Le Maître D'Armes
❰ Livre I – épisode 9 ❱
Chambre d'Arthur, matin. Arthur et Guenièvre sont au lit, Arthur somnole. | |
Guenièvre | (Secoue Arthur.) Dites... c'est pas aujourd'hui, votre entraînement avec le maître d'armes ? |
Arthur | (À moitié endormi.) Je sais pas, je sais plus quel jour c'est. |
Le maître d’armes | (Au loin.) Ha ha, Sire ! Je vous attends ! À moins que vous préfériez qu'on dise partout que le roi est une petite pédalepédale (n.f.) Homosexuel En savoir plus qui pisse dans son frocfroc (n.m.) Pantalon En savoir plus à l'idée de se battre ? |
Arthur | (Après un temps.) Ouais, c'est aujourd'hui je crois. |
(Ouverture.) |
Cour du château, jour. Arthur et le maître d'armes s'entraînent au combat à l'épée dans la cour du château. | |
Arthur | (Déséquilibré par les assauts du maître d'armes.) Dieu, mais allez-y doucement non ? C'est de l'entraînement ! |
Le maître d’armes | Y a pas de « doucement » qui tienne ! Vous allez me faire le plaisir de vous remuer un peu les michesmiche (n.f.) Fesse En savoir plus, Sire. J'ai l'impression de me battre contre une vieille ! |
Arthur | Ouais, parce que là on a dit qu'on se battait pas, c'est juste deux trois passes comme ça histoire de se dégourdir ! |
Le maître d’armes | Parce que vous appelez ça des passes, vous ? Moi j'appelle ça des politesses ! Allez en garde, ma mignonne ! (Reprend ses assauts contre Arthur et finit par le faire tomber à terre.) |
Arthur | (Se relève, hors de lui.) Dieu mais... mais mon Dieu mais c'est pas possible, vous pourriez prévenir ! |
Le maître d’armes | Le jour où vous tombez sur un ennemi, ça m'étonnerait qu'il vous prévienne. |
Arthur | Alors déjà je suis pas votre ennemi, et vous avez failli me couper un bras ! |
Le maître d’armes | Si il faut ça pour vous réveiller, ça me fait pas peur ! |
Arthur | Ah non mais vous êtes quand même bien alluméallumé (adj.) Fou, cinglé En savoir plus. |
Le maître d’armes | (Se positionne pour reprendre le combat.) En garde, ma mignonne ! |
Arthur | (Soupire.) Non, c'est obligé, les prénoms féminins ? |
Le maître d’armes | (Hurle et attaque Arthur de plus belle.) |
Cour du château, jour. Arthur et le maître d'armes s'entraînent au combat à l'épée dans la cour du château. | |
Arthur | (Désarme le maître d'armes.) |
Le maître d’armes | Ha ha ! Sire. (Donne une bourrade amicale à Arthur.) C'est pas le tout d'avoir une épée magique, pas vrai ? Encore faut-il savoir s'en servir ! |
Arthur | Ne me prenez pas trop pour une bleusaillebleusaille (n.f.) Nouvelle recrue inexpérimentée En savoir plus quand même, un combat réel je me défends pas trop mal figurez-vous. |
Le maître d’armes | Alors dites-vous que c'est un combat réel, montrez-moi ce que vous avez dans le slibardslibard (n.m.) Slip, caleçon En savoir plus ! Petite pucelle ! |
Arthur | Non non. Moi j'arrête. (Jette son bouclier au sol.) |
Le maître d’armes | Et pourquoi ? |
Arthur | Parce que j'en ai ras le bol de vos conneries. |
Le maître d’armes | Sire, un personnage de votre qualité se doit d'être entraîné. |
Arthur | Je parle pas de ça, je parle de vos provocations à deux ronds« à deux ronds » / « à trois ronds » (loc.) Se dit d'une chose de très peu de valeur, au sens propre comme au figuré. En savoir plus, ça j'en ai marre ! |
Le maître d’armes | Mais c'est comme ça qu'il faut faire ! Pour stimuler la colère ! Sinon... on peut rien faire ! |
Arthur | Non mais à quoi ça rime de me traiter de pucelle, je vous le demande... |
Le maître d’armes | Sire. Aucun homme dans votre cour ne vous est plus dévoué que moi. J'ai donné mon arme et mon cœur au service de votre divine destinée. C'est justement l'amour profond que je vous porte qui m'empêcherait de lever la main sur vous. |
Arthur | Mais moi aussi, c'est exactement la même chose, je vous aime bien, j'ai pas envie de vous cogner sur la tronche ! |
Le maître d’armes | (Jette son épée par terre.) C'est pour ça qu'on s'insulte ! Pour oublier qu'on s'apprécie ! (Adopte une pose de combat à mains nues et pousse une sorte de kiai.) En garde, espèce de vieille pute dégarniedégarni (adj.) Chauve En savoir plus ! |
Arthur | (Soupire.) |
Le maître d’armes | (Abandonne sa pose.) Allez Sire un petit effort, balancezbalancer (v.) Lancer, envoyer, expédier En savoir plus-moi une bonne insulte, quoi ! |
Arthur | (Jette ses gants par terre.) Faudrait déjà que j'en trouve ! |
Le maître d’armes | N'importe quoi, ce qui vous vient ! Pourvu que ce soit vexant. |
Arthur | (Prend une pose de combat à mains nues.) Bon alors en garde. |
Le maître d’armes | (Reprend sa pose de combat et pousse une sorte de kiai.) |
Arthur | (Hésite un temps.) Fils d'unijambiste. |
Le maître d’armes | (Abandonne sa pose, bouleversé.) Quoi ? Sire, mais... |
Arthur | Et ? Qu'est-ce que j'ai dit, une connerie ? |
Le maître d’armes | C'est pas une insulte ça, Sire... c'est vrai ! |
Arthur | Bah évidemment que c'est vrai ! Vous avez jamais dit que ça devait être faux ! |
Le maître d’armes | (Hurle.) Mais j'ai jamais dit que ça devait être vrai ! |
Arthur | (Abandonne sa pose.) Vous avez dit que ça devait être vexant, bah voilà vous êtes vexé, alors profitez-en ! Allez hop ! (Reprend sa pose.) |
Le maître d’armes | (Vexé.) Ah non. |
Arthur | Allez ! Ah bah allez maintenant ! Allez ! Oh ! |
Le maître d’armes | Non non non... |
Arthur | (Soupire.) |
Cour du château, jour. Arthur et le maître d'armes discutent dans la cour du château. | |
Le maître d’armes | (Révolté.) Je trouve révoltant d'utiliser l'infirmité d'un père à des fins de... |
Arthur | (Impatient.) Mais profitez-en ! Traitez-moi de grosse gouinegouine (n.f.) Lesbienne En savoir plus et attaquez-moi, puisque vous êtes en colère ! |
Le maître d’armes | Mais je suis pas en colère, Sire, je suis profondément outré ! Qu'est-ce que vous diriez si je me permettais d'en faire autant ? |
Arthur | Bah oui mais moi mon père il est pas unijambiste hein, je suis désolé... |
Le maître d’armes | (Anéanti.) Encore... mais à la fin mais est-ce que ça va finir ? |
Arthur | Ah s'il vous plaît faites pas votre mijauréemijaurée (n.f.) Jeune fille ou femme qui montre des prétentions par de petites manières affectées et ridicules En savoir plus, moi depuis ce matin je me fais traiter de gonzessegonzesse (n.f.) Femme ou jeune femme En savoir plus, j'en fais pas tout un cake« en faire tout un cake » (expr.) S’énerver pour une chose de peu d’importance, réagir de manière excessive En savoir plus ! |
Le maître d’armes | Mais « gonzessegonzesse (n.f.) Femme ou jeune femme En savoir plus » c'est une formule, je le pensais pas ! (Plus calmement.) Si j'avais voulu taper dans« taper dans » / « taper dedans » (loc.) Se servir de quelque chose, généralement d'un aliment ; consommer En savoir plus les potins, j'aurais très bien pu parler du vôtre, de père. |
Arthur | Quoi ? |
Le maître d’armes | Au hasard, l'épisode de la grange de Brigit ! |
Arthur | (Suspicieux.) Quelle grange ? |
Le maître d’armes | Celle où il s'était endormi dans le foin et où il s'est fait chier dessus par un bouc ! |
Arthur | (Se positionne pour le combat.) OK, alors là ça va être un bain de sang. |
(Ils se jettent l'un sur l'autre et se battent à mains nues.) | |
(Fermeture.) |
Chambre d'Arthur, soir. Arthur et Guenièvre sont au lit, Arthur a le visage tuméfié. | |
Guenièvre | Il me semble qu'il était musclé l'entraînement hier, hein ? |
Arthur | Ouais, on a un peu chargécharger (v.) Exagérer En savoir plus ouais, ça nous fait du bien, ça nous... (Porte la main à sa mâchoire endolorie.) |
Le maître d’armes | (Au loin.) Sire ! Mon père est peut-être unijambiste, mais moi, ma femme a pas de moustache ! |
Arthur | (Se lève précipitamment.) |
Guenièvre | (Scandalisée.) Qu'est-ce qu'il dit ? |
Arthur | Rien ! Rien, c'est rien. (Saisit une masse d'armes et un fléau d'armes.) C'est rien, on fait semblant, c'est pour nous stimuler un peu, ça nous... voyez ? |
(Noir.) | |
Le maître d’armes | (Au loin.) Alors ça vient ? Petite bite ! |
(Stab final.) |