Couloir du château, nuit. Perceval se tient devant la chambre d'Arthur, qui vient d'en ouvrir la porte, mal réveillé. |
Arthur |
Qu'est-ce qui se passe ? |
Perceval |
Rien de grave, Sire. |
Arthur |
Rien de grave ? Non mais vous vous rendez compte de l'heure qu'il est, espèce de gros tarétaré (n.m.) Fou, dégénéré En savoir plus ? |
Perceval |
J'arrive pas à fermer l'œil ! |
Arthur |
Mais moi si ! |
Perceval |
Mais c'est à cause de la mission de demain. |
Arthur |
(Soupire.) Oui ben bon oui, on a toujours un peu de mal à dormir avant de partir en mission... vous êtes nerveux ? |
Perceval |
Non, j'ai les jetons. |
Arthur |
Vous inquiétez pas, ça se passera bien. |
Perceval |
Juste Karadoc et moi, avec tous ces morts-vivants, sans blague, je suis pas rassuré. |
Arthur |
Mais qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse, moi ? |
Perceval |
Ben justement, je me disais un truc, si vous vous levez maintenant et que vous préparez vos affaires, vous avez encore le temps de partir avec nous. |
(Ouverture.) |
Couloir du château, nuit. Perceval se tient devant la chambre d'Arthur, qui se tient dans l'embrasure de la porte. |
Arthur |
Vous pouvez pas vous démerder ? |
Perceval |
Allez Sire, c'est la dernière fois ! |
Arthur |
Mais chaque fois, c'est la dernière fois ! Vous êtes pas foutus de faire un truc sans moi ! |
Perceval |
La dernière fois qu'on est partis tous seuls, vous avez piqué une crise parce qu'on n'a rien ramené. |
Arthur |
Non mais j'ai pas dit que je viendrais toujours avec vous pour autant ! |
Perceval |
Juste cette fois, comme ça vous nous montrez des ficelles. |
Arthur |
Mais j'en ai marre de vous montrer des ficelles, de toutes façons vous pigez jamais rien ! |
Perceval |
Attendez, j'ai compris, là... c'est pas des vrais ficelles pour attacher. Allez, Sire ! |
Arthur |
Non ! (Ferme sa porte.) |
Perceval |
(Fortement.) Allez, Sire, si vous venez pas on va décéder ! |
Crypte maléfique, jour. Arthur, Perceval et Karadoc progressent dans un couloir. |
Karadoc |
C'est vraiment sympa d'être venu, Sire ! |
Perceval |
Vous vous rendez pas compte, quand vous êtes là, on fait vachement de progrès. Nous, avant, on se mettait pas l'un derrière l'autre, on progressait pas. |
Arthur |
Comment ? |
Karadoc |
C'est pas ça que vous avez dit tout à l'heure ? |
Arthur |
Qu'est-ce que j'ai dit ? |
Perceval |
Vous avez dit : « On progresse l'un derrière l'autre. » Nous, on savait pas ! |
Karadoc |
D'habitude, on se mettait côte à côte comme des cons. |
Perceval |
Du coup, on progresse jamais ! |
Arthur |
« Progresser », ça veut dire « avancer ». |
Perceval |
Oui c'est ce que je dis, on n'avance jamais, parce qu'on n'est pas l'un derrière l'autre. |
Arthur |
(Acquiesce, visiblement peu convaincu.) |
Perceval |
Attendez, c'est comme le coup du château hanté, en fait, ça a rien à voir avec la forme du château. |
Karadoc |
Ah mais vous aussi vous aviez compris ça ? |
Perceval |
Mais ouais ! Sauf depuis ce matin, vous avez dit « C'est un château en L », donc là, « château hanté », c'est pas la forme ! Et hop, du coup, on progresse l'un derrière l'autre. |
Karadoc |
C'est hyper important que vous veniez avec nous, Sire ! |
Arthur |
C'est aussi hyper important que vous finissiez un jour par vous démerder sans moi. |
Perceval |
Ça va venir, Sire, il faut pas trop vous impatienter. |
Karadoc |
Rendez vous compte des progrès qu'on a faits, déjà ! |
Arthur |
Des progrès dans quelle matière ? |
Perceval |
Parce qu'il faut progresser dans de la matière ? |
Karadoc |
Oh putain, c'est fou ça... |
Perceval |
Et voilà ! Encore un truc qu'on savait pas ! Parce que nous jusqu'à aujourd'hui, on marchait de côté, il faut bien comprendre ça, et là tac, l'un derrière l'autre, dans de la matière. |
Karadoc |
C'est un vrai bond en avant ! |
Perceval |
Et là c'est pareil, « un bond en avant », y a quelques années, on aurait sautillé. (À Karadoc.) C'est vrai ou pas ? |
Karadoc |
Mais bien sûr ! Y a pas de honte, on savait pas. |
Perceval |
Maintenant c'est bon, on a pigé. C'est une métaphore ! |
Arthur |
(Surpris.) Oh ! De quoi ? |
Perceval |
C'est pas ça ? |
Karadoc |
Non, « métaphore » c'est pas une famille qui est dans le besoin et qui refuse de l'aide par fierté ? |
Perceval |
J'ai oublié. Non, mais c'est un des deux en tout cas. |
Arthur |
Attendez attendez attendez, qu'est-ce que vous entendez exactement par « métaphore » ? |
Perceval |
« Métaphore », c'est un truc, il faut pas faire ce que ça dit ! Par exemple, « faire un bond en avant », je sautille pas ! « Envoyer promener quelqu'un », il faut pas qu'il parte trop loin. « Monter à l'assaut », en fait c'est pareil. Je bouge pas. |
Karadoc |
Ah, Sire. Y a un truc que je voulais vous demander. |
Perceval |
Ouais moi aussi. |
Karadoc |
Les morts-vivants. |
Perceval |
Ah ouais, c'est bien ! |
Karadoc |
Les morts-vivants, c'est... ou l'un ou l'autre ? |
Arthur |
Non, les morts-vivants, c'est les deux à la fois. |
(Perceval et Karadoc ne comprennent visiblement pas.) |
Arthur |
Je... je vais pas vous l'expliquer aujourd'hui, ça, hein ? Parce que vous avez déjà fait beaucoup de progrès. |
(Fermeture.) |
Crypte maléfique, jour. Arthur, Perceval et Karadoc se tiennent devant un trésor. |
Karadoc |
C'est quand même beau. |
Perceval |
Même si c'est vous qui avez tout fait, Sire... nous, de notre côté, on progresse. |
Arthur |
(Agacé.) Ouais non, ça va, je sais. |
Karadoc |
Et les morts-vivants que vous avez tués, ils étaient morts ou vivants ? |
Arthur |
Ils étaient morts et vivants... |
(Perceval et Karadoc se regardent, perplexes.) |
Arthur |
Bon, de toute façon je ne vous l'expliquerai pas aujourd'hui, n'insistez pas. Alors (siffle) vous prenez le pognon, on s'en va. |
Karadoc |
Ah non, Sire, on préfère vous regarder faire. |
(Noir.) |
Perceval |
Comme ça on comprend les ficelles. |
(Stab final.) |