La Botte Secrète
❰ Livre I – épisode 28 ❱
Taverne, soir. Perceval et Karadoc sont assis à la taverne. Le tavernier nettoie leur table. | |
Le tavernier | Hé bah allez, une journée de plus en moins. On va aller dormir, et puis demain on recommence... je peux vous dire que tavernier, c'est pas une sinécure. |
Karadoc | Ouais c'est pas faux. |
Le tavernier | (S'en va.) |
Perceval | J'ai jamais su ce que ça voulait dire euh... « sinécure ». |
Karadoc | Moi non plus. Quand vous comprenez pas, vous dites « c'est pas faux ». Comme ça, vous passez pas pour un glanduglandu (n.m.) Individu niais et stupide En savoir plus ! C'est ma botte secrète. |
Perceval | « C'est pas faux » ? |
Karadoc | (Acquiesce.) |
(Ouverture.) |
Salle à manger, jour. Arthur et Perceval mangent dans la salle à manger. | |
Arthur | Faudra quand même qu'on se décide à mettre un poste de garde sur cette route hein. Trois fois qu'on se fait surprendre comme des bleusbleu (n.m.) Individu sans expérience, novice En savoir plus par les Vandales... |
Perceval | Le problème, c'est que quand on met des hommes à un poste de garde, la première semaine, ils jouent aux cartes, ils font leur petit ratarata (n.m.) Nourriture En savoir plus... mais après, avec la solitude, ils sont beurrésbeurré (adj.) Ivre, saoul En savoir plus du soir au matin. On les retrouve affalés sur la table... |
Arthur | Mais ils se débrouillent ! Une relève toutes les deux semaines, je me fous pas d'eux, quand même ! C'est ça « monter la garde », je suis désolé... on n'a jamais dit que c'était une sinécure... |
Perceval | (Après un instant.) C'est pas faux. |
Arthur | Alors les Vandales arrivent, au poste de garde ils sont surpris, ils ont même pas le temps de donner l'alerte ! |
Perceval | La première semaine, ça va ! |
Arthur | La première semaine... vous irez leur dire, aux Vandales, qu'il faut pas qu'ils se pointentse pointer (v.) Arriver, faire apparition En savoir plus en deuxième semaine parce que nos gardes supportent pas la solitude... |
Perceval | Je sais bien... |
Arthur | Sans blague, vous trouvez pas que c'est paradoxal ? |
Perceval | (Après un instant.) Ouais, c'est pas faux. |
Arthur | Bah, et alors... |
Forêt, jour. Arthur, Lancelot et Perceval sont dissimulés dans la forêt et discutent d'un plan d'attaque. | |
Lancelot | On va pas courir vers des points de retraite en sachant qu'il y a neuf chances sur dix qu'ils soient exposés ! |
Arthur | Mais on n'en sait rien, venez pas me la jouer« la jouer (à quelqu'un) » (loc.) Raconter des mensonges En savoir plus ! Les éclaireurs sont pas rentrés, c'est tout, ça veut rien dire ça ! |
Lancelot | Bon, il faut qu'on trouve un autre point ! |
Arthur | Ah ! Je croyais que les cartes étaient fausses ? Il faudrait savoir ! |
Perceval | Attendez, j'ai pas dit qu'elles étaient fausses ! On m'a dit qu'elles étaient « pas d'hier », c'est pas pareil ! |
Lancelot | Mais elles sont vieilles comment ? |
Perceval | J'en sais rien, moi, je vous répète ce qu'on m'a dit ! De toute façon, j'y comprends rien aux cartes ! |
Arthur | (Furieux.) Ah, faites un effort, hein ! |
Perceval | Moi on m'a dit : « Attention, elles sont pas d'hier ! » |
Lancelot | Bon d'accord, elles sont pas d'hier. Est-ce que vous pensez qu'elles sont obsolètes ? |
Perceval | (Après un instant.) C'est pas faux. |
Arthur | Quoi « c'est pas faux » ? |
Perceval | De quoi ? |
Lancelot | Non, on vous demande si vous pensez que les cartes sont obsolètes ! |
Perceval | Ben c'est pas faux ! |
Arthur | (Amer.) Ah ouais d'accord, allez, on s'est fait refilerrefiler (v.) Donner En savoir plus des cartes d'il y a vingt ans, quoi... |
Perceval | J'ai pris ce qu'il y avait, moi ! |
Arthur | Vous vous êtes encore débrouillé comme un chef ! Je me demande vraiment ce qu'on peut vous confier ! |
Lancelot | Bon écoutez, on tente une passe triple, on est trois ! |
Perceval | De quoi ? |
Arthur | Ah ouais une passe triple, c'est pas con, on a nos chances... |
Perceval | Ouais, c'est pas faux. |
Lancelot | Convergente ? |
Arthur | Euh... divergente, à cause des arbres ! |
Lancelot | (Acquiesce.) |
Perceval | Ouais, c'est pas faux ! |
Lancelot | Trois... deux... un... allez ! |
(Arthur et Lancelot partent en courant.) | |
Perceval | (Crie.) Ouais, c'est pas faux ! |
Cuisines, jour. Perceval et Angharad discutent. | |
Angharad | C'est vrai qu'en ce moment, ça va pas fort hein. Heureusement que vous êtes là pour me réconforter. |
Perceval | C'est bien normal. |
Angharad | Non, quand même. Combien y en a qui se débinent dès qu'il y a quelque chose qui cloche... |
Perceval | Vous me dites « ça va pas fort, il faut qu'on se voie », on se voit. Avec moi, vous savez, c'est carrécarré (adj.) Sérieux, clair, net En savoir plus. |
Angharad | Et puis surtout qu'on s'est pas vus beaucoup ces derniers temps... |
Perceval | Bah, les responsabilités... toujours sur la brèche. |
Angharad | Ah... beaucoup d'envahisseurs à repousser, ces temps-ci, ou... ? |
Perceval | C'est pas tellement ça, mais bon... Arthur a souvent besoin de moi pour des conseils stratégiques. |
Angharad | Ah... |
Perceval | Disons que je chapeaute un peu tout ce qui est action militaire sur le territoire breton. |
Angharad | (Acquiesce, impressionnée.) |
Perceval | Ça fait du travail. |
Angharad | Oui... oh bah c'est d'autant plus gentil à vous d'avoir pris un peu de temps pour moi hein... (Émue.) Je... je sais pas ce qui m'arrive ces jours-ci... je me regarde dans le miroir, et... j'ai l'impression d'être... insipide ! Mais alors... |
Perceval | Ouais, c'est pas faux. |
Angharad | (Refroidie.) Bon ! Ça m'a fait du bien de parler. Merci. (S'en va précipitamment.) |
(Fermeture.) |
Salle à manger, jour. Arthur et Perceval mangent dans la salle à manger. | |
Perceval | Les travers de porc, c'est pas mauvais, mais ça vaut pas les côtelettes. Les côtelettes, c'est plus savoureux. |
Arthur | Ouais, c'est pas faux. |
Perceval | Sans blague, vous savez pas ce que ça veut dire, « savoureux » ? |
Arthur | (Interloqué.) Ben évidemment que si ! |
(Noir.) | |
Perceval | C'est « côtelettes » que vous comprenez pas ? |
(Stab final.) |