah y en a une qui est à peu près comme ça, pas comme ça, mais...
Arthur Noir, le cheveu noir, raide !
Guethenoc Ah bah non, bah oui, elle est pas, elle est pas...
Arthur Des jolies filles !
Guethenoc Elle est blonde, blonde... blond foncé, pas frisée, voilà, et puis c'est tout ! On va pas...
Arthur Voilà, de jolies filles ?
Guethenoc Oui, à peu près...
Arthur Jeunes ?
Guethenoc Ouais j'ai pas, j'ai pas... je veux dire, c'est pas mon... enfin c'est...
Arthur Et y en a une qui est enceinte ?
Guethenoc Y en a une qui est enceinte sur les deux, oui ça se sait, ça... ça se sait, ça... elles sont fines, fines, y en a une sur deux qui est assez fine, et y en a une qui est moins fine que l'autre, donc je me suis dit du coup... « Ça se voit qu'elle est plus grosse... », quoi, donc euh... je...
Arthur (Part.)
Guethenoc Non mais attendez, mais... on peut pas discuter avec vous, mais ça... mais c'est pas possible ! C'est fastidieux, à la fin, vous savez ça ? Je vous le dis franchement, moi hein...
Caverne de Lancelot, jour. Lancelot se traîne en rampant jusque dans sa caverne.
Lancelot (Ouvre un sac contenant des petites branches et tente de les agencer en vue d'allumer un feu, mais tombe d'épuisement.)
Pâturage, jour. La bergère est assise dans l'herbe près de ses moutons, Arthur revient bredouille.
La bergère Alors ?
Arthur Non, rien. On a fait tout ce coin là, là... pas de brebis. L'autre il y est encore, mais moi... (sifflote) je laisse tomber, j'en ai ma claque.
La bergère Déjà ? Bah vous auriez pas pu être berger, vous, hein...
Arthur Non. Je confirme. De toute façon j'ai jamais pu blairerblairer (v.) Supporter, apprécier
En savoir plus
ça, comme métier.
La bergère Parce que... c'est quoi, votre métier ?
Arthur Bah je suis, euh... militaire. Mais en ce moment, je fais pas grand-chose.
La bergère Vagabond ?
Arthur Vagabond, ouais c'est ça... où est ma femme ?
La bergère Partie faire un tour... dites, euh... pourquoi vous la cherchez, Madenn ?
Arthur Non mais dites, excusez-moi mais ce... qu'est-ce que ça peut vous foutre ?
La bergère Bah, je dis comme ça, moi... parce que je la connais bien Madenn, alors si vous me dites, euh...
Arthur Ouais, non mais c'est bon. Ça va. Non, je... ça va, c'est personnel. (S'allonge près de la bergère.) Bon Dieu mais... mais qu'est-ce qui pue, comme ça ? (Remarque les moutons.) Ah bah oui, oui... évidemment... (Vérifie l'endroit où il s'est allongé.)
Caverne de Lancelot, jour. Lancelot est couché sur le flanc, les yeux mi-clos. Méléagant est assis derrière lui et l'observe.
Lancelot (Prend conscience de la présence de Méléagant et se retourne.)
Méléagant Vous avez bien dormi ?
Lancelot Vous êtes là depuis combien de temps ?
Méléagant Pas mal de temps. Je vous observe. Bien vilaine blessure, que vous avez là...
Lancelot (Touche sa blessure.) C'est guéri.
Méléagant Oh bah tant mieux, je... très content pour vous.
Lancelot Vous voulez que je vous raconte ?
Méléagant Arthur est mort ?
Lancelot Non.
Méléagant Alors je vois pas très bien ce que vous pourriez avoir à me raconter.
Pâturage, jour. Arthur et la bergère discutent.
Arthur Vous la connaissez vraiment bien, Madenn ?
La bergère Mmh, depuis toujours, pourquoi ?
Arthur Euh... elle a combien d'enfants ?
La bergère Combien d'enfants, euh... deux !
Arthur Non, pas deux.
La bergère Bah... si, Madenn elle a deux enfants.
Arthur Non mais... vous rigolez... tout le monde me dit qu'elle en a tout le tour du ventre et qu'elle est enceinte deux fois par an !
La bergère Non mais vous me demandez combien elle a d'enfants ou combien elle en a eu ?
Arthur Parce que... quoi ?
La bergère Bah parce que... j'ai pas les chiffres en tête, mais... elle en a attendu une douzaine, euh... elle a dû en mener sept à terme, mais elle en a perdu cinq... je me trompe ? Il en reste que deux !
Arthur (Interloqué.) Elle en a perdu cinq ?
La bergère Ouais ! Je le sais parce qu'elle en a perdu un de moins que moi.
Arthur Quoi, vous...
La bergère Ouais, j'en ai perdu six.
Caverne de Lancelot, jour. Lancelot est assis, appuyé contre un mur de la caverne. Méléagant est assis non loin.
Méléagant Je suis venu vous présenter mes excuses.
Lancelot Des excuses ? À quel propos ?
Méléagant Voyez-vous, quand vous pleuriez étendu dans votre campement abandonné, et que vous hurliez si fort « Guenièvre » que tout sur Terre vous entendait... j'ai cru que je pouvais vous aider. C'est pour ça que je me suis permis de vous aborder.
Lancelot Hé bien ?
Méléagant « Sans famille... sans roi, sans pays... si abandonné de tous, voilà un chevalier qui pourrait écraser ses ennemis dans la paume de sa main ! », me suis-je dit...
Lancelot J'ai pris une flèche dans l'épaule...
Méléagant (Furieux.) C'est pas une question de flèche ! Vous étiez perdant le jour même de votre départ !
Lancelot J'ai pris une flèche dans l'épaule !
Méléagant Vous étiez perdant le jour même de votre naissance... voué aux offices secondaires, aux ambitions raisonnables...
Lancelot Je n'ai pas dit mon dernier mot.
Méléagant Si, de toute évidence. Fauché dans votre élan par une flèche dont vous m'aviez vanté l'impossibilité.
Lancelot (Secoue la tête, incrédule.) Cette tour a toujours été vide... je sais pas ce qui s'est...
Méléagant (Interrompant Lancelot.) Et comble du mauvais goût, vous utilisez la magie blanche pour guérir vos plaies.
Lancelot Vous auriez peut-être préféré que j'y reste ?
Méléagant C'est bien le moins que vous pouviez faire.
Lancelot Si vous tenez tant à la mort d'Arthur... vous n'avez qu'à vous en occuper vous-même.
Méléagant Je n'ai aucun intérêt à la mort des gens.
Lancelot Alors à quoi, bon sang ? À quoi ?
Méléagant À leur sabordage.
Pâturage, jour. Arthur et la bergère discutent.
La bergère Excusez-moi, mais... c'est quoi qui vous choque ?
Arthur Qu'est-ce qui me choque, ce qui me choque, enfin...
La bergère Attendez, les bébés... le moindre truc, ils tiennent pas le coup ! Un coup de chaud, un coup de froid, euh... sans compter qu'on n'a pas toujours de quoi les faire bouffer... les maladies...
Arthur Non mais d'accord, mais... attendez, là vous... vous me parlez d'un rapport d'un pour six !
La bergère « Un rapport d'un pour six », euh... ça veut dire quoi ?
Arthur Je veux dire... y en a vraiment pas beaucoup qui survivent !
La bergère Attention ! Moi je vous parle du milieu paysan. Ceux qui naissent dans les cités, ils ont un peu plus chaud, ils ont plus de chance de tenir !
Arthur Non mais...
La bergère Bah quoi ?
Arthur Non mais je... c'est, c'est... c'est triste !
La bergère Bah... oui c'est pas bien marrant, mais c'est la vie ! Il vaut mieux penser à ceux qui restent, que ceux qui restent pas !
Arthur Et les enfants de Madenn, ils ont quel âge ?
La bergère Y en a un de treize ans et un de... dix, onze mois.
Arthur (Déçu.) Ah.
La bergère Quoi ?
Arthur Moi je vous parle d'un qui aurait... deux, trois ans aujourd'hui ?
La bergère Euh... oui, une fille ! Elle a tenu le coup deux-trois semaines. Mmh, trop maigre. En plus, elle est née en plein hiver. C'était sûrement la fille d'un tavernier. Enfin, Madenn elle disait que c'était la fille du roi de Bretagne, pour se faire mousser, parce qu'elle a eu une histoire avec !
Arthur Et... c'était pas vrai ?
La bergère Bah si, elle a eu une histoire avec ! Mais elle était déjà enceinte depuis... plusieurs semaines.
Guenièvre (Arrivant, un agneau dans les bras.) Hou hou ! Hé ! Regardez qui je ramène !
Caverne de Lancelot, soir. Lancelot est assis, appuyé contre un mur de la caverne. Méléagant se tient debout devant lui.
Méléagant Vous vous souvenez de ce que vous vous apprêtiez à commettre la première fois où je suis venu vous trouver dans cette grotte ?
Lancelot Oui.
Méléagant Hé bien je regrette de vous avoir interrompu. Je vous laisse. Vous pouvez reprendre les choses où elles en étaient. (Part.)
Lancelot (Seul.) Vous n'allez pas me laisser ? Vous n'avez pas le droit de me laisser, j'ai fait tout ce que vous m'avez demandé ! Je vous promets de me rattraper ! La prochaine fois, y aura pas de flèche pour m'arrêter. J'utiliserai plus jamais la magie blanche. J'irai droit au but ! Vous verrez, vous reviendrez ! Je vous offrirai la tête d'Arthur ! Vous serez fier de moi, vous... vous me féliciterez ! (Hurlant.) Ne me laissez pas !
Pâturage, jour. Arthur est couché dans l'herbe et dort.
Pâturage, jour. Rêve d'Arthur : Arthur marche, tenant par la main un enfant inexistant.
Pâturage, jour. Rêve d'Arthur : Arthur se réveille.
Arthur (Voit un enfant souriant couché contre lui, et sourit à son tour.)
Pâturage, jour. Rêve d'Arthur : Arthur marche, tenant par la main un enfant inexistant.
Pâturage, jour. Arthur se réveille, pour de vrai cette fois-ci.
Arthur (Tâte de la main l'endroit dans l'herbe où se trouvait l'enfant de son rêve, puis se recroqueville sur le ventre, les poings fermés.)
Pâturage, jour. Rêve d'Arthur : Arthur marche, tenant par la main un enfant inexistant.
(Noir.)
(Fermeture.)