Le Tourment
❰ Livre I – épisode 98 ❱
Chambre d'Arthur, soir. Arthur et Guenièvre sont au lit, Arthur somnole. | |
Arthur | (Se réveille et regarde Guenièvre.) Hé ben, qu'est-ce qu'il y a qui va pas ? |
Guenièvre | Je sais pas si c'est la pleine lune ou quoi mais... je me fais du souci. |
Arthur | Du souci par rapport à quoi ? |
Guenièvre | Ce soir, je ne sens pas que vous m'aimez. |
Arthur | Parce que les autres soirs, oui ? |
Guenièvre | (Après un instant.) Ah non, pas vraiment... |
Arthur | Voyez, vous avez pas de raison de vous en faire... |
(Ouverture.) |
Salle de bain, soir. Arthur prend son bain. | |
Arthur | (Chantant.) « ...captive dans tes yeux... qui m'a l'âme ravie, d'un sourire radieux... » |
(On frappe à la porte de la salle de bain.) | |
Arthur | (Irrité.) Qu'est-ce que c'est ? |
Karadoc | C'est le seigneur Karadoc, Sire. Je peux entrer ? |
Arthur | Ah bah non, non ! Sûrement pas, non ! |
Karadoc | Non mais juste deux minutes ! (Entre, en tenue de bain, tenant une brosse et un baquet.) |
Arthur | (Criant.) Non mais ça va, oui ? Vous vous faites pas trop chier ? |
Karadoc | Bah, j'ai frappé ! |
Arthur | Vous allez me foutre le camp, espèce de con ? |
Karadoc | Sire, j'ai rencontré une jeune fille magnifique ! Elle et moi, si je me démerde pas trop mal, ça peut être le gros truc ! |
Arthur | Mais qu'est-ce que vous voulez que ça me foute ? |
Karadoc | Premier rendez-vous ce soir. Je ne peux pas me permettre de puer du cul. Alors, s'il vous plaît, comme y a que vous qui êtes équipé hygiène, est-ce que vous pouvez me faire une petite place deux minutes, le temps que je me récure les doigts de pied, et puis après je vous laisse tranquille. |
Couloir du château, nuit. Arthur ouvre la porte de sa chambre. | |
Arthur | Perceval ? Qu'est-ce qui se passe, on est attaqués ? |
Perceval | Non, non. Je voulais juste vous parler. |
Arthur | Me parler ? À cette heure-ci ? Vous voulez mon pied au cul ? |
Perceval | C'est à propos d'Angharad ! |
Arthur | Quoi ? |
Perceval | Vous voyez qui c'est ? |
Arthur | Attendez, vous venez me réveiller en pleine nuit pour me parler de la bonnichebonniche (n.f.) Servante, domestique En savoir plus de ma femme ? |
Perceval | Je viens voir si vous auriez pas un conseil à me donner. |
Arthur | Ah si ! Ah moi je serais vous, j'irais me recoucher vite fait avant de prendre un painpain (n.m.) Coup de poing En savoir plus ! |
Perceval | Ben si vous voulez, je sens bien qu'il faudrait que je fasse quelque chose, mais je sais pas quoi. |
Arthur | Bah je sais pas, me lâcher la grappe, par exemple ? |
Perceval | En fait, voilà, la question est simple : est-ce que vous croyez qu'il faut que je la demande en mariage ? |
Arthur | Mais qu'est-ce que vous voulez que ça me foute, vos conneries ? |
Perceval | Non mais parce que je suis chevalier, aussi ! Normalement, il faudrait que je me marie avec des personnes du même rang ! Seulement, qu'est-ce que c'est qui a le même rang qu'un chevalier ? |
Arthur | Mais je ne sais pas, et je m'en tape« s'en taper » (loc.) Se désintéresser d’une chose ou y être totalement indifférent En savoir plus ! |
Perceval | Un autre chevalier ! Mais je vais pas me marier avec un autre chevalier, quand même ! |
Arthur | Mais mariez-vous avec qui vous voulez et allez crevercrever (v.) Mourir En savoir plus ! |
Perceval | Vous donnez votre consentement pour que je me marie avec la bonnichebonniche (n.f.) Servante, domestique En savoir plus ? Euh... Angharad ? |
Arthur | Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre ? Mais vous pourriez bien vous marier avec une chèvre, si ça vous chante ! |
Perceval | Merci, Sire. |
Arthur | Et puis alors mon petit pote, alors, si vous en tenez une qui veut vraiment se marier avec vous, alors rappelez-vous que c'est inespéré, et sautez sur l'occasion avant qu'elle change d'avis ! |
Perceval | Ah non ça risque rien là ! Angharad, ça fait huit ans qu'elle poireautepoireauter (v.) Attendre En savoir plus, elle est toujours là. Bon, elle a pas inventé l'eau chaude, non plus. |
Couloir du château, nuit. Arthur ouvre la porte de sa chambre. | |
Arthur | Seigneur Lancelot ? Une attaque surprise ? |
Lancelot | Non, non, rassurez-vous, Sire. J'ai ressenti le besoin de m'entretenir avec vous. |
Arthur | (S'emportant.) Mais qu'est-ce qui vous prend à tous, cette nuit ? Vous voulez que je vous balancebalancer (v.) Lancer, envoyer, expédier En savoir plus dans les douves, ou quoi ? |
Lancelot | J'ai simplement besoin de votre avis ! Vous permettez que je vous pose une question ? |
Arthur | Ah bah allez-y, je vous en prie ! Faites comme si j'étais réveillé ! |
Lancelot | Vous savez, cette histoire de cœur pur... |
Arthur | Quel cœur pur. |
Lancelot | Ben le mien ! |
Arthur | Ah oui, oh... (Lève les yeux au ciel.) Bon. Oui alors ? |
Lancelot | Je me demande ce qu'on pense de tout ça, à la cour... |
Arthur | Tout le monde s'en branle« s'en branler » (loc.) Se désintéresser de quelque chose En savoir plus, moi le premier. |
Lancelot | Précisément. Et j'en arrive à ma question. Est-ce que vous pensez que je devrais fréquenter ? |
Arthur | J'en ai rien à foutre. |
Lancelot | Ouais... ouais, je serais décevant, hein ? |
Arthur | Rien à carrer« n'en avoir rien à carrer » (loc.) Se désintéresser d’une chose ou y être totalement indifférent En savoir plus. |
Lancelot | Ouais, vous avez raison. On attend de moi la noblesse du cœur. Alors sinon... |
Arthur | (Ferme la porte au nez de Lancelot.) |
Lancelot | Oui, vous avez raison ! |
(Fermeture.) |
Chambre de Demetra, nuit. Arthur et Demetra sont au lit, Arthur dort. | |
Demetra | (Secoue Arthur.) |
Arthur | (Se réveille.) Qu'est-ce qu'il y a ? |
Demetra | Ben je suis désolée, je sais pas si c'est la pleine lune ou quoi mais... j'arrive pas à fermer l'œil. |
Arthur | Qu'est-ce qui vous arrive ? |
Demetra | Il faut que je vous pose la question : est-ce que vous m'aimez réellement ? |
(Noir.) | |
Arthur | C'est tous les combien, la pleine lune, rappelez-moi ? |
(Stab final.) |