La Pâte D'Amande
❰ Livre I – épisode 90 ❱
Chambre d'Arthur, nuit. Arthur et Guenièvre sont au lit, Arthur lit un livre, Guenièvre rumine. | |
Arthur | (Remarque l'humeur de Guenièvre.) Ça va ? |
Guenièvre | (Criant.) Ça va, oui ça va ! Vous êtes content ? |
Arthur | (Reste silencieux, perplexe.) |
(Ouverture.) |
Chambre d'Arthur, nuit. Arthur et Guenièvre sont au lit, Arthur lit un livre. | |
Guenièvre | Excusez-moi, je voulais pas vous agresser... |
Arthur | C'est pas ça mais... je cherche ce que je vous ai fait. |
Guenièvre | Vous avez rien fait. |
Arthur | Je croyais que c'était à cause de tout à l'heure, quand je vous ai dit que, de dos, vous ressembliez à ma tante. |
Guenièvre | Oui, à part ça, vous avez rien fait. |
Arthur | Bah alors quoi ? |
Guenièvre | Mais c'est moi, je suis à cran aujourd'hui. |
Arthur | C'est rien ça. Demain ça ira mieux. |
Guenièvre | Oh bah sûrement pas... |
Arthur | Demain, ça ira pas mieux ? |
Guenièvre | Vous vous souvenez de cette chose délicieuse que j'avais ramenée de mon voyage à Rome et qui s'appelle « la pâte d'amande » ? |
Arthur | « La pâte d'amande » ? Ah oui, c'est bon ça ! |
Guenièvre | Oui, excellent... |
Arthur | Hé ben ? Quel rapport avec le fait que vous êtes chiante ? |
Guenièvre | Le rapport, c'est que y a plus de pâte d'amande ! |
Arthur | Je savais même pas que y en avait eu, moi... |
Chambre d'Arthur, nuit. Arthur et Guenièvre sont au lit. | |
Arthur | Vous me dites que vous en avez ramené combien ? |
Guenièvre | Oh, pas énorme... |
Arthur | Oui non mais, « pas énorme » combien ? |
Guenièvre | Je sais plus ! Quatre ou cinq livreslivre (n.f.) Ancienne unité de mesure de masse En savoir plus... |
Arthur | Quatre ou cinq livreslivre (n.f.) Ancienne unité de mesure de masse En savoir plus ! |
Guenièvre | Oh mais j'ai pas tout gardé pour moi ! J'en ai offert, figurez-vous. |
Arthur | Offert à qui ? |
Guenièvre | Ben... à vous ! |
Arthur | Non, vous m'avez jamais offert de pâte d'amande ! |
Guenièvre | Bon ben j'en ai pas offert ! Qu'est-ce que ça change ? |
Arthur | Ça change que vous vous êtes enfilé quatre ou cinq livreslivre (n.f.) Ancienne unité de mesure de masse En savoir plus de pâte d'amande en une demi-saison et que ça tombe bien que y en ait plus parce qu'à ce rythme-là, dans six mois, vous étiez large comme le lit ! |
Guenièvre | Tous les jours, je me disais : « Aujourd'hui, t'en prends pas... aujourd'hui, t'en prends pas... » J'ai jamais réussi à me contrôler... |
Arthur | Bah vous serez bien obligée, maintenant. |
Guenièvre | Mais qu'est-ce que je vais devenir, maintenant que mon corps s'est habitué ? |
Arthur | Ben il va se déshabituer ! Comment vous faisiez, avant ? |
Guenièvre | (Criant.) Mais avant, ma vie, c'était de la merde ! Vous entendez ? Hein ? Recevoir le chef de ci, le roi de mi, toujours polie, toujours bien mise, le symbole de la nation bretonne ! Il en faut bien, des compensations, pour encaisser toutes ces conneries ! Toujours s'occuper de quelque chose, et surtout de vous parce que vous avez des « responsabilités » ! Et qui s'occupe de moi, pendant ce temps ? Eh ben oui ! Maintenant que y a plus de pâte d'amande, je tourne en rond ! Je suis sur les nerfs ! (Fond en larmes.) J'ai pas d'amies, pas de loisirs... comme vous me touchez pas, les choses de l'amour je m'assois dessus, et je parle au figuré, alors je me suis plongée dans la pâte d'amande ! Et quand je vous regarde et que je vois comment vous me traitez hein... je me dis que j'aurais meilleur compte d'aller d'ici jusqu'à Rome à pied pour en chercher parce que c'est finalement la meilleure chose qui me soit arrivée ! |
Arthur | Je crois pas que vous soyez le « symbole de la nation bretonne »... |
Couloir du château, jour. Bohort est dans un couloir et referme la porte d'une pièce. | |
Arthur | (Arrive.) Ah ! Bohort. |
Bohort | Ah, Sire ! |
Arthur | Dites-moi mon petit Bohort, le dernier voyage à Rome, vous en faisiez bien partie, vous ? |
Bohort | Oh ! Une excursion fantastique ! |
Arthur | (Faussement réjoui.) Ouais. Est-ce que vous avez goûté des spécialités, là-bas ? Des pâtisseries, des... |
Bohort | Ah ma foi oui, euh... de très bonnes choses, d'ailleurs hein... (Sur le ton de la confidence.) Gourmand comme je suis, Rome est une ville dangereuse pour moi ! |
Arthur | Ouais hé hé... justement, gourmand comme vous êtes, vous avez sûrement goûté la pâte d'amande ? |
Bohort | Oui peut-être, je me souviens plus... |
Arthur | Vous en avez ramené ? |
Bohort | Non... |
Arthur | (Pas dupe.) Vous en avez ramené. |
Bohort | (Anxieux.) Pitié Sire, il m'en reste qu'un tout petit morceau ! |
Arthur | Donnez-le moi. |
Bohort | Non, non ! De grâce, Sire ! Tout ce que vous voulez mais pas ça ! |
Arthur | (Brandit le poing.) Je vous mets un painpain (n.m.) Coup de poing En savoir plus. |
(Fermeture.) |
Chambre d'Arthur, nuit. Arthur et Guenièvre sont au lit. | |
Arthur | (Saisit un morceau de tissu à côté de lui.) |
Guenièvre | Je suis désolée pour hier, hein. J'étais sur les nerfs, je ne pensais pas un mot de ce que je vous ai dit. Je suis très heureuse ici, ça va sans dire. |
Arthur | Ah... (Regarde le tissu.) Mais... |
Guenièvre | Tiens qu'est-ce que vous avez, là ? |
Arthur | Bah justement, c'est parce que je m'étais débrouillé... je vous avais... (Sort un petit cochon en pâte d'amande du tissu.) Je vous avais trouvé un petit cochon... |
Guenièvre | (Gourmande.) En pâte d'amande ? |
Arthur | Oui... |
(Noir.) | |
(Un rugissement de fauve retentit.) | |
Arthur | (Criant.) Ah ! Ah mais vous êtes marteaumarteau (adj.) Fou En savoir plus ! Mais regardez ça, ça pisse le sang ! |
(Stab final.) |