Le Bouleversé
❰ Livre IV – épisode 13 ❱
Chambre de Léodagan, nuit. Léodagan et Séli sont au lit, Séli somnole, Léodagan lit un parchemin. | |
Bohort | (Pleure, très loin.) |
Léodagan | Vous entendez ? Y a une souris. |
Séli | Non. |
Léodagan | Oh bah quand même je suis pas dingue... vous qui pouvez pas blairerblairer (v.) Supporter, apprécier En savoir plus les souris vous allez pas me dire, y a un bruit ! |
Séli | Y a un bruit oui mais c'est pas une souris, si c'était une souris y a longtemps que je serais en train de cavaler après. Non ça c'est Bohort. |
Léodagan | C'est Bohort ça ? |
Séli | Tout à fait, c'est Bohort qui renifle. |
Léodagan | Qui renifle ? |
Séli | Oui il renifle... parce qu'il chougnechougner (v.) Se plaindre, geindre, pleurnicher En savoir plus... mais enfin, ça fait une semaine que c'est comme ça, vous allez pas me dire que vous l'entendez que maintenant ! |
Léodagan | Bah si. |
Séli | Oh... (Soupire.) |
Léodagan | Alors autant les souris je m'en fous... autant ça je crois que ça pourrait me péter les noixnoix (n.f.) Testicule En savoir plus assez vite. |
(Ouverture.) |
Salle de la Table ronde, jour. Arthur, Léodagan, Perceval, Yvain, Bohort et Hervé de Rinel sont à la Table ronde. Le père Blaise se tient à son pupitre. | |
Arthur | (Tapote nerveusement sur la table, puis soupire.) Bon, non mais ça va bien là, on va pas l'attendre cinquante ans, si ? |
Le père Blaise | Moi j'ai pas entendu dire qu'il venait pas hein... |
Perceval | Maintenant qu'on en parle euh... il me semble que ça fait un moment que je l'ai pas vu, Bohort. |
Léodagan | Moi tout ce que je peux vous dire, c'est que la nuit, il chougnechougner (v.) Se plaindre, geindre, pleurnicher En savoir plus. |
Arthur | La nuit il ? Chougnechougner (v.) Se plaindre, geindre, pleurnicher En savoir plus ? C'est-à-dire ? |
Léodagan | Hé ben euh... d'après ma femme, hein... alors ça vaut ce que ça vaut hein... Bohort, la nuit... il chougnechougner (v.) Se plaindre, geindre, pleurnicher En savoir plus ! |
Arthur | Il chougnechougner (v.) Se plaindre, geindre, pleurnicher En savoir plus... non mais c'est pas possible, mais qu'est-ce qu'il a encore ? |
Léodagan | Ah bah ça je saurais pas dire, moi j'ai voulu aller le voir, pour lui dire de fermer sa gueule, comme ça j'en aurais su un peu plus, mais ma femme a pas voulu. |
Le père Blaise | Bon c'est bien joli tout ça, mais moi j'ai personne pour le remplacer au pied levé, hein. Il y aurait peut-être le seigneur Karadoc mais je sais même pas s'il est au château. |
Hervé de Rinel | (Désignant le fauteuil vide de Bohort.) Non mais c'est bon, je m'y mets moi si vous voulez, sauf qu'il faut trouver quelqu'un qui se mette à ma place. |
Yvain | Ah ben c'est bon je viens moi ! |
(Hervé de Rinel et Yvain se lèvent.) |
Chambre de Bohort, jour. Bohort est au lit ; Arthur lui rend visite. | |
Arthur | Vous voulez me parler ? |
Bohort | (Ne répond rien.) |
Arthur | Vous avez tort, point de vue dépression mélancolie, je me défends. |
Bohort | Le seigneur Lancelot qui s'en va et lève une armée parallèle, la reine qui s'enfuit avec lui... |
Arthur | C'est peut-être pas plus mal ! S'ils sont pas heureux ici, est-ce que ça vaut bien le coup qu'ils restent ? |
Bohort | Sire, je peux pas supporter cette déconfiture... cette haine, ces rancœurs... |
Arthur | Bon alors d'accord, qu'est-ce que vous voulez faire ? Partir aussi ? |
Bohort | Oh non Sire, je préfère pleurer chaque jour que Dieu fait plutôt que vous abandonner. |
Arthur | Tout à fait noble de votre part, Seigneur Bohort, mais enfin vous savez, vous ne me servez pas à grand-chose si vous restez nuit et jour au plumardplumard (n.m.) Lit En savoir plus ! |
Bohort | Me lever est au dessus de mes forces... |
Arthur | Vous savez ce qu'on va faire... on va vous organiser de petites vacances. |
Bohort | Non Sire, merci mais non. |
Arthur | Mais si, mais si. Je vous pose la question comme ça : où est-ce que vous voudriez aller ? |
Bohort | Aux enfers, pour y tirer la queue de ce mauvais diable qui s'amuse à s'acharner sur nos pauvres... |
Arthur | Non non non, non, pas aux enfers, pas aux enfers ! Hein, euh... plus près, quelque chose de plus accessible, voilà un joli coin que vous aimez, je sais pas, où vous pourriez vous relaxer, pêcher... |
Bohort | Je n'aime pas faire du mal aux petits poissons... |
Arthur | Oui, bah ça fait rien, vous mettez pas d'hameçon au bout de la ligne... allez levez-vous, on va organiser tout ça ! |
Bohort | Non Sire, ne vous préoccupez pas de moi ! |
Arthur | Levez-vous quoi, je vous offre des vacances ! |
Bohort | Sire, vous faites preuve de trop de bonté ! |
Arthur | Vous allez vous lever, oui ? |
Bohort | Je ne mérite pas tant de sollicitude. |
Arthur | Bohort, je vous fais lever par la garde. Je vous promets je le fais. (Désignant la porte.) Ils sont là. |
(Fermeture.) |
Salle de la Table ronde, jour. Arthur, Bohort et Venec sont à la Table ronde. | |
Venec | Où je pourrais vous l'envoyer ? |
Arthur | N'importe où, pourvu qu'il y ait du soleil... |
Venec | Ouais, je peux peut-être vous trouver une petite bicoque sympathique en Macédoine... faut des gonzesses ou pas ? |
Arthur | Euh il faut des... je sais pas, c'est à vous de nous dire ça, Bohort ! |
Bohort | Sire, ne vous préoccupez pas de moi ! |
Arthur | Bohort, vous ferez ce que je vous dis, et puis c'est tout. Gonzesses ou pas gonzesses ? |
Venec | Ou du bonhomme hein... moi je dis « gonzesses », euh... c'est générique ! |
Bohort | Et si je rentrais chez moi à Gaunes ? |
Arthur | Oui ben voilà ! Très bien, c'est ça, allez voir votre femme, ça vous changera les idées. |
Venec | Et pour le voyage, euh... je peux vous organiser un petit périple... genre croisière... voyez ? |
Arthur | Très bien, très bien la croisière ! |
Venec | Après c'est toujours pareil... |
(Noir.) | |
Venec | Gonzesses ou pas gonzesses ? Ou du bonhomme ? |