Camp d'entraînement, jour. Ào Sï Kä, Merlin, Yvain, Gauvain, Guenièvre, Arthur et le reste du clan de Perceval et Karadoc participent à un stage d'entraînement collectif sous le regard de ces deux derniers, qui semblent peu satisfaits, et de Kadoc, déguisé en arbre. |
Ào Sï Kä |
(Frappe quatre fois dans ses mains.) |
(Tous les participants s'assoient.) |
Karadoc |
Bon OK, ça suffit ! |
Perceval |
Allez ! On arrête le tir, là ! Parce qu'aujourd'hui on a du pain ! |
Karadoc |
On a du pain sur la planche. |
Perceval |
Ouais, on a du pain, ouais. |
Karadoc |
Déjà, sujet principal de l'entraînement d'aujourd'hui : le camouflage. |
Kadoc |
À Kadoc. |
Karadoc |
On commencera par une brève histoire du camouflage, d'hier à aujourd'hui... |
Perceval |
Et quand on dit « d'hier », ça veut pas dire que c'était hier ! Alors commencez pas à faire vos bourrinsbourrin (n.m.) Individu manquant de finesse ; rustre En savoir plus, parce que ça va mal se mettre, là. |
Karadoc |
Et on continuera par des exemples pratiques de l'utilisation du camouflage, en situation réelle. Camouflage d'approche, camouflage intempestif... |
Perceval |
Camouflage édulcoré... |
Kadoc |
Camouflage caca. |
Perceval |
Pour finir par une brève initiation au rétrocamouflage. Le camouflage des amis. Merci. |
Karadoc |
De plus ! Nous avons la chance d'accueillir parmi nous le seigneur Arthur, grand spécialiste des techniques de combat, qui interviendra sur le sujet de son choix... |
Arthur |
Quoi ? |
Perceval |
Voilà. Parce qu'on essaie d'être un petit peu à la pointe de l'innovation, mais ça veut pas dire qu'on peut pas s'inspirer des vieilles pratiques pourries de l'ancien temps. |
Karadoc |
Excusez. Il vaut mieux les prévenir que ça sera pas comme d'habitude, parce que sinon ils vont être déstabilisés, et vous arriverez rien à en faire. |
Arthur |
Bah c'est pas bien grave, d'autant que je compte rien en faire du tout... |
Perceval |
Attendez, Sire, vous allez pas venir sur un camp d'entraînement et même pas donner une petite leçon ! |
Arthur |
Mais... une leçon de quoi ? Arrêtez de m'appeler « Sire ». |
Karadoc |
Non, mais on va faire l'entraînement habituel, et à la fin, on vous laisse un petit créneau, et vous leur expliquez un truc ! Ça vous va ? |
Arthur |
Non. |
Perceval |
Allez les feignassous ! Fini de glander, là ! |
Guenièvre |
Et moi, qu'est-ce que je fais ? |
Karadoc |
Bah... vous suivez le cours, en auditeur libre ! |
Guenièvre |
Ah bon ? |
Perceval |
Par contre, pas un mot là. Sinon, la porte. Bon, là y en a pas... mais c'est pas la première fois qu'on fabrique une porte à la dernière minute, pour virer un petit trou de balle qui fait son malin ! |
Karadoc |
Allez, tous en piste ! |
(Tous les participants se lèvent.) |
(Ouverture.) |
Camp d'entraînement, jour. Yvain se tient devant un arbre et Kadoc déguisé en arbre. Perceval, Karadoc et les participants du stage observent la scène, à distance. |
Yvain |
Attendez... c'est super chaud ! |
Perceval |
Allez allez, faut réagir là ! En situation réelle, vous aurez pas une demi-heure pour vous décider ! |
Yvain |
Ouais mais c'est super chaud ! |
Gauvain |
Allez-y Messire Yvain, faites confiance à votre instinct ! |
Yvain |
(Se rapproche de Kadoc, puis de l'arbre.) |
Kadoc |
(Assène une claque à Yvain.) |
Yvain |
(S'éloigne de Kadoc en courant.) Non mais... non mais, là honnêtement, c'est méga trop chaud, quoi ! |
Karadoc |
Non mais... utilisez les techniques qu'on vous a apprises, aussi, euh... |
Guenièvre |
Normalement, y en a qui bouge plus que l'autre ! |
Yvain |
Ouais mais trop pas, en plus, (désignant Kadoc) celui-là il bougeait encore moins que l'autre ! |
Kadoc |
Il est où Kadoc ? Il est bien caché ? |
Merlin |
Il faut pas vous arrêter à l'aspect, parce que évidemment, comme ça, ça fait arbre ! |
Yvain |
Mais ouais mais carrément, mais c'est les branches ! |
Gauvain |
Vous ne devez pas vous arrêter à l'aspect extérieur des choses ! |
Merlin |
Un arbre, ça pousse ! C'est là où vous pourrez faire la différence. Le camouflage, il pousse pas ! |
Karadoc |
Et on en revient au point central de la journée... |
Perceval |
Quand vous voulez abattre un arbre, ou cueillir des trucs sur un arbre, vous choisissez un arbre qui a l'air de pousser ! Sinon ça veut dire que c'est un... camouflage ! |
Yvain |
Ouais. Ouais, mais franchement, c'est chaud. |
Karadoc |
Allez, atelier ! |
Perceval |
Atelier ! |
Yvain |
Ah ! |
Gauvain |
Wouh ! |
(Plusieurs participent expriment leur joie.) |
Camp d'entraînement, jour. Perceval, Karadoc, Kadoc et Ào Sï Kä passent en revue différents ateliers créés par les participants. Kadoc est toujours déguisé en arbre. |
(Les examinateurs arrivent devant le premier atelier, où un homme a placé un tronc d'arbre de taille moyenne sur deux tréteaux.) |
Karadoc |
Bien ! |
Kadoc |
Bien ! |
Karadoc |
C'est très bien de commencer petit. Si vous essayez la casse avec des troncs d'arbre (écarte ses mains de cinquante centimètres) gros comme ça sans vous échauffer, vous arriverez à rien. |
Perceval |
Progressif. N'oubliez pas, dans la casse, le plus important, c'est les suites d'épaisseur : bûche de dix, bûche de seize, bûche de trente-deux, bû-bûche, mi-bûchette, et re-bûche de six ! |
Karadoc |
Bon ! Allez bon travail. |
(Les examinateurs arrivent devant le deuxième atelier, où deux hommes, chacun monté sur le dos d'un camarade, se lancent des mottes de terre.) |
Karadoc |
Ah... le combat aux mottes de terre. Très bien, très bien. |
Kadoc |
Très bien ! |
Perceval |
Attention attention attention ! Si vous sentez que la motte est trop friable, vous, vous visez les yeux, pour que les petits bouts de terre rentrent dans la pupille. |
Karadoc |
Bon combat ! |
(Les examinateurs arrivent devant Guenièvre et Merlin, qui s'activent autour d'une marmite.) |
Karadoc |
Ah ! Qu'est-ce que vous faites, vous ? |
Merlin |
Des pleurotes... |
Kadoc |
Elle est où la poulette ? |
Perceval |
(À la cantonade.) Ah, attention ! Notre druide est en train de préparer une potion ! |
Merlin |
Ah non non non, j'ai trouvé des pleurotes, je les prépare, c'est tout, commencez pas à m'emmerder ! |
Guenièvre |
Merlin m'expliquait que c'est un champignon très goûteux qui a tendance à se racornir une fois cueilli. (Jette une pleurote dans la marmite.) |
Karadoc |
(À Perceval.) Il est pas bien, cet atelier-là... |
Perceval |
Non ouais, c'est naze. |
Karadoc |
Suivant ! |
(Les examinateurs arrivent devant le troisième atelier, où Yvain et Gauvain sont assis face à face et se touchent par le bout des index.) |
Gauvain |
C'est un lieu ? |
Yvain |
Non. |
Gauvain |
Un animal. |
Yvain |
Pas tout à fait. |
Gauvain |
Pas tout à fait ? |
Yvain |
Euh... si, en fait c'est tout à fait un animal. |
Karadoc |
(Prudemment.) Pardon, euh... atelier d'entraînement cérébral ? |
Gauvain |
Tout à fait. |
Karadoc |
Bien, c'est bien... |
Gauvain |
(Se déconnecte de Gauvain et incite Perceval à parler.) Ah non non, allez-y, allez-y. |
Perceval |
Bien ! Parce que la tête, c'est aussi important que le reste en combat. Faut s'entraîner dur. |
Karadoc |
Poursuivez. |
(Yvain et Gauvain se connectent à nouveau par le bout de leurs index.) |
Gauvain |
Un animal de compagnie ? |
Yvain |
Difficile de répondre, parce que... il peut vous tenir compagnie, mais c'est un coup à se faire mordre. C'est à vos risques et profits. |
Gauvain |
Un goujon ! |
Yvain |
Oui, bien ! |
(Yvain et Gauvain ainsi que les examinateurs applaudissent.) |
Karadoc |
Bravo ! |
Yvain |
(À Gauvain.) Non parce que... quand tout à l'heure, vous m'avez demandé si c'était un lieu, je me suis dit : « Si il pense au poisson, je suis fichu. » |
Gauvain |
(Rit.) Hé, heureusement que j'ai pas pensé à un fichu ! |
Yvain |
Oui, ou à un pense-bête ! |
Gauvain |
Euh... non mais moi je pensais à un lieu, euh... |
Yvain |
Oui, comme... comme un cabanon ! |
Gauvain |
Voilà. |
Perceval |
Ouais, c'est bien. |
Kadoc |
Bien. |
Perceval |
Faites-moi confiance, vous allez vite progresser. (Fait un clin d’œil qui ressemble davantage à une grimace.) |
(Yvain et Gauvain rendent son clin d’œil à Perceval, sans plus de succès dans l'exécution.) |
Karadoc |
Suivant ! |
Gauvain |
(À Yvain.) Bon. À vous ! |
Yvain |
Est-ce un véhicule ? |
Gauvain |
Non... |
Yvain |
Une pelagière ? |
Gauvain |
(Souffle et lève les mains, admiratif.) |
Yvain |
(Acquiesce, satisfait.) |
(Les examinateurs arrivent devant Arthur, qui dort.) |
Karadoc |
(Regarde ses collègues, perplexe.) Euh... vous croyez que c'est un atelier ? |
Perceval |
En tout cas si c'est un atelier... c'est pointu. |
Karadoc |
Suivant ! |
Kadoc |
Suivant ! |
(Les examinateurs poursuivent leur tournée d'inspection.) |
Kadoc |
(Désormais seul, s'accroupit à plusieurs reprises et respire à fond, avant de détaler.) |
Lande, jour. Arthur, Guenièvre, Merlin, Yvain et Gauvain marchent ensemble. |
Gauvain |
Allez, mon oncle, soyez chic ! |
Yvain |
Vous restez pas longtemps ! |
Arthur |
Je sais pas, honnêtement, je... je sais pas. |
Guenièvre |
Bah, on peut bien passer voir leur maison, si ça leur fait plaisir... |
Gauvain |
Allez, dites oui mon oncle ! |
Yvain |
Ce serait trop hyper chic ! |
Merlin |
Mais moi j'ai jamais compris où vous l'aviez montée, votre cabane... |
(Yvain et Gauvain désignent un point droit devant eux.) |
Yvain |
Mais juste là ! |
Gauvain |
(En même temps qu'Yvain.) Mais juste là ! |
Yvain |
Trop là, quoi ! Bon y a... une colline, deux collines donc du coup bi-colline, et après c'est carrément sur votre route ! |
Arthur |
Bah qu'est-ce que vous en savez, de notre route ? |
Yvain |
Non mais allez, on s'en fout, vous venez... allez vous venez ! |
Guenièvre |
Allez, faites pas votre mauvaise tête ! |
Arthur |
(Soupire.) |
Yvain |
En plus vous verrez, on a fabriqué une porte qui s'ouvre, c'est trop classe. |
Merlin |
Une porte qui s'ouvre ? |
Yvain |
Ouais. |
Gauvain |
Bah oui ! Parce qu'avant, pour rentrer, il fallait soit passer par la porte qui s'ouvre pas, soit par le trou du toit ! |
Yvain |
Ouais. |
Gauvain |
Alors ce n'était pas très aisé. |
Yvain |
Trop pas aisé, quoi. |
Gauvain |
Et puis... que ne nous sommes-nous pas offert comme vilaines échardes ! |
Yvain |
Ouais. Et échardes égalent gavage. |
Lande, jour. Arthur, Guenièvre, Merlin, Yvain et Gauvain marchent ensemble. |
Yvain |
Ah oui au fait, je vous ai pas dit : maintenant, j'ai une femme ! |
Guenièvre |
Ah bon ? |
Merlin |
Ah bah elle est pas mal ! |
Yvain |
Ah ouais elle est pas mal... |
Guenièvre |
Remarquez, un chef de clan sans femme, euh... |
Gauvain |
Euh... en revanche, je crains qu'il n'y ait là quelque occasion pour mon oncle de se courroucerse courroucer (v.) Se fâcher, s'irriter En savoir plus. |
Arthur |
« De se courroucerse courroucer (v.) Se fâcher, s'irriter En savoir plus » ? Pourquoi ? |
Gauvain |
Hé bien, si ma mémoire est bonne, il s'agit de l'une de ses anciennes maîtresses... |
Arthur |
Quoi ? |
Guenièvre |
Laquelle ? |
Yvain |
Bah, le problème c'est que j'arrive pas à retenir son nom. |
Merlin |
Vous arrivez pas à retenir le nom de votre femme ? |
Yvain |
Bah... honnêtement, je vais vous dire un nom, ça va pas être le bon, ça va me gaver. (À Gauvain.) Mais euh... pour le coup de la maîtresse, vous êtes sûr ? |
Gauvain |
Ah quasiment certain, oui. |
Guenièvre |
Laquelle de vos maîtresses aurait pu être intéressée par un jeune chef de clan ? |
Arthur |
Laquelle de mes maîtresses aurait pu être intéressée par le pognon et le rang social, vous voulez dire ? Ça risque pas de nous aider beaucoup. |
Yvain |
Calpurnia ! Non ? Ouais non. Non non non. |
Arthur |
« Calpurnia » ? |
Yvain |
Non non non, mais voilà, gavage. Gavage. |
Guenièvre |
« Calpurnia » ça me dit rien du tout... |
Domaine d'Yvain et Gauvain, jour. Arthur, Guenièvre, Merlin, Yvain et Gauvain arrivent à la maison de ces derniers. |
Gauvain |
Regardez mon oncle, nous l'avons construite de nos propres mains ! |
Merlin |
Ah bah c'est drôlement bien fait ! |
Yvain |
(À la cantonade.) Femme ! Viens t'en accueillir nos invités ! (Au groupe.) Alors du coup, si vous vous rappelez de son nom, hésitez pas à me le dire. |
Demetra |
(Sort de la maison.) |
Guenièvre |
Oh mais c'est Demetra ! |
Yvain |
Demetra ! |
Arthur |
Ah, bah oui. |
Demetra |
Non mais qui c'est que vous me ramenez, encore ? Vous croyez peut-être qu'on a de quoi recevoir les gens ? |
Yvain |
(Sévère.) Femme ! Cesse donc de nous esbaubir les oreilles ! Oh là là ! Il suffit ! |
Gauvain |
Regardez mon oncle ! (Court jusqu'à la porte.) Jetez un œil à cette merveille de porte ! |
Yvain |
(Court jusqu'à la porte, et commence à l'ouvrir et la fermer de façon répétitive.) |
Demetra |
(À Arthur.) J'aurais peut être dû vous prévenir avant... |
Arthur |
Non non non, moi je m'en fous, hein... non, euh... de toute façon je suis plus roi, je suis plus roi, par contre il... sait pas comment vous vous appelez. |
Demetra |
Euh, il m'appelle « femme » de toute façon... je crois qu'il se prend pour un chef viking ou je sais pas trop quoi... |
Arthur |
C'est possible, oui, c'est possible... |
Yvain |
(Qui n'a pas cessé d'ouvrir et fermer la porte.) Ouverture. Fermeture. Ouverture. |
Arthur |
Stop ! (À Demetra.) Essayez ? Essayez d'entrer ? |
Demetra |
(Entre.) |
Yvain |
J'ai mi-ouverture, sinon. |
Arthur |
Non non non, ouverture c'est bon. (Entre et se cogne quelque part.) Aïe ! |
Couloir du château, jour. Léodagan, accompagné du père Blaise et de deux gardes, marche dans le couloir. |
(Hervé de Rinel et le maître d'armes arrivent en sens inverse et passent à hauteur de Léodagan sans réagir.) |
Léodagan |
(S'arrêtant.) Hé oh ! |
(Hervé de Rinel et le maître d'armes s'arrêtent à leur tour, et regardent Léodagan.) |
Léodagan |
Vous avez pas l'impression qu'il manque quelque chose, là ? |
Le maître d’armes |
Pardon ? |
Léodagan |
(Au père Blaise.) Non mais c'est moi, ou bien euh... |
Le père Blaise |
Qu'est-ce qui vous chagrine ? C'est parce qu'ils vous ont pas salué, c'est ça ? |
Léodagan |
Bah... ouais, ouais euh... ouais, j'avoue que ouais, euh... |
Le maître d’armes |
Pourquoi diable devrais-je vous saluer, on s'est vus ce matin. |
Léodagan |
« On s'est vus ce matin. » Non attendez je suis pas votre pépé, moi... je suis le roi... donc si on se croise vingt fois par jour, vous me saluez vingt fois par jour... |
Le maître d’armes |
Non mais oh ! Vous croyez pas que j'en fais déjà beaucoup ? Pour un roi qui a même pas été foutu de retirer l'épée du rocher ? |
Léodagan |
Et pour un roi qui va vous coller sa main dans le pif, vous en feriez combien ? |
Hervé de Rinel |
Ah c'est pour ça que vous avez changé de siège ! C'est parce que vous êtes pépé ! |
Le maître d’armes |
(Regarde Hervé de Rinel, perplexe.) |
Hervé de Rinel |
Euh non, c'est parce que vous êtes roi ! |
Le père Blaise |
Sire, on vous attend... |
Léodagan |
(Hors de lui.) Ouais ouais on m'attend, ouais, on m'attend, ouais, si je veux, on m'attend ! |
Le maître d’armes |
Méfiez-vous mon petit vieux... porter la couronne n'a jamais dispensé de se bien conduire ! |
Léodagan |
Quinze jours à la cave. (Lèche son index et mime le fait de tourner des pages.) Vous aurez le temps de potasser le protocole. |
Le père Blaise |
Sire... |
Léodagan |
Ouais ouais, d'accord, ouais, « Sire », « Sire », ouais... mais méfiez-vous, vous aussi. (Se retourne vers les deux gardes.) Bon oh ! Alors, bon ! Parce que si on commence à... |
Maison d'Yvain et Gauvain, jour. Arthur, Guenièvre, Yvain, Gauvain et Merlin sont assis çà et là dans la cabane exiguë. Demetra se tient debout. |
Yvain |
Ah, bravo femme ! Ce repas fut des plus roboratifs. |
Gauvain |
Vous avez fait honneur à nos hôtes. N'est-ce pas mon oncle ? |
Arthur |
Carrément. Carrément. |
Merlin |
Normalement, j'ai pas le droit de bouffer des oiseaux... mais là, franchement... c'était bon. |
Yvain |
Femme ! Comme je le disais tantôt, tu nous as roborés. Mais sauras-tu nous régaler d'un dessert de ton choix ? |
Demetra |
(Agacée.) Vous pouvez parler normalement, ou pas ? |
Guenièvre |
Mais... autant que je me souvienne,, vous ne faisiez pas la cuisine à Kaamelott, si ? |
Demetra |
À Kaamelott non, mais ici allez savoir pourquoi, c'est sur moi que c'est tombé... |
Gauvain |
Attendez, on est chefs de clan ! (Consultant Yvain.) Nous n'allons tout de même pas préparer les repas ! |
(Yvain et Gauvain rient.) |
Yvain |
Allez, femme ! Robore-nous donc de quelques fruits bien sucrés. Il s'agit d'une régalade. |
Demetra |
Vous pouvez me lâcher les grelots ? |
Yvain |
Mmh, tu refuses de nous roborer ? |
Merlin |
En tout cas, moi j'ai plus faim hein, merci. |
Guenièvre |
Ah oui c'était parfait, hein... |
Gauvain |
Que pourrions-nous faire pour nous distraire, à présent ? |
Yvain |
Du temps que nos femmes feront le ménage, nous pouvons vous montrer notre petit trésor. |
Guenièvre |
Euh... moi je vous le dis, le ménage ça va me gonfler, hein... |
Demetra |
Ouais, moi aussi, en fait. |
Yvain |
Ah bah si tout le monde est OK, moi je suis d'accord pour laisser le bordel, hein ! |
Gauvain |
Pareil. |
Yvain |
Femme ! Va donc nous chercher ce que tu sais. |
Demetra |
(Lève les yeux au ciel et part en soupirant.) |
Salle à manger, jour. Le jurisconsulte et le maître d'armes mangent à table. |
Léodagan |
(Entre, précédé de deux gardes, et va se poster en bout de table.) Donc, euh... vous vous levez pas quand je rentre, et vous attaquez la bouffe sans m'attendre. Mmh ? |
Le maître d’armes |
Non, ça va pas recommencer... |
Léodagan |
(S'assoit.) |
Le jurisconsulte |
Ah ben... je suis confus mais comme j'avais encore pas mal de boulot aux archives et que vous ne veniez pas... |
Léodagan |
Non, mais vous avez bien fait, vous avez bien fait ! Il reste un croûton de pain, ou vous avez tout pris pour saucer ? Mmh ? Non mais sinon tant pis hein, je mangerai ce soir, euh... |
Le maître d’armes |
(Agacé.) Bon écoutez. (Saisit une carcasse de poulet au centre de la table pour la placer dans l'assiette de Léodagan.) Commencez pas à nous bourrer le mou, y a encore toute la carcasse à dépiauter ! Allez au boulot ! |
Léodagan |
C'est vous que je vais dépiauter. Et je vous préviens que s'il faut que je vous fasse prendre par les noix pour vous rappeler que je suis roi de Bretagne, ça peut très bien se planifier. |
Le jurisconsulte |
Non, euh... sans vouloir gâcher une querelle prometteuse, je me permets de vous préciser une petite chose technique, n'est-ce pas officiellement vous n'êtes pas roi de Bretagne... mais régent ! Voilà, la parenthèse emmerdante, vous en faites ce que vous voulez. |
Léodagan |
Voilà, alors tant qu'on est dans les questions techniques, en voilà une de plus : à partir de maintenant, « régent », ça se prononce « roi de Bretagne ». |
Le maître d’armes |
Et « merde », ça se prononce comment ? |
Léodagan |
Comme ça. (Saisit son verre et vide son contenu au visage du maître d'armes.) |
(Le maître d'armes et Léodagan se lèvent et s'empoignent ; les gardes se jettent sur eux pour les séparer.) |
Le jurisconsulte |
Oh non, écoutez alors là, là ça n'a aucun intérêt ! Alors là... là vraiment... non, on est sur la gestion de l'instant, de l'immédiat, c'est zéro ! Alors qu'il vaudrait beaucoup mieux avoir une vision à long terme ! |
(Le maître d'armes et Léodagan, toujours aux prises l'un avec l'autre, tombent sur la table devant le jurisconsulte.) |
Le jurisconsulte |
Ah non, non ! Ah non, non ! Écoutez alors ça, on ne se vautre pas dans la bouffe, c'est intolérable ! (Saisit un pichet dont il vide le contenu sur Léodagan et le maître d'armes.) C'est intolérable, vous allez arrêter... vous allez arrêter... |
Maison d'Yvain et Gauvain, jour. Yvain, Gauvain et Demetra sont assis d'un côté de la pièce, Demetra tenant un drap noué autour de quelque chose. En face d'eux, Arthur, Guenièvre et Merlin les observent. |
Demetra |
Bon, je peux l'ouvrir ? C'est lourd. Vous aussi, vous êtes lourds. |
Yvain |
Cinq minutesSonne plutôt comme « un minute » à l'audio, mais il s'agit peut-être d'un problème technique. ! |
Gauvain |
Mon oncle... nous allons vous narrer notre palpitante histoire. |
Arthur |
Ouais. Vous voulez pas qu'on sorte un peu, ça pue quand même le graillon là, non ? |
Guenièvre |
Oui, c'est vrai que ça mériterait un... bon courant d'air... |
Yvain |
Non mais non, dehors, y a des guêpes ! Laissez tomber, c'est trop pourri. |
Gauvain |
Vous savez que le bandit Venec... a dérobé un cadeau que mon père vous destinait, mon oncle ? |
Arthur |
Oui, j'ai su, oui... j'ai su... |
Gauvain |
Hé bien ce cadeau, nous l'avons nous-mêmes racheté à Venec ! Il s'agissait en fait d'une magnifique couronne ancienne, mon oncle. |
Yvain |
Le truc vraiment trop classe, quoi. |
Demetra |
(Sarcastique.) Le truc qu'on aurait vraiment dû garder, quoi... |
Gauvain |
Puis, contraints par le besoin, nous l'avons revendue à votre beau-père ! Encore plus cher que nous ne l'avions achetée... |
Yvain |
Nous avons fait bénéfice de tout bois. |
Gauvain |
Et avec la somme, devinez ce que nous avons fait ? |
Demetra |
Ils se sont fait... |
(Arthur et Guenièvre font mine qu'ils ne savent pas.) |
Demetra |
...arnaquer. |
Gauvain |
Mais non ! |
Yvain |
Femme, tu nous esbaubis les oreilles. Rabats un peu ta casquette. |
Gauvain |
Regardez, mon oncle. |
Demetra |
(Déplie le drap et en sort des armures de cuir, cloutées et vernies, d'inspiration asiatique.) |
Guenièvre |
Oh, des armures... |
Arthur |
Ah ben tiens. |
Merlin |
Ça protège de quoi, ça ? C'est tout fin ! |
Gauvain |
Ne bougez pas, je vais passer la mienne. (Se lève.) |
Yvain |
(Aide Gauvain à enfiler son armure.) |
Gauvain |
Vous allez être pantois ! |
Yvain |
Je vous aide. |
Gauvain |
(Peine à enfiler son armure.) On va peut-être sortir. |
Yvain |
Mmh. Vous serez plus pantois. |
Gauvain |
(Acquiesce.) |
Arthur |
(Hausse les épaules et acquiesce.) |
Domaine d'Yvain et Gauvain, jour. Yvain et Gauvain se tiennent debout, vêtus de leurs armures étranges. Merlin se tient à côté d'eux, intéressé. Arthur, Guenièvre et Demetra sont allongés par terre et observent distraitement. |
Yvain |
Franchement, c'est classe ou c'est pas classe ? Ou c'est classe ? |
Gauvain |
Mon oncle. Vous rendez-vous compte de l'impression que nous donnons lorsque nous arrivons dans un village ? |
Arthur |
Ah bah j'imagine, oui... |
Guenièvre |
Mais elles sont pas un peu raides ? |
Yvain |
Non, c'est parce qu'elles sont neuves... |
Arthur |
Ah non, c'est parce qu'elles sont raides. |
Merlin |
Mais c'est toujours foutu comme ça, une armure en cuir ? |
Arthur |
Ah non, une armure en cuir, c'est surtout jamais foutu comme ça. |
Demetra |
Enfin c'est pas grave hein, c'est pas comme si elles avaient coûté cher... |
Yvain |
Femme, cesse ! Rabats un peu ton crin-crin ! C'est esbaubissant ! |
Gauvain |
Ces armures sont proprement superbes ! N'est-ce pas ce qui compte ? |
Arthur |
Bah, tout dépend... vous comptez vous battre, avec, ou pas ? |
Gauvain |
Nous... battre ? Ah bah... non... |
Yvain |
Mmh, a priori y a pas de raison, non. |
Gauvain |
Non. |
Arthur |
Bah... non, ça va alors. |
(Yvain et Gauvain, soulagés, esquissent leur traditionnel mouvement de victoire.) |
Merlin |
Bon bah c'est pas tout ça, mais j'ai une sieste à faire, moi. |
Yvain |
Ah bah non, on va pas à la cueillette ? |
Merlin |
(Entre dans la maison.) Sans moi. |
Gauvain |
Ah bah non ! Mon oncle ? |
Arthur |
La cueillette ? |
Demetra |
Mais c'est leur nouveau truc... tous les jours ils vont cueillir des machins... |
Guenièvre |
Oh moi j'aimerais bien ! |
Arthur |
Euh non, moi je... non, honnêtement la cueillette, je crois que ça me gonfle. |
Guenièvre |
Bah moi j'y vais ! |
Gauvain |
C'est surtout l'occasion de gambader, plus que de cueillir. |
Yvain |
Ouais. De toute façon, à chaque fois qu'on a essayé de manger un truc qu'on avait cueilli, on a eu la diarrhée, alors euh... (Tente d'aider Gauvain à retirer son armure.) |
Gauvain |
Attendez, attendez ! Y a les jambes... |
Maison d'Yvain et Gauvain, jour. Arthur et Demetra entrent et voient Merlin, allongé, qui dort. |
Arthur |
Ah mais il est encore là, lui ? Bon, je vous écoute. |
Demetra |
Je suis désolée de vous demander ça, mais... ça vous embêterait, si... |
Arthur |
Si quoi ? |
Demetra |
Si on... voyez ? |
Arthur |
Si on... vous voulez dire, euh... |
Demetra |
Oui, voilà, c'est ça. |
Arthur |
Ah, mais euh... maintenant, comme ça ? |
Demetra |
Bah c'est-à-dire que ça fait juste un an que je passe à côté, alors là je... voyez, je... j'en ai marre, quoi. |
Arthur |
Un an ? Mais... et l'autre, qu'est-ce qu'il fout ? Vous allez pas me dire que c'est platonique, si ? |
Demetra |
Ah non, c'est... c'est moi qui veux pas... |
Arthur |
Pourquoi ? |
Demetra |
Bah c'est impossible, il... (à voix plus basse) il fait des commentaires. |
Arthur |
Des commentaires... pendant ? |
Demetra |
Ouais voilà. |
Arthur |
Quel genre ? |
Demetra |
Genre, euh... « la femme est une conquête », des trucs comme ça... |
Arthur |
Ah oui oui oui... |
Demetra |
Ouais voilà donc j'ai arrêté... alors, je... je sais que c'est pas très élégant, mais là je... |
Arthur |
Non non non non, mais moi c'est bon, je m'en fous, au contraire, mais... (désignant Merlin) et lui ? |
Demetra |
Bah, il dort... |
Arthur |
Ah oui mais non, là c'est moi qui peux pas, là. Non, là, quand même... |
Demetra |
Bah alors quoi ? Faut se grouiller, ils vont tous revenir ! |
Arthur |
(Fait volontairement tomber l'une des étagères murales.) |
Merlin |
(Se réveille et se lève en hâte.) Hé, hé, hé ! Qu'est-ce qui se passe ? |
Arthur |
Rien, rien, c'est rien, c'est rien, c'était, c'était une... il faut que vous alliez dehors pour rejoindre les autres à la cueillette, c'est hyper urgent. |
Merlin |
Ah bon ? |
Arthur |
Voilà, parce que on a des informations comme quoi ils sont en train de bouffer des trucs vénéneux, je sais pas quoi, enfin faut se dépêcher, quoi. |
Merlin |
J'y vais ! (Part en courant.) |
Demetra |
(Commence à déshabiller Arthur et le pousse sur une paillasse.) |
Arthur |
Aïe, attendez... attendez attendez attendez... |
Salle des archives, jour. Le jurisconsulte consulte des ouvrages, une lampe à la main. |
Le jurisconsulte |
(Entend que quelqu'un est là, s'approche du bruit, et découvre Mevanwi accroupie dans un coin.) Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous faites là ? |
Mevanwi |
Je... je suis désolée, je pensais que personne ne viendrait... |
Le jurisconsulte |
Non mais, pourquoi vous cachez-vous ? Vous... vous volez des livres ? |
Mevanwi |
Ah non, je vous jure que non ! Je... je ne fais que les lire. |
Le jurisconsulte |
Levez-vous... |
Mevanwi |
(Se lève.) Je vous en prie, Messire... ne me livrez pas à la garde... |
Le jurisconsulte |
Attendez, je veux juste comprendre. Qu'est-ce que vous lisez ? |
Mevanwi |
Tout ! J'adore la lecture. Je... je lis n'importe quoi. Même si j'ai un faible pour Ésope. |
Le jurisconsulte |
Ah, bien... ah bien, très bien... très bien. (Pose sa lampe, sous le charme.) |
Mevanwi |
Depuis que mon mari le seigneur Karadoc a fondé son clan autonome, je n'ai plus le droit de venir à Kaamelott... je viens pourtant ici en secret afin d'épancher ma soif de lecture. |
Le jurisconsulte |
Faites voir... (Prend le livre que tenait Mevanwi.) « Le garçon qui criait au loup », hein... ah oui. Une amusette pleine de bon sens, n'est-ce pas ? Ah, que notre bougre d'Ésope savait diaprer ses sages conseils... un merveilleux fabuliste. |
Mevanwi |
Êtes-vous poète ? |
Le jurisconsulte |
Oh hélas non, hélas non, non je navigue sur un... un océan de papier... et ne pêche jamais les... les poissons de la vie. (Sourit tristement.) |
Mevanwi |
Vous allez me livrer à la garde ? |
Le jurisconsulte |
Non ! Non non, une amoureuse d'Ésope ne doit pas être une bien grande criminelle... |
Mevanwi |
Décelez-vous dans l'air ce je-ne-sais-quoi de piquant ? Votre présence m'est familière et troublante à la fois... |
Le jurisconsulte |
Ah bon ? |
Mevanwi |
(Murmurant.) Que nous arrive-t-il ? |
Le jurisconsulte |
Je... je ne sais pas... |
Maison d'Yvain et Gauvain, jour. Arthur et Demetra, avachis par terre, se rhabillent. Demetra soupire. |
Arthur |
Ça fait longtemps que vous avez pas vu les jumelles ? |
Demetra |
Je sais plus. Assez longtemps, pourquoi ? |
Arthur |
Et... vous en avez vu une enceinte ? |
Demetra |
Enceinte ? Non, pas que je me souvienne... |
Arthur |
C'est quand même bizarre... et vous ? |
Demetra |
Quoi, moi ? |
Arthur |
Bah, vous avez jamais été enceinte... |
Demetra |
Non. |
Arthur |
Ni de moi ni d'un autre ? |
Demetra |
Bah... (se relevant) à part vous, y en a pas eu cinquante, déjà ! |
Arthur |
Non mais... même qu'avec moi, c'est déjà bizarre ! |
Demetra |
Bah j'en sais rien moi, j'ai... j'ai peut être un problème ! |
Arthur |
Ouais, ou alors c'est moi... |
Demetra |
Pourquoi, y a pas de raison... |
Arthur |
« Pas de raison »... vous non plus y a pas de raison ! (Se relève.) |
Demetra |
Bah je sais pas, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, moi ? Ça vous inquiète ? |
Arthur |
Ça commence, ouais. |
Merlin |
(Entre, tenant Guenièvre.) Attention, faites de la place ! |
(Gauvain et Yvain entrent à la suite de Merlin.) |
Gauvain |
Une chaise, vite ! |
Guenièvre |
(En larmes.) Je vais mourir ! Mon Dieu, je vais mourir ! |
Yvain |
C'est horrible. Femme, prépare-nous un de ces onguents miracles dont tu as le secret. |
Demetra |
Des onguents ? Mais je suis pas herboriste, moi ! |
Yvain |
Zut, j'avais omis ce détail... |
Arthur |
Bon, euh... qu'est-ce qui s'est passé ? |
Merlin |
Elle s'est fait piquer. |
Demetra |
Piquer par quoi ? |
Yvain |
Par des guêpes. Par des salopes de guêpes. Moi je m'en fous, je fais mes bagages et je me tire ! Je reste pas une seconde de plus dans cette région propice ! |
Gauvain |
Tâchons de ne pas perdre notre sang-froid, Messire Yvain ! |
Yvain |
Je m'en fous ! Je laisse ma panique s'exprimer. Il faut extérioriser. |
Guenièvre |
(Hurlant.) Mais je vais mourir ! |
Arthur |
Où est-ce qu'elle s'est fait piquer ? |
Merlin |
Au pied ! Regardez ça, il a doublé de volume ! |
Gauvain |
Elle a dû marcher sur une de ces vilaines bêtes... |
Arthur |
C'est pas possible, je peux pas vous laisser sans surveillance deux minutes ! |
Guenièvre |
Mais quoi ! Non... (Sanglote.) |
Chambre du jurisconsulte, jour. Mevanwi et le jurisconsulte sont au lit, en tenue légère. Mevanwi semble soucieuse. |
Le jurisconsulte |
Bah ma mie, vous semblez triste... |
Mevanwi |
Je me dis que maintenant que vous avez eu ce que vous vouliez... vous allez me laisser de côté. |
Le jurisconsulte |
Mais non, mais voyons mais quelle idée, mais quelle idée... mmh ? |
Mevanwi |
Vous apprendrez que notre histoire compte énormément pour moi. |
Le jurisconsulte |
Oui bah... mais pour moi aussi ! Mais... tout de même... on se connaît que depuis quatre heures ! |
Mevanwi |
Il m'en faut pas plus pour voir que... vous êtes celui qui me fera oublier Arthur. (Se reprenant.) Oh non je l'ai dit, je suis maudite ! |
Le jurisconsulte |
Ah non mais... c'est vous que le roi a échangée contre Guenièvre ? Mais alors vous... vous êtes Dame euh... Mevanwi ? |
Mevanwi |
Vous connaissez cette histoire... |
Le jurisconsulte |
Oh bah si je la connais... je peux vous dire que... alors là, chez les jurisconsultes, ça a fait un bruit ! Ah mais... non mais attendez, rendez-vous compte ! Aller chercher une vieille loi pourrie du côté de Vannes, afin d'éviter de... tuer votre mari ! Non, il fallait... en avoir sérieusement dans le frocfroc (n.m.) Pantalon En savoir plus ! Pardonnez-moi l'expression... |
Mevanwi |
(Sourit.) |
Le jurisconsulte |
Non... ah non, ah non mais alors... si je la connais ? Attendez mais ça a fait un bruit, mais un coup de tonnerre ! Je vous parle boutique là, mais... c'est vrai que c'est un métier qui me passionne. |
Domaine d'Yvain et Gauvain, jour. Demetra, Guenièvre et Yvain se tiennent devant la maison, face à Arthur. |
Guenièvre |
Vous faites attention à vous, hein. |
Arthur |
Mais oui. |
Guenièvre |
Non mais vraiment ! |
Arthur |
Oui, vraiment ! |
Guenièvre |
Je suis désolée... j'aurais tellement voulu vous accompagner... |
Arthur |
C'est pas bien grave... d'autant que je risque sûrement de rien trouver... |
Guenièvre |
Ah non dites pas ça... je suis sûre que vous allez tomber sur un petit garçon ou une petite fille ! |
Demetra |
Ou même sur des jumeaux ! Ce serait pas étonnant, venant d'une des jumelles... |
Arthur |
On verra. |
Guenièvre |
En tout cas, vous le méritez. |
Arthur |
Ah, parce que vous pensez que ça se mérite ? |
Demetra |
Ben pour quelqu'un pour qui ça compte comme ça... ce serait tout de même justice que vous en ayez ! |
Arthur |
Donc on est d'accord, ce serait injuste que j'en aie pas. |
Guenièvre |
Ben oui. |
Arthur |
(Met son sac sur son épaule.) Quand votre pied sera remis, les deux cons vous ramèneront à Kaamelott. |
Guenièvre |
Bonne chance, hein... |
Arthur |
(Part.) |
Demetra |
(À Guenièvre.) Allez... venez vous étendre. |
Yvain |
Quand il dit « les deux cons »... bon y a moi, mais... c'est qui le deuxième ? |
Falaises, jour. Venec et ses hommes se tiennent une falaise en surplomb d'une plage. Venec est debout, le bras gauche en écharpe, et fait le point avec les membres de nouvelle équipe, assis dans l'herbe. |
Venec |
Je dirais que mon point fort, c'est l'analyse de mes erreurs. Déjà, je me coltinais une équipe de foireux, bah j'ai viré tout le monde et puis je vous ai recrutés, là... pour monter notre nouvelle équipe. Deuxième point : dans notre branche, quand on est trop connu quelque part, (sifflote) on déménage ! Bon, moi j'étais parti pour taillertailler (v.) Faire du chemin, parcourir une distance En savoir plus vers le nord, mais Shanon nous a évoqué ses problèmes de sinusite chronique... alors on a tous compris que... que ce qui pèche avec lui, euh... c'est la sphère ORL. Bon, alors on a décidé de privilégier le climat côtier. De toute façon ce qui compte, ici ou ailleurs, c'est de se bâtir une nouvelle réputation, au sein d'une région qui nous tend les bras... et de se donner tous les outils, pour concrétiser nos ambitions. En revanche... Shanon... essaie de trouver quelque chose, euh... pour te moucher, parce que je te promets, euh... c'est pas super agréable. Allez ! En piste. |
(Les hommes de Venec se lèvent.) |
Chambre du jurisconsulte, jour. Mevanwi et le jurisconsulte sont au lit, en tenue légère. Mevanwi semble soucieuse. |
Mevanwi |
Je sens que vous me jugez. Le roi de Bretagne, et maintenant un haut magistrat... j'imagine ce que vous devez penser... |
Le jurisconsulte |
Bah, y a pas de mal à aimer les hommes de pouvoir... hein ? Vous votre truc, c'est... c'est les mains de fer, je vois pas où est le vice ! |
Mevanwi |
Je me précipite dans vos bras alors que je ne suis même pas libérée de mes obligations envers Arthur... |
Le jurisconsulte |
Mais quelles obligations ? |
Mevanwi |
L'échange d'épouses n'a jamais été annulé. |
Le jurisconsulte |
Bah, bien sûr que si... |
Mevanwi |
Pas officiellement. |
Le jurisconsulte |
Ah si, officiellement. |
Mevanwi |
Qu'est-ce que vous en savez ? |
Le jurisconsulte |
Bah, j'en sais que je suis tombé sur l'acte d'annulation en rangeant de la paperasse. |
Mevanwi |
Je ne vous crois pas. |
Le jurisconsulte |
(Pouffe de rire.) Puisque je vous le dis... |
Mevanwi |
Vous mentez, pour me rassurer. |
Le jurisconsulte |
Oh, mais enfin c'est pas vrai, ça... mais... vous voulez que j'aille le chercher pour que vous le constatiez par vous-même ? |
Mevanwi |
(Hausse les épaules.) |
Le jurisconsulte |
Hé ben alors je vais le chercher ! Comme ça vous verrez que vous n'avez plus de fil à la patte ! Enfin... euh... si, y a encore votre mari... |
Mevanwi |
Mon mari je gère. |
Le jurisconsulte |
Ah bon ? Bon bah alors j'y vais. |
Plage, jour. Arthur marche. À une cinquantaine de mètres devant lui se tiennent Venec et ses hommes. |
Venec |
Stop ! |
Arthur |
(S'arrête.) |
Venec |
(À ses hommes.) Donc là, pour le voyageur isolé, y a deux solutions. Soit il jette ses armes, ses fringues, son or et ses bijoux, et il fout le camp, bien propre... soit il décide de combattre, à un contre dix. (À Arthur.) Qu'est-ce qu'il fait ? |
Arthur |
OK ! Combat ! (Jette son sac par terre.) |
(Les hommes de Venec prennent la fuite.) |
Venec |
Oh ! Vous vous foutez de moi, là ? Revenez ! Revenez ou je vous préviens, je vous vire ! |
Arthur |
(S'approchant de Venec.) Alors ça vient, ce combat ? |
Venec |
Sire... c'est vous ? Mais qu'est-ce que vous foutez là ? |
Arthur |
Qu'est-ce qui vous est arrivé au bras ? |
Venec |
Ah, j'ai pris des calottescalotte (n.f.) Coup porté à la tête En savoir plus... tiens bah vous devinerez jamais par quiRappel : par Lancelot ; Arthur aurait été bien avisé de demander des précisions à Venec. ! |
Arthur |
Non, je m'en fous pas mal. Le combat, c'est pour aujourd'hui ou bien ? |
Venec |
Ah non non, mais Sire... c'est bon... |
Arthur |
Alors, m'appelez plus « Sire », parce que... je suis plus roi. Pardon. (Donne un coup de pied à Venec.) |
Venec |
Aïe aïe non ! Attendez, j'ai qu'un bras, là... |
Arthur |
Alors moi aussi, regardez, (place son bras droit derrière son dos) j'ai qu'un bras. Regardez. (Donne un coup à Venec.) |
Venec |
Aïe ! |
Arthur |
Non non non non, mieux mieux mieux mieux, (place son bras gauche derrière son dos) regardez : sans les bras ! (Donne plusieurs coups de pied à Venec.) |
Venec |
Aïe, arrêtez, Sire, arrêtez ! |
Arthur |
Ne m'appelez pas « Sire », je ne suis plus roi ! (Enchaîne les coups de pied, puis rue dans Venec, le faisant tomber.) |
Venec |
(Se relève.) |
Arthur |
(Court vers Venec et saute contre lui, le faisant tomber à nouveau.) |
(Arthur et Venec roulent sur la plage.) |
Arthur |
(Immobilise Venec entre ses cuisses.) |
Venec |
Ouais... bah je vais peut-être me répéter... n'empêche que, je préfère quand même quand c'est vous le roi ! |
Salle des archives, jour. Séli et le père Blaise arrivent et tombent sur le jurisconsulte. |
Séli |
Ah ! Il est là ! |
Le jurisconsulte |
Quoi « il est là » ? |
Séli |
Je viens de votre chambre, vous y étiez pas ! |
Le jurisconsulte |
Non... j'étais là. |
Séli |
Vous savez ce que j'ai trouvé dans votre chambre ? Une morue ! Une saloperie ! Mevanwi de Vannes, et où ça ? Dans votre plumardplumard (n.m.) Lit En savoir plus ! |
Le jurisconsulte |
Mais qu'est-ce que ça peut vous fiche ? Mêlez-vous de vos oignons ! |
Le père Blaise |
Bon, moi je viens un peu en tant que médiateur hein, et... je confirme hein, c'est une très grosse morue dont vous devriez vous méfier. |
Séli |
Là ! Même lui, qui pourtant comprend jamais un broc à quoi que ce soit, il le dit ! Alors c'est pas un signe, ça ? |
Le jurisconsulte |
Non mais oh, mais vous n'êtes pas ma mère, hein ! Si j'ai envie de mettre des grosses morues dans mon plumardplumard (n.m.) Lit En savoir plus, je fais ce que je veux ! (Se dirige vers la sortie, et s'arrête devant Séli.) Soyez gentille... lâchez-moi la chemise. (Part.) |
Chambre du jurisconsulte, jour. Mevanwi est au lit, le jurisconsulte arrive. |
Mevanwi |
Ah, mon ami ! |
Le jurisconsulte |
Je vous ramène un petit cadeau... |
Mevanwi |
Ah ! |
Le jurisconsulte |
(Tend un document.) Voilà l'acte d'échange d'épouses... |
Mevanwi |
(Prend le document.) Horrible papier ! |
Le jurisconsulte |
(Tend un autre document.) Et voilà... l'avenant qui l'annule. |
Mevanwi |
(Prend l'autre document.) Vous en êtes absolument certain ? |
Le jurisconsulte |
Bah comment j'en suis certain, c'est marqué dessus ! |
Mevanwi |
(Soupire.) Me voilà soulagée. |
Le jurisconsulte |
Oui bah, euh... maintenant il faut me les rendre, parce que... il faut que je les rapporte aux archives ! |
Mevanwi |
Voici le premier... (Tend l'acte d'échange d'épouses.) |
Le jurisconsulte |
(Prend le document.) |
Mevanwi |
Et voilà l'autre. (Tend l'avenant, qu'elle fait disparaître par magie.) |
Le jurisconsulte |
Mais qu'est-ce que vous avez foutu ? |
Mevanwi |
L'acte d'annulation ayant malencontreusement disparu, je suis par conséquent toujours officiellement liée à Arthur Pendragon, et c'est à moi et non à Guenièvre de choisir pour Kaamelott un souverain temporaire. Je vous annonce que je ne suis pas favorable à ce que le seigneur Léodagan conserve ce titre. |
Le jurisconsulte |
Mais... mais vous êtes une grosse morue ! |
Salle de la Table ronde, jour. Karadoc, Perceval, Léodagan, Kadoc, Calogrenant, Bohort, Lionel et Hervé de Rinel sont à la Table ronde. Karadoc préside la réunion et porte la couronne de fer. Le père Blaise se tient à son pupitre. |
Karadoc |
Je remercie donc ma femme, d'avoir permis au clan des semi-croustillants de reprendre l'avenir de Kaamelott en main. |
Perceval |
Maintenant fini de glander. Les journées complètes à se curer le pif, c'est terminé. |
Kadoc |
Elle est où la poulette ? Elle est bien cachée ? |
Karadoc |
On va commencer par un petit tour de table, pour que chacun se présente. |
Perceval |
Et un petit tour de table, c'est pas la peine de se lever et de tourner autour ! Attention. |
Karadoc |
Tout le monde connaît le seigneur Perceval... |
Perceval |
Ouais ouais, bah ils me connaissent, ouais... |
Karadoc |
Seigneur Calogrenant ! D'où venez-vous, quel est votre parcours... |
Calogrenant |
Euh... juste pour savoir, les réunions de la Table ronde, avant, c'était pas obligatoire ? |
Le père Blaise |
Ah, c'est le seigneur Léodagan qui a changé la loi. Maintenant, les absents sont passibles d'emprisonnement. |
Léodagan |
Hé. J'avoue que j'avais pas prévu un coup comme celui-là, hein... |
Karadoc |
Seigneur Bohort ! Un petit mot ? |
Bohort |
Hé bien, euh... mon frère et moi venons de Gaunes... que dire de plus ? |
Lionel |
Moi je dirais que... l'expérience de la Table ronde m'a permis de devenir plus fort, et plus responsable. |
Karadoc |
Mais, euh... grâce à nous ? |
Lionel |
Ah non non non, non non. Pas spécialement grâce à vous. |
Karadoc |
Bon. Seigneur Léodagan ? Un petit mot ? |
Léodagan |
Merde. |
Karadoc |
Voilà... et d'où venez-vous ? |
Léodagan |
Merde. |
Karadoc |
Très bien. Seigneur Hervé ? |
Hervé de Rinel |
Y a plusieurs personnes qui sont passées par votre siège, là. Hé bah le tout premier... je crois qu'il s'appelait Karbur... ça fait vachement longtemps qu'on l'a pas vu. Moi je serais vous, je lancerais des recherches. |
Perceval |
Ouais, bien. On va voir ce qu'on peut faire. |
Karadoc |
Bon. Pour ceux qui ne le connaissent pas : mon frère, le seigneur Kadoc... un petit mot ? |
Kadoc |
Caca. |
Karadoc |
On retrouve une idée commune avec Léodagan. Je pense qu'on va vous mettre ensemble en mission. |
Léodagan |
Ça me semble assez évident, oui. |
Kadoc |
Il faut pas respirer de la compote. Ça fait tousser. (Salue Léodagan, la main contre la tempe.) |
Léodagan |
(Rend son salut à Kadoc et soupire.) |
Jetée du phare, jour. Arthur marche jusqu'au phare et frappe à la porte. |
Le pêcheur |
(Ouvre la porte.) Oui, qu'est-ce que c'est ? |
Arthur |
Vous me reconnaissez ? |
Le pêcheur |
Comment ? |
Arthur |
Vous... vous voyez qui je suis à peu près, ou... pas du tout ? |
Le pêcheur |
Non, désolé... (Referme la porte.) |
Arthur |
(Frappe à nouveau à la porte.) |
Le pêcheur |
(Rouvre la porte.) |
Arthur |
Voilà, non... simplement parce que je... on se connaît, en fait. Ça fait très longtemps mais on s'est déjà vus. Parce que je suis le... roi Arthur, moi. |
Le pêcheur |
Le roi Arthur ? |
Arthur |
Voilà. Enfin sauf que... maintenant je suis plus roi. Mais avec vos filles, les... jumelles, on est... vous le savez ça, on est plus ou moins ensemble, en fait. |
Le pêcheur |
Ouais, elles m'en avaient parlé de ça, oui... mais elles sont pas là. |
Arthur |
Pas là... pas là ? |
Le pêcheur |
Ah oui, pas là... d'ailleurs, je me suis souvent posé la question, vous êtes avec laquelle ? |
Arthur |
Je suis... plus ou moins avec les deux... euh... excusez-moi, ça vous embête de me laisser rentrer, j'aimerais bien vous parler en fait, deux minutes. |
Le pêcheur |
Vous savez, c'est pas très grand, là-dedans... |
Arthur |
Mais... pas longtemps, parce que ça fait plusieurs jours que je marche, j'ai un peu froid... deux minutes, vraiment. |
Le pêcheur |
Moi je veux bien, mais accueillir un roi là-dedans, franchement c'est... c'est pas très correct, quoi. |
Arthur |
En même temps c'est pas bien grave, puisque je suis plus roi. |
Le pêcheur |
Bon, ben... ben rentrez ! (Retourne à l'intérieur.) |
Arthur |
(Suit le pêcheur.) |
Phare, jour. Arthur regarde autour de lui. |
Arthur |
C'est là que vous habitez ? |
Le pêcheur |
Pas vraiment. Des fois je suis là, des fois ailleurs... là je suis venu parce que mon fils est pas rentré de la pêche. Alors j'ai grimpé là-haut pour voir si... si je le voyais pas. |
Arthur |
Et ? |
Le pêcheur |
Bah... non. Personne à l'horizon. Alors ? Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? (Sert à boire à Arthur.) |
Arthur |
Bah... moi j'étais... plus ou moins venu pour voir les jumelles, quoi. |
Le pêcheur |
Elles sont pas là, elles sont pas là... elles sont parties y a trois ou quatre mois. Je sais pas exactement où, pour travailler, je crois. |
Arthur |
Et... juste pour savoir... |
Le pêcheur |
Quoi ? |
Arthur |
Bah la dernière fois que vous les avez vues, y a trois-quatre mois... |
Le pêcheur |
Mmh ? |
Arthur |
Vous avez pas souvenir que y en avait une enceinte, des fois ? |
Le pêcheur |
Non. |
Arthur |
Vous êtes sûr ? |
Le pêcheur |
Ah oui, ça je suis sûr, oui. |
Arthur |
Bon. |
Le pêcheur |
Ben quoi, vous êtes juste venu pour ça ? |
Arthur |
Bah venir c'est une chose... le pire c'est que je suis pas capable de repartir ! Je me suis complètement paumése paumer (v.) Se perdre En savoir plus, en venant ici. Y a des gens qui m'ont dit que vous étiez là, j'ai suivi la plage, mais... je suis pas foutu de retrouver la route de Kaamelott. D'ailleurs, euh... je pense que vous devriez me trouver un guide. |
Le pêcheur |
Vous m'avez l'air crevé. |
Arthur |
Ah bah... oui, je suis crevé. |
Le pêcheur |
Non mais pas seulement. Le visage... vous trimballez quelque chose, vous. En fait, euh... vous me faites peur. |
Plage, soir. Arthur est assis face à la mer, le pêcheur le rejoint. |
Le pêcheur |
Je reviens du village ! Je vous ai trouvé un guide. Il viendra vous chercher demain matin à l'aube. |
Arthur |
Dites, je me demandais, la barque bleue qui est là-bas... ce serait pas votre fils, des fois ? |
Le pêcheur |
Non, ça c'est l'autre con, là... |
Arthur |
Quel autre con ? |
Le pêcheur |
Je me rappelle pas de son nom mais c'est pas mon fils. Pourquoi, vous surveillez ? |
Arthur |
Vous savez quoi ? J'ai l'impression que quand j'ai débarqué de Rome, hé bah c'était sur cette plage-là. Je vous parle de ça, ça va faire quinze ans ! |
Le pêcheur |
Qu'est-ce que vous faisiez, à Rome ? |
Arthur |
J'étais à l'école militaire. Et vous savez sur qui je suis tombé quand j'ai posé le pied sur le sable ? La première personne à qui j'aie parlé ? Aziliz. Ou... Tumet, je sais plus. Bah... en tout cas c'était une des jumelles, quoi. |
Le pêcheur |
Pourquoi vous êtes venu ? |
Arthur |
Comment ça, pourquoi je suis venu ? |
Le pêcheur |
De Kaamelott jusqu'ici, ça fait quand même une trotte ! Surtout à pied ! Ne me dites pas que vous êtes venu jusqu'ici pour savoir si les jumelles étaient enceintes ? |
Arthur |
Je cherche ! Et tant que je trouve pas, bon bah... quand je suis parti de Kaamelott, je savais pas que ça m'amènerait jusqu'ici... surtout pour rien trouver ! |
Le pêcheur |
Non mais qu'est-ce que vous cherchez ? Votre descendance ? |
Arthur |
Bah oui, voilà. Ma descendance. Je vous avouerais que pour le moment, la pêche est pas super bonne. |
Le pêcheur |
Et là vous n'avez pas d'enfant ? |
Arthur |
(Hausse les épaules.) J'en ai peut-être, mais... j'arrive pas à mettre la main dessus ! |
Le pêcheur |
Bon bah croyez-moi, c'est pas plus mal. Parce que les enfants, c'est juste bon à vous mettre dans tous les états pour un oui ou pour un non... bah regardez-moi... mon fils rentre pas de la pêche. Alors je sais plus où me foutre... je m'inquiète... la plage, le phare, la plage, le phare... j'ai l'air fin ! |
Arthur |
Attendez, c'est normal d'être inquiet ! Il est parti quand, votre fils, hier ? Ça fait combien à peu près ? |
Le pêcheur |
Quatorze ans. |
Arthur |
Non non, mais à la pêche, moi je veux dire. |
Le pêcheur |
Bah quatorze ans ! Ah oui, ça commence à faire long ! |
Arthur |
Oui... je sais pas, je me rends pas compte... |
Le pêcheur |
Ben moi je peux vous l'avouer, je commence à être un petit peu inquiet. |
Arthur |
Non non, mais faut pas vous en faire... |
Le pêcheur |
(Se relevant.) Ah, les gosses, hein, les gosses... enfin... je vous souhaite d'en avoir, parce que là... bon, je rouspète, je rouspète... mais c'est quand même pas mal. En tout cas y a des bons moments. |
Arthur |
Je me doute. |
Le pêcheur |
Bon, je... je vais tenter de vous installer un petit coin, là dans le phare, pour la nuit. Un petit hamac, ça vous irait ? Ce sera pas du grand luxe, hein, c'est tout. |
Arthur |
Non non mais ça fait rien. |
Le pêcheur |
(S'éloigne.) |
Phare, nuit. Le pêcheur se sert de sa bougie pour en allumer une autre près du hamac d'Arthur. Arthur est assis non loin. |
Le pêcheur |
Bon ! Vous avez tout ce qu'il vous faut ? |
Arthur |
Je crois, oui... |
Le pêcheur |
Le bruit de la mer, ça vous empêche pas de dormir ? (S'assoit.) |
Arthur |
Le bruit de la mer ? J'ai pas l'impression, non. |
Le pêcheur |
Ouais, parce que moi je peux pas blairerblairer (v.) Supporter, apprécier En savoir plus ça... |
Arthur |
Le bruit de la mer ? |
Le pêcheur |
Le bruit, la mer, les bateaux, tout... toutes ces conneries, là, j'en ai jusque-là moi... ras la casquette... |
Arthur |
Mais... pour un pêcheur, c'est pas un peu handicapant ? |
Le pêcheur |
Parfois je fais un rêve. Je marche sur la plage, et je tombe sur une grosse chaîne, qui sort de l'eau, posée sur le sable. Alors je la prends... je tire dessus et hop ! La mer commence à se vider. Et au bout d'un moment, y a plus une seule goutte de flotte ! Alors je marche sur le fond, et... je croise tous les pêcheurs... qui ont coulé depuis toujours et qui réparent leur coque ! Alors je leur dis : « Mais barrez-vous, qu'est-ce que vous faites là, des occasions comme ça vous en aurez pas cinquante ! » Ils me répondent : « On se dépêche de réparer au cas où ça remonte. » Alors là... là je les traite de gros cons... et puis je me réveille. Qu'est-ce que vous en pensez ? |
Arthur |
Ben... (Soupire.) J'en pense que dans une certaine mesure, la mer, c'est vraiment pas votre truc. |
Le pêcheur |
(Se relevant.) Bah je vais vous laisser dormir... j'ai dit au guide qu'il vienne vous chercher demain matin à l'aube. Il frappera à la porte. Mais je lui ai pas dit qui vous étiez. |
Arthur |
Comment ça, qui j'étais ? |
Le pêcheur |
Ben... le roi de Bretagne ! |
Arthur |
Bah c'est pas bien grave, puisque je le suis plus. |
Le pêcheur |
Bah c'est pas le même type que d'habitude, celui-là je le connais pas. |
Arthur |
Il faut que je fasse quelque chose, pour le feu, là-haut ? |
Le pêcheur |
Non, vous le laissez brûler, il s'éteindra petit à petit... |
Arthur |
Bon ! (Se lève et se dirige vers son hamac.) Ben... merci pour tout. |
Le pêcheur |
Bah on se reverra sûrement jamais. |
Arthur |
Y a peu de chance. |
Le pêcheur |
Je suis désolé, hein, pour le ton de la conversation... mais je suis tellement inquiet pour mon fils que... que j'ai parlé que de ça. |
Arthur |
Non non, vous avez pas parlé que de ça. |
Le pêcheur |
Si si je vous jure... j'ai parlé que de ça. (Part.) |