L'Ancien Temps
❰ Livre II – épisode 27 ❱
Chambre d'Arthur, soir. Arthur et Guenièvre sont au lit. | |
Arthur | Je sais pas ce que j'ai, j'ai... (Soupire.) J'ai du mal à respirer. |
Guenièvre | Vous faites une crise d'angoisse. C'est parce que votre mère arrive demain et que vous avez peur de votre mère. |
Arthur | (Souffle avec mépris.) J'ai peur de rien du tout... |
Guenièvre | Oh si ! Vous avez peur des serpents, du noir... |
Arthur | Oui, voilà ! Voilà, et à part ça ? Voilà. |
Guenièvre | Hé ben à part ça, vous avez peur de votre mère. |
Arthur | (Hausse les épaules, agacé.) |
(Ouverture.) |
Chambre d'Arthur, soir. Arthur et Guenièvre sont au lit. | |
Guenièvre | Ma mère non plus c'est pas une femme facile... |
Arthur | Oh, votre mère... |
Guenièvre | Quoi ma mère ? |
Arthur | Mais... on s'en fout, de votre mère ! |
Guenièvre | (Outrée.) Non mais dites donc ! |
Arthur | Non mais... quel rapport ? On habite avec, votre mère, je me la farcis du matin au soir, ça va, je la connais ! |
Guenièvre | Oh bah la vôtre aussi on la connaît hein ! Toujours la même rengaine, « Vous êtes le pire roi que la Bretagne ait connu, si votre père était vivant il se retournerait dans sa tombe, Pendragon c'était un symbole de courage... » Elle sait dire que ça ! |
Arthur | Bah qu'est-ce que vous voulez, oui, elle a la nostalgie de l'ancien temps, voilà ça a rien d'exceptionnel. |
Guenièvre | Mais moi, ce qui me chagrinechagriner (v.) Contrarier, importuner, tourmenter En savoir plus le plus, c'est que vous l'écoutez. |
Arthur | (Hausse les épaules, impuissant.) |
Guenièvre | Elle arrive à vous persuader que vous êtes un incapable ! |
Arthur | Bah oui, mais elle est là, voilà, alors... elle me dit des trucs... elle me fixe avec ses yeux de serpent... (Frissonne d'effroi.) |
Guenièvre | (Secoue la tête, dépitée.) |
Salle à manger, jour. Arthur et Ygerne mangent ensemble dans la salle à manger. | |
Arthur | (Après un moment de silence.) Vous avez fait bon voyage ? |
Ygerne | (Ne répond pas.) |
Arthur | Ah ouais, vous m'adressez carrément plus la parole en fait. |
Ygerne | Ça vous intéresse vraiment de savoir si j'ai fait bon voyage ? |
Arthur | Mais non... qu'est-ce que j'en ai à carrer« n'en avoir rien à carrer » (loc.) Se désintéresser d’une chose ou y être totalement indifférent En savoir plus... |
Ygerne | Ne soyez pas grossier ! |
Arthur | Bon bah je sais pas moi euh... on parlait de quoi à table du temps de mon père ? |
Ygerne | (Étonnée.) Tiens ! Vous parlez de votre père, vous, maintenant ! |
Arthur | Bah c'est-à-dire comme il va forcément finir par débaroulerdébarouler (v.) Arriver de façon violente ou soudaine En savoir plus sur le tapis« sur le tapis » (loc.) Dans la discussion, en parlant d'un sujet donné En savoir plus, j'anticipe. Pour une fois ça viendra de moi. |
Ygerne | Du temps de Pendragon... (Marque un temps, gênée.) Les femmes n'étaient pas admises à la table du roi. |
Arthur | (Surpris.) Sans déconner ? Même pas vous ? |
Ygerne | Même pas moi. |
Arthur | Ah la vache, c'était secsec (adj.) Sévère, rude, abrupt En savoir plus ! |
Ygerne | Bien plus que vous ne pouvez l'imaginer. |
Arthur | Alors moi du coup, je suis une lopettelopette (n.f.) Individu lâche, peu viril En savoir plus parce que les femmes mangent à ma table ? Je me laisse marcher sur les pieds, j'ai pas l'âme d'un chef. C'est pas ça ? |
Ygerne | Non, non... c'est mieux de faire comme ça... vous avez bien fait. |
Arthur | (Après un instant, n'en croyant pas ses oreilles.) Comment, qu'est-ce que vous avez dit ? |
Ygerne | Vous avez mis fin à ces coutumes misogynes et c'est une chose qui doit être portée... à votre crédit. |
Arthur | (Cligne des yeux, ébahi.) |
Salle à manger, jour. Arthur et Ygerne mangent ensemble dans la salle à manger. | |
Ygerne | Je sais que les anciens vous critiquent parce que vous fédérez les peuples qui étaient ennemis depuis cinq cents ans, mais au bout d'un moment, qui c'est qui est arrivé à mettre fin à la guerre dans ce pays de débiles ? C'est vous ! Parce qu'on dit « Pendragon », mais... Pendragon c'était pas une partie de rigolade ! C'est moi qui vous le dis. « Avec moi ça passe ou ça casse », « Un bon ennemi est un ennemi mort », « On me tourne le dos une fois mais pas deux », il avait que des phrases toutes faites. (Lève les yeux au ciel.) Et puis pas généreux... vous auriez vu ça. Tenez, dans quatre jours c'est la fêtes paysannes à Tintagel. Hé ben lui il aurait rien donné. |
Arthur | (Presque soulagé.) Ah ! Vous voulez que je donne du blé ! |
Ygerne | Bah ! Un roi moderne comme vous, c'est bien le moins que vous puissiez faire ! |
Arthur | (Souriant.) D'accord, ça y est, non ça y est, je percute. Non parce que là vous commenciez à me faire flipperflipper (v.) Avoir peur, angoisser En savoir plus léger, quand même. |
(Fermeture.) |
Salle à manger, jour. Arthur et Ygerne mangent ensemble dans la salle à manger. Une servante présente un bol de compote à Ygerne. | |
Ygerne | (À Arthur.) Qu'est-ce qu'elle me veut, celle-là ? Faut toujours qu'il y ait une bonnichebonniche (n.f.) Servante, domestique En savoir plus qui vienne vous mettre les plats sous le nez, ici. Qu'est-ce que c'est que ce genre ? |
Arthur | Elle vous présente la compote. |
Ygerne | (Agacée.) Oh ! Ils sont interminables ces repas ! Si je veux de la compote je suis assez grande pour la faire toute seule ! |
Arthur | (Sourit.) |
Ygerne | Qu'est-ce que vous avez à sourire ? |
Arthur | (Goûtant la compote.) Rien. Bon alors ! Combien est-ce qu'il faut que je casquecasquer (v.) Payer En savoir plus, pour la fête aux pécorespécore (n.m.) Paysan En savoir plus ? |
Ygerne | Je ne suis pas venue ici pour quémander ! Mais... à moins de deux milles pièces d'or, vous passez pour un rapiatrapiat (n.m.) Avare, pingre En savoir plus. |
Arthur | (Ouvre de grands yeux.) Enfin... |
(Noir.) | |
Arthur | Quand c'est demandé gentiment... |
(Stab final.) |