Grande porte du château, jour. Léodagan et Séli attendent. |
Séli |
(Exaspérée.) Ils se sont pas levés. |
Léodagan |
Oh... bah quand même ! Ça va être midi... exagérez pas ! |
Séli |
Ils se sont pas levés ! Hier, je me suis égosillée toute la sainte journée « Demain, départ à l'aube », ils m'ont fait « Oui oui oui oui oui ! », résultat ils sont pas là à midi parce que... ils se sont pas levés ! |
Léodagan |
Mais c'est leur vraie première mission militaire... soyez souple, un peu ! |
Séli |
Ah, voilà ! Faut être souple ! Admirez-nous un peu, après trente ans de souplesse, trente ans d'éducation laxiste ! Entre la fille princesse qui abandonne le trône pour mettre les bouts dans la forêt avec un jean-foutre, et le fils chevalier qui sait pas tenir sa cuillère et qui est pas foutu de se lever avant midi, vous verrez qu'à force d'être souples, on va finir par passer définitivement pour des romanos ! Et ils se sont pas levés ! |
Léodagan |
Bah peut-être. |
Séli |
Ah oui. |
(Ouverture.) |
Grande porte du château, jour. Léodagan et Séli attendent. |
Léodagan |
Moi je dis qu'ils sont levés. |
Séli |
(Sarcastique.) Oui oui... |
Léodagan |
Ils doivent être quelque part en train de fignoler leurs bagages, et voilà... le tout c'est de les trouver ! |
Séli |
Hé ben pendant que vous les cherchez de votre côté, moi je vais me permettre d'envoyer un peloton de gardes dans leur chambre avec pour mission de les convoyer jusqu'ici à coups de pompe dans l'oignonoignon (n.m.) Derrière, postérieur, cul, spécifiquement l'anus En savoir plus ! Pas d'objection ? |
Léodagan |
Pour ce que ça changerait... |
Séli |
Rien, je vous le concède. |
Léodagan |
Je vous rappelle que sur deux trouducs, y en a quand même qu'un seul qui est à nous. Non parce que moi je veux bien être gentil, mais je compte pas forcément adopter les débiles des autres sous prétexte qu'ils s'entendent bien avec le mien ! |
Séli |
Mmh... allez-y, philosophez ! Accordez-vous des moments de réflexion ! Et quand vous serez fatigué, vous consentirez peut-être à vous bouger le tronc pour faire quelque chose... |
Léodagan |
Mais qu'est-ce que vous voulez que je fasse ? Le planton derrière eux toute la journée pour vérifier qu'ils s'endorment pas ? |
Séli |
Hé bah peut-être ! Je vois pas où est la disgrâce ! Je le fais bien pour vous, moi ! |
Léodagan |
Vous me fatiguez, tiens ! |
Séli |
Bon, allez. Vous m'excuserez, j'ai deux glandouillos à localiser. (Part.) |
Grande porte du château, jour. Léodagan et Séli se tiennent devant Yvain et Gauvain, en chemise de nuit, mal réveillés, leurs affaires en vrac dans un petit chariot. |
Séli |
Hop là ! Regardez donc la bonne pioche ! Admirez un peu le joli doublé de perdreaux ! |
Yvain |
On n'est même pas présentables... |
Gauvain |
Cette brutalité me semble parfaitement déplacée ! |
Léodagan |
Votre poste est à six heures de marche, même en partant dans trente secondes, et c'est mal barré, vous êtes déjà marrons pour arriver avant la nuit ! |
Séli |
À moins d'un petit coup de pouce ! On peut les catapulter directement sur site ! |
Gauvain |
Nous nous sommes levés tard, car nous nous sommes mis au lit de même. |
Yvain |
On a travaillé toute la nuit. |
Léodagan |
Travaillé à quoi ? |
Séli |
(Criant.) À la meilleure façon de nous faire passer pour des bohémiens ? |
Gauvain |
Au choix d'un itinéraire le plus adapté à notre style de déplacement. |
Yvain |
Ouais parce que les routes normales, quand on est à cheval euh... bon c'est peut-être bien, mais alors à pied... |
Gauvain |
Donc nous avons mis au point un tracé nous évitant les zones où il y a risque de s'empêtrer dans les ronces... (à Yvain) pourquoi ? |
Yvain |
Parce que ça pique... |
Gauvain |
Parce que ça pique. |
Séli |
Oui parce que voyager à cheval, c'est même pas une option ? |
Gauvain |
Votre fils et moi-même éprouvons la même aversion envers la race équidée. |
Yvain |
Euh non moi c'est les chevaux que j'aime pas... |
Gauvain |
Et puis voyager à pied participe à notre renommée ! Nous nourrissons même l'espoir qu'un surnom en rapport avec cette particularité nous sera un jour octroyé. |
Séli |
Oui méfiez-vous ! Ça vient vite les surnoms, vous savez... |
Léodagan |
Ouais en ce qui vous concerne y en a un bon paquet qui me viennent à l'esprit... |
Yvain |
Non mais moi c'est bon, c'est « Chevalier au Lion ». |
Gauvain |
Ah, alors de mon côté j'avais pensé que vous auriez pu abandonner le vôtre au profit d'un autre qui nous siérait davantage. |
Yvain |
Ah ouais mais c'est quoi ? |
Léodagan |
Ah oui c'est quoi ? Non, qu'on sache, hein ! Pour que quand les gens nous parleront de vous... |
Séli |
Oui, quand les bardes viendront nous chanter vos exploits... |
Gauvain |
Nous sommes jeunes, premier point. Nous marchons à pied. J'opterais donc pour un surnom en rapport : « les petits pédestres ». |
(Fermeture.) |
Grande porte du château, jour. Léodagan et Séli se tiennent devant Yvain et Gauvain, en chemise de nuit, mal réveillés, leurs affaires en vrac dans un petit chariot. |
Léodagan |
« Les petits pédestres » ? |
Séli |
(À Yvain.) Si un seul fait d'armes vous concernant me revient sous ce nom-là, considérez que vous êtes déshérité. |
Léodagan |
Ah non, pas possible. |
Séli |
Pas possible ? Et on peut savoir pourquoi ? |
Léodagan |
Parce que c'est déjà fait depuis longtemps. |
Séli |
Ah. |
Yvain |
(À Gauvain.) Je pense à une chose... on pourrait pas plutôt dire... |
(Noir.) |
Yvain |
...« les petits pédestres, dont un au lion » ? |
(Stab final.) |