Palais de Loth, jour. Loth, Galessin et Dagonet discutent. |
Dagonet |
Je vois même pas pourquoi je viens à vos réunions, moi. J'ai pas trahi Arthur ! Lancelot s'est installé sur mes terres sans le savoir, j'y suis pour rien, moi... |
Loth |
Non, croyez-moi, vous êtes mouillé. À deux cent pour-cents. |
Dagonet |
Je suis désolé, y a aucune raison. |
Loth |
Si. Parce que dans la première lettre que j'ai envoyée à Arthur, celle où je lui parle de renverser son gouvernement pourri, je vous cite tout le long. Et... je commence même par dire que c'est vous qui avez eu l'idée. |
Dagonet |
(Estomaqué.) Oh lui, hé ! |
Loth |
M'en voulez pas... je suis désolé, j'avais pas envie de tout endosser ! |
Dagonet |
(Encaisse le coup.) |
(Ouverture.) |
Palais de Loth, jour. Loth, Galessin et Dagonet discutent. |
Loth |
En tout cas ça tombe très bien que Lancelot soit pas encore rentré à son camp. Déjà parce que Guenièvre n'y est plus, et qu'il va pas s'en remettre... |
Dagonet |
Guenièvre y est plus ? |
Galessin |
Arthur a fait un raid pour la récupérer... d'ailleurs, nos hommes ont ramassé une sacrée déculottée... |
Loth |
Bon écoutez. Moi, ce que je vous propose c'est pas compliqué. D'un côté, Lancelot est en train de devenir fou. De l'autre côté, Arthur est plutôt en train de reprendre du poil de la bête. Faut pas se le cacher, notre beau coup d'État est à l'eau, il faut récupérer nos billes auprès d'Arthur au plus vite. |
Dagonet |
(Rit tristement.) Vous croyez qu'Arthur nous pardonnera le coup d'État comme ça... |
Loth |
La tentative de coup d'État, c'est quand même pas la même chose ! |
Galessin |
Dagonet et moi, on n'est pas près de refoutre les pieds à la Table ronde... |
Loth |
Ah, la Table ronde, euh... peut-être pas, mais vous pouvez éviter d'être écartelés, c'est toujours ça de pris... bon, alors vous allez récupérer tous nos hommes au camp de Lancelot, c'est compris ? Hein et toutes les bannières, toutes les armes marquées, tous les écus, je veux plus une trace orcanienne là-bas, vu ? |
Dagonet |
Attendez euh... Lancelot il va rentrer, y aura plus rien ni personne. C'est un peu raide, non ? |
Loth |
On a misé sur le mauvais coq, Seigneur Dagonet... maintenant il faut se protéger ! « Victoriae mundis, et mundis lacrima. » Non ça veut absolument rien dire, mais... je trouve que c'est assez dans le ton... |
Grand salon, jour. Arthur et Nathair discutent. |
Nathair |
C'est simple, le temps de compter jusqu'à dix, le camp était vide. Plus un soldat, le désert. |
Arthur |
Et Lancelot, vous l'avez vu ? |
Nathair |
Non. Après sa mission dans le labyrinthe, il est pas rentré au camp. |
Arthur |
Ouais. Mais alors ce que vous êtes en train de me dire, c'est que... il sait pas encore que Guenièvre y est plus. |
Nathair |
Non. |
Arthur |
D'accord, et comment ça se fait qu'il est pas rentré, il est où ? |
Nathair |
Le truc avec Lancelot, c'est que tout le monde commence un peu à se demander s'il est pas en train de devenir euh... (Agite sa main près de sa tempe.) |
Arthur |
Ah oui. Fou. |
Nathair |
Il a commencé par se mettre dans la tête que y avait un type qui l'espionnait. |
Arthur |
Oui, enfin en un sens, comme c'est pour ça que je vous paie, il a pas totalement tort, sur ce coup-là. |
Nathair |
Non mais pas moi ! Il parle d'un, d'un... d'un type en noir, qui l'espionne de loin, dans la forêt... moi je suis pas en noir quand j'espionne, je mets une petite chemisette en tissé couleur vert amande... |
Arthur |
Non d'accord d'accord d'accord... ça je m'en fous... donc d'après vous, il est parti à la chasse... du mec en noir. |
Nathair |
Mais y pas de mec en noir ! Y a personne ! Des fois Lancelot, il sort de sa cabane comme un dératé, et il court dans la forêt sous prétexte qu'il a vu le type... et puis finalement, il le perd de vue, et il lui met jamais la main dessus... mais moi je crois que tout ça, (tapote sa tempe) c'est là-dedans que ça se passe. |
Arthur |
Non, mais... c'est pas impossible qu'il soit en train de tourner la carte« tourner la carte » (loc.) Devenir fou En savoir plus... |
Nathair |
Et puis quand il va rentrer et qu'il va trouver le camp vide, euh... et Guenièvre partie... ça risque de rien arranger de ce côté-là... |
Arthur |
C'est pas faux. |
Terre sacrée, jour. Merlin et le père Blaise sont debout dans le lac, de l'eau jusqu'à la taille. Léodagan et Bohort les observent depuis la rive. Une foule de nobles commence à se constituer autour d'eux pour assister à la scène. |
Merlin |
(Observant le ciel.) Il va faire beau, c'est déjà ça de pris ! |
Le père Blaise |
Mais aidez-moi à tâter le fond au lieu de faire des commentaires à la con ! |
Merlin |
Ben quoi, les druides c'est sensible à la nature ! |
Léodagan |
Hé hé, vous allez pas commencer à nous casser les sabots« casser les sabots » (loc.) Importuner, agacer, exaspérer quelqu’un En savoir plus hein... |
Bohort |
Pas un jour comme aujourd'hui... c'est la fête ! |
Léodagan |
Voilà, alors si vous voulez pas que ce soit la vôtre... |
Palais de Loth, jour. Loth, Galessin et Dagonet discutent. |
Dagonet |
(Sombre.) Vous croyez qu'on sera condamnés à mort ? |
Loth |
Ce serait logique, c'est sûr... en même temps, avec Arthur et ses idées modernes... on passe assez pour des cons dans le monde à cause de ça, pour une fois que ça pourrait pencher en notre faveur... |
Dagonet |
Qu'est-ce que vous croyez qu'on puisse faire d'autre, pour aider ? |
Loth |
On va faire une jolie lettre. On s'excuse... on dit qu'on a perdu le sens commun... on baisse nos frocs« baisser son froc » (loc.) Se soumettre, capituler En savoir plus, quoi. |
Dagonet |
Heureusement qu'on n'a aucune dignité... parce qu'on serait bien dans la merde. |
Terre sacrée, jour. Merlin et le père Blaise sont debout dans le lac, de l'eau jusqu'à la taille. Perceval se tient entre eux, le visage masqué d'un drap blanc. Arthur, Guenièvre, Bohort, Léodagan, Séli, Karadoc, Mevanwi, les enfants de ces derniers et une quinzaine de nobles assistent à la scène depuis la rive, en tenue d'apparat. |
Le père Blaise |
Nous voici réunis... |
Merlin |
Ah mais c'est vous qui commencez, finalement ? |
Léodagan |
Chut ! |
Séli |
Oh là là... mais c'est pas vrai ! |
Bohort |
Essayez d'observer un minimum de solennité, s'il vous plaît ! Un baptême ! |
Le père Blaise |
Nous voici réunis sur les berges du lac sacré. Louons le saint Graal, Excalibur, et feu Uther Pendragon. (À Merlin.) À vous. |
Merlin |
Ah mais moi j'ai plus rien, je devais dire « lac sacré » c'est vous qui venez de le dire... |
Bohort |
Enchaînez, nom d'un chien ! |
Merlin |
Mais il dit des trucs c'est pas ce qu'on avait dit ! |
Léodagan |
Je vais venir vous coller une trempetrempe (n.f.) Coup, baffe En savoir plus, c'est pas ce qu'on avait dit non plus mais ça va soulager tout le monde. |
Séli |
(Criant.) Allez, magnez-vous ! |
Terre sacrée, jour. Merlin et le père Blaise sont debout dans le lac, de l'eau jusqu'à la taille. Perceval se tient entre eux, le visage masqué d'un drap blanc. Arthur, Guenièvre, Bohort, Léodagan, Séli, Karadoc, Mevanwi, les enfants de ces derniers et une quinzaine de nobles assistent à la scène depuis la rive, en tenue d'apparat. |
(Merlin et le père Blaise, qui avaient plongé Perceval dans l'eau, l'en ressortent.) |
(La foule applaudit.) |