La Révolte
❰ Livre II – épisode 23 ❱
Chambre de Léodagan, soir. Séli et Léodagan sont au lit. | |
Léodagan | Qu'est-ce qu'ils vous ont dit, exactement ? |
Séli | Bah, ils m'ont traitée de tous les noms ! |
Léodagan | Vous en avez reconnu un ou deux ? |
Séli | Oh, bah c'était des péquenaudspéquenaud (n.m.) Paysan En savoir plus, quoi ! Ils étaient sales. |
Léodagan | Oh... enfin s'ils ont fait qu'insulter, encore euh... |
Séli | Mais qu'est-ce qui leur prend ? |
Léodagan | Bah ils se plaignent euh... comme quoi ils sont exploités ! |
Séli | Et c'est pas vrai ? |
Léodagan | Si. Non mais c'est bizarre, parce qu'ils sont pas censés s'en rendre compte, ça. |
(Ouverture.) |
Salle de bain, jour. Arthur est dans son bain, Léodagan se tient à côté. | |
Léodagan | Vous voulez vraiment pas bouger ? |
Arthur | Non, je suis désolé, je suis dans mon bain, démerdez-vous. |
Léodagan | Ils sont six ou huit, à tout casser ! D'ailleurs, ils vont tout casser ! |
Arthur | Six ou huit ? Ça va peut-être aller, comme révolte paysanne, non ? Vous pensez pouvoir vous en sortir ? |
Léodagan | Mais moi je peux toujours m'en sortir mais je les fais charcuter par la garde. |
Arthur | Ah bravo ! |
Léodagan | Ah si c'est moi qui fais, c'est moi qui fais, hein ! |
Arthur | Bon, qu'est-ce qu'ils veulent ? |
Léodagan | Vous voir ! |
Arthur | Me voir pour quoi faire ? |
Léodagan | Ils sont pas assez considérés, je sais pas, moi... |
Arthur | Pas assez considérés ? Qu'est-ce que ça veut dire ça ? |
Léodagan | Mais rien, c'est des machins de gonzessesgonzesse (n.f.) Femme ou jeune femme En savoir plus... ma femme arrête pas de me le dire, tiens... que je pourrais plus la considérer ! Seulement moi, comme je sais toujours pas ce que ça veut dire, hein, bah ça risque pas d'avancer, cette histoire. |
Arthur | Bon bah qu'est-ce qu'on fait, alors ? |
Léodagan | Comme avec ma femme ! On y va, on écoute, on attend que ça passe... de toute façon, dans deux mois ça recommence ! |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, Léodagan est assis à côté. Devant eux se tient un groupe de paysans, Guethenoc en tête. | |
Guethenoc | Ah bah c'est sûr ! Y a plus rien à bouffer, d'un seul coup on est reçus ! |
Arthur | Qu'est-ce que vous racontez ? J'ai jamais refusé de vous recevoir ! |
Guethenoc | Ah non, non non, vous me recevez, Sire ! Mais ce que je vous dis, tout le monde s'en tamponne ! Je gueule, je gueule, je pourrais gueuler dans le cul d'un poney, ce serait pareil ! |
Arthur | (Agacé.) Bon, alors allez-y, magnez-vousse magner (v.) Se dépêcher En savoir plus, c'est quoi le problème, exactement ? |
Guethenoc | Le problème, c'est que la condition paysanne, vous en avez rien à cirer ! |
Arthur | Mais c'est faux ! |
Léodagan | (Tempérant, à Arthur.) C'est faux... |
Arthur | Quoi, qu'est-ce qu'il y a ? |
Léodagan | (À Guethenoc.) Non mais, vous voulez dire à titre individuel ou le gouvernement ? |
Guethenoc | Qu'est-ce que j'en sais, moi ? C'est bien pareil ! |
Léodagan | Ah bah non ! Parce que moi personnellement, la condition paysanne, je me la taille en biseau, voyez ? |
Guethenoc | (Criant.) Quoi ? C'est une honte ! Révolte ! |
(Les paysans crient « Révolte ! ».) | |
Guethenoc | (Donne un coup de corne de brume.) |
Arthur | Mais qu'est-ce que vous foutez, beau-père ? |
Léodagan | Mais je parlemente ! |
Arthur | Ah bah, vous êtes un as ! |
Léodagan | Pour en venir au fait que par contre, au gouvernement, on écoute vos revendications. (À Arthur.) Voilà c'est tout, c'est une manière un peu détournée de... (Fait un geste sinueux de la main.) |
Guethenoc | Et comment vous expliquez le fait que jamais rien s'améliore ? |
Léodagan | Parce qu'on n'a pas que ça à foutre ! |
Guethenoc | (Criant.) Quoi ? Révolte ! |
(Les paysans crient « Révolte ! ».) | |
Guethenoc | (Donne un coup de corne de brume.) On va tout cramercramer (v.) Brûler En savoir plus, faudra pas demander d'où ça vient ! |
Léodagan | Je vais vous coller la garde aux michesmiche (n.f.) Fesse En savoir plus ! Vous verrez que la récolte elle va se faire vite fait ! |
Arthur | (À Léodagan, à mi-voix.) Euh... ce que je vais faire, je vais parlementer un peu tout seul, là. Hein ? |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, Léodagan est assis à côté. Devant eux se tient un groupe de paysans, Guethenoc en tête. | |
Guethenoc | Sous prétexte de nourrir le bourgeois, on travaille vingt heures par jour, on passe notre vie à se geler les meules, les pieds dans la bouse du matin au soir, à force de trimballertrimballer (v.) Transporter, emmener avec soi En savoir plus des machins, on se retrouve à vingt-cinq ans déjà à moitié déglingués ! On y gagne quoi ? |
Léodagan | Mon pied dans les noixnoix (n.f.) Testicule En savoir plus ! |
Arthur | Mais beau-père, fermez-la ! |
Guethenoc | Révolte ! |
(Les paysans crient « Révolte ! ».) | |
Guethenoc | (Donne un coup de corne de brume.) |
Arthur | Si ! Vous y gagnez la protection. |
Guethenoc | La protection ? C'est quoi cette nouveauté ? |
Arthur | On a subi seize tentatives d'invasion, l'année dernière. Seize. Vous avez rien vu ? |
Guethenoc | On l'a plus ou moins su... |
Arthur | Oui non mais attention, personne a fait cramercramer (v.) Brûler En savoir plus vos fermes, saccagé vos plantations, pillé vos maisons ? |
Guethenoc | Pas que je sache ? |
Arthur | Eh ben voilà. Vous fournissez la bouffe, et du coup, vous restez en vie. |
Léodagan | (À Arthur.) Moi quand je parlemente, au moins c'est pas vicelardvicelard (adj.) Vicieux, cruel En savoir plus... |
Guethenoc | (Aux paysans.) Bon bah révolte ? |
(Les paysans crient « Révolte ! ».) | |
Guethenoc | (Tente de donner un coup de corne de brume mais constate qu'elle est bouchée.) |
(Fermeture.) |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, Léodagan est assis à côté. | |
Léodagan | C'est marrant, ça vous ressemble pas, ça. |
Arthur | Quoi encore ? |
Léodagan | Obtenir quelque chose des gens en leur collant les miquettesmiquettes (n.f.) Désigne la peur En savoir plus. |
Arthur | (Soupire.) Mais qu'est-ce que vous en savez, de ce qui me ressemble ? |
Léodagan | Non mais d'habitude, vous gouvernez un peu à la tantouze, quand même, hein... genre euh, « Oui je comprends, je suis moderne... » Hein ? |
Arthur | Je sais pas... |
(Noir.) | |
Arthur | C'est parce que j'ai la dalle« avoir la dalle » / « prendre la dalle » (loc.) Avoir faim, ressentir un sentiment de faim En savoir plus, je crois. |
(Stab final.) |