Cuisines, nuit. Guenièvre mange une collation, Mevanwi entre. |
Guenièvre |
Ah tiens c'est vous, Dame Mevanwi ! Une petite faim ? |
Mevanwi |
Euh oui ! |
Guenièvre |
Je croyais que votre mari avait un garde-manger aussi garni que celui des cuisines... |
Mevanwi |
Euh... oui, mais... y a pas de fruits dans le sien ! |
Guenièvre |
Ah bah venez, venez ! |
Mevanwi |
Oh ça me gêne, je... je voudrais pas vous déranger ! |
Guenièvre |
Mais pensez donc, ça me fait plaisir ! À moins que ça soit moi qui vous dérange, hein ! (Complice.) Vous venez peut-être rencontrer un amant en cachette... |
Arthur |
(Entre.) |
Guenièvre |
Oh ! Hé ben tout le monde a faim, cette nuit, hein ! |
(Ouverture.) |
Cuisines, nuit. Arthur et Mevanwi sont seuls. |
Mevanwi |
(S'approche d'Arthur pour l'embrasser.) Non je peux pas, je... je peux pas j'y arrive pas ! |
Arthur |
D'accord, OK. OK. |
Mevanwi |
(S'approche à nouveau d'Arthur et l'embrasse sur la joue.) Je... je vais pas y arriver ! Je vais pas y arriver, je vais pas y arriver là, je... |
Arthur |
OK, je comprends, je comprends. Je comprends, je comprends, y a aucun problème. |
Mevanwi |
D'accord, OK. (Sort, puis rentre quelques instants plus tard et se tient dans l'embrasure de la porte, souriante.) Ben non, je vais pas y arriver ! J'y arrive pas. Vous m'en voulez pas hein ? |
Arthur |
Non ! Impeccable. |
(Arthur et Mevanwi se font un petit signe de la main.) |
Mevanwi |
(S'en va.) |
Chambre de Karadoc, nuit. Karadoc et Mevanwi sont au lit. |
Karadoc |
Non, sans déconner... faites gaffe avec les fruits ! Dans le genre « ça bousillebousiller (v.) Démolir, détruire En savoir plus le bide » y a pas mieux ! |
Mevanwi |
(Ne réagit pas.) |
Karadoc |
Y a quelque chose qui va pas ? |
Mevanwi |
Oh vous inquiétez pas, je... je suis pas dans mon assiette. |
Karadoc |
C'est les fruits ça, vous allez me faire le plaisir d'arrêter ça ! J'ai pas envie de récupérer une dépressive, moi ! La joie de vivre ! La joie de vivre et le jambon ! Y a pas trente-six recettes du bonheur ! |
Mevanwi |
(Se lève.) |
Karadoc |
Mais où vous allez ? Si vous allez vous chercher une poire, vous faites une connerie hein ! |
Mevanwi |
Non, du saucisson ! |
Karadoc |
Mais... mais j'en ai là ! |
Mevanwi |
Oui mais je l'aime pas celui-là, je préfère celui qui est en bas ! (Sort de la chambre.) |
Karadoc |
(Pour lui-même.) Celui qui est suspendu au-dessus des marmites ? (Hurle.) Mais il est pas sec, celui-là ! |
Couloir du château, nuit. Mevanwi se tient devant Arthur, qui vient d'ouvrir la porte de sa chambre. |
Arthur |
(Murmurant.) C'est vous, mais vous êtes dingue ? |
Mevanwi |
Hé je suis désolée, fallait absolument que je vous parle ! |
Arthur |
Enfin vous vous rendez compte si ma femme avait pas le sommeil lourd ? |
Mevanwi |
Bah vous lui diriez que c'est moi... |
Arthur |
Et quand elle me demanderait à quel sujet ? |
Mevanwi |
Au sujet que je m'inquiète pour une de mes amies. |
Arthur |
Quelle amie ? |
Mevanwi |
Une amie que... vous connaissez pas ! |
Arthur |
Bon je vous écoute. |
Mevanwi |
C'est la femme d'un chevalier. |
Arthur |
Je les connais toutes. |
Mevanwi |
Sire, ne me coupez pas. |
Arthur |
Je suis désolé, vous me dites « C'est la femme d'un chevalier », moi je vous dis je les connais toutes. À part celle de... de Bohort. C'est pas celle de Bohort ? |
Mevanwi |
Bon bref, euh... cette amie est éprise d'un autre chevalier ! |
Arthur |
Mais c'est qui ? |
Mevanwi |
Sire, n'insistez pas je vous le dirai pas. |
Arthur |
Non mais c'est celle de Bohort ou pas ? |
Mevanwi |
(Soupire.) Bon, on est d'accord que si ça venait à se remarquer, le mari et l'amant devraient se livrer un combat à mort pour les départager, c'est exact ? |
Arthur |
C'est la loi. |
Mevanwi |
Vous êtes sûr ? |
Arthur |
Ah bah oui je suis sûr oui, non mais oui évidemment que je suis sûr, c'est une loi, une vieille loi un peu ringarde, c'était là avant que j'arrive. |
Mevanwi |
Ouais, donc les chevaliers ont le droit d'avoir un nombre incalculable de maîtresses, sauf... |
Arthur |
Sauf si c'est les femmes des autres chevaliers ! Ben oui sinon y a le combat à mort ! |
Mevanwi |
Et vous remarquez un paradoxe, les femmes que côtoient le plus souvent les chevaliers sont précisément les femmes des autres chevaliers ! |
Arthur |
Ben oui, précisément. |
Mevanwi |
Hé ben ça prête le flanc, non ? |
Arthur |
Oui enfin en même temps, qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse, moi ? |
Mevanwi |
Hé bah justement j'y arrive ! Si vous voulez le cœur de la femme d'un chevalier, et que vous ne voulez pas tuer le mari, il ne vous reste plus qu'a changer la loi. |
Arthur |
(Jette un coup d’œil vers l'intérieur de sa chambre.) Mais... on parle de nous là maintenant ou c'est toujours votre amie ? |
Mevanwi |
(Soupire.) |
(Fermeture.) |
Couloir du château, nuit. Mevanwi se tient devant Arthur, qui se tient dans l'embrasure de la porte de sa chambre. |
Mevanwi |
Rendez-vous compte, si vous abrogez cette loi, mon amie pourra enfin vivre son amour sans craindre... |
Arthur |
Attendez, j'y ai déjà pensé, je suis pas con... je peux pas... |
Mevanwi |
Pourquoi ? |
Arthur |
Parce que j'en ai déjà abrogé beaucoup, des lois. Sur la torture, sur la peine capitale, sur l'esclavage. Je peux pas tout changer d'un coup, ça marchera pas ! |
(Noir.) |
Mevanwi |
Vous pouvez pas en abroger encore une toute petite ? |
(Stab final.) |