Le Magnanime
❰ Livre III – épisode 3 ❱
Couloir du château, nuit. Lancelot se tient devant une porte. | |
Léodagan | (Arrive.) |
Lancelot | Bah vous êtes là ? Je croyais que vous étiez parti en Carmélide.. |
Léodagan | Non, non, j'ai pas bougé. |
Lancelot | Mais y avait écartèlement ce matin, on vous a pas vu. |
Léodagan | Non non mais je fais un break avec les écartèlements là, parce que... (Soupire.) |
Lancelot | Y a quelque chose qui va pas ? |
Léodagan | Non, non, j'en ai marre, c'est tout quoi... je fais plus que ça depuis trois mois, je sature... bon par exemple moi j'adore les fraises, bon ben si je bouffe trois bassines de fraises en une heure, ben je chope la chiassechiasse (n.f.) Diarrhée En savoir plus hein, non moi je suis comme tout le monde hein... |
(Ouverture.) |
Salle à manger, jour. Arthur et Léodagan mangent ensemble. | |
Arthur | Vous étiez pas censé donner la justice, vous, aujourd'hui ? |
Léodagan | Si. |
Arthur | Hé ben, qu'est-ce que vous foutez là ? |
Léodagan | C'est fini. |
Arthur | À une heure de l'après-midi c'est fini ? Ben je vois que vous avez encore fait dans de la dentelle ! |
Léodagan | J'ai fait ce qu'il y avait à faire, c'est tout. |
Arthur | Attention hein, si vous avez encore pendu tout le monde, je vais me foutre en rognerogne (n.f.) Colère, mauvaise humeur En savoir plus, moi ! |
Léodagan | J'ai pendu personne ! |
Arthur | Tiens donc ! Par quel prodige ? |
Léodagan | Le prodige que c'est vous qui me l'avez demandé, déjà... et puis c'est comme ça ! Aujourd'hui y avait pas matière. |
Arthur | Bah vous jugiez pas l'autre, là ? |
Léodagan | Quel autre ? |
Arthur | L'autre, que vous avez chopé en train de piquer des porcs sur le marché. |
Léodagan | Si. |
Arthur | Et vous l'avez pas pendu, celui-là ? |
Léodagan | Non. Deux semaines de cachot. |
Arthur | Ah bon ? Bah du coup c'est pas tellement ! |
Léodagan | Il les a rendus, les porcs. |
Arthur | Non mais ne me prenez pas pour un con, enfin ! D'habitude vous allumez quand même plus que ça ! |
Léodagan | Peut-être que j'en ai marre aussi, hein. |
Arthur | De ? |
Léodagan | Figurez-vous que les séances de justice, non content de me les farcir chez vous, je me les farcis aussi chez moi. Sauf qu'en Carmélide c'est mon père qui préside. J'aime mieux vous dire que c'est pas les mêmes tarifs. |
Arthur | Oh non mais ça je me doute. |
Léodagan | Pas plus tard que l'autre jour, douze condamnés en un après-midi. Ça vous dit quelque chose ? |
Arthur | (Atterré, frappe sa tempe avec son index.) Douze pendus ? |
Léodagan | Non. On leur crève les yeux depuis quelques années parce que... non, ça se dépeuplait trop. |
Arthur | Non mais c'est pas vrai ! |
Léodagan | Ah mais douze condamnés avec exécution immédiate de la peine. Alors à deux yeux de moyenne par type, non faites le calcul ! |
Arthur | Moi je croyais que c'était votre truc, ça ! |
Léodagan | Ah oui, non mais là... non, les yeux quand même c'est dégueudégueu (adj.) Dégueulasse, dégoûtant En savoir plus. |
Arthur | Encore une brillante idée de votre père. |
Léodagan | Bah ouais. Une main de fer dans un gant de fer. Alors du coup faut reconnaître, on n'a pratiquement plus de bandits hein ! (Après un instant.) Alors par contre, qu'est-ce qu'on a comme aveugles... |
Chambre d'Arthur, nuit. Arthur et Guenièvre sont au lit. | |
Arthur | Tiens je me demande si j'ai pas vu le cheval de votre père aux écuries. |
Guenièvre | Si, ça y est, il est rentré. |
Arthur | Il était où au juste ? |
Guenièvre | Chez ma tatie en Carmélide. Quand il va pas fort, il part une semaine là-bas, il fait que bouffer et dormir et quand il revient, on peut plus le tenir. |
Arthur | Comment on peut plus le tenir ? |
Guenièvre | Ben il est trop en forme. Il casse les pieds à tout le monde. De toute façon, maman et moi, quand il va bien, on peut pas le supporter. |
Salle à manger, jour. Arthur et Léodagan mangent ensemble. Arthur tient une serviette contre sa bouche. | |
Léodagan | Vous avez rien graillé ! |
Arthur | (Grimaçant.) Non, j'ai la gerbegerbe (n.f.) Envie de vomir En savoir plus. |
Léodagan | Ah ? |
Arthur | Je sais pas ce qui se passe aujourd'hui, y a une odeur sur tout le domaine... mais c'est immonde ! |
Léodagan | Une odeur ? Je sens rien, moi. |
Arthur | Vous étiez pas en séance de justice vous ce matin ? |
Léodagan | Si. |
Arthur | Hé ben ? |
Léodagan | C'est fini. |
Arthur | Ah ? Toujours pas de condamnés ? |
Léodagan | Si, tous ! Ceux-là, plus ceux de la dernière fois où j'étais pas dans mon assiette. J'ai fait un blot pour le lot. Hop ! Tous craméscramer (v.) Brûler En savoir plus ! (Réalisant soudain.) Ah ! Bah c'est ça l'odeur ! |
Arthur | Quelle odeur ? |
Léodagan | Mes bûchers ! |
Arthur | Quoi vos bûchers ? Vous en avez cramécramer (v.) Brûler En savoir plus combien ? |
Léodagan | Quarante-quatre. |
Arthur | (Criant.) Quarante-quatre ! Mais vous êtes cintrécintré (adj.) Fou, cinglé En savoir plus ? |
Léodagan | Quarante-trois exactement, parce que le voleur de l'autre fois, je l'ai coupé en dés et je l'ai donné à bouffer à des porcs. Oui, parce que c'est thématique avec la faute. (Gaillard.) Oh et puis merde hein ! Ça change un peu, quoi ! |
Arthur | Oh mais c'est pas vrai... |
Léodagan | Je suis désolé pour l'autre jour, hein. Non vous savez ce que c'est, on tire sur la corde, on tire sur la corde, et puis des fois bah ça lâche. À force d'être des hommes d'action, on oublie qu'on n'est pas en pierre. Mais vous inquiétez pas, là je pète le feu ! (Rieur.) Ah non non, bah non, c'est vrai que ça sent le graillon quand même, hein ! |
(Fermeture.) |
Taverne, jour. Perceval, Karadoc et le tavernier sont à la taverne. | |
Le tavernier | Je sais pas si y a une fête de village ou quoi... mais y a de l'agneau à la broche là. |
Karadoc | C'est pas de l'agneau. |
Perceval | Peut-être bien du canard. |
Karadoc | C'est pas du canard. |
Le tavernier | Ben c'est quoi alors ? |
Karadoc | Justement, c'est ça qui m'inquiète. |
(Noir.) | |
Karadoc | C'est une viande que je connais pas. |
(Stab final.) |