Le Oud
❰ Livre I – épisode 45 ❱
Forêt, jour. Arthur, Lancelot, Léodagan et Perceval sont en armure et font le point, en forêt. | |
Lancelot | Les Égyptiens ont dû fuir à l'aube. Il reste plus qu'un campement vide de l'autre côté de la rivière. |
Léodagan | Ils ont foutu le camp, ces péteuxpéteux (n.m.) Individu peureux En savoir plus ! |
Arthur | Vous avez réussi à récupérer quelque chose ? Des armes ? Des chevaux ? |
Lancelot | Non rien. Ils ont eu le temps de tout prendre. |
Perceval | Si, moi j'ai trouvé ça. (Brandit un oud.) Elles sont quand même bizarres, leurs arbalètes ! |
(Ouverture.) |
Chambre de Demetra, soir. Arthur et Demetra sont au lit, Arthur joue du oud. | |
Demetra | Ça vient d'où ce machin ? |
Arthur | Égypte. |
Demetra | Et pourquoi vous en jouez ? |
Arthur | J'aime bien. |
Demetra | Non mais, je veux dire, pourquoi vous en jouez maintenant ? |
Arthur | Je ne sais pas, moi... c'est comme une euh... sérénade... |
Demetra | Une... ? |
Arthur | Une sérénade ! Pour vous séduire ! |
Demetra | Bah... vous avez pas besoin de me séduire, puisque je suis déjà là ! |
Arthur | (Soupire et pose le oud.) J'ai compris... |
Demetra | Bah excusez-moi mais la première fois que je vous ai vu, vous m'avez dit : « Bonjour, rendez-vous ce soir, dans votre chambre. » Maintenant, ça fait trois ans qu'on se voit et vous jouez de la mandoline pour me séduire... |
Arthur | Du oud. |
Chambre d'Arthur, soir. Arthur et Guenièvre sont au lit, Arthur joue du oud. | |
Guenièvre | (Commence à pleurer.) |
Arthur | (Cesse de jouer.) Qu'est-ce qu'il y a ? Ça vous plaît pas ? |
Guenièvre | Si... mais c'est tellement triste ! |
Arthur | Triste ? Pourquoi, triste ? |
Guenièvre | Ça me fait penser à ceux qui sont loin de chez eux. |
Arthur | Mais qui, qui est « loin de chez eux » ? |
Guenièvre | Je sais pas... tous ces gens qui sont obligés de quitter leurs terres et qui se lancent à corps perdu sur les routes pour fuir l'oppression... |
Arthur | Mais qu'est-ce que vous me chantez ? |
Guenièvre | Vous savez, quand on est déraciné, on n'est plus que la moitié de soi-même... |
Arthur | Mais vous êtes pas déracinée, vous, que je sache ! |
Guenièvre | Cette musique... ça m'évoque ma Carmélide natale, le vent dans les saules, nos jeux dans la neige au pied du mur d'Hadrien... |
Arthur | Mais vous y retournez deux fois par mois, en Carmélide ! Et puis vous êtes venue ici pour devenir reine, vous allez pas me sortir que vous vous êtes lancée sur les routes à corps perdu pour fuir l'oppression ! |
Guenièvre | Ah mais fichez-moi la paix ! Ça me rend triste, c'est tout ! J'ai pas à fournir d'explications ! |
Arthur | Ben qu'est-ce que je fais, moi ? J'arrête, alors ? |
Guenièvre | Ah non non, continuez... |
Arthur | (Recommence à jouer.) |
Guenièvre | (Pleure à nouveau.) |
Arthur | (Cesse de jouer.) Ah non mais ça va bien, maintenant ! Vous pouvez pas penser à autre chose que la Carmélide ? |
Guenièvre | Mais je pense plus à ça ! C'est cette musique, ça me fait penser à des petits chiens... |
Arthur | Des petits chiens ? |
Guenièvre | Mais je sais pas, oui des petits chiens... c'est tellement fragile, les petits bébés chiens... |
Arthur | Mais quel rapport ? |
Guenièvre | Ils se lancent dans la vie avec tellement de courage... |
Arthur | (Pose le oud, agacé.) |
Guenièvre | Ben vous jouez plus ? |
Arthur | Non, ça va, là j'en ai marre... |
Guenièvre | Bah... pourquoi ? |
Chambre de Léodagan, soir. Léodagan et Séli sont au lit, et entendent Arthur qui joue du oud à l'étage supérieur. | |
Léodagan | Il était déjà chiant avant, voilà qu'il joue de la guitare, maintenant. |
Séli | À ce train-là, c'est pas demain qu'on a un petit-fils, croyez moi ! |
Léodagan | Ah non mais il nous aura tout fait, hein... quand je pense que les Saxons sont à deux doigts de raser le pays, que y a pas une tourelle qui tient debout et l'autre, il fait de la musique. |
Séli | C'est un mou. Le pouvoir, ça lui est tombé dessus comme la misère sur le pauvre monde« tomber (sur quelqu'un) comme la misère sur le pauvre monde » (expr.) Arriver à quelqu'un de façon brutale et inattendue En savoir plus, il a pas les épaules« avoir les épaules » (loc.) Avoir suffisamment de force, d'énergie, de compétences ou de moyens pour faire face à une épreuve En savoir plus. |
Léodagan | En attendant, c'est lui le patron. Sous prétexte qu'il a retiré une épée d'un rocher ! |
Séli | En attendant, vous avez pas réussi à la retirer, vous ! |
Léodagan | Oui ben c'est bien dommage ! Parce que si j'avais réussi, je serais pas en train de jouer du crincrincrincrin (n.m.) Instrument à corde ou, par extension, le son produit par celui-ci En savoir plus, croyez-moi ! Oh et puis j'en ai marre ! (Criant en direction du plafond.) Hé, ho ! Ça va pas bientôt finir, non ? |
(La musique s'arrête.) | |
Léodagan | Là ! Quand on se fâche, y a toujours un résultat. |
(Arthur recommence à jouer, plus fort et en chantant.) | |
Séli | Eh ouais... c'est lui qui l'a retirée, l'épée. |
(Fermeture.) |
Boudoir, jour. Arthur joue du oud, Perceval et Karadoc l'écoutent, captivés. | |
Perceval | (Commence à taper un rythme sur un baquet.) |
Karadoc | (Chantant.) Comme la neige dans le vent... |
Arthur | Non non non non non non ! Merci, merci c'est bon. Cassez-vousse casser (v.) Partir, s'en aller En savoir plus, d'ailleurs. Ça m'énerve. Barrez-vousse barrer (v.) Partir, s'en aller En savoir plus. |
(Perceval et Karadoc se lèvent et s'en vont.) | |
Arthur | (Recommence à jouer.) |
(Noir.) | |
Arthur | Toujours qu'on se fasse emmerder. |
(Stab final.) |