La Pythie
❰ Livre III – épisode 33 ❱
Boudoir, jour. Angharad coiffe Guenièvre. | |
Guenièvre | À votre avis, Arthur a combien d'enfants ? |
Angharad | (Gênée.) Enfin... il en a pas ! |
Guenièvre | Allez, ne me ménagez pas, je sais que tout le monde se tait parce que ça pourrait me faire mal de savoir, mais je préfère être au courant. |
Angharad | Euh peut-être qu'il en a eu, euh... par-ci par-là avec une maîtresse ou deux, bon, hein ? Hé, en plus avec la mortalité infantile... |
Guenièvre | Non mais, en tout et pour tout, à votre avis ? |
Angharad | À mon avis ? |
Guenièvre | Mmh. |
Angharad | Pas plus d'une trentaine. |
(Ouverture.) |
Tente de Prisca, jour. Guenièvre et Prisca sont assises sous la tente de cette dernière. | |
Guenièvre | Je sais pas si c'est la bonne tente... |
Prisca | Pour aiguiser les couteaux c'est à côté. |
Guenièvre | Ah non, (murmurant) c'est pour une divination... |
Prisca | Alors c'est là, qu'est-ce que tu veux savoir ? |
Guenièvre | Ah, on se tutoie ? |
Prisca | Non non, juste moi, qu'est-ce que tu veux savoir ? |
Guenièvre | Hé ben... |
Prisca | Si ta maladie de peau va passer ? Pas avant deux ans. |
Guenièvre | Ah mais j'ai pas de maladie de peau ! |
Prisca | Ah, ouais... peut-être... bon alors quoi ? |
Guenièvre | Hé ben par exemple, euh... est-ce que mon mari a des enfants cachés ? |
Prisca | (Saisit un jeu de cartes dans un coffret et commence à les étaler sur la table, avant de s'arrêter.) |
Guenièvre | Qu'est-ce qui se passe ? |
Prisca | (Tapote sur une carte.) |
Guenièvre | Qu'est-ce que c'est ? |
Prisca | Un quatre de bâton. |
Guenièvre | Et c'est pas bon ? |
Prisca | Bah non ! Je suis marron, j'ai ni le trois ni le deux, je peux pas sortir mon as. (Range les cartes.) Ah les réussites c'est un peu le piège à cons... quand je les gagne ça m'aide à me concentrer mais quand je les perds ça me fout tellement les boules« avoir les boules » (loc.) Eprouver de la colère, de la frustration voire de la peur ou encore du dépit En savoir plus que je vois plus rien. |
Guenièvre | Vous êtes pas cartomancienne, alors ? |
Prisca | Les cartomanciennes c'est des connasses, faut surtout pas leur donner de fric. |
Guenièvre | Ah d'accord. |
Prisca | Moi, par contre, euh... |
Guenièvre | Ah oui. (Donne une grosse bourse à Prisca.) Ça, ça suffit ? |
Prisca | (Impressionnée.) Ça ira... euh bon, pour les mômes de Monsieur, je peux pas dire. |
Guenièvre | Mais pourquoi ? |
Prisca | Ben c'est merdique, y a un truc qui tourne pas rond, je peux pas voir, et souvent avec les bourgesbourge (n.) Personne qui expose son aisance matérielle et financière au travers de signes extérieurs de richesse En savoir plus j'arrive pas bien. |
Guenièvre | Avec les bourgesbourge (n.) Personne qui expose son aisance matérielle et financière au travers de signes extérieurs de richesse En savoir plus ? (Impressionnée.) Vous avez réussi à voir que j'étais de la haute société ! |
Prisca | Quand on balancebalancer (v.) Lancer, envoyer, expédier En savoir plus une bourse de trois livreslivre (n.f.) Ancienne unité de mesure de masse En savoir plus pour une consultation à trois pièces, soit on n'a pas lu le panneau de l'entrée, soit on sait plus quoi faire de son pèze... |
Guenièvre | Mais, euh... qu'est-ce que vous pouvez me dire ? |
Prisca | Ce soir, au combat de chiens, tu mises à fond sur le petit setter blanc crème, du tout cuit« du tout cuit » (loc.) Se dit d’une chose dont le succès est assuré En savoir plus. |
Boudoir, jour. Angharad coiffe Guenièvre. | |
Guenièvre | Si vous saviez comme j'ai honte, gaspiller comme ça l'argent du royaume... |
Angharad | Je me permets de rappeler à Madame que je tourne à la même solde depuis trois ans ! Non je dis ça au cas où Madame aurait de nouveau du pognon qui encombre. |
Guenièvre | En plus, elle a rien pu me dire à propos de l'héritier. |
Angharad | La prochaine fois, venez plutôt me demander, je rappelle à Madame que ma chambre est mitoyenne à la sienne, et point de vue mouvement nocturne je m'excuse, mais j'entends pas grand-chose et pourtant, Dieu sait si je tends l'oreille. |
Guenièvre | Ça m'apprendra à me mélanger au bas peuple. |
Angharad | Oh attendez... tous les grand chefs d'État ont des devins, hein... |
Guenièvre | Vous croyez ? |
Angharad | Ah surtout ceux élevés à Rome ! Y a un empereur qui a dû lancer la mode, je sais pas... |
Guenièvre | Ben avant qu'Arthur mette les pieds chez une pythie... |
Angharad | Ouais... ma solde aura doublé. |
Tente de Prisca, jour. Arthur et Prisca sont assis sous la tente de cette dernière. | |
Arthur | Mmh. Non, non, c'est de la merde, ce que vous racontez. Alors euh déjà vous allez me rendre mon pognon, et surtout vous allez arrêter de me tutoyer. |
Prisca | Hé ben mon gros père tu peux toujours aller te gratterse gratter (v.) Être contraint de renoncer ou de se passer de quelque chose En savoir plus ! |
Arthur | (Sort sa dague et en menace Prisca.) Je vais t'épingler sur ton panneau d'entrée, tu seras bien en valeur. |
Prisca | (Sort aussi une dague et en menace Arthur.) Ah bon ? Et tu vas faire ça tout seul ? |
Arthur | Prisca ? |
Prisca | Arturus ? |
Arthur | Mais c'est pas vrai, c'est pas toi ? |
Prisca | Oh non mais c'est dingue ce que t'as grossi ! |
(Fermeture.) |
Tente de Prisca, jour. Arthur et Prisca sont assis sous la tente de cette dernière et boivent un verre. | |
Prisca | Non, ça fait quoi... trois-quatre ans que je suis dans l'arnaque ? |
Arthur | T'en as pas marre ? |
Prisca | Je vois du pays. Et puis oh, ça palpe hein ! Tiens, pas plus tard que ce matin, j'ai ferré une de ces gourdasses, oh la championne ! Je l'ai emplâtrée de cinquante pièces d'or ! |
(Noir.) | |
Arthur | Ah mais c'est sûr, c'est pas les cons qui manquent, hein... |
(Stab final.) |