Salle de la Table ronde, jour. Arthur, Perceval, Léodagan, Galessin, Bohort, Gauvain, Calogrenant et Hervé de Rinel sont à la Table ronde. Le père Blaise se tient à son pupitre. |
Le père Blaise |
Bon, hé ben je crois qu'on a fait le tour, il faut juste qu'on décide ce qu'on fait pour l'anniversaire de la mort d'Alexandre. |
Léodagan |
Oh, encore ces conneries... |
Perceval |
Sans blague, on pourrait pas fêter la mort des mecs que je connais, pour une fois ? |
Le père Blaise |
Comment ça ? |
Perceval |
C'est toujours la mort de vos potes à vous qu'on fête ! Moi dans quatre jours, c'est l'anniversaire de la mort d'un oncle à moi. Sans faire exprès il s'est tiré dessus avec un arc. |
(Ouverture.) |
Salle de la Table ronde, jour. Arthur, Perceval, Léodagan, Galessin, Bohort, Gauvain, Calogrenant et Hervé de Rinel sont à la Table ronde. Le père Blaise se tient à son pupitre. |
Perceval |
Quoi, les grandes figures, mais c'est qui le mec là ? |
Gauvain |
Alexandre le Grand, ne connaissez-vous point ce roi légendaire ? |
Perceval |
C'est ce que je vous dis, je le connais pas ! Moi je dis qu'on devrait fêter la mort des mecs qu'on connaît tous ! |
Le père Blaise |
Mais personne le connaît, il est mort y a des siècles... |
Perceval |
Des siècles ! Qu'est-ce qu'on s'en fout, alors ? |
Léodagan |
Aussi curieux que ça puisse paraître, je suis assez d'accord. |
Arthur |
Non mais attendez, je vous demande pas votre avis, c'est une tradition. On fête la mort d'Alexandre, et puis c'est tout ! |
Calogrenant |
Le truc, c'est que ça fait le quatrième banquet en une semaine... je commence un peu à saturer, moi ! |
Galessin |
C'est vrai qu'on n'arrête pas de bouffer... |
Le père Blaise |
On n'est pas obligés de faire un banquet, hein ! |
Arthur |
Non mais moi je veux bien, mais on fait quoi alors ? |
Bohort |
Sire, permettez-moi de vous soumettre une idée. |
Arthur |
Allez-y, oui... |
Bohort |
(Comptant les pieds sur ses doigts.) Alexandre Trois, de Macédoine le Grand... ça fait douze pieds. Je vous propose de ne nous exprimer qu'en vers de douze pieds chacun, au jour de l'anniversaire de la mort d'Alexandre, du lever au coucher du soleil. Deux hémistiches égales, rimes croisées. |
Gauvain |
Quoi, mais mon oncle, c'est d'une incroyable difficulté ! |
Perceval |
Quoi, ça va ! Vous savez pas compter jusqu'à douze ? |
Léodagan |
Vous croyez pas qu'on a autre chose à foutre, non ? |
Arthur |
Non mais OK, d'accord allez, on fait ça. Père Blaise, vous envoyez des crieurs dans tous les villages, que tout le monde se mette au même régime. |
Le père Blaise |
Oui et qu'est-ce que vous voulez qu'ils crient, comme message ? |
Arthur |
Comme message, hé ben euh... « Le roi a décidé, pour le jour d'aujourd'hui, qu'en vers de douze pieds vous devrez vous comprendre, depuis l'aube levée et ce jusqu'à la nuit, ainsi célébrerez le trépas d'Alexandre. » (Vérifiant.) C'est ça, c'est... attendez... « ...célébrerez... le trépas... d'Alexandre », si, c'est ça. |
Le père Blaise |
« ...qu'en vers de douze pieds... » |
Arthur |
Si, c'est ça ! |
Le père Blaise |
Oui ! Oui oui, tout à fait. |
Chambre d'Arthur, matin. Arthur et Guenièvre sont au lit, Arthur se réveille. |
Guenièvre |
Vous avez bien dormi ? |
Arthur |
Oh, ma foi, pas trop mal... même si par trois fois il me fallut lever, et me rendre aux cuisines par l'escalier glacial, boire trois coupes d'eau, tant j'étais desséché. |
Guenièvre |
C'est donc ça c'est bien sûr, l'incroyable bazarbazar (n.m.) Désordre, agitation, bruit En savoir plus dont j'ai vague mémoire en mon sommeil troublé... À minuit vous pourriez accorder quelque égard, parler peu, marcher bas, sur la pointe des pieds ! |
Arthur |
Auriez-vous par hasard le projet incroyable de venir me gonfler de bon matin déjà ? À défaut d'être fraîche, vous pourriez être aimable ! Cela n'est pas si cher. |
Guenièvre |
Le sujet n'est pas là ! Il me semble à propos de vous faire remarquer que vous n'êtes pas tout seul dans ce lit à dormir. |
Arthur |
Je l'ai noté, merci. J'en soupe bien assez. Quant à dormir tout seul, ce pourrait se produire. |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, Léodagan à côté de lui. Devant eux se tiennent Ygerne et Guethenoc. |
Arthur |
J'en ai assez, assez de ces vaines paroles, vos routes, vos champs, jamais rien ne convient ! |
Léodagan |
Arrêtez de chougnerchougner (v.) Se plaindre, geindre, pleurnicher En savoir plus, il faut bien qu'on s'y colle« s'y coller » (loc.) Se charger d’exécuter une tâche parfois pénible En savoir plus. |
Arthur |
Mais à quoi bon s'il vous plaît, puisqu'on n'y changera rien ! |
Ygerne |
Auriez-vous du mépris à l'égard de la chose ? Les problèmes du peuple ne sont-ils plus les vôtres ? |
Guethenoc |
Attention, Sire Arthur, aujourd'hui j'ai ma dose, si vous voulez que ça file, occupez-vous de nous autres ! |
Arthur |
Qu'ai-je à faire de tout ça, vos histoires de poiriers ! |
Léodagan |
De pommiers, il me semble... |
Arthur |
Hé bien qu'est-ce que ça change ? |
Ygerne |
Mais jusqu'à Tintagel il me vient les planter ! À des jours de chez lui, c'est tout de même étrange ! |
Guethenoc |
Ne croyez pas Madame que plaisir ça me fasse, j'ai autre chose à faire que de courir les routes ! |
Ygerne |
Alors quoi ? |
Guethenoc |
Par ici, il n'y a plus de place, je dois migrer chez vous même si ça me coûte. |
Arthur |
Des pommes, toujours des pommes ! C'est à se demander... |
Léodagan |
Il en tombe quinze à terre chaque fois que quelqu'un tousse. |
Ygerne |
Quel est ce culte étrange qu'aux pommiers vous vouez ? |
Guethenoc |
Mais est-ce ma faute à moi s'il n'y a que ça qui pousse ? |
(Fermeture.) |
Taverne, jour. Perceval et Karadoc sont à la taverne. |
Karadoc |
Oh, tavernier, au feu ! |
Perceval |
On est courts en rouquin ! |
Le tavernier |
Qu'est-ce qu'il leur ferait plaisir ? |
Karadoc |
La même chose plus du lard, du jambon, du pâté, du fromage et du pain. |
Perceval |
Mettez deux-trois saucisses... |
Le tavernier |
Vous mangez au comptoir ? |
Karadoc |
Non, servez-nous à table, on en a plein les pieds. |
Perceval |
Faites donc péter du cidre, un tonneau et deux bols. |
Le tavernier |
Un, deux, trois, c'est parti, je vous amène le manger. |
Karadoc |
Allez c'est pas de refus ! |
(Noir.) |
Perceval |
Qu'on se détende les guibolles ! |
(Stab final.) |