Le Porte-bonheur
❰ Livre III – épisode 4 ❱
Salle à manger, jour. Arthur et Léodagan mangent ensemble. | |
Léodagan | (Pose son pain sur la table, le dessus de la miche vers le bas.) |
Arthur | (Remet le pain de Léodagan dans le bon sens.) |
Léodagan | Qu'est-ce qui vous prend ? Vous êtes givrégivré (adj.) Fou En savoir plus ? |
Arthur | On met pas le pain à l'envers, ça porte malheur, on vous a pas appris ça en Carmélide ? |
Léodagan | En Carmélide, on m'a appris à pas tripoter le pain du voisin, déjà. |
Arthur | Ça se fait pas, c'est tout. |
Léodagan | Sans blague. Vous avez rien à faire à part retourner le pain ? |
Arthur | Si, je peux vous retourner une tartetarte (n.f.) Coup, gifle En savoir plus si le cœur vous en dit. |
(Arthur et Léodagan se redressent sur leur siège en se regardant méchamment.) | |
(Ouverture.) |
Camp militaire, jour. Lancelot est assis dans un campement militaire en forêt et taille des flèches à l'aide de son couteau. | |
Karadoc | (Arrive et s'assoit à côté de Lancelot.) Il est drôlement chouette votre petit couteau. |
Lancelot | Vous avez rien à faire, vous ? |
Karadoc | Non. C'est le genre de couteau personnel qui vous quitte jamais ou c'est un couteau euh... vous vous en foutez ? |
Lancelot | Je suis sûr que y a au moins une chose que vous êtes capable de faire dans ce campement. |
Karadoc | Non, ils veulent pas, soi-disant je fous la merde. Parce que moi j'en ai un de couteau. Le même depuis des années. Et il en a vu hein, pâté, fromage, saucisson... mais si je le pète une fois, je m'en fous, je le change, c'est pas obligé d'être ce couteau. |
Lancelot | Vous avez conscience que je vous écoute pas ? |
Karadoc | Ça va, on parle. |
Lancelot | Ah non non, non non on parle pas là, non vous parlez tout seul. |
Karadoc | C'était juste pour savoir. |
Lancelot | (Agacé.) Mais pour savoir quoi ? Qu'est-ce que ça peut vous foutre ce que je pense de mon couteau ? |
Karadoc | C'est histoire de causer ! |
Lancelot | Bon, ce couteau est la seule chose qui m'ait été transmise de mon père, le roi Ban. Je le conserve comme une relique, le considère comme mon porte-bonheur, la foi que je lui porte est l'unique moteur de mon courage, je lui dois ma combativité et mes victoires, ça vous va, ça ? |
Karadoc | Vous lui devez vos victoires ? |
Lancelot | Sans aucun doute. |
Karadoc | Vous pouvez me le prêter ? |
Lancelot | Bon écoutez, trouvez-vous un porte-bonheur à vous, crétin. Foutez la paix à mon couteau et allez casser les pieds à quelqu'un d'autre. |
Karadoc | (Sort un couteau.) Parce que mon couteau pour le pâté euh... y a rien à faire, je m'en tape« s'en taper » (loc.) Se désintéresser d’une chose ou y être totalement indifférent En savoir plus. |
Lancelot | (Se lève et part.) |
Château hanté indéterminé, jour. Arthur progresse dans le couloir d'un château hanté, Excalibur sortie et suivi de Perceval. | |
Arthur | Mais qu'est-ce qu'il fout, l'autre ? |
Perceval | Il arrive. Il se galère un peu avec son truc. |
Arthur | Quel truc ? |
Karadoc | (Arrive péniblement et bruyamment en portant un chaudron.) |
Arthur | Mais qu'est-ce que c'est ce bordel ? Vous êtes dingue ? |
Perceval | (À Karadoc.) Faudrait trouver un genre de mousqueton pour le mettre à la ceinture. |
Arthur | Mais vous l'avez pris ce machin ? Vous êtes barré, non ? Pourquoi vous l'avez pas laissé accroché à la selle du cheval ? |
Karadoc | Bah non ça sert à rien, faut que je l'aie avec moi quand y a des méchants ! |
Arthur | Quand y a des méchants, il vous faut un chaudron ? |
Karadoc | C'est pas un chaudron ! |
Perceval | C'est le compotier de sa grand-mère. Là où elle faisait les confiotes, à la mûre, à la griotte... |
Karadoc | C'est sentimental. |
Arthur | Mais enfin on est en mission furtive, bon Dieu, qu'est-ce que vous venez nous emmerder avec le compotier de votre grand-mère ? |
Karadoc | C'est mon porte-bonheur, tant qu'il est là, il peut rien m'arriver. |
Perceval | Merde, j'en ai pas moi. (À Arthur.) Vous croyez que ça craint« ça craint » (loc.) Décrit une chose ou une situation déplaisante, pénible, embarrassante, laide ou encore dangereuse En savoir plus ? |
Arthur | Vous allez pas faire un boucan pareil sur tout le trajet, si ? Si on se fait repérer, on va se faire crevercrever (v.) Tuer En savoir plus. |
Karadoc | Ça risque rien, j'ai mon porte-bonheur. |
Perceval | Ouais mais ça marche que pour vous, le roi et moi on est à la merci. |
Karadoc | A la merci de quoi ? |
Perceval | De quoi ? Faut mettre un truc après merci ? |
Karadoc | Ouais je crois. Sire, on peut dire merci sans rien derrière ? |
Arthur | Non mais laissez-le là, ce machin, on le reprendra au retour ! |
Karadoc | Non ! |
Perceval | Déconnez pas Sire, on est trois à la merci sans rien derrière. |
Arthur | Chut, mais parlez moins fort, bon Dieu, on vous entend à trente bornes. |
Karadoc | Je m'en fous, je le garde. |
Perceval | La superstition c'est comme ceux qui réparent les fauteuils, il faut que le bois qu'ils rajoutent il soit à peu près comme l'autre bois sinon ça se voit trop. |
Arthur | Mais taisez-vous, c'est pas vrai ! |
Karadoc | Ça va, on parle pas si fort... (Le chaudron se détache de son anse et tombe par terre.) Il est pété ! Ça y est il va m'arriver un truc ! |
Arthur | (Donne un coup de poing à Karadoc, qui tombe par terre.) |
(Fermeture.) |
Chambre de Karadoc, soir. Karadoc et Mevanwi sont au lit. Karadoc serre son chaudron contre lui. | |
Mevanwi | Mais de toute façon au lit vous risquez rien ! |
Karadoc | On sait jamais. |
Mevanwi | Mais enfin comment voulez-vous qu'on dorme ? |
Karadoc | Je ne me sépare pas de mon porte-bonheur. |
Mevanwi | (Sortant un jambon des couvertures.) Au moins est-ce qu'on peut mettre ça dedans ? Ça fera un peu de place. |
Karadoc | Mais non, ça va gâcher l'odeur du cuivre. (Respire l'odeur du chaudron.) |
(Noir.) | |
Karadoc | Vous sentez pas qu'il reste comme un fond de purée de cerise ? |
(Stab final.) |