La Coccinelle De Madenn
❰ Livre I – épisode 43 ❱
Couloir du château, jour. Arthur, Lancelot et Perceval s'apprêtent à entrer dans la salle du trône. | |
Arthur | Qui c'est qu'on a comme doléance, maintenant ? |
Lancelot | Le paysan Guethenoc, Sire. |
Arthur | Encore ? Mais il vient deux fois par semaine, maintenant, celui-là ! |
Perceval | Il sont toujours en train de se plaindre, ces péquenaudspéquenaud (n.m.) Paysan En savoir plus... l'autre jour, on s'entraînait dans un champ à la catapulte, y en a un qui arrive : « Ho ! Mes endives, mes endives ! » On lui a mis un rocher sur la tête (fait un bruit de pet), ça l'a calmécalmer (v.) Neutraliser, mettre hors d'état de nuire En savoir plus, le bouseuxbouseux (n.m.) Paysan En savoir plus. |
(Ouverture.) |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, entouré de Perceval et Lancelot. Face à eux se trouve Guethenoc, accompagné de sa fille Madenn. | |
Guethenoc | Mon bon roi, permettez-moi de vous présenter ma fille Madenn ! |
Arthur | Enchanté... |
Guethenoc | (S'emportant.) Quand je dis « présenter » c'est manière de dire, il me semble que vous la connaissez déjà pas mal ! |
Madenn | (Gênée, à voix basse.) Père ! Vous m'avez juré de ne pas vous montrer désobligeant ! Et sans vouloir faire mon intéressante, je vous rappelle que la position debout me fatigue. |
Lancelot | Votre fille est malade ? |
Madenn | Enceinte, Seigneur Lancelot ! |
Guethenoc | Enceinte ! Enceinte jusqu'aux gencives ! Le déshonneur ! La honte ! L'humiliation ! |
Madenn | Bon, quand vous serez à court de synonymes, aurez-vous l'obligeance de m'obtenir de quoi m'asseoir ? |
Lancelot | Bon, gardes ! Apportez un siège à madame ! |
Madenn | Mademoiselle ! |
Guethenoc | Mademoiselle, exactement ! Elle en est fière en plus ! |
Madenn | (S'assoit sur le siège apporté par un garde.) |
Guethenoc | Remarquez, j'ai pas à me faire trop de souci... parce que j'ai de bonnes raisons de penser que le petitou qui va arriver est de sang royal, si vous voyez ce que je veux dire ! |
Arthur | (Choqué.) Quoi ? |
Madenn | Père... |
Guethenoc | Parfaitement ! |
Perceval | (À Arthur.) Ça sert à rien, un siège. Si elle est enceinte, il faut des linges blancs et une bassine d'eau chaude. |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, entouré de Perceval et Lancelot. Face à eux se trouve Guethenoc, accompagné de sa fille Madenn. | |
Guethenoc | Remarquez, c'est pas que l'idée de faire partie de votre famille me dégoûte, Sire. |
Lancelot | Vos insinuations sont extrêmement graves, Guethenoc ! Je vais vous demander de retirer vos propos et de présenter vos excuses au Roi Arthur ! À moins que... enfin, Sire, vous savez que... que vous pouvez tout me dire... |
Arthur | Mais j'ai rien à vous dire ! Je la connais pas, cette fille ! |
Guethenoc | Mensonge ! |
Madenn | Je suis désolée, Sire ! Mon père s'est mis en tête que vous étiez le père sous prétexte que vous m'avez adressé la parole, un jour, à un bal de village ! |
Guethenoc | Les premières œillades ! (Se dandine en jouant d'une flûte imaginaire.) La flûte enchantée ! Et trois mois après, (montre le ventre de Madenn) patatrac ! |
Perceval | (À Arthur.) Chaque fois que je vais à un balochebaloche (n.m.) Bal populaire En savoir plus, je picolepicoler (v.) Boire de l'alcool, s'enivrer En savoir plus, je discute... trois mois après, y a toujours un type qui débarouledébarouler (v.) Arriver de façon violente ou soudaine En savoir plus avec sa fille enceinte. |
Lancelot | Bon, à ce compte-là, Mademoiselle, pourquoi ne nous dites-vous pas qui est le véritable père de l'enfant ? |
Madenn | Mais parce que j'ai pas envie de lui causer de soucis ! C'est un homme marié, avec une très bonne situation... |
Guethenoc | Ah bah, Roi de Bretagne, c'est vrai, comme situation c'est pas dégueulasse ! |
Arthur | Mais vous allez me lâcher, oui ? Je vous dis que c'est pas moi ! |
Madenn | (À Guethenoc.) Je vous dis que c'est pas lui ! |
Guethenoc | Et les œillades, au bal ? |
Arthur | Mais je me souviens même pas avoir foutu les pieds dans un bal, moi... |
Madenn | Ah non si. Non, si si. Si si, Vous vous êtes approché de moi, vous avez délicatement saisi une coccinelle dans mes cheveux et vous m'avez demandé si c'était ma sœur... |
Perceval | (Se penchant vers Arthur, espiègle.) Yééé... |
Lancelot | (Attendri, presque moqueur.) C'est vrai que c'est joli... |
Guethenoc | C'est nul ! Zérozéro (adj.) Sans valeur, nul, minable En savoir plus ! |
Lancelot | Non quand même, c'est plutôt élégant ! |
Guethenoc | (Montrant le ventre de Madenn.) Et ça, c'est élégant ? Je vais vous en fournir, des coccinelles, moi ! J'exige réparation de l'affront qu'on m'a fait ! |
Madenn | Mais il y a pas eu d'affront ! À part la coccinelle, il n y a rien eu entre le Roi et moi. |
Lancelot | Guethenoc ! Vous n'avez ni preuve de ce que vous avancez, ni témoignage pour l'étayer. Je vous demande de sortir de cette salle. |
Guethenoc | (S'en va en faisant signe à Madenn de le suivre.) |
Madenn | (Se levant.) Je suis vraiment désolée du remue-ménage, hein ! Vous savez comment c'est les paysans... mon père, il est plus têtu que ses bourriques. (Fait une révérence et s'en va.) |
Perceval | Une fois, à une exécution, je m'approche d'une fille, pour rigoler je lui fais : « Vous êtes de la famille du pendu ? » C'était sa sœur. Bonjour l'approche... |
Couloir du château, jour. Arthur rejoint discrètement Madenn dans un couloir. | |
Arthur | (Chuchotant.) Alors, c'est le mien ? |
Madenn | Mais évidemment que c'est le vôtre ! |
Arthur | (Tape dans ses mains, ravi.) J'en étais sûr ! |
Madenn | J'ai rien dit, j'avais pas envie qu'on vienne vous embêter.... |
Arthur | Non, vous avez bien fait. Ma femme aurait encore trouvé le moyen de me faire chier... elle est jamais contente, celle-là. |
Madenn | Et elle, toujours rien en route ? |
Arthur | Non... non mais c'est moi... il faudrait que je m'y mette mais j'ai pas le courage. Hi hi, peut-être que ce sera une fille ? |
Madenn | Ben je sais pas, j'ai plutôt l'impression qu'il part vers l'avant... |
Arthur | Ah ouais... je vais vous donner un peu de pognon. |
Madenn | Oh mais non, ça va, mon père il en a jusqu'au nez« jusqu'au nez » (loc.) A profusion, en suffisance En savoir plus, du pognon. |
Arthur | Bah alors un petit cadeau, pour le bébé... (Sort une dague.) Vous mettrez dans le berceau, regardez ! Un petit souvenir de son papa, j'ai égorgé un chef ostrogoth, avec ! |
Guethenoc | (Criant, de loin.) Madenn ! |
Madenn | Bon, faut que je file ! Allez, à bientôt ! |
Arthur | A bientôt ! |
(Ils s'embrassent rapidement.) | |
Madenn | (S'en va.) |
(Fermeture.) |
Chambre d'Arthur, soir. Arthur et Guenièvre sont au lit, Arthur sourit. | |
Guenièvre | Mais qu'est-ce que vous avez à sourire ? |
Arthur | Rien, rien. |
(À l'étage du dessus, un bébé se met à pleurer.) | |
Guenièvre | (Agacée.) Ha... c'est encore le petit de la duchesse de Winchester... il est infernal, ce gosse. Quand on en aura à nous, j'aime autant vous dire qu'il est hors de question que je donne la tétée à une heure du matin hein ! Je suis pas une vache, moi. |
Arthur | (Soupire.) |
(Noir.) | |
Guenièvre | Qu'est-ce que vous avez à souffler ? |
(Stab final.) |