La Révolte II
❰ Livre III – épisode 49 ❱
Salle à manger, jour. Arthur, Guenièvre, Léodagan et Séli mangent ensemble. | |
Arthur | (Tente à grand-peine de se couper une tranche de pain.) Qu'est-ce que c'est que ce brignoletbrignolet (n.m.) Pain En savoir plus ? |
Séli | C'est tout ce qui reste... |
Léodagan | Si y avait que ça... vous avez vu le picratepicrate (n.m.) Vin (souvent de mauvaise qualité) En savoir plus ? |
Arthur | Non, qu'est-ce qu'il a ? |
Léodagan | Il a que y en a pas ! On tourne à la flotte... |
Arthur | (Regarde dans sa coupe.) C'est pourtant vrai... |
Séli | Oh bah, faites pas comme si vous étiez pas au courant ! |
Léodagan | Au courant de quoi ? |
Guenièvre | Bah... les paysans ! |
Arthur | Quoi « les paysans » ? |
Séli | Ben... les paysans, ils sont pas contents, les paysans ! Ils ont arrêté de ramasser les choux, les paysans ! Y a plus un chou dans le pays ! |
Arthur | Non mais ça je sais, je m'en fous moi j'aime pas le chou... |
Séli | Ah oui non mais là c'est le cran au-dessus ! Plus de pain, et plus de vin ! |
(Arthur et Léodagan se lèvent en même temps.) | |
Arthur | Non c'est bon j'y vais ! Vous inquiétez pas, j'y vais. Je vais m'occuper de ça. (Regarde son couteau.) |
Léodagan | (Vérifie la dureté de la miche de pain puis la donne à Arthur.) |
Arthur | (Compare la miche à son couteau.) Oui, c'est mieux ça. (Part.) |
(Ouverture.) |
Village de Guethenoc, jour. Guethenoc et Roparzh se tiennent face à Arthur ; une foule de badauds ainsi que quelques soldats les entourent. | |
Guethenoc | Faut drôlement du cran pour venir jusqu'ici, vu comment vous nous traitez ! |
Arthur | Oh mais y en a, du cran ! Je pourrais même trouver le cran de vous botter le cul ! |
Roparzh | Vous avez pas pensé qu'avec les collègues, on aurait pu se trouver l'envie de vous recevoir à coup de fourches ? |
Léodagan | Parce que vous croyez peut-être qu'on va se mettre à trembler devant votre équipe de clodosclodo (n.m.) Clochard En savoir plus ? |
Guethenoc | Attention ! Attention ! Y a de l'opération coup de poing dans l'air, là ! |
Roparzh | Si la contestation marche pas, on peut toujours passer aux incendies hein ! |
Guethenoc | Voilà, y a de la grillade de bourgeois qui se prépare ! Faudra pas faire les étonnés ! |
Arthur | Mais qu'est-ce qu'il y a encore qui va pas, c'est pas vrai ? Vous avez tout ! Vous êtes protégés, vous avez les écoles pour vos mômes, vous avez de quoi bouffer, vous avez des terres, vous êtes jamais contents ! |
Guethenoc | Le boulot est trop dur ! |
Roparzh | On se bousillebousiller (v.) Démolir, détruire En savoir plus la santé ! |
Guethenoc | Merde ! |
Roparzh | On est obligés d'embaucher des extras ! |
Arthur | « Embaucher des extras »... (Saisit une paysanne par le bras.) « Embaucher des extras », c'est ça, parce que ça vous allez peut-être me dire que c'est un extra ? (À la paysanne.) Parle ! Comment tu t'appelles ? |
Guethenoc | Non mais non, mais... elle répond pas, elle... |
Arthur | Ah non, ben non elle répond pas, elle répond pas parce que c'est une esclave ! |
Guethenoc | Oh bah « une esclave », tout de suite... |
Roparzh | Ouais, elle rend service, quoi... |
Arthur | C'est ça. N'empêche que je les avais interdits, les esclaves ! Alors venez pas me la jouer« la jouer (à quelqu'un) » (loc.) Raconter des mensonges En savoir plus comme quoi vous êtes obligés d'embaucher, hein ? Bande de crétins ! |
Guethenoc | Vous aussi, à Kaamelott, vous en avez, des esclaves ! |
Arthur | (Bafouille.) Comment, mais, alors, de quoi je me mêle, déjà, premièrement, et deuxièmement, euh... on en a de moins en moins. |
Roparzh | (Moqueur.) Oui bah bien sûr ! Nous aussi ! De moins en moins ! |
Arthur | Bon écoutez, on va pas discuter, si demain matin y a pas du pain frais à Kaamelott, on revient, on crame... tout le village. |
Guethenoc | Ah ouais ? Ben demain matin, vous irez vous gratterse gratter (v.) Être contraint de renoncer ou de se passer de quelque chose En savoir plus ! |
Roparzh | Pas de soutien, pas de pain ! |
Arthur | (Hors de lui.) Mais qu'est-ce qu'il faut que je soutienne ? Je vous ai soutenus au maximum, bande de bouseuxbouseux (n.m.) Paysan En savoir plus ! |
Guethenoc | Bah nous aussi on va le faire, notre maximum ! Ça va commencer par un beau feu de forêt ! |
Roparzh | Rentrez dans votre château, barricadez-vous ! |
Guethenoc | Et attendez-vous à de la visite ! |
Arthur | (Soupire.) Bon Dieu de pécorespécore (n.m.) Paysan En savoir plus ! (Fait signe aux soldats de le suivre et part.) |
Grande porte du château, jour. Arthur, Léodagan et le maître d'armes, accompagnés de soldats, se tiennent devant la grande porte. | |
Léodagan | Vous croyez qu'ils vont venir, les trous de balle ? |
Arthur | (Souffle avec mépris.) Ils en sont bien capables... |
Léodagan | Hé ben qu'ils se pointentse pointer (v.) Arriver, faire apparition En savoir plus. Ils vont être reçus. |
Le maître d’armes | Il faudrait pas qu'ils se pointentse pointer (v.) Arriver, faire apparition En savoir plus trop nombreux quand même. |
Léodagan | Oh non, mais si vous pétez dans vos frocs« péter dans son froc » (loc.) Ressentir une frayeur extrême, avoir très peur En savoir plus, vous pouvez toujours vous réfugier à l'intérieur avec les autres femmes, hein ! |
Le maître d’armes | Je ne pète pas dans mes frocs ! Je dis que si y a trois cents paysans qui débaroulentdébarouler (v.) Arriver de façon violente ou soudaine En savoir plus ici, on n'est pas bien préparés ! |
Léodagan | Mais y a rien à préparer... laissez-les-moi, les mange-merde. Je vous les réexpédie dans leur purin aussi vite qu'ils sont venus ! |
Le maître d’armes | Pour information, qu'est-ce qu'ils revendiquent ? |
Arthur | Ils revendiquent, euh... ils revendiquent des conneries ! |
Léodagan | Bah si vous croyez qu'on s'est occupés de ça, euh... |
Le maître d’armes | Enfin, ils demandent bien quelque chose, non ? |
Arthur | Je sais plus, euh... je sais pas, non ! |
Léodagan | De toute façon, ça a jamais vraiment été clair, hein ! |
Le maître d’armes | Ils demandent de l'argent ? |
Arthur | Je crois pas, non... |
Le maître d’armes | La protection alors ? |
Léodagan | Non mais ils l'ont, la protection ! |
Arthur | Ça fait des mois qu'ils se sont pas fait attaquer ! |
Le maître d’armes | Ils ont pas assez de terres, alors ? |
Arthur | (Ricane.) |
Léodagan | Ah bah merde ! Ils ont les deux tiers du pays, faut quand même pas pousser ! |
Le maître d’armes | Alors là je sèche... |
Léodagan | (Après un instant.) Non mais c'est vrai, ça... qu'est-ce qu'ils veulent, ces cons-là ? |
(Fermeture.) |
Village de Guethenoc, jour. Guethenoc et Roparzh se tiennent face à Arthur ; une foule de badauds ainsi que quelques soldats les entourent. | |
Roparzh | Du pognon ? Le... le pognon, à la limite, euh... |
Guethenoc | On cracherait pas dessus, mais là c'est pas le problème. |
Arthur | Bon alors quoi ? Je sais pas, qu'est-ce ce qu'il vous faut ? Vous voulez des terres ? |
Guethenoc | Des terres ? On n'est déjà pas assez pour s'occuper de celles qu'on a ! |
Arthur | (Perdant patience.) Bah alors quoi ? |
Roparzh | Dans le détail, euh... on sait pas, mais euh... |
(Noir.) | |
Guethenoc | Ce qui est sûr, c'est qu'on en a plein le cul ! |
Roparzh | Voilà ! |
(Stab final.) |