Chambre de Léodagan, nuit. Léodagan et Séli sont au lit. |
Séli |
Donc si je comprends bien, notre fils est en équipe avec un traître ? |
Léodagan |
(Hésitant.) Non, mais c'est pas... c'est pas exactement ça... bon, le truc, c'est que l'Orcanie s'est rangée du côté de Lancelot, hein. Bon alors en Orcanie y a que des cons hein, à commencer par Loth d'Orcanie, le roi hein... le roi des cons, donc, qui est le père de Gauvain. |
Séli |
Non mais ça je sais, oui... mais il est du côté de son père, ou pas ? |
Léodagan |
Mais il est du côté... mais de que dalle ! Il pige rien à rien ! Seulement, vu le lien de parenté, on est en droit de lui demander de trancher ! |
Séli |
Oui. Donc soit il renie Loth, soit il renie Arthur ? |
Léodagan |
C'est ça. Son père ou son oncle. |
Séli |
Et à votre avis, qu'est-ce qu'il va faire ? |
Léodagan |
Tomber dans les pommes... il arrive déjà pas à compter sur ses doigts... je le vois pas bien dénouer un truc pareil... |
(Ouverture.) |
Salle de la Table ronde, jour. Arthur, Léodagan, Yvain, Gauvain, Bohort, Perceval, Calogrenant et Hervé de Rinel sont à la Table ronde ; le père Blaise se tient à son pupitre. |
Arthur |
« Ben » quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? |
Le père Blaise |
Ah bah si on suit vraiment l'ordre du jour, euh... |
Arthur |
Bon bah vous accouchez, oui ? |
Le père Blaise |
Hé bah il faut régler la question de votre neveu, voilà. |
Arthur |
Ah ! Bon bah... c'est bon, dites-le ! |
Gauvain |
Il s'agit de moi, mon oncle ? |
Arthur |
« Il s'agit de »... oh bah dites donc ! Dans le genre perspicace hein, il dit « votre neveu », vous faites tout de suite le rapprochement ? |
Gauvain |
Simple déduction mon oncle. |
Arthur |
Bon, on va la faire courte... vous savez que votre père m'a trahi ? |
Gauvain |
(Perplexe.) Euh, je... je... je savais pas que c'était aussi clair. |
Arthur |
Ah si c'est clair, si. |
Léodagan |
Non, ça pour être clair... |
Calogrenant |
Dans le genre fumier, il se pose là, celui-là... |
Arthur |
Non non non non non non non ! Non s'il vous plaît. Pas de vannes, pas de réflexions. Donc, votre père m'a trahi. Il a fourni des hommes à Lancelot, euh... dont le seigneur Galessin d'Orcanie, qui a depuis bien évidemment laissé sa place à la Table ronde au profit d'Yvain, euh... nous on en est un petit peu maintenant, euh... au stade où on considère que les Orcaniens... |
Léodagan |
...sont des salopes. |
Arthur |
« Des salopes » non, non ils sont... disons qu'ils ont choisi leur camp... après, l'avenir dira s'ils ont eu raison ou tort... non, comme salope, euh... en Orcanie y a ma sœur. La reine. (À Gauvain.) Votre mère, quoi. Mais vous le saviez ça ? |
Gauvain |
Je savais pas que c'était aussi clair... |
Arthur |
Ah si si, c'est clair, si. Si si c'est clair. Donc la question est simple : de quel côté êtes-vous ? |
Gauvain |
Euh... de quel côté... |
Arthur |
Bah oui ! C'est-à-dire que soit vous êtes avec moi, et vous trahissez votre père, soit vous êtes avec votre père et vous me trahissez moi. |
Gauvain |
(Semble sur le point de pleurer.) |
Bohort |
Sire ! Je pense qu'il serait judicieux d'entretenir votre neveu de tout ceci dans un cadre plus privé. Je crains que notre présence ne l'intimide. |
Arthur |
Bah ! (À Gauvain.) Bah... si c'est vrai, ça ? Vous préférez qu'on voie ça un petit peu entre nous ? |
Gauvain |
(Acquiesce, les yeux humides.) |
Arthur |
Oh bah écoutez non, moi là, moi j'y vois aucun inconvénient. |
Léodagan |
(À voix plus basse.) Euh... donc pour le moment on le crame... pas. |
Arthur |
(Acquiesce.) |
Léodagan |
Non parce que moi j'avais euh... non mais c'est bon ! C'est bon, je vais... (Trace quelque chose sur un parchemin.) |
Salle de la Table ronde, jour. Arthur, le père Blaise, Yvain et Gauvain discutent. |
Arthur |
Mais attention ! Moi j'ai parfaitement conscience que le choix est pas facile. |
Le père Blaise |
Oui, euh... mais il faut quand même qu'on sache sur quel pied danser. |
Yvain |
(À Gauvain.) Vous laissez pas embobiner. Ils cherchent à vous rembobiner ! |
Gauvain |
Mon oncle. vous savez toute l'affection que je vous porte. Vous êtes, pour ainsi dire, comme un père pour moi... |
Yvain |
Bah « comme un père »... non pas comme un père, si ? |
Gauvain |
Non enfin, comme quelqu'un de ma famille, quoi... |
Arthur |
Un oncle ? |
Gauvain |
Exactement ! Vous êtes comme un oncle pour moi ! |
Arthur |
(Soupire.) |
Le père Blaise |
Bon, alors ! Vous choisissez qui ? Le père, ou l'oncle ? |
Yvain |
Y a embobinage dans l'air... |
Gauvain |
Mais pourquoi choisir ? Je peux vous renseigner sur les agissements de mon père quand je suis ici. Et je peux renseigner mon père sur vos agissements quand je rentre en Orcanie. |
Yvain |
Ah ouais ! Vous seriez une sorte de bitaupe, en fait ! |
Gauvain |
(Pointe Yvain du doigt, approuvant son propos.) |
(Fermeture.) |