Forêt, jour. Perceval et Karadoc sont en forêt, accroupis dans un sous-bois. |
Karadoc |
Ça fait six où y a rien. |
Perceval |
De toute façon y a jamais rien... |
Karadoc |
Y a quelque chose que vous devez pas faire comme il faut. |
Perceval |
Bah c'est évident. Il paraît que ça se passe au poil de cul, qu'il faut choisir l'endroit et tout... moi j'y connais rien. |
Karadoc |
Et pourquoi vous le faites, alors ? |
Perceval |
Les pièges à oiseaux, c'est une tradition dans ma famille. Tout le monde en met. |
Karadoc |
Et ils vous ont jamais expliqué la technique ? |
Perceval |
Mais ils y connaissent rien ! Ils ont jamais été foutus de prendre un oiseau... |
(Ouverture.) |
Tour de surveillance côtière, jour. Yvain et Gauvain, en tenue de nuit, dansent de joie. |
Gauvain |
Wouh ! |
Yvain |
Wouh hou hou hou ! |
Gauvain |
(Hurlant.) Aujourd'hui c'est la quille ! |
Yvain |
(Hurlant.) C'est super mortel ! |
Gauvain |
Wouh ! |
Yvain |
Oh ! Oh ! Oh ! |
(Yvain et Gauvain hurlent, dansent, gesticulent et jettent un morceau de pain par la fenêtre.) |
Gauvain |
Est-ce que vos bagages sont prêts ? |
Yvain |
Non ! Mais c'est super mortel ! |
(Yvain et Gauvain hurlent de plus belle.) |
Gauvain |
Allez allez. Allez allez, hâtons-nous ! La relève peut arriver d'un instant à l'autre ! |
Yvain |
Ah, c'est trop mortel... |
Gauvain |
Pensez-vous que nous soyons tenus de mettre de l'ordre ? |
Yvain |
(Réfléchit un instant, puis relance une série de hurlements joyeux.) |
Gauvain |
(Danse.) Non non non non mais... sérieusement ? |
Yvain |
Ah ? Bah euh... oui, si vous voulez, oui... mais enfin vu qu'on s'en va, je vois pas l'intérêt, mais... |
Gauvain |
Ah vous croyez ? |
Yvain |
Ah bah déjà quand on est là je vois pas l'intérêt, moi. |
Gauvain |
(Hésitant.) Ouais... c'est-à-dire, je peux pas m'empêcher de réfléchir et de penser à tous nos camarades qui vont venir prendre la relève... |
Yvain |
Qu'est-ce qu'on s'en fout, puisqu'on s'en va ? |
Gauvain |
Je crains que nos bougres, voyant l'état des lieux, soient pris d'un vif sentiment d'agacement, et en viennent à nous molester. |
Yvain |
« Molester » ça veut dire euh... « tabasser » ? |
Gauvain |
Ouais, c'est... (Mime deux poings fermés.) |
Yvain |
Ouais, c'est possible, ouais. |
Gauvain |
Ouais. |
Yvain |
Bon allez on range, ouais. |
Gauvain |
Ouais. (Se souvenant soudain de quelque chose.) Allez. |
Yvain |
(Comprenant.) Allez. |
Gauvain |
(Récitant.) Cœur à l'ouvrage, n'a pas fière allure ! |
Yvain |
(En même temps que Gauvain.) Cœur à l'ouvrage n'a pas fière allure ! Allez ! Wouh ! |
Gauvain |
(Chantonnant.) Hein hein hein hein... |
(Yvain et Gauvain dansent.) |
Couloir du château, jour. Perceval marche dans un couloir et croise Arthur. |
Arthur |
Bah ! Mais qu'est-ce que vous foutez là, vous ? |
Perceval |
Bah, chais pas... je suis toujours plus ou moins là, moi... |
Arthur |
Vous deviez pas partir ce matin avec l'autre tache ? |
Perceval |
Quelle autre tache ? |
Arthur |
Karadoc. |
Perceval |
Et où est-ce qu'il fallait partir ? |
Arthur |
Non... non mais là y a un problème là, quand même... que vous soyez débile c'est une chose, mais... là y a de la mauvaise volonté ! |
Perceval |
Mais qu'est-ce que j'ai fait ? |
Arthur |
Mais... on s'est rencontrés là, hier, exactement au même endroit, je vous ai fait répéter pour être sûr ! Vous deviez partir ce matin à l'aube ! |
Perceval |
Hé ben quoi ? |
Arthur |
Quoi « hé ben quoi » ? Vous êtes parti là, peut-être ? |
Perceval |
Non mais c'est pas ça que vous avez dit. |
Arthur |
Ah si, c'est ça que j'ai dit, si. |
Perceval |
Ah non non, au mot près, c'était pas ça. |
Arthur |
« Au mot près » ? Ah bah non, au mot près peut-être pas, non... |
Perceval |
Ah bah voilà. |
Arthur |
Ah parce qu'il faut être précis au mot près maintenant quand on vous donne des ordres ? |
Perceval |
Non c'est pas ça, mais... y avait pas le mot « partir ». |
Arthur |
Mais est-ce que je sais, moi ? Euh... je sais pas, j'ai dû vous dire d'aller... « relever vos collègues », certainement ! |
Perceval |
Bah ça y est, c'est fait ça ! |
Arthur |
Qu'est-ce qui est fait ? |
Perceval |
C'est bon, j'y suis allé ce matin. |
Arthur |
(Perdant patience.) Où ça ? |
Perceval |
Relever mes collets. |
Arthur |
Relever vos ? |
Perceval |
Mes collets. Mes pièges à oiseaux. |
Arthur |
(Articulant.) « Relever vos collègues », j'ai dit ! Relever Yvain et Gauvain en poste avancé ! |
Perceval |
Ah j'avais pas compris ça, moi ! |
Couloir du château, jour. Arthur et Perceval discutent. |
Arthur |
Vous pensez franchement que j'aurais pu vous donner l'ordre d'aller relever vos pièges à oiseaux ? Mais qu'est-ce que j'en ai à secouer« n'en avoir rien à secouer » (loc.) Se désintéresser d’une chose ou y être totalement indifférent En savoir plus, moi ? |
Perceval |
Ça m'a fait bizarre, c'est sûr... d'autant que je les relève systématiquement toutes les trois semaines, et que ça tombait aujourd'hui. |
Arthur |
Toutes les trois semaines ? |
Perceval |
À peu près, oui... |
Arthur |
Mais ça se relève pas tous les jours, les collets ? |
Perceval |
Tous les jours ? |
Arthur |
Bah sinon les prises se font bouffer, non ? |
(Noir.) |
Perceval |
Bah dans ma famille on a toujours relevé toutes les trois semaines, on n'a jamais eu de problème... |
(Stab final.) |