La Blessure D’Yvain

Livre IV – épisode 85

Maison de Caius, jour. Caius dort.
(À l'extérieur, Arthur et Léodagan crient.)
Arthur Oh, mais ouvrez !
Arthur Hé ho ! Hé ouvrez bon Dieu Caius, c'est nous !
Caius (Lève la tête.) Qui ça, « nous » ?
Léodagan Bah nous !
Arthur Mais c'est nous ! C'est moi ! C'est moi, c'est le roi Arthur, allez ouvrez bon Dieu !
Caius Bah allez-y entrez c'est ouvert...
Léodagan Mais non !
Arthur Ah non, là c'est fermé, là.
Caius Mais non, c'est ouvert.
Arthur Non, c'est fermé.
Caius Mais non.
Arthur Si !
Caius Mais non !
Arthur Mais si !
Caius (Hurlant.) Bon ça va, je vous dis que c'est ouvert, de toute façon elle peut être qu'ouverte, elle ferme pas la porte !
Arthur Mais on s'en fout, bon Dieu, venez ouvrir !
Léodagan Mais on peut pas ouvrir là, magnez-vous !
Caius Mais c'est ouvert !
Arthur Hé bah non c'est fermé !
Léodagan Non c'est fermé !
Caius Putain mais vous... c'est quoi le truc là, vous voulez quoi ? Vous voulez qu'on se batte ?
Léodagan On a les mains prises, ducon !
Arthur Alors même si elle est ouverte, il faut venir ouvrir, parce que là pour nous c'est comme si c'était fermé !
Caius (Se levant, hors de lui.) Putain mais c'est vraiment trop pourri, la Bretagne hein !
(Ouverture.)
Maison de Caius, jour. Caius a ouvert sa porte, Arthur et Léodagan entrent, portant Yvain à grand peine.
Caius Qu'est-ce... qu'est-ce que...
Arthur On pose on pose on pose on pose, je glisse !
Léodagan Oh bon Dieu !
(Arthur et Léodagan posent Yvain sur le lit de Caius puis s'assoient, haletants.)
Caius Mais qu'est-ce qui se passe ?
Léodagan On s'est fait attaquer...
Yvain (Souffrant.) Ah, j'ai été sauvagement blessé !
Léodagan Ouais oh...
Caius Attaquer par qui ?
Arthur Bah par des... ouais, des bandits de grand chemin, on peut dire, ils nous sont tombés sur le râble« tomber sur le râble » (loc.) Assaillir, agresser
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là, à la sortie du sentier...
Léodagan Et ils en ont eu pour leur compte hein, ces blaireaux.
Yvain J'ose pas regarder ! J'ai été sauvagement blessé ou pas ?
Caius Mais attendez, je comprends pas, les mecs vous les avez dérouillés ou pas ?
Léodagan Ben évidemment ! C'était à moitié des clodos ! Y en a même un, il était sur une patte.
Arthur (Désignant Yvain.) Sauf que celui-là... je sais pas comment, il s'en est pris une.
Yvain Oh... il m'a blessé mais trop sauvagement, quoi ! Je suis trop blasé, quoi.
Caius Non je pige pas, ça vous est arrivé juste là, là ?
Léodagan Ouais...
Caius Bah... le chemin, je le prends tous les jours, je comprends pas, je... ah c'est pas les trois moisis, là, qui campent à la sortie de la forêt ?
Léodagan Si, c'est ceux là !
Caius Attendez, vous vous foutez de moi ou quoi, là ? Les mecs ils tiennent à peine debout, on leur gueule dessus un petit peu fort et ils ont les dents qui tombent...
Léodagan Hé bah voilà, bah c'est eux.
Caius Bah attendez, les mecs ils sont beurrés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, y en a même un il lui manque une guitareguitare (n.f.) Jambe
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 !
Arthur Oui, c'est ce qu'on vous dit depuis une heure !
Léodagan Hé bah y en a quand même un qui a réussi à taper...
Yvain Oh, il s'est acharné sur moi avec une sauvagerie mêlée de férocité.
Arthur Mais j'ai rien vu moi, c'était lequel ?
Yvain Celui qui avait qu'une jambe...
Arthur Oh...
Léodagan Et en même temps, ça m'étonne... qu'à moitié.
Yvain Oui bah du coup c'était le plus hargneux ! C'est comme euh... si il se vengeait sur moi de sa jambe, avec une sauvagerie mêlée de férocité, alors... c'est bon, quoi...
Maison de Caius, jour. Léodagan, Arthur et Yvain observent la blessure de ce dernier, assis sur le lit de Caius. Caius les regarde faire.
Arthur Non mais c'est à peine coupé, faut arrêter de déconner, maintenant !
Léodagan C'est pour ça que vous avez gueulé à ameuter tout le pays ?
Yvain Non mais c'est parce que tout à l'heure ça pissait, bon là ça pisse plus mais bon... tout à l'heure ça pissait trop, quoi !
Léodagan Oh... « ça pissait » !
Caius (Bâille.) Vous voulez que je regarde si j'ai des petits trucs pour mettre dessus ?
Yvain Non non non, c'est bon ça va piquer, je préfère qu'on laisse à l'air !
Léodagan Oui bah, vous laisserez à l'air en marchant. Allez levez-vous, on se casse.
Yvain Mais... mais je peux pas me lever ! Si je me lève, ça va faire jouer le muscle et ça va repisser...
Arthur Putain j'en ai marre, là... sans déconner j'en ai marre.
Yvain Ouais. Ça pique trop de la vie, quoi. Ça pique, ça lance, et derrière comment ça repique trop...
Caius Mais je comprends pas comment vous avez fait votre compte, parce que moi dès que je sors du sentier, je marche un tout petit peu vite... à peine... bah les clodos ils arrivent pas à me rattraper.
Yvain Ouais, mais... c'est parce que j'avais repéré un bosquet à fraises... et euh... j'avais pas vu que y en avait un qui faisait ses besoins.
(Fermeture.)
Maison de Caius, jour. Léodagan, Arthur et Yvain sont sur le lit de Caius, qui les observe. Yvain examine sa blessure, Léodagan attend et Arthur se repose.
Yvain Vous croyez que ça peut être héréditaire comme blessure, ou pas ?
Caius Héréditaire ?
Léodagan (Agacé.) Qu'est que vous chantez, encore ?
Yvain Ben si, comme quand y en a un qui a un rhume et qui le passe à un autre...
Arthur « Contagieux ».
Yvain Ouais, bah c'est pareil, mais vous croyez que ça se peut ?
Caius De quoi qui se peut ? Je comprends rien...
Léodagan Non, on pige rien à ce que vous bavezbaver (v.) Dire, parler
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.
Yvain Ben... le fait que celui qui m'ait tapé il ait qu'une seule jambe... vous croyez que ça se peut que ce soit héréditaire ?
Arthur « Contagieux ».
Yvain Je vais trop perdre ma jambe, en fait !
Caius Mais non, vous allez pas perdre votre jambe, crétin...
Léodagan Vous mériteriez quand même des baffes à répétition.
Yvain N'empêche, c'est celui qui a plus de jambe qui me tape à la jambe...
(Noir.)
Yvain Comme par hasard...
(Stab final.)