Couloir du château, nuit. Bohort marche, portant une torche, l'air inquiet. |
Arthur |
(Surgit au détour d'un couloir.) |
Bohort |
(Hurle de frayeur.) |
Arthur |
(Sursaute et crie.) Bohort, c'est vous ? Mais ça va pas la tête, qu'est-ce qui vous prend ? |
Bohort |
Sire, c'est vous ? Mais... mais quelle frayeur ! |
Arthur |
Mais quoi « quelle frayeur », je vais me coucher, je peux, oui ? |
Bohort |
Mais vous ne faites aucun bruit, et vous surgissez comme un diable au détour d'un couloir ! |
Arthur |
Mais... je vais pas jouer des claves pour m'annoncer, si ? Tout le monde roupille, je fais doucement ! |
Bohort |
Mais... pour faire doucement, faut-il pour autant se mouvoir comme un assassin ? |
Arthur |
Bon, écoutez Bohort, vous me gonflez, allez vous coucher ! |
Bohort |
Me... me coucher, après une panique pareille ? |
Arthur |
Mais quoi, mais quoi ? Qu'est-ce qu'il y a encore ? |
Bohort |
Ben je suis désolé mais il faut m'accompagner jusqu'à la porte de ma chambre ! C'est bien le moins que vous puissiez faire... |
Arthur |
(Soupire.) |
(Ouverture.) |
Chambre du duc d'Aquitaine, nuit. Le duc et la duchesse d'Aquitaine sont au lit ; entre eux se trouve l'homme que le duc a pris pour Bahram VI. |
La duchesse d'Aquitaine |
Non mais je crois que c'est plus simple que ça... vous êtes une fiotte. J'ai épousé... une grosse tatie, voilà. Mais, quand on le formule... ça pose pas de problème, en fait. |
Le duc d'Aquitaine |
Alors j'ai envie de dire « d'accord »... mais ce qui me fait un peu tiquer en fait, c'est le cheminement qui vous amène à ça ! J'aimerais comprendre si c'est du ressenti... |
La duchesse d'Aquitaine |
(Se redressant et délimitant une frontière imaginaire avec ses mains.) Ce que vous allez faire, c'est que vous allez plus trop parler vers ici. |
Le duc d'Aquitaine |
Alors attendez... parce que juste qu'on soit un tout petit peu clairs sur un point... retirer Excalibur du rocher, ça ne me dérange pas. En revanche, ce qu'implique la notion de compétition, par rapport à ma relation avec le pouvoir... |
La duchesse d'Aquitaine |
Tirez-vous. Foutez-moi le camp mais trop, quoi. Mettez-vous dans un coin, faites ce que vous voulez... mais moi je peux pas dormir avec une femme. Désolée, je... |
Chambre d'Arthur, nuit. Arthur et Guenièvre sont au lit et se disputent. |
Arthur |
(Criant.) Mais moi aussi j'ai les pieds froids, c'est pas pour ça que je vais vous les coller sur les miches ! |
Guenièvre |
(Criant.) Je vous les ai pas collés sur les miches, je voulais les mettre sous votre cuisse pour les réchauffer ! |
Arthur |
Mais, enfin... vous pouvez pas les garder de votre côté, vos arpionsarpion (n.m.) Pied En savoir plus ? Le plumardplumard (n.m.) Lit En savoir plus est pas assez grand ? |
Guenièvre |
Oh dites, vous seriez pas un peu chochottechochotte (adj.) Douillet, maniéré, efféminé En savoir plus sur les bords ? À peine on vous touche, vous sursautez comme je ne sais quoi... |
Arthur |
Ça m'a surpris ! Je vais vous le faire moi, vous allez voir si c'est agréable... regardez hop ! (Colle ses pieds contre Guenièvre.) |
Guenièvre |
(Hausse les épaules.) |
Arthur |
Oui bon, parce que... là ils se sont réchauffés, c'est facile aussi ! Seulement quand on s'y attend pas, hé ben ça fait froid ! C'est tout. |
Chambre du duc d'Aquitaine, nuit. La duchesse d'Aquitaine est au lit. Le duc et l'homme qu'il a pris pour Bahram VI sont debout, prêts à partir. |
Le duc d'Aquitaine |
Oui je suis blessé. Parce qu'en premier lieu, il y a de votre part une vraie entreprise de déconsidération. |
La duchesse d'Aquitaine |
Mais sortez, sortez ! Je peux pas vous aider, moi ! Faut que vous trouviez des mémés pour discuter de vos problèmes ! |
Le duc d'Aquitaine |
D'accord, alors je dors où ? Parce que je vais pas demander une chambre supplémentaire à cette heure-ci ! Hein, qu'est-ce qu'ils vont penser ? |
La duchesse d'Aquitaine |
Vous êtes duc d'Aquitaine, crétin. (Hurlant.) Duc d'Aquitaine ! Vous êtes à la tête d'une des plus grandes puissances militaires du continent ! Vous pouvez en demander soixante, des chambres, si vous voulez ! |
Le duc d'Aquitaine |
Alors pardon, de faire appel à un faisceau de valeurs extrêmement surannées, mais il se trouve que le duc d'Aquitaine, non, a le respect des différences ! Voilà. Non, le duc d'Aquitaine ne va pas demander à tout le monde une chambre supplémentaire à cette heure-ci, oui, le duc d'Aquitaine va emporter lui-même son assiette à la cuisine ! |
La duchesse d'Aquitaine |
(Hurlant.) Barrez-vous ! |
(Les deux hommes sortent.) |
Chambre d'Arthur, nuit. Guenièvre est au lit, Arthur est debout, ils se disputent. |
Arthur |
Ah attention, hein... attention ! Vous allez pas me refoutre l'héritier sur le tapis« sur le tapis » (loc.) Dans la discussion, en parlant d'un sujet donné En savoir plus à toutes les sauces hein, parce que... (Siffle.) |
Guenièvre |
« Le tapis à toutes les sauces » ? |
Arthur |
Le tapis oui, l'héritier, vous allez pas me le refoutre à toutes les sauces sur le tapis« sur le tapis » (loc.) Dans la discussion, en parlant d'un sujet donné En savoir plus, parce que... (Siffle.) |
Guenièvre |
« Les sauces sur le tapis« sur le tapis » (loc.) Dans la discussion, en parlant d'un sujet donné En savoir plus » ? |
Arthur |
Vous a... l'héritier, vous allez pas me le remettre à toutes les sauces, parce que (essaie de siffler) voilà... j'arrive même pas à siffler. |
Guenièvre |
De quoi ? |
Arthur |
Vous allez pas me remettre toutes les sauces sur le tapis« sur le tapis » (loc.) Dans la discussion, en parlant d'un sujet donné En savoir plus ! |
Guenièvre |
De quoi ? |
Arthur |
Moi aussi ça m'a... ça m'a gêné. C'est pas parce que vous avez les pieds froids... que je ne vous touche pas, si toutefois c'est ça la question, c'est ça que je veux dire. |
Guenièvre |
Mais j'ai pas posé de question, c'est vous qui vous emballez avec vos tapis, euh... |
Arthur |
(Prend sa couverture et part, digne.) |
Couloir du château, nuit. Arthur sort de sa chambre, emmitouflé dans sa couverture et portant une chandelle. |
Arthur |
(Fait quelques pas, puis, pris d'un doute, se retourne et voit le père Blaise qui sourit bêtement.) On peut savoir ce qui vous fait sourire, grand cornichon ? |
Le père Blaise |
Ah mais... mais je souris pas, je, je... pourquoi je sourirais ? |
Arthur |
Parce que je sors de ma chambre, et que j'ai les veines du cou qui ont triplé de volume... de là vous pouvez en déduire que je me suis pouillé la tête avec (criant pour être entendu de Guenièvre) l'autre patapouf ! (Plus doucement.) Et ça ça vous met en joie... |
Le père Blaise |
Ah mais pas du tout. Je suis désolé que vous ayez eu des mots avec la personne... |
Arthur |
En tout cas il est hors de question que je me laisse donner des leçons de vie conjugale par un petit merdaillon qui a jamais touché une bonne femme. (Part, puis revient jusqu'à la porte de sa chambre, donne un coup de pied dedans, et repart.) |
Chambre du duc d'Aquitaine, nuit. La duchesse d'Aquitaine est au lit. |
(La porte s'ouvre.) |
La duchesse d'Aquitaine |
Qu'est-ce que c'est ? |
Arthur |
(Entre.) Qui c'est, qui est là ? |
La duchesse d'Aquitaine |
Ah Sire ! |
Arthur |
(Soupire.) Bon bah je vais pas m'en sortir, quoi... |
La duchesse d'Aquitaine |
Je peux faire quelque chose pour vous ? |
Arthur |
Non non, je vous remercie, bonne nuit ! |
La duchesse d'Aquitaine |
Vous cherchez le duc ? |
Arthur |
Non, c'est... non, je cherche une piaule de libre. Parce que je me suis frité avec ma femme, ça fait une heure que je tourne, tout est pris, et je ne trouve personne à virer. |
La duchesse d'Aquitaine |
Non bah je vais partir, Sire ! |
Arthur |
Non pas vous ! Pas vous, pas les hôtes de marque ! Seulement le problème c'est que dans toutes les piaules, y a un hôte de marque... par exemple à côté, vous avez les gars de chez Justinien, tout le fond du couloir est pris par ces connards d'Armorique, le chef vandale, le chef ostrogoth... non y a que du gratin. |
La duchesse d'Aquitaine |
Et vous pouvez pas aller rejoindre une maîtresse dans sa chambre ? |
Arthur |
Non, parce que j'ai viré mes maîtresses, justement pour faire de la place aux hôtes de marque. |
La duchesse d'Aquitaine |
Ah... et vous voulez dormir là, Sire ? |
Arthur |
Là, là ? Ah non, ah bah non, ça... diplomatiquement, je peux pas me le permettre, ça. |
La duchesse d'Aquitaine |
Vous avez peur du duc ? |
Arthur |
Sans en avoir peur, si je m'allonge comme ça là à côté de vous, vu son rang... il serait en droit de me demander réparation ! |
La duchesse d'Aquitaine |
Alors je vous explique, Sire... si on lui met, là, une chaise dans le coin là-bas, ou non mieux, ici, on l'assoit là, pendant qu'on fait les pires trucs... il demandera pas réparation. C'est un style, voyez... c'est... |
Arthur |
Oui non mais... non... |
La duchesse d'Aquitaine |
Pour voir... |
Arthur |
(Résistant à la tentation.) Non, allez, non ! On va pas commencer... ça va comme ça. (Part.) |
Couloir du château, nuit. Calogrenant marche, tenant une torche. |
Arthur |
(Sort de la chambre de la duchesse d'Aquitaine et tombe sur Calogrenant.) |
(Arthur et Calogrenant se toisent.) |
Arthur |
Oui, quoi, qu'est-ce qu'il y a ? |
Calogrenant |
Rien ! |
Arthur |
Comment, « rien » ? Qu'est-ce que c'est que cette tronche, que vous tirez ? |
Calogrenant |
Ah mais je tire pas de tronche ! |
Arthur |
Ouais. Bon, est-ce que vous savez où y a une chambre de libre ? |
Calogrenant |
Non. Tout ce que je sais, c'est... que celle d'où vous sortez l'est pas. |
Arthur |
De quoi ? |
Calogrenant |
Bah non, y a la duchesse d'Aquitaine ! Pas le duc, puisque lui il est à l'autre bout du couloir, mais... |
Arthur |
Oh là là, attendez, attendez, attendez... je suis rentré là-dedans par hasard, parce que je faisais le tour des chambres, ne commençons pas, il ne s'est absolument rien passé... et puis zut, là. Voilà zut euh ! (Part.) |
Chambre modeste, nuit. Le duc d'Aquitaine et l'homme qu'il a pris pour Bahram VI sont au lit. |
Arthur |
Oh mais c'est pas vrai, ici aussi c'est pris ? Qui c'est qui est là ? |
Le duc d'Aquitaine |
Ah, Sire... |
Arthur |
Ah mais c'est vous ? |
Le duc d'Aquitaine |
Mmh. |
Arthur |
Hé bah dites donc, on peut dire que vous savez occuper le terrain, en Aquitaine... |
Le duc d'Aquitaine |
Non mais Sire, je suis terriblement confus mais en fait j'ai eu une... ouais une petite, euh... des mots, quoi, avec mon épouse, une petite chamaillerie... |
Arthur |
Mais qui c'est, celui-là ? Ah mais, ah non ! Mais pardon, mais j'arrive au milieu de... non ? |
Le duc d'Aquitaine |
Non non non non non non, c'est bon... non c'est un bougre que j'ai recueilli. |
Arthur |
Oui enfin en attendant j'ai pas de piaule, quoi. Bon. Hé bah les copines... vous allez me faire une place. (Entre dans le lit.) Parce que j'en ai ma claque... de cavaler dans tout le château... alors je m'allonge, et je dors, merci, bonne nuit. |
Le duc d'Aquitaine |
Et votre chambre à vous, alors, Sire ? |
Arthur |
Hein ? Non mais parce que... oui, je me suis engueulé avec ma femme aussi, moi, alors voilà... |
Le duc d'Aquitaine |
Ah ouais... et elle vous a congédié. |
Arthur |
Congédié, ma femme ? |
Le duc d'Aquitaine |
Mmh. |
Arthur |
(Ricane.) Il ferait beau voir ! Non non, mais... voilà, elle m'a gonflé, je me suis tiré... |
Le duc d'Aquitaine |
Ouais. Et vous pouvez retourner quand ? |
Arthur |
Bah... j'y retourne quand... je décide d'y retourner ! Pourquoi ? |
Le duc d'Aquitaine |
Oui oui oui ! Oui oui, non non mais euh... je veux dire, vous... bon... vous devez attendre combien de temps... au minimum quoi, pour être sûr ? |
Arthur |
Qu'est-ce que... je... pardon, je comprends pas, en fait, où vous voulez en venir. Pardon. |
Le duc d'Aquitaine |
Non mais c'est-à-dire que si moi, par exemple, je reviens maintenant, bon je sais que ma femme me laissera pas rentrer. |
Arthur |
Vous laissera pas rentrer, c'est-à-dire ? |
Le duc d'Aquitaine |
Bah... moi je, je... je vais essayer d'exprimer mon ressenti, et puis elle elle va être très très... bon bah... sur la défense, euh... très sur l'humiliation... |
Arthur |
Sur l'humiliation, carrément ? |
Le duc d'Aquitaine |
Ah oui oui oui, c'est-à-dire que là, nous sommes... nous sommes avec une personne... qui ne va pas hésiter, si vous voulez, à... à aller piocher dans un lexique très intuitif, donc, on va être sur du « blaireau », sur du « peigne-cul », euh... sur de la « tarlouze »... voilà c'est pour ça que je vous demande, euh... qu'est-ce que vous dites, vous, à votre épouse pour désamorcer, quoi, le conflit ? |
Arthur |
Est-ce que... pardon, est-ce que vous vous sentiriez capable, de... d'apprendre un petit texte, par cœur ? |
Le duc d'Aquitaine |
(Regarde Arthur, perplexe.) |
Arthur |
C'est pas ce que je lui dis, je... non c'est... |
Le duc d'Aquitaine |
C'est ça, c'est... ah ! D'accord. |
Arthur |
Oui je vous propose... (Inintelligible.) |
Le duc d'Aquitaine |
Donc vous... ah ! Oui ! Oui oui. Oui parce que je me disais « C'est drôle, comme... » |
Arthur |
Oui non, ça marche pas du tout, là, ouais... |
Chambre d'Yvain, matin. Yvain dort. |
(On frappe à la porte.) |
Guenièvre |
(Hors-champ, du couloir.) Vous êtes là ? |
Yvain |
(Encore à moitié endormi.) Hein ? |
Guenièvre |
Je peux entrer ? |
Yvain |
Vous entrez où ? |
Guenièvre |
(Entre.) Ah ! J'avais peur de vous réveiller. |
Yvain |
Euh... attendez, c'est que... c'est quoi qui se passe, là ? |
Guenièvre |
Ah je me suis dit « Tiens, je vais aller papoter un peu avec le petit frère ! » |
Yvain |
(Perdu.) De quoi ? |
Guenièvre |
Bah c'est vrai, on papote jamais, tous les deux ! Alors vous avez eu votre période « gros nigaud » où on pouvait difficilement vous adresser la parole, mais maintenant c'est plus pareil ! Vous avez mûri ! |
Yvain |
Euh... attendez, je... je comprends pas le projet, là... |
Guenièvre |
Je suis sûre... que vous avez un tas de petits secrets à confier à votre grande sœur ! Hein ? Pour commencer, euh... racontez-moi un peu... comment se passe cette puberté. |
Salle d'armes, jour. Arthur et le maître d'armes combattent à l'épée. |
Le maître d’armes |
Quand est-ce que vous allez récupérer Excalibur ? |
Arthur |
Je sais pas... demain, après-demain... (Porte des coups de pied au maître d'armes.) |
Le maître d’armes |
Vous en avez pas marre de tous ces pignoufs... (pare un coup de pied) bien... qui essaient de prendre votre place ? |
Arthur |
Oh bah... |
Le maître d’armes |
(Pare un coup de pied.) Bien, ça va. |
Arthur |
...c'est le jeu ! |
Le maître d’armes |
Le jeu... moi, je serais à votre place... (pare un coup de pied) aïe... je serais à votre place... (pare un coup de pied) bien... je profiterais de la situation pour repérer où sont mes ennemis, (pare un coup) et où sont mes alliés. Excellent. |
Arthur |
De quoi ? |
Le maître d’armes |
Bah, euh... tous ceux qui ont essayé... sont des saligauds, vous pouvez faire une liste ! |
Arthur |
Pff, bah attendez... à ce tarif-là, y a les trois quarts du monde connu sur ma liste ! Qu'est-ce que je fais derrière, je zigouille tout le monde ? |
Le maître d’armes |
Virez au moins ceux de votre équipe qui ont essayé, c'est la moindre des choses ! Votre beau-père : viré ! Calogrenant : viré ! Hervé de machin... rinel : viré ! |
Arthur |
Mmh. Oui, mais enfin il me reste qui, derrière ? Bohort, vous... |
Le maître d’armes |
(Levant les mains, percé à jour.) Ah non moi j'ai essayé ! Viré. |
Chambre d'Yvain, matin. Yvain est au lit et discute avec Guenièvre, assise près de lui. |
Guenièvre |
Voilà ! Une folle romance bien vite fanée... mais que voulez-vous, quand un homme comme Lancelot vous demande de le suivre, vous le suivez... n'auriez-vous pas fait pareil à ma place ? |
Yvain |
Mais trop pas, quoi... |
Guenièvre |
Vous n'appréciiez pas tellement Lancelot, n'est-ce pas ? |
Yvain |
Non mais c'est pas, mais quand on est mariée au roi, on fout pas le camp avec un chevalier... en plus, pour aller habiter en forêt, quoi, c'est vraiment trop pourri... |
Guenièvre |
Mais je vous rappelle que c'est le roi qui a commencé ! Avec Dame Mevanwi ! |
Yvain |
Bah ça va, c'était pas sa première maîtresse, hein... |
Guenièvre |
Une femme de chevalier ? C'est interdit par l'une de ses propres lois ! |
Yvain |
Moi j'ai jamais bien pigé qui c'était, cette femme... |
Guenièvre |
Dame Mevanwi ? |
Yvain |
Mmh. |
Guenièvre |
Bah... la femme du chevalier Karadoc ! |
Yvain |
Et donc, du coup... lui il est parti avec la femme de Bohort, c'est ça ? |
Guenièvre |
Ah bon ? |
Yvain |
Non mais je sais pas, je vous demande. |
Guenièvre |
Bah ça m'étonnerait... déjà parce que je pense que Bohort n'a pas de femme... |
Yvain |
Ah bah si ! C'est pas votre bonne ? |
Guenièvre |
Angharad ? |
Yvain |
Ouais. |
Guenièvre |
Mais non, elle c'est plutôt... la promise du seigneur Perceval... |
Yvain |
Mais... c'est qui qui s'appelle BerlewenIl s'agit de la femme de Bohort., alors ? |
Guenièvre |
Mais je... je ne sais pas... |
Yvain |
Non non mais sans blague, il me semble que j'ai raison. |
Guenièvre |
(Perdue.) Mais... à propos de quoi ? |
Yvain |
(Lui-même un peu perdu.) Mmh... |
Salle à manger, jour. Arthur, Guenièvre et Séli mangent ensemble. |
Guenièvre |
Le clan des seigneurs Perceval et Karadoc, il est officialisé ou pas ? |
Arthur |
Ça fait un moment ! |
Guenièvre |
Bah alors comment se fait-il qu'on les croise toujours dans les couloirs du château ? |
Séli |
Parce que votre mari est un souple... un compréhensif, il tolère... |
Arthur |
Ils viennent bricoler... voilà. (À Séli.) Un clan autonome, c'est pas un clan ennemi, je vous rappelle. |
Guenièvre |
Pour être sincère, c'est pas tant les chevaliers... que Dame Mevanwi, qui m'embête. |
Séli |
(Inquiète.) Elle vous embête ? |
Guenièvre |
Ben... non mais... quand je la croise dans les couloirs... bah en fait, je m'arrange pour pas la croiser... |
Séli |
(À Arthur.) Vous voulez pas vous décider à les virer, une fois pour toutes ? |
Arthur |
Ils vont partir d'eux-mêmes... foutez-leur la paix, hein ? |
Guenièvre |
Y a une sorte de tension entre elle et moi, il faudrait que... que je trouve quelque chose à lui offrir, par exemple... |
Séli |
Tiens donc. |
Guenièvre |
Qu'est-ce qui pourrait lui faire plaisir ? |
Arthur |
(Taquin.) Votre place ? |
(Guenièvre et Séli ne rient pas.) |
Arthur |
Euh... euh... humour. Hein. Les deux, parce que là... (Sifflote, agacé.) |
Chambre d'Arthur, nuit. Guenièvre est au lit et lit un parchemin. |
Nessa |
(Entre.) |
Guenièvre |
Qu'est-ce que c'est ? |
Nessa |
C'est Madame, qui veut voir une dame. |
Guenièvre |
Comment ? |
Nessa |
Non. Déjà là je me trompe... c'est une dame qui veut voir Madame. |
Guenièvre |
(Impatiente.) Mais quelle dame ? |
Nessa |
Oh... je m'en veux d'être comme ça... |
Guenièvre |
Mais non mais non, c'est pas grave, euh... c'est qui la dame ? |
Nessa |
Elle me l'a dit, mais je me souviens plus. Yazbaltrine... c'est possible ? |
Guenièvre |
Euh... non, ça me dit rien... mais elle me veut voir quand ? |
Nessa |
Honnêtement, je sais plus... et j'aime mieux pas vous répondre au hasard. |
Mevanwi |
(Entrant.) Bonsoir ! Je me permets d'entrer parce que j'ai l'impression que ça pourrait durer une bonne partie de la nuit ! |
Guenièvre |
(Froide.) Dame Mevanwi. |
Nessa |
« Mevanwi », ça y est ! |
Mevanwi |
Vous devez trouver ma visite fort peu convenante... |
Guenièvre |
Euh... pour tout vous dire, euh... |
Nessa |
Qu'est-ce que je fais, je sors ou bien ? |
Guenièvre |
Oui oui, merci, Nessa... |
Nessa |
Vous voyez, vous, vous arrivez à retenir mon nom ! Moi, le vôtre, y a pas moyen ! Heureusement que je dois vous appeler « Madame », parce que sinon je sais pas comment je ferais. |
Guenièvre |
(Dissimulant son exaspération.) Oui, merci ! |
Nessa |
(Part.) |
Mevanwi |
J'avais besoin de dénouer la situation. Je suis désolée. On se parle plus... on s'évite, même... |
Guenièvre |
Oh, on s'évite... |
Mevanwi |
Bah... moi je vous évite, en tout cas... |
Guenièvre |
(Prise au dépourvu.) Oui ! Moi aussi, mais bon... de là à dire qu'on s'évite... |
Mevanwi |
Bon enfin. Il me semble que l'eau a coulé sous les ponts, et que maintenant que mon mari est chef de clan, on... |
Guenièvre |
Pardonnez-moi, mais... à ce titre, comment se fait-il que vous dormiez là ? |
Mevanwi |
Le clan de mon mari et du seigneur Perceval... |
Guenièvre |
Qui n'a toujours pas de nom ? |
Mevanwi |
C'est en pourparlers. Mon mari proposait « le clan des... croustillants », mais le seigneur Perceval trouve que ça fait trop, alors ils sont partis pour « le clan des semi-croustillants ». Quoi qu'il en soit, nous sommes en visite diplomatique... c'est pour ça, j'en profite pour venir voir si une petite discussion amicale... vous tenterait ? Nous nous en trouverions peut-être soulagées, toutes les deux ? |
Guenièvre |
(Sur la défensive.) Je ne dis pas non. |
Camp militaire, nuit. Léodagan entretient un feu, dans un campement enneigé. |
Élias |
(S'approche de Léodagan et trébuche.) Ah merde ! (Se relève et va s'asseoir.) |
Léodagan |
Bah vous avez une de ces têtes, vous... |
Élias |
Quoi ? Quelle tête ? |
Léodagan |
Ben je sais pas, mais plus que d'habitude, hein... vous avez toujours une mine de chiotte, mais là je sais pas si c'est la lumière du feu ou pas mais... on dirait que vous êtes mort ! |
Élias |
Je me suis fait piquer des trucs ! Ça me turlupine ! |
Léodagan |
Piquer des trucs ? Quels trucs ? |
Élias |
Des produits. J'étais sûr que je les avais mis dans ma besace avant de partir du labo. J'arrive ici, il en manque la moitié ! |
Léodagan |
Vous les avez pas semés en route ? Y a pas un trou à votre besace ? |
Élias |
Non, y a pas de trou dans ma besace. Je vous dis qu'on a fouillé mon sac, et qu'on a choisi des trucs dedans. Et à tous les coups, c'était quand j'étais au labo. Ici, j'ai pas quitté le sac. |
Chambre d'Arthur, nuit. Guenièvre et Mevanwi sont assises sur le lit, hilares. |
Mevanwi |
Mais moi je me disais « Mais qu'est-ce qu'elle lui trouve ? » |
Guenièvre |
Oh, bah... il est beau, il est grand, il a des yeux romantiques... |
Mevanwi |
Oui enfin de là à abandonner le trône pour partir habiter dans une cahute en forêt, euh... |
Guenièvre |
Oh ben plaignez-vous ! Si j'avais pas abandonné le trône, vous auriez pas pu monter dessus à ma place ! |
(Guenièvre et Mevanwi éclatent de rire.) |
Mevanwi |
Bah vous voyez, ça... ça me fait du bien, de parler de ça. |
Guenièvre |
Ah, moi aussi... |
Mevanwi |
Est-ce que vous seriez tentée par une petite tisane ? |
Guenièvre |
Oh bah oui, pourquoi pas ? Je vais appeler... |
Mevanwi |
Non non ! Non non, laissez-la dormir ! J'en ai apporté, justement. Comme j'étais pas sûre, je l'ai laissée sur le pas de la porte... (Va chercher la tisane.) |
Mevanwi |
Euh, comme j'ai pris euh... que deux tasses, je vais laisser la mienne à Arthur, et puis moi en plus la tisane ça me... (Fait un geste près de son ventre en soufflant.) Vous lui donnez quand il rentrera ? |
Guenièvre |
Oui ! Merci... |
Mevanwi |
(Soupire.) Bonne nuit ! (Part.) |
Guenièvre |
(Circonspecte.) Bonne nuit ! |
Carriole de Loth, jour. Loth est assis en face de Galessin et Dagonet. |
Dagonet |
(À Loth.) Je peux vous poser une question, même si ça fait trente fois ? |
Loth |
Si ça fait trente fois que je réponds, euh... je vois pas bien l'intérêt ! |
Dagonet |
Oui, enfin en même temps, si je pige toujours pas au bout de trente fois... on pourrait envisager que vous répondez à côté, ou pas ? |
Loth |
Oui. Si on envisage tout autant la possibilité que vous soyez un parfait glandu. |
Dagonet |
D'accord. |
Loth |
Allez-y ! |
Dagonet |
Alors : pourquoi on a attendu si longtemps pour aller retirer l'épée ? |
Loth |
(Se prend la tête dans les mains.) |
Dagonet |
Non mais je pensais que vous... seriez le premier sur le coup, moi. |
Galessin |
Ça, ça fait plus de trente fois que vous le demandez... |
Loth |
Vous le demandez sans interruption depuis le jour où Arthur a replanté l'épée, vous devez en être à plus de six mille occurrences. |
Dagonet |
Et... du coup ? |
Loth |
(Expliquant lentement.) Je ne veux pas me précipiter sur l'épée. Je crains qu'on en vienne à penser que je suis avide de pouvoir. |
Dagonet |
Vous êtes pas avide de pouvoir ? |
Loth |
Si... mais, je l'assume difficilement. |
Galessin |
(À Loth.) Vous me faites penser à ces types qui se servent jamais en premier pour faire poli, et quand c'est à eux, ils prennent tout le fromage gratiné, et les autres, ils sont obligés de manger le légume seul. |
Dagonet |
Mais... vous connaissez qui, qui fait ça ? |
Galessin |
Non, mais... personne en particulier, mais y a des gars qui font ça, c'est tout ! |
Dagonet |
Ah... et... et le rapport dans le contexte ? |
Galessin |
Le rapport entre quoi et quoi ? |
Loth |
Entre Excalibur et le fromage gratiné ? Réponse : aucun... c'est une métaphore moisie, tiraillée entre votre stupidité d'ordre général, et votre surprenante inaptitude à utiliser les métaphores. |
Dagonet |
Ça vous ennuie si je m'assoupis un peu ? J'ai... j'ai mal à la tête. |
Loth |
« Retro pecat et rex domini. » Ça n'a aucun sens, mais bon. Y a « retro », y a « pecat »... on peut vaguement en faire quelque chose ! |
Caverne de Lancelot, jour. Lancelot est assis près d'un feu, une écuelle et un couteau dans les mains. |
Méléagant |
(Hors-champ, du sentier.) Allez ! Montez ! Vous êtes bientôt au bout de vos peines ! |
Lancelot |
Méléagant ? |
Méléagant |
(Arrive à l'entrée de la caverne.) Doucement... faites attention de ne pas tomber ! (Fait signe à Lancelot de rester silencieux, puis guide la Dame du Lac, transie de froid, jusqu'à l'entrée.) Voilà... voilà... vous voyez, c'est pas si difficile que ça hein ! |
La Dame du Lac |
Mais... c'est là ? |
Méléagant |
Mais oui, c'est là, entrez, entrez ! Allez vous réchauffer près du feu... |
La Dame du Lac |
(Va s'asseoir près du feu.) Et... votre ami qui habite dans un château ? |
Méléagant |
(Désignant Lancelot.) Hé ben le voilà ! Quant au château, nous sommes ici dans l'édifice principal, et je suis sûr que mon ami vous fera loger dans l'aile, euh... ouest ! |
La Dame du Lac |
(Désespérée.) Oh non, mais qu'est-ce que vous allez me faire ? |
Méléagant |
Oh... non pas ce que vous croyez ! |
Lancelot |
Ça vous ennuierait de m'expliquer un peu ce qui se passe ? |
Méléagant |
Alors, j'ai rencontré Mademoiselle... au détour d'un village de mineurs... et... sa détresse m'a ému. |
La Dame du Lac |
Il m'a dit que vous pourriez me loger, j'ai... |
Méléagant |
Mais bien sûr qu'il va vous loger ! |
Lancelot |
Si vous m'avez amené ça pour me distraire, je vous préviens tout de suite, ça m'intéresse pas du tout. |
La Dame du Lac |
(Reconnaissant Lancelot.) Seigneur Lancelot ? |
Méléagant |
Ah... voilà ! Elle sort la tête de l'eau... |
La Dame du Lac |
Mais qu'est-ce qui vous est arrivé, tout le monde dit que vous êtes mort ! |
Lancelot |
Excusez-moi, on se connaît ? |
Méléagant |
Cherchez... non non mais j'avoue que c'est un petit peu difficile mais faites un petit effort de mémoire... |
Lancelot |
Non. Non ça me dit rien, non. |
Méléagant |
Hé oui... c'est en somme, votre... nourrice ! Mais creusez un petit peu... les cheveux longs, roux, la cour du roi Ban... |
La Dame du Lac |
Mais... qui êtes vous ? |
Méléagant |
Seigneur Lancelot, vous n'aviez pas encore trois ans quand les dieux ont jugé que vous étiez trop caractériel pour le trône de Logres, et la quête du Graal... alors, ils ont demandé à notre charmante Viviane de vous laisser tomber ! Et de s'occuper d'un... autre petit enfant... qui avait les cheveux noirs... protégé de Merlin... fils du roi Pendragon... |
Lancelot |
Arthur... |
Méléagant |
Arthur ! |
Lancelot |
La Dame du Lac ? |
Méléagant |
(Rit et frappe dans ses mains en chantant.) On va passer... une bonne soirée... magnifique ! (Rit.) |
Salle à manger, jour. Arthur, Guenièvre, Léodagan, Séli et Yvain mangent ensemble. |
Léodagan |
Dites... je me demandais, là... il est venu, Ketchatar ? |
Arthur |
Il est venu où ? |
Léodagan |
Dans la carafe, là, il est venu ? |
Arthur |
De quoi ? |
Léodagan |
(Exaspéré.) Au rocher ! Non mais sans blague, où voulez-vous qu'il vienne ? Au rocher, retirer l'épée, il est venu ? |
Arthur |
Ketchatar, il est venu au rocher ? |
Léodagan |
(Hurlant.) Mais c'est ce que je vous demande, nom d'un chien, faites pas exprès ! |
Arthur |
Non mais vous m'emmerdez, à la fin ! Parlez à quelqu'un d'autre ! Est-ce que je sais, moi, si Ketchatar est venu au rocher ? Vous croyez que j'ai le pif collé sur le registre ? |
Léodagan |
Ah et puis merde, là ! |
Arthur |
Oh... |
Guenièvre |
Quand je vivais dans la forêt, au moins, on criait pas pendant les repas ! |
Arthur |
(Regardant Léodagan d'un air potache.) Bah retournez-y, en forêt... |
Léodagan |
(Ricane.) |
Guenièvre |
Oh non mais on dirait un phénomène magique, hein... il suffit qu'on s'assoie devant quelque chose de comestible, boum ! Ça crie ! Et pour n'importe quoi, en plus ! |
Séli |
Pour Ketchatar, c'est pas n'importe quoi, ça ? Tout le monde s'en fout de Ketchatar ! Je sais même pas s'il est pas crevé, Ketchatar ! |
Léodagan |
(Souffle pour montrer qu'il n'en sait rien.) |
Guenièvre |
Oh bah moi je sais carrément pas qui c'est ! Alors comme ça, c'est complet ! (Fond en larmes.) |
Arthur |
Le roi d'Irlande. |
Yvain |
Oh, l'Irlande ! |
Caverne de Lancelot, jour. Lancelot, Méléagant et la Dame du Lac sont assis près d'un feu. |
Méléagant |
(Prenant la Dame du Lac par les épaules.) Alors, ma grande... on a proprement merdé, non ? |
La Dame du Lac |
« Merdé », euh... à quel point de vue ? |
Méléagant |
D'un point de vue... « inspiration de l'enfant prodige »... elle a même tellement merdé qu'elle s'est fait bannir, cette godiche... |
La Dame du Lac |
Mais... ça n'est pas forcément définitif... |
Méléagant |
Oh ! (Ricane.) Et en plus elle est idiote... (À Lancelot.) Connaissez-vous plus attendrissant ? |
Lancelot |
Mais, en quoi ça me concerne, ces histoires ? |
Méléagant |
Et pourquoi pensez-vous que j'ai coltiné cette morue jusqu'ici ? Pour que vous constatiez de vos propres yeux que les dieux ont lâché Arthur... en voilà la preuve formelle ! |
La Dame du Lac |
Mais vous voulez vraiment pas me dire qui vous êtes ? |
Méléagant |
Non. Mon nom ne vous dira rien. Mais chez vous, on m'appelle... la réponse. |
La Dame du Lac |
« La réponse » ? |
Méléagant |
(Tout doucement, très près du visage de la Dame du Lac.) Oui, ma petite fée... la réponse à votre (soudain féroce) pathétique désastre ! (Saisit le visage de la Dame du Lac pour la projeter contre le sol.) |
La Dame du Lac |
(Reste au sol, prostrée.) |
Méléagant |
(Soupire.) |
Rocher d'Excalibur, jour. Loth arrive, accompagné de Galessin. Des dizaines d'hommes sont déjà présents. |
Loth |
(Aux hommes alentour.) Ah ! C'est là que ça se passe. Je vois que l'épée est bien en place... j'en conclus que vous avez tous chié dans la colle bien comme il faut... en tout cas ça fait plaisir de la voir plantée dans son rocher, la dernière fois j'avais foutu le camp de chez moi en douce, parce que mon père voulait pas que je fasse mon essai. Résultat quand je suis arrivé, Arthur l'avait récupérée à peine une demi-heure avant ! C'est pas à se bouffer les rognons, ça ? Remarquez, je sais pas pourquoi je vous raconte ça... |
Galessin |
D'autant que y a très peu de chance qu'ils parlent la langue. |
Loth |
Où il est, l'autre abruti ? |
Galessin |
Il est resté dans la carriole. Il a froid, et il boude. |
Loth |
Il boude ? |
Galessin |
Il dit que vous lui parlez mal, qu'à la longue ça devient vexant. |
Loth |
(Aux hommes alentour.) Vous entendez ça ? Il paraît que je suis malpoli ! Qu'est-ce que vous en pensez, bande de trous du cul ? |
Taverne, jour. Perceval, Karadoc, Merlin et le tavernier boivent un verre. |
Perceval |
On en a déjà parlé, bon sang ! Vous aviez promis ! |
Karadoc |
Je sais, m'engueulez pas ! Simplement, je réfléchis. |
Perceval |
Y a rien à réfléchir. Quand on promet, on promet. |
Merlin |
Qu'est-ce que ça peut faire, qu'il aille essayer ? De toute façon y a qu'Arthur qui peut retirer l'épée. |
Perceval |
Mais c'est ce que je lui dis, il écoute rien ! |
Le tavernier |
Moi je le comprends hein ! Imaginez que ça marche. |
Perceval |
Mais ça peut pas marcher ! |
Merlin |
(En même temps que Perceval.) Mais ça peut pas marcher ! |
Le tavernier |
Non mais... imaginez ! Ce serait quand même dommage de passer à côté d'un poste de roi de Bretagne, c'est tout ce que je dis ! |
Karadoc |
Et puis si j'ai envie de revenir sur ma décision je peux, oui ? C'est quoi, cette autorité de merde, là ? |
Perceval |
C'est vous, l'autorité de merde ! |
Merlin |
Non, mais vous engueulez pas... |
Karadoc |
(S'emportant.) Ah, alors premio, hein... |
Le tavernier |
Chut ! |
Karadoc |
Bon, euh... deuxio alors. Alors deuxio : on a dit qu'on ne s'engueulait pas devant l'équipe ! Et... troisio, je vais pas passer à côté de mon destin pour vous faire plaisir. (Regarde le tavernier pour avoir son avis.) |
Le tavernier |
(Lève son pouce.) |
Perceval |
(Se lève, empli d'une fureur froide.) Si on avait bu un coup dans des trucs qui se cassent... j'en aurais pété un par terre avant de monter dans ma chambre, pour bien montrer comment je suis colère. (Part.) |
Rocher d'Excalibur, jour. Loth se tient devant Excalibur, Galessin à ses côtés. Derrière eux, une file d'hommes attend. |
Loth |
Allez, à moi ! |
Léodagan |
(Observant la scène.) Non mais dites moi que je rêve... (Ricane.) |
Loth |
Tiens donc ! Seigneur Léodagan ! |
Léodagan |
Dites, vous étiez pas consigné chez vous, très gros tas de fumier ? |
Loth |
C'est assez flou. Chez moi, pas chez moi... non, j'ai plus le droit de conspirer ! Ça, ça m'a été très clairement stipulé. |
Léodagan |
Moi je crois plutôt que le roi vous a interdit de bouger de votre baraque. |
Loth |
Hé oui, mais... quand je reste trop dans ma baraque, je conspire, c'est un réflexe ! Du coup je prends l'air, ça vaut mieux pour tout le monde. Et puis... « le roi m'a interdit », euh... le roi c'est pas celui qui porte l'épée ? Cette épée-là ? Sans vouloir la ramener, en ce moment « le roi », c'est une notion assez vague ! |
Léodagan |
Alors si vous êtes plus à l'aise avec les notions concrètes, je peux vous proposer mon pied dans les noix. |
Loth |
Et vous, au fait ? Si l'épée est encore là c'est que vous avez échoué ! Pas trop déçu ? |
Léodagan |
Qui vous dit que j'ai essayé ? |
Loth |
Vous avez pas essayé ? |
Léodagan |
Si. Enfin... par acquit de conscience. |
Loth |
Hé bah moi c'est pareil. Par acquit de conscience, je vais essayer de prendre officiellement la place de votre pignouf de gendre ! |
Couloir du château, jour. Arthur et Calogrenant discutent. |
Arthur |
(Agacé.) Qu'est-ce qui se passe ? |
Calogrenant |
Le roi Loth... a loupélouper (v.) Rater, manquer En savoir plus son essai. |
Arthur |
Ben... oui, bah... quoi, vous êtes déçu ? |
Calogrenant |
Comment, Sire ? |
Arthur |
Je ne sais pas, on dirait que vous tirez la tronche. |
Calogrenant |
Ah non Sire, au contraire je suis soulagé ! Bah, vous aussi je suppose ! |
Arthur |
Soulagé de quoi ? |
Calogrenant |
Que Loth ait pas réussi ! |
Arthur |
Attendez, je vais être clair... (Attend impatiemment que deux nobles qui passaient par là se soient suffisamment éloignés.) J'en ai jusque-là... mais jusque-là... bref non, je vais être clair. Euh... personne va réussir. Il faut vous détendre, tous, avec ça. À chaque fois que y en a un qui rate, vous envoyez les pigeons, vous venez me voir en tremblant des genoux, « machin a raté », « bidule a raté », mais c'est bon, je sais ! Tout le monde va rater, c'est comme ça. OK ? C'est presque chiant, tellement c'est comme ça. Mais à la limite, un jour vous vous pointez vous me dites euh... « Machin a réussi, c'est lui le nouveau roi ! », bon d'accord. Là... bon, je serais pas jouasse... mais je serais plus surpris que pas jouasse. |
Calogrenant |
Même si c'est le roi Loth ? |
Arthur |
Non. Si c'est le roi Loth je serais surpris, mais je serais plus pas jouasse que surpris. |
Calogrenant |
(Acquiesce.) Hein. Mmh. |
Rocher d'Excalibur, jour. Karadoc et Merlin sont dans la file d'attente pour tenter de retirer Excalibur. |
Karadoc |
Vous croyez vraiment qu'il faut que je fasse la queue ? |
Merlin |
Est-ce que je sais, moi ? |
Karadoc |
(Soupire.) Attendez, je vais pas faire la queue, quand même ! |
Merlin |
Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, moi ? |
Karadoc |
(À l'homme en train de tenter sa chance.) Bon ben c'est bon ! Ça marche pas, ça marche pas ! Vous foutez le camp ! |
(L'homme abandonne et la file avance.) |
Karadoc |
Ah, c'est quand même gros qu'un homme de ma trempe soit obligé de poireauterpoireauter (v.) Attendre En savoir plus derrière tous ces cons ! |
Merlin |
Vous avez qu'à passer devant ! |
Karadoc |
Ouais... ouais mais si y en a un qui fait du schproumschproum (n.m.) Tapage, scandale En savoir plus, ça va partir en maravemarave (n.f.) Bagarre En savoir plus générale, et je suis claquéclaqué (adj.) Extrêmement fatigué En savoir plus. Alors là je me sens vraiment pas le courage. |
Merlin |
Bon bah faites la queue, alors. |
Karadoc |
(Après un moment.) Allez c'est bon j'en ai marre. (Passe devant tout le monde et atteint Excalibur.) |
(Les hommes dans la file d'attente protestent bruyamment.) |
Karadoc |
(Aux hommes.) Oh, je suis... bon ! Je suis le seigneur Karadoc ! Je suis chevalier de la Table ronde ! Alors vous fermez vos gueules, OK ? Je viens faire une annonce. Pour ceux qui comprennent la langue, vous traduisez à vos petits copains. Je ne retirerai pas l'épée du rocher. Bon alors je sais, beaucoup d'entre vous se demandent pourquoi ! Hé ben, c'est pour faire plaisir à un ami. |
Merlin |
(Tendant un bol de mortier et un pinceau grossier à Karadoc.) Allez ! Essayez de faire court, on se pèlese (les) peler (loc.) Avoir froid. En savoir plus... |
Karadoc |
Ouais je fais court. (Applique le mortier sur la roche, tout en s'adressant aux hommes.) La seconde raison de ma présence ici, c'est que je viens appliquer un petit mortier de consolidation, afin qu'aucun glandu ne réussisse son coup à la faveur de la friabilité de la masse rocheuse. |
Forêt, jour. La carriole de Loth progresse sur un chemin neigeux, Galessin chevauche l'un des deux chevaux. |
Galessin |
Allez, stop ! |
(La carriole s'immobilise.) |
Galessin |
(En direction de la carriole.) Hé ! Comment ça se fait que c'est toujours moi qui me farcis le guidage ? |
Dagonet |
(De la carriole, poussant le rideau.) Bah... c'est pas vous le spécialiste des chevaux ? |
Galessin |
Le spécialiste des chevaux ? Non... |
Dagonet |
Comment ça, « non » ? |
Galessin |
Non, je suis pas particulièrement spécialiste des chevaux ! Je vois vraiment pas où est-ce que vous avez été chercher ça ! |
Loth |
(Hors-champ, du fond de la carriole.) Autant pour nous. |
Galessin |
Donc... maintenant que les erreurs sont rectifiées, vous me remplacez ? |
Loth |
Bah... disons que... là ça nous fait court pour nous retourner. En revanche, on s'excuse ! |
Galessin |
(Se retournant vers le chemin.) Bon... allez ! |
Carriole de Loth, jour. Dagonet est allongé sur une des banquettes et fait face à Loth. |
Dagonet |
(À voix basse.) Hé ! Il a pas inventé le plat de la main morte, celui-là, hein ! |
Loth |
De quoi ? |
Dagonet |
C'est pas ça qu'on dit ? |
Loth |
Si si, c'est ça. C'est exactement ça. « Il a pas inventé le plat de la main morte. » Et vous non plus, croyez-moi sur parole. |
Dagonet |
Et alors, qu'est-ce qu'on va faire maintenant ? |
Loth |
Attendre. Attendre que les choses se désagrègent d'elles-mêmes. Attendre que Kaamelott tombe en lambeaux. Patiemment. Pierre après pierre. Chevalier après chevalier. Attendre, et se tenir prêts ! Prêts... à se faufiler dans le moindre interstice. (Théâtral.) Ferme bien tes portes, Arthur... et là je suis en adresse directe pour créer un palier d'intensité... ferme bien tes portes, Arthur, car nous essaierons toutes les issues, et si par mégarde... et là j'enchaîne sur une métaphore prédatrice... si par mégarde, tu oublies la petite lucarne, le renard saura se faire assez mince pour y passer ! Et là normalement il faut une citation latine, mais... pff, j'en ai marre ! |
Couloir du château, jour. Arthur et Calogrenant discutent, Calogrenant tient un message. |
Arthur |
Qu'est-ce qu'il y a, y en a qui a raté, c'est ça ? |
Calogrenant |
Non. |
Arthur |
Oh ! Y en a un qui a réussi ? |
Calogrenant |
Non plus. |
Arthur |
Ah mais vous me parlez pas de ça, en fait ! |
Calogrenant |
Si ! En fait, c'est Karadoc, Sire. Il aurait renoncé à sa tentative. |
Arthur |
Ah bon ! |
Calogrenant |
D'après le message ! C'est à prendre au conditionnel, hein. Euh... tout le monde l'aurait envoyé promener. |
Arthur |
Envoyé promener, pourquoi ? Mais... il fait bien ce qu'il veut s'il a envie de renoncer à sa tentative ! |
Calogrenant |
D'après le message, euh... c'est le discours, qu'ils auraient pas supporté. |
Arthur |
Ah ! S'il a fait un discours, ça... |
Calogrenant |
Alors... toujours d'après le message, hein... un discours très long, et pas toujours très clair. |
Arthur |
Ah bah oui, non mais je me doute, bien sûr... c'est dommage, ça aurait été classe, là de dire « je renonce »... là du coup il a dû passer pour un simplet... |
Calogrenant |
Non, alors... d'après le message, toujours... il serait passé pour un « gros tagazou ». Évidemment, c'est à prendre au conditionnel. |
Arthur |
Bien sûr, oui oui... |
Taverne, nuit. Perceval et Karadoc mangent ensemble, au milieu de la salle pleine de monde. |
Perceval |
Vous faites la gueule ? |
Karadoc |
Non. |
Perceval |
De toute façon, vous auriez pas réussi. Aussi vrai que j'aime pas le boulgour. |
Karadoc |
Le ? |
Perceval |
Vous vous souvenez pas ? Les petits grains, là... c'est ce con de Dagonet qui nous avait ramené ça de Judée. |
Karadoc |
Non mais fallait pas le manger, ça, c'était pour décorer ! |
Perceval |
Bah non, il nous avait dit : « Goûtez-moi ça ! » |
Karadoc |
Ça a goût à quoi ? |
Perceval |
Bah c'est comme de la purée regroupée en petites boules. |
Karadoc |
Non mais d'accord, mais... ça a goût à quoi ? |
Perceval |
Bah... ça a pas de goût. |
Karadoc |
Et comment ça s'appelle ? |
Perceval |
Du boulgour. En tout cas c'est bien ce que vous avez fait tout à l'heure. Je savais que vous me feriez pas un coup pareil. Vous avez tenu votre promesse... de pas toucher à l'épée, chapeau. |
Karadoc |
(Grimace, peu convaincu.) |
Perceval |
Non, je vous jure. De toute façon, vous auriez pas réussi ! C'est impossible. |
Karadoc |
On peut pas vraiment savoir. |
Perceval |
Mais si, croyez-moi ! C'est impossible ! Aussi vrai que j'aime le boulgour. |
Karadoc |
Le ? |
Perceval |
(Mime un mouvement évoquant la multitude de petits grains du boulgour.) |
Salle de la Table ronde, jour. Arthur et le père Blaise sont assis à la Table ronde, en face de Bohort et du duc d'Aquitaine. |
Arthur |
Voilà, donc on vous a convoqués, euh... tous les deux, parce que nous avons constaté, en fait, que vous n'avez pas tenté... hein, euh... ni l'un ni l'autre, apparemment... |
Le père Blaise |
Euh en tout cas ça m'a pas été rapporté. |
Arthur |
Voilà... de retirer... excalibur du rocher. |
Le père Blaise |
Bon, ensuite, euh... il faut savoir que, y a pas toujours quelqu'un en permanence au rocher en train de vérifier qui vient, qui vient pas. |
Arthur |
Oui oui oui. |
Le père Blaise |
Donc, peut-être que vous y êtes allés, et que c'est pas dans mon registre. |
(Bohort et le duc d'Aquitaine ne répondent rien.) |
Arthur |
C'est une question en fait hein, vous y êtes allés ou pas ? |
(Bohort et le duc d'Aquitaine sourient, soulagés.) |
Le duc d'Aquitaine |
Ah ! |
Bohort |
Non, Sire. |
Le duc d'Aquitaine |
Non, moi non plus, je... en fait, ça s'est mal goupillé. Mais, je trouve ça vachement bien... |
Arthur |
(Interrompant le duc.) Voilà, donc attendez, parce que... j'avais pas tout à fait fini... donc en fait, il faudrait commencer à se grouiller, un petit peu, parce que je... j'attends un peu que tout le monde ait fini pour aller moi-même la récupérer, Excalibur. |
Le père Blaise |
Ouais... bah, est-ce que vous pourriez y aller aujourd'hui, par exemple, hein ? Euh... on part ensemble, si vous voulez, j'y vais moi. |
Arthur |
C... comment ça, vous y allez ? |
Le père Blaise |
Bah... bah euh... oui, quoi, j'ai... j'ai pas le droit d'essayer ? Euh... |
Arthur |
(Après un moment, contrarié.) Non ouais, si si si... |
Le père Blaise |
Ah... |
Le duc d'Aquitaine |
En même temps quand quelqu'un essaie, vous avez pas l'air de super apprécier non plus... c'est normal que de notre côté, on n'ait pas forcément envie de créer ce rapport-là avec vous... |
Bohort |
Je n'avais jamais formulé ça comme ça, mais... c'est tout à fait pertinent ! |
Le duc d'Aquitaine |
Voilà. C'est pour ça, je pense que c'est bien de prendre cinq minutes pour se dire les choses, voilà ! En toute amitié ! |
Rocher d'Excalibur, jour. Yvain et Gauvain s'insèrent à l'arrière de la file d'attente. |
Yvain |
Ah ouais, mais y a carrément du monde, en fait. |
Gauvain |
Vous allez pas me dire qu'ils sont tous venus pour retirer l'épée, tout de même ? |
Yvain |
Peut-être qu'il y en a deux-trois qui sont juste là pour nettoyer, hein... |
Gauvain |
Mais enfin, c'est quand même évident que le futur roi de Bretagne doit être d'extraction bourgeoise, sinon royale ! |
Yvain |
Et Arthur, il est d'extraction machin, là ? |
Gauvain |
Bah euh oui, c'est le fils de Pendragon... |
Yvain |
Pendragon c'est lequel, déjà ? |
Gauvain |
Comment ça, « c'est lequel » ? |
Yvain |
Euh... c'est pas celui qui s'est foutu à poil et qui a déposé les armes devant les pieds de Caesar, c'est pas ça ? |
Gauvain |
Vercingétorix ? |
Yvain |
Non mais Arthur c'est pas le fils de Vercingétorix... |
Gauvain |
Bah non ! |
Yvain |
Non en plus... Vercingétorix, en quoi est-ce qu'il est d'extraction bourgeoise, s'il vous plaît, quoi... |
Gauvain |
Hé mais attendez, parce que si vous... |
Yvain |
(Interrompant Gauvain.) Non non mais voilà... c'est bon, quand on sait pas on dit rien, c'est tout... |
(Un homme vient s'ajouter à la file d'attente, derrière Yvain. Yvain et Gauvain regardent l'homme, puis se regardent, mal à l'aise.) |
Salle de la Table ronde, jour. Arthur et le père Blaise sont assis à la Table ronde, en face de Bohort et du duc d'Aquitaine. |
Le duc d'Aquitaine |
Mais attention, je trouve l'expérience extraordinaire ! Non parce que y a un fait rationnel : une épée dans un rocher. Et chacun ensuite doit se positionner par rapport à sa relation au pouvoir ! Hein, à la notion... « ambitionnelle », hein... là on va être sur du terme qui veut rien dire... qu'il entretient par rapport à la... « carrière ». |
Arthur |
Ouais. Tout ça, c'est... super, vous y allez quand ? |
(Bohort et le duc d'Aquitaine échangent un regard, visiblement amusés qu'Arthur ne comprenne pas leur propos.) |
Bohort |
Euh, Sire. Il y a une chose que... que je ne comprends pas très bien : pour tenter de retirer Excalibur du rocher, ne faut-il pas nourrir quelque ambition de devenir roi de Bretagne ? De prendre votre place ? |
Le duc d'Aquitaine |
Bah... |
Bohort |
Pardon ? |
Le duc d'Aquitaine |
(Souriant.) Non non non, c'est parce que... vous venez de dire un peu mot pour mot ce que je viens de dire, mais non allez-y. |
Le père Blaise |
Je... je sais pas si on peut vraiment parler de « nourrir », ou de « quelconque... » |
Arthur |
(Interrompant le père Blaise.) Non, y a rien à nourrir, non. Écoutez, je sais... je crois pas qu'il faille se poser tant de questions que ça, OK ? De toute façon, honnêtement, à moins d'un pépin... y a peu de chance que ça marche. L'épée, si c'est pas moi, elle est plantée dans le rocher, voilà c'est tout. |
Le duc d'Aquitaine |
Ouais alors voilà... justement. Ce que vous nous proposez... c'est ce que j'ai envie d'appeler « une mise en scène de l'échec », parce que comme vous le dites, y a peu de chance que ça marche. Mais ce qu'il faut pas oublier, c'est que nous derrière on va gérer cet échec. Et je ne parle pas de l'échec-notion, je parle bel et bien de l'échec-épreuve... |
Bohort |
Ou de l'échec-échec. Pour paraphraser audacieusement notre ami. |
Le duc d'Aquitaine |
Wow... wow wow wow ! Mais oui... il a raison. |
Rocher d'Excalibur, jour. Gauvain s'efforce de retirer Excalibur, sous le regard d'Yvain et des hommes de la file d'attente. |
Yvain |
Bon alors ça vient ou pas ? |
Gauvain |
Je comprends pas, pas moyen... de faire bouger cette maudite épée ! |
Yvain |
C'est pas normal, hein. Vous êtes sûr que vous êtes d'extraction bourgeoise ? |
Gauvain |
Évidemment. Mon père est roi d'Orcanie, je suis le neveu d'Arthur. |
Yvain |
Non non mais... c'est bon, c'est bon... n'empêche que ça vient pas, c'est tout. |
Gauvain |
Elle doit être coincée. |
Yvain |
Si ça se trouve, vous êtes un... enfant trouvé. Ça voudrait dire que c'est le roi d'Orcanie qui vous a élevé, mais que en fait, vous êtes un fils de pécore. |
Gauvain |
Oh, vous croyez ? |
Yvain |
Bah je vois que ça... |
Gauvain |
Non mais ils me l'auraient dit, quand même... |
Yvain |
Ou alors si ça se trouve c'est votre mère qui vous a trouvé... et elle l'a jamais dit à votre père. |
Gauvain |
Oh mon Dieu non, c'est affreux ! |
Yvain |
Ouais. Bon allez gros bâtard, à moi ! Parce que moi, au moins, je suis fils du roi de Carmélide ! Donc euh... heureusement que je suis là pour sauver le coup, je vous ferais dire. (Tente de retirer Excalibur.) |
Salle de la Table ronde, jour. Arthur et le père Blaise sont assis à la Table ronde, en face de Bohort et du duc d'Aquitaine. Le père Blaise a posé sa tête sur la table, Arthur mange. |
Le duc d'Aquitaine |
Je sais pas ! Je sais pas, euh... moi j'ai envie que vous reformuliez la question en fait... (À Bohort.) Non ? |
Bohort |
Ah non, moi je suis plutôt pour, hein ! |
Arthur |
(Blasé.) En même temps, je vois difficilement comment je pourrais le reformuler plus clairement : vous y allez, vous y allez pas ? |
Bohort |
Sire, vous restez tout de même sur un mode qui interdit les nuances, là. |
Le duc d'Aquitaine |
Oui non mais... d'accord, d'accord. Clairement, vous voulez rationaliser le débat. Moi personnellement je pense pas qu'on peut réduire la question à sa forme concrète, mais OK ! Je vais vous répondre très simplement : j'ai passé un très bon séjour chez vous, je vous suis très reconnaissant d'avoir su m'aiguiller au niveau de mon couple... |
Arthur |
Au niveau de votre couple ? |
Le duc d'Aquitaine |
Bah oui, ce dont on parlait... quand on était couchés l'autre soir avec le monsieur... |
Le père Blaise |
(Relève la tête.) Hein ? Quoi ? |
Arthur |
Non, c'est rien. C'est rien, c'est rien, ça fait rien... |
Bohort |
(Au duc.) Vous avez... couché avec un monsieur ? |
Le duc d'Aquitaine |
En fait c'est un... une personne défavorisée que j'ai recueillie, et dont le regard bienveillant et discret m'a vraiment aidé à dénouer un conflit personnel. C'est ça, Sire. Je sais que je suis venu officiellement pour tenter de retirer l'épée, mais j'ai trouvé ici quelque chose de beaucoup plus précieux... j'ai trouvé la sérénité affective. |
Bohort |
Nous sommes tous très fiers de vous. |
Arthur |
(Lève le pouce, sarcastique.) |
Rocher d'Excalibur, jour. Yvain s'efforce de retirer Excalibur, sous le regard de Gauvain et des hommes de la file d'attente. |
Gauvain |
Bah je suis désolé mais vous n'êtes pas d'extraction bourgeoise non plus ! |
Yvain |
Oh mais allez, oh, c'est pas vrai ! |
Gauvain |
Ou alors, il y a un truc qui cloche dans le mécanisme. |
Yvain |
Ah ouais mais carrément, y a trop un truc qui cloche sa mère là ! |
Gauvain |
Vous croyez que vous êtes un enfant trouvé, vous aussi ? |
Yvain |
(Abandonne en soupirant.) J'en sais rien... putain je suis écœuré là ! |
Gauvain |
Ce serait quand même pas de chance, avouez ! |
Yvain |
Ouais, ça voudrait dire qu'on est deux gros fils de clodos, quoi. Ouais non mais merci... super la journée, hyper sympa. |
Gauvain |
Ouais, on n'aurait pas dû venir. |
Yvain |
Trop pas, quoi. |
(Yvain et Gauvain partent.) |
Salle de la Table ronde, jour. Arthur et le duc d'Aquitaine sont à la Table ronde et dégustent le contenu de nombreuses fioles colorées. |
Le duc d'Aquitaine |
C'est simple... elle, elle voulait rester deux jours de plus, et moi je veux partir demain, voilà c'est nigaud comme situation. |
Arthur |
Et alors, du coup ? |
Le duc d'Aquitaine |
Alors... en fait j'ai essayé... d'imaginer... ce que vous auriez dit, à ma place, pour désamorcer... toujours dans le désamorçage... |
Arthur |
Ouais, c'est difficile, comme ça... déjà il faut être sur place pour sentir un peu le... |
Le duc d'Aquitaine |
Mmh. Je vous dis ce que j'ai dit ? |
Arthur |
Tout à fait, oui... |
Le duc d'Aquitaine |
J'ai dit : « Demain c'est demain, si j'ai besoin de votre avis je vous le demande. » |
Arthur |
Pas mal. C'est rythmique, en plus, c'est bien. |
Le duc d'Aquitaine |
Mmh. |
Arthur |
Après je pense que... vous devriez essayer de détourner un peu le propos. Vous voulez être cinglant... soyez courtois. C'est un petit peu comme ça que... que l'ironie arrive, voyez ? |
Le duc d'Aquitaine |
Mais... par exemple ? |
Arthur |
Par exemple, euh... vous lui dites : « OK, d'accord, euh... vous partez quand vous voulez. » Et dans un second temps quand elle se demande ce qui se passe, euh... vous enchaînez : « Seulement comme c'est moi qui prend le bateau, vous rentrez à la nage. » |
Le duc d'Aquitaine |
Oh ! |
Arthur |
Vous voyez ? |
Le duc d'Aquitaine |
Ah ouais... |
Arthur |
C'est pour montrer la mécanique, un petit peu, c'est... |
Le duc d'Aquitaine |
Ah ouais ! D'accord. |
Arthur |
Et puis après, si vous voulez peaufiner... hein après je sais pas, euh... vous pouvez rajouter, euh... « comme ça, ça vous fera perdre un peu le gras que vous avez sur le cul. » Non en l'occurrence ça marche pas ça, parce que votre... votre femme est toute fine, mais euh... |
Le duc d'Aquitaine |
Non mais on peut adapter ! |
Arthur |
Tout à fait, bien sûr. |
Le duc d'Aquitaine |
On peut dire, euh... bon, je dis... |
Arthur |
Allez-y ! |
Le duc d'Aquitaine |
« Avec votre dégaine... », euh... |
Arthur |
Oui oui oui, oui ! Oui... |
Le duc d'Aquitaine |
« Avec votre dégaine de crevette, faites... faites gaffe à pas vous faire bouffer par un mérou ! » |
Arthur |
Exactement. Exactement. |
Le duc d'Aquitaine |
Ça ça marche. |
Lande, jour. Méléagant est assis sur un rocher, Lancelot l'observe. |
Lancelot |
On va attendre combien de temps, comme ça ? |
Méléagant |
Détendez-vous... qu'est-ce que vous pensez de tout ça ? |
Lancelot |
De tout quoi ? |
Méléagant |
(Désignant le monde qui l'entoure.) Tout ça ! |
Lancelot |
Rien de spécial. |
Méléagant |
Vous avez raison, tout cela n'est rien ! Absolument rien ! Il y a peu de temps, quelque chose a fait boum ! Voilà, nous sommes sur une toute petite miette expulsée par ce boum, qui dérive et tournicote sur elle-même, en attendant sa fin, proche ! Sur cette miette, de tous petits organismes gesticulent ! Ça naît, ça vit, et ça meurt ! (Ricane.) Tout cela n'a aucune conséquence. |
Lancelot |
Et Dieu, dans tout ça ? |
Méléagant |
Laissez tomber vos vieilles idoles, mon ami... débarrassez-vous de ce ringard ! Éveillez-vous ! |
Lancelot |
Si la vie ne vaut rien... la vôtre non plus, hein ! |
Méléagant |
La mienne... oh je dirais que... ma vie... ne représente pas la période la plus... captivante de... mon existence... je dois faire une petite expérience, j'ai besoin d'un cobaye. En ce moment, un voyageur arrive ici. Vous l'attendrez, et vous le tuerez ! Je vous expliquerai le reste après ! (Part.) |
Lancelot |
C'est un test, c'est ça ? (Après un moment.) Vous croyez que je le sais pas, que la vie ne vaut rien ? Vous allez voir ce que je vais en faire, de votre voyageur, moi ! (Donne un coup dans l'air, de rage.) |
Couloir du château, jour. Léodagan croise des nobles devant la chambre d'Arthur. |
Léodagan |
Qu'est-ce qu'ils veulent, les touristes, là ? Mon portrait ? C'est interdit hein, de stagner dans le couloir de la chambre du roi ! On pourrait vous soupçonner de conspiration et vous mettre de la ferraille dans le bide ! Ah, avouez que ça serait dommage ! (Hurlant.) Alors décarrez ! |
Arthur |
(Ouvre sa porte.) Bon Dieu de bon Dieu mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Sur qui vous gueulez, encore ? |
Léodagan |
Oh, écoutez, tous ces guignols là moi je peux pas les sentir ! |
Arthur |
Mais... trois sur quatre ils parlent pas la langue ! Arrêtez de nous péter les oreilles ! |
Léodagan |
Bah excusez-moi mais j'aime pas les nouvelles têtes, ça me scie les nerfs ! |
Arthur |
Bon, de toute façon demain ils foutent le camp, parce que aujourd'hui c'est le dernier jour des essais, voilà. (Retourne dans sa chambre.) |
Léodagan |
(Part.) |
Arthur |
(Ressort de sa chambre.) Ah hé hé ! Hé... |
Léodagan |
(Se retourne.) |
Arthur |
Vous l'avez fait votre essai, vous ? Oui, je suppose que ça fait un moment... |
Léodagan |
De quoi ? |
Arthur |
Quand est-ce que... (Soupire, exaspéré.) « De quoi »... quand est-ce que vous avez essayé de retirer Excalibur du rocher ? Le premier jour, à tous les coups ! |
Léodagan |
Mais, euh... qui vous dit que j'ai essayé ? |
Arthur |
Vous avez pas essayé ? |
Léodagan |
Si ! Par acquit de conscience. N'empêche que j'aime pas bien vos insinuations. |
(Arthur et Léodagan détournent la tête, puis se regardent à nouveau, soupçonneux.) |
Rocher d'Excalibur, jour. Galessin tente de retirer l'épée, Calogrenant le surprend. |
Calogrenant |
Ben qu'est-ce que vous faites là, vous ? |
Galessin |
Qu'est-ce que vous croyez que je fais de particulier ? La même chose que tout le monde. |
Calogrenant |
Mais vous êtes pas déjà venu avec Loth ? |
Galessin |
Possible. Je me souviens plus de tout. |
Calogrenant |
Alors vous, vous essayez deux fois ? |
Galessin |
Quoi « deux fois » ? |
Calogrenant |
En tant que traître, vous auriez pas dû essayer du tout, déjà. Alors deux fois, vous croyez pas que vous abusez un peu, non ? |
Galessin |
Non mais de quoi je me mêle ? Si vous êtes si fidèle à Arthur, pourquoi est-ce que vous êtes venu essayer, vous aussi ? |
Calogrenant |
Mais déjà je vous emmerde, et d'une... et de deux, qui vous dit que je suis venu essayer ? |
Galessin |
Et qu'est-ce que vous êtes venu faire, alors ? Sans indiscrétion ? Arracher les mauvaises herbes ? |
Calogrenant |
Je suis venu pour surveiller, avant tout. Et oui j'ai essayé. Par respect pour la tradition, je vous ferais dire. Et je vous signale que le roi Arthur trouve tout à fait normal que ses sujets les plus fidèles viennent tenter leur chance. C'est une preuve de respect. |
Galessin |
Hé ben voilà ! Moi, je fais deux fois preuve de respect. Alors foutez-moi la paix, et retournez glander à Kaamelott. |
Calogrenant |
Ah mais attendez... quand vous êtes venu avec Loth, il vous a pas laissé essayer, c'est ça ? Comme vous êtes sa petite gonzesse personnelle, vous avez pas le droit ! |
Galessin |
Il veut un coup de tête dans le pif de la part de la petite gonzesse personnelle, ou il a ce qu'il faut ? |
Lande, jour. Lionel marche dans la neige en s'aidant d'un bâton. |
Lancelot |
(Surgit devant Lionel et le plaque au sol.) |
Lionel |
Arrêtez, arrêtez ! Je ne porte aucun objet de valeur, arrêtez. |
Lancelot |
Taisez-vous imbécile. Vous me prenez pour un détrousseur à la petite semaine ? Vous savez pas à qui vous avez affaire ? |
Lionel |
Mais comment le saurais-je ? |
Lancelot |
Vous êtes tombé sur le mal, abruti. Le mal, le vrai, et son cortège d'absurdités. Vous allez mourir, pour rien. Vous m'entendez ? Pour rien, parce que... aujourd'hui, c'est sur vous que ça tombe. Voilà, c'est tout. Alors vous pouvez hurler, hurler tant que vous voulez... rien n'y fera. Tout ceci n'a aucun sens. Tout ceci n'a aucun sens ! |
Lionel |
Attendez ! Je suis un bourgeois. Si vous me laissez partir, je peux vous faire envoyer des tas d'argent. |
Lancelot |
Non mais... je vous parle d'une absurdité bien pire que celle de l'argent, je vous parle de... l'absurdité... gratuite. J'ai que faire de votre argent. Je suis... Lancelot du Lac, le chevalier errant. Je n'ai ni biens ni famille. Et je tue sans raison, voilà. |
Lionel |
Lancelot du Lac ? |
Lancelot |
Oui, lui-même... |
Lionel |
Mais... je suis votre cousin ! |
Lancelot |
Quoi ? |
Lionel |
Oui ! Je suis votre cousin ! Je suis Lionel de Gaunes, le frère du seigneur Bohort. Nous... nous sommes cousins ! |
Lancelot |
Lionel de... de... de Gaunes ? Qu'est-ce que c'est que ce cirque ? |
Lionel |
C'est la vérité ! Mon frère m'a demandé de lui rendre visite à Kaamelott pour y devenir chevalier de la Table ronde. |
Lancelot |
Vous vous foutez de moi ? |
Lande, jour. Lionel s'éloigne en courant de Lancelot. |
Lionel |
(À Lancelot.) Merci ! Merci ! |
Lancelot |
Foutez le camp, imbécile ! Et ne revenez jamais ici ! |
Méléagant |
(Arrivant.) C'est étonnant... plus je vous observe, plus je me dis que... en fin de compte vous valez pas un clou. |
Lancelot |
C'est mon cousin ! Vous le saviez ? Ah vous le saviez, c'est ça ? C'est encore un de vos coups tordus ? |
Méléagant |
Non, je le savais pas... et même si je l'avais su, ça aurait rien changé... |
Lancelot |
Bah je tue pas mon cousin ! |
Méléagant |
Pourquoi pas ? Sa vie est-elle moins inepte que celle des autres ? |
Lancelot |
Non, mais je tue pas mon cousin. |
Méléagant |
C'est regrettable. |
Lancelot |
C'est regrettable peut-être, mais c'est comme ça ! J'ai encore quelques restes de mes premières valeurs ! |
Méléagant |
Vous aurez à cœur de vous en débarrasser dans les plus brefs délais. |
Forêt, jour. Venec et ses hommes barrent la route à la carriole de Loth. Loth et Dagonet en sont sortis, et leur font face. |
Dagonet |
Vous nous avez attaqués à l'aller, euh... vous allez pas nous attaquer au retour, si ? |
Venec |
Qui me dit qu'entre la dernière fois et maintenant, vous trimballez pas des nouvelles richesses ? |
Loth |
Je vous rappelle que nous ne sommes pas des marchands de bétail qui revenons du marché. Y a aucune raison qu'on soit plus riches au retour qu'à l'aller. |
Venec |
On aurait pu vous faire un cadeau diplomatique... par exemple, euh... un bibelot ! En ce moment je suis très bibelots. |
Dagonet |
Bah, déjà, on peut pas dire qu'on croule sous les cadeaux diplomatiques... |
Galessin |
On n'est pas vraiment en odeur de sainteté. |
Loth |
On vous aurait bien ramené Excalibur, mais... |
Arthur |
(Encapuchonné, le visage baissé, derrière les hommes de Venec.) Mais vous avez foiré, c'est ça ? |
(Les hommes de Venec s'écartent.) |
Arthur |
(Relevant la tête.) Non parce que comme je vais justement la récupérer, je préfère être sûr, Seigneur Loth. Vous me confirmez que vous vous êtes rétamé en beauté devant tout le monde ? Que vous avez tiré là-dessus à vous en faire péter les veines sans aucun résultat ? Et que vous êtes reparti, la queue entre les pattes... |
Loth |
(Faisant signe à Arthur d'abréger ce récit peu agréable.) Je confirme. |
Arthur |
(Reprenant sa route.) Bon. Bon bon bon. (Frôlant Dagonet.) Pardon. |
Loth |
Euh, il... il va sans dire que je vous souhaite tout le succès possible ! |
Forêt, jour. Arthur marche dans la neige, poursuivi par Venec. |
Venec |
Non mais Sire, attendez-moi ! Ça devient débile, là ! |
Arthur |
Non ! J'attends rien du tout. |
Venec |
Il faut qu'on parle ! Deux secondes, quoi ! |
Arthur |
J'ai absolument pas envie de parler, encore moins avec vous. |
Venec |
(Soupire.) Moi je dis... que vous devriez repousser. |
Arthur |
Repousser quoi ? |
Venec |
MexcaliburPas dans le script officiel, mais on entend clairement Venec se tromper.. Vous devriez la laisser plantée, dans le rocher, encore... une semaine ou deux. |
Arthur |
Vous êtes quand même marrant, hein. Quand je suis allé la replanter, vous disiez : « Oui, c'est pas une bonne idée. » Et maintenant, la récupérer c'est pas une bonne idée non plus. |
Venec |
Sire, je vais pas vous jouer de la viole à roue« Vielle à roue » dans le script officiel, ce qui est davantage correct, la viole étant plus tardive et dénuée de roue.... dans le grand banditisme... |
Arthur |
(Remarquant quelque chose.) Chut chut... |
Venec |
(Plus doucement.) ...l'élément capital, c'est la fréquentation ! |
Arthur |
Oui, et alors ? |
Venec |
Et alors ? Et alors depuis que vous avez replanté l'épée, tous les chemins sont pleins de bourgeois qui viennent des quatre coins du pays pour essayer de la retirer ! Du coup... mon bénéfice a quadruplé. |
Arthur |
Ouais. Seulement premièrement je vous rappelle que je suis pas votre associé... et deuxièmement j'ai dit que je la laissais plantée une semaine, ça fait une semaine, et voilà. (Agacé.) Bon, non mais arrêtez de me suivre, ça me gonfle, arrêtez de me suivre. (Poursuit sa route, seul.) |
Venec |
Je suis pas son associé, je suis pas son associé... si je lui donnais trente pour-cents, il serait peut-être moins catégorique, si ? |
Chambre d'Yvain, jour. Guenièvre et Séli discutent, Yvain tente de dormir. |
Séli |
Bon bah voilà. Vous devez être soulagée ! |
Guenièvre |
Oui et non... |
Séli |
Quoi « oui et non » ? Ah commencez pas hein, personne n'a réussi à retirer l'épée, c'est pas le principal ? |
Yvain |
Euh, je vous signale que j'essaie de me reposer physiquement. |
Guenièvre |
Du coup, mon époux va récupérer son épée, notre petit train-train va recommencer... |
Séli |
Oh, votre petit train-train de reine de Bretagne... quand je pense à toutes les pécores qui se couperaient les mains pour avoir le tiers de vos soucis, ma pauvre... |
Yvain |
Je suis fatigué, j'ai beaucoup marché, j'estime que vous devez respecter mon espace personnel ainsi que l'intimité due à tout un chacun. |
Séli |
Maintenant si vous préférez retourner dans votre cabane de trappeur avec l'autre dégénéré de Lancelot, libre à vous ! En espérant qu'il soit pas crevé, bien sûr... |
Guenièvre |
Lancelot, au moins, il m'aimait ! |
Séli |
Oui non mais nous aussi on vous aime, à partir du moment où vous gardez vos miches sur le trône, et où vous foutez pas le camp à chaque fois qu'un blondinet vous fait de l'œil ! |
Yvain |
Mais euh... je pense à un truc, là... en tant que chevalier, normalement, j'ai pas la possibilité de vous faire arrêter ? |
Caverne de Lancelot, jour. Lancelot est assis près d'un feu. |
Méléagant |
(Hors-champ, du sentier.) Hé ! Vous êtes là ? (Arrivant à l'entrée de la caverne.) Mais bien sûr, qu'il est là... avec une bonne petite mine bien reposée, ce matin... |
Lancelot |
Si vous êtes venu jusque-là pour vous payer ma tête... |
Méléagant |
Mais non... mais non, bien au contraire, je vous ai apporté de quoi vous distraire. |
Lancelot |
Tiens donc. |
Méléagant |
Oui, en ce moment, je rôde... je traîne avec des amis... |
Lancelot |
Des amis ? |
Méléagant |
Mmh. J'adore les voyageurs, les itinérants. Oui en ce moment je suis toujours fourré dans les marchés, j'adore les marchés, pas vous ? |
Lancelot |
Je... je sais pas, j'y suis pas souvent allé... |
Méléagant |
Mmh... les marchands de bottes, les marchands de coffres, les forgerons... vous avez déjà assisté à une représentation des pupi ? |
Lancelot |
Oui, une fois ou deux... |
Méléagant |
Regardez. (Montre une marionnette à l'effigie d'Arthur.) Ouais ! J'ai réussi à convaincre un marionnettiste de me céder le principal personnage de son spectacle. |
Lancelot |
C'est la marionnette d'Arthur ! |
Méléagant |
Précisément, c'est la marionnette d'Arthur. Mais je me suis permis de la... trafiquer un peu. |
Lancelot |
La trafiquer ? |
Méléagant |
Oui, par un procédé dont je vous passe les détails, il se trouve que tout ce qui arrive à cette marionnette est instantanément reporté sur le véritable Arthur. (Criant.) Vous voulez essayer ? (Jette la marionnette sur Lancelot.) |
Lancelot |
Mais non, essayer quoi ? |
Méléagant |
(Saisissant le couteau de Lancelot.) Votre couteau, par exemple ! Le couteau de votre père ! La dernière chose que la destinée prodigieuse et injuste de votre rival ne vous ait ôté ! Allez frappez ! |
Lancelot |
Il n'en est pas question ! |
Méléagant |
Frappez, frappez l'usurpateur ! |
Lancelot |
Mais non ! |
Méléagant |
Frappez, et vous aurez tout ! |
Lancelot |
Non ! |
Méléagant |
Frappez, et prenez Guenièvre ! Prenez le trône ! Reprenez tout ce qui vous appartient ! |
Lancelot |
Non ! (Jette la marionnette d'Arthur dans le feu.) |
(Les flammes consument la marionnette d'Arthur.) |
Lancelot |
Arthur est mort ? |
Méléagant |
Non. La marionnette n'était pas enchantée, j'ai menti. |
Lancelot |
Pourquoi ? |
Méléagant |
Je voulais vérifier ce que je savais déjà. (Ôte sa capuche.) Vous êtes prêt. |
Rocher d'Excalibur, jour. Arthur s'approche d'Excalibur. |
Arthur |
(S'apprête à saisir Excalibur, puis se ravise.) |
La Dame du Lac |
(Arrivant.) Bah... vous êtes déjà là ? Mais vous êtes arrivé par où, ça fait deux heures que je vous guette, je vous ai pas vu passer ! Bon. Vous allez voir. Quand vous aurez récupéré l'épée, ça ira mieux. Tout va rentrer dans l'ordre. Quand vous aurez Excalibur à la ceinture, tout le monde sera obligé de se souvenir que vous êtes roi par la volonté des dieux. Et ça le rappellera aux dieux eux-mêmes, d'ailleurs. Alors ensuite, il faudra sûrement... |
Arthur |
J'y arrive pas. |
La Dame du Lac |
De quoi ? |
Arthur |
Retirer Excalibur du rocher, j'y arrive pas. Je force, je force, je force... rien. Ça fait une heure et demie que j'y suis. |
La Dame du Lac |
Mais qu'est-ce que vous me chantez, là ? |
Arthur |
Ça fait pas comme d'habitude ! Je... ça vient pas, c'est... c'est coincé dedans. Je... je suis désolé, je peux rien faire. |
La Dame du Lac |
Non mais réessayez, si ça se trouve, vous tirez pas droit ! |
Arthur |
Mais je tire droit ! Je... simplement ça vient pas, c'est tout ! Je sais ce que je dis, quand même... |
La Dame du Lac |
C'est impossible. C'est impossible, cette épée ne répond qu'à vous seul ! |
Arthur |
Hé ben... elle me répond plus. Il faut se rendre à l'évidence. |
La Dame du Lac |
(Paniquant.) Les, les, les... les dieux peuvent pas vous priver de votre arme ! Enfin... pas maintenant ! Mais Lancelot est vivant ! Et... il est accompagné par un être... épouvantable ! Non mais... la situation est catastrophique ! Il faut absolument que vous récupériez Excalibur ! |
Arthur |
Je suis désolé, mais... les dieux ont pas l'air de votre avis. Je crois qu'ils en ont marre de ma tronche. (Part.) |
Lande, jour. Arthur est assis près d'un ruisseau et mange une collation, Bohort et Léodagan se tiennent devant lui. |
Bohort |
Mais... vous ne vous êtes pas concentré, voilà tout ! |
Arthur |
Mais... j'ai jamais eu besoin de me concentrer pour retirer l'épée ! Là, ça marche pas, c'est tout ! |
Léodagan |
Bah il s'est bien passé quelque chose ! Hein ? Le froid ! Moi comme je dis toujours, hein, plus la mécanique est fine, euh... |
Arthur |
C'est raté, c'est raté ! Voilà ! Les dieux ne me désignent plus comme roi de Bretagne ! |
Bohort |
Ah non, mais tout, hein ! J'aurai tout entendu ! |
Léodagan |
Bon allez venez, on y retourne ! Non, je suis sûr que si vous vous y mettez un bon coup... alors sans faire autre chose en même temps, avec du boucan autour et en pensant à ce que vous allez bouffer le soir, évidemment... hé ben ça marche ! |
Bohort |
Allez Sire, debout ! |
Arthur |
C'est plus moi... le roi. C'est tout, point. |
Léodagan |
Oh... non mais vraiment, hein ! (Se cogne le crâne avec son poing.) |
Bohort |
Sire, soit vous vous levez de vous-même, soit c'est moi qui vous lève... |
(Noir.) |
Bohort |
...et ça sera pas rigolo ! |
(Stab final.) |
(Fermeture.) |