Le Professionnel
❰ Livre III – épisode 23 ❱
Couloir du château, jour. Arthur s'apprête à rentrer dans sa chambre quand Venec le hèle depuis un recoin du couloir. | |
Venec | (Murmurant.) Sire ! |
Arthur | Venec ? Qu'est-ce que vous foutez là ? |
Venec | (Articulant soigneusement.) Rendez–vous ce soir... à la taverne... |
Arthur | Non mais j'en ai... j'en ai rien à foutre. Qu'est-ce que vous faites ici ? |
Venec | (À voix haute.) Ben non mais de toute façon j'étais là, j'étais de passage ! |
Arthur | Non, attendez... quelqu'un sait que vous êtes ici ? Qu'est-ce que vous faites à l'étage des chambres ? |
Venec | Bah non, moi je suis rentré comme ça, j'ai vu une piaulepiaule (n.f.) Chambre En savoir plus libre... j'ai posé mon barda et puis voilà ! |
Arthur | (En colère.) Non mais... non mais sans déconner vous vous croyez où, là ? Dans un relais voyageurs ? Et vous bouffez ici aussi je suppose ? Et depuis quand ? |
Venec | (Après un moment, murmurant à nouveau.) Rendez–vous ce soir... |
Arthur | (Entre dans sa chambre.) |
Venec | À dix heures... |
Arthur | (Referme la porte derrière lui.) |
Venec | Et incognito... |
(Ouverture.) |
Taverne, nuit. Venec et Urgan sont à une table. | |
Venec | (Apercevant Arthur.) Sire ! On est là. |
Arthur | Je vois bien que vous êtes là, je suis pas bigleux ! Qui c'est, celui-là ? |
Venec | Celui-là, c'est peut-être la solution à votre problème. |
Arthur | Tiens donc ! Et à quel problème en particulier, je vous prie ? |
Urgan | Sire, sachez déjà que je ne suis pas homme à me méprendre sur le gaillard d'en face, mon petit doigt me dit que vous en êtes pas la moitié d'un. |
Venec | Bon après on pige pas toujours ce qu'il dit... mais attention, il est légendaire ! |
Arthur | Légendaire. Où ça ? |
Urgan | Je suis Urgan, dit « l'homme-goujon ». Chevalier des mers au service de votre seigneurie. |
Arthur | « Chevalier des mers » ? C'est-à-dire que vous êtes... vous êtes dans... faites partie de la flotte ? |
Urgan | Ah non ! Hou là là... |
Arthur | Vous êtes à mon service de quoi alors ? Je comprends pas. |
Urgan | Non mais je suis pirate. |
Arthur | Pirate ? Mais vous êtes au service de votre cul alors, qu'est-ce que vous venez me chanter avec votre « chevalier des mers » ? |
Venec | Non non mais attendez, quand il dit « au service de votre seigneurie », c'est maintenant. Ça veut dire qu'il est prêt à vous rendre service. |
Urgan | Oui enfin, attention, au même titre que le bar est fermé, sauf si c'est un poisson, tout travail mérite salaire. |
Arthur | (Après un instant.) D'accord. Vous... commencer sérieusement à me bourrer, tous les deux. Qu'est-ce que vous voulez ? |
Urgan | Attention Sire, prêtez l'oreille sans ristourne. |
Venec | Des fois y a des coups, on hésite. « Est-ce que je vais faire une connerie ? » C'est normal ! |
Urgan | Tête bien pensante est par deux fois force de décision... |
Venec | Des fois il suffit de rencontrer la bonne personne ! Urgan, tel que vous le voyez, au-delà de ses activités de pirate... |
Urgan | Attention, je ne renie pas mon métier pour autant. |
Venec | Ah non mais c'est pas ça que je dis. |
Urgan | Ah bon... parce que attention, je ne renie pas mon métier. |
Venec | Non non mais je sais, je l'ai constaté par moi-même. |
Urgan | Que la chose soit dite et bien dite. |
Venec | Et puis, c'est fait consciencieusement. |
Urgan | Homme sans métier n'est plus apte à exercer une activité professionnelle... |
Arthur | (Frappe sur la table.) Vous allez me dire tout de suite ce que vous me voulez ou je vous débarouledébarouler (v.) Envoyer, mettre En savoir plus tous les deux au cachot ! |
Venec | Urgan... il fait aussi l'assassin. |
Urgan | Ça m'arrive. |
Venec | Mais attention hein, l'assassin haut de gamme, vous voyez ? |
Arthur | Haut de gamme ? C'est-à-dire ? Il butebuter (v.) Tuer En savoir plus que les bourgesbourge (n.) Personne qui expose son aisance matérielle et financière au travers de signes extérieurs de richesse En savoir plus ? |
Venec | Voilà, c'est ça, il... butebuter (v.) Tuer En savoir plus que des bourgesbourge (n.) Personne qui expose son aisance matérielle et financière au travers de signes extérieurs de richesse En savoir plus. (À Urgan.) Bon... c'est un peu chaud de... de dire les noms... |
Urgan | Oh ben disons que j'ai pas mal travaillé en Norgalles, y a... une dizaine d'années... |
Arthur | Ah ! Ouais, d'accord. |
Venec | Vous voyez le genre, quoi ? |
Urgan | Renommée, renommée, qui es-tu renommée ? |
Arthur | Qu'est-ce que vous voulez que ça me foute ? |
Venec | En fait, officiellement, il fait plus... l'assassinat. |
Urgan | Mais bon, éventuellement, bonne proposition fait force de respect. |
Venec | Tout travail mérite salaire. |
Urgan | Ah ça oui ! |
Venec | C'est important. |
Urgan | Je pourrais peut-être exercer mon apostolat de tantôt... |
Arthur | Pour moi ? |
Urgan | Pour vous. |
Venec | Ah bah de toute façon vu les taros, y a que du souverain qui peut se payer ça, hein. |
Arthur | Non mais c'est bien gentil mais... qui est-ce que vous comptez buterbuter (v.) Tuer En savoir plus ? |
Venec | Hé ben ? La reine ! |
Arthur | La reine ? |
Urgan | Ben quoi, c'est pas ça que vous voulez ? |
(Fermeture.) |
Taverne, nuit. Venec, Urgan et Arthur sont à une table. | |
Venec | Non mais je suis vraiment désolé. |
Urgan | Comme le bruit court, enfin vous savez, « bruit qui court n'est point de... » |
Arthur | Oui non, oui ça va, je connais. Simplement, le bruit court que je veux faire buterbuter (v.) Tuer En savoir plus ma femme ? |
Urgan | Ah, ça partout. Et je suis homme à voir du monde ! Et du pays. |
Venec | Moi je voulais vous rendre service. |
Arthur | Comme si j'étais pas assez grand pour zigouillerzigouiller (v.) Tuer En savoir plus ma femme tout seul, pff ! |
Urgan | Oui non mais des fois, quand on connaît trop, on hésite. Et c'est un prompt renfort. |
(Noir.) | |
Arthur | Mais... à titre purement informatif, vous prendriez combien ? |
(Stab final.) |