Jardins, jour. Arthur est allongé dans l'herbe et dort ; Karadoc le rejoint. |
Karadoc |
Sire ! |
Arthur |
(Se réveillant.) Hein ? Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qui se passe ? |
Karadoc |
(Soupire.) Il faut que je vous parle, c'est important. |
Arthur |
Ah ben allez-y, je vous en prie... je dormirai ce soir... |
Karadoc |
J'arrive pas bien à voir clair... depuis qu'on a échangé nos épouses, euh... je suis pas dans mon assiette. |
Arthur |
Qu'est-ce qu'il y a qui va pas ? |
Karadoc |
C'est ma nouvelle femme, Guenièvre... j'avoue, j'arrive pas bien à la cerner. |
Arthur |
Mais... vous avez réussi à la voir, Guenièvre, depuis qu'on a fait l'échange ? |
Karadoc |
Ah bah non, au camp de Lancelot ils veulent pas me laisser rentrer. |
Arthur |
Vous l'avez même pas croisée ? |
Karadoc |
Non. |
Arthur |
Vous croyez pas que c'est un peu pour ça que vous avez du mal à la cerner ? |
Karadoc |
Ça aide pas, c'est sûr... |
(Ouverture.) |
Jardins, jour. Arthur et Karadoc sont allongés dans l'herbe et discutent. |
Karadoc |
En fait, c'est ma femme, mais je la connais presque pas. |
Arthur |
Si ça peut vous rassurer, quand je l'ai épousée, je la connaissais pas non plus... |
Karadoc |
Parlez-moi un peu d'elle... |
Arthur |
Euh non, non merci non, ça va j'y tiens pas... |
Karadoc |
Ah bah soyez chouette ! Ses petites habitudes... |
Arthur |
« Ses petites habitudes », est-ce que je sais moi ? |
Karadoc |
Elle avait bien une occupation ? |
Arthur |
Bah me gonfler, déjà, ça ça lui prenait un temps considérable... et puis si, elle euh... elle brodait des motifs. |
Karadoc |
Ah voilà, j'en étais sûr que c'était une artiste ! |
Arthur |
C'était la gerbe ses machins, elle me faisait un marque-page tous les trois jours, résultat j'ai douze fois plus de marque-pages que de bouquins. |
Karadoc |
À votre avis, qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour que ce con de Lancelot me rende ma femme ? |
Arthur |
Ça je saurais pas vous dire, d'autant que si j'étais à votre place, je me demanderais ce qu'il faut que je fasse pour qu'il la garde... |
Jardins, jour. Perceval et Karadoc sont allongés dans l'herbe et discutent ; Arthur est allongé près d'eux et se repose. |
Karadoc |
(À Perceval.) Ouais mais vous, sentimentalement, vous savez vous assumer, et ça c'est capital ! |
Perceval |
Ouais, mais enfin c'est pas pour ça que j'ai pas mes problèmes, attention ! |
Karadoc |
Non mais des problèmes tout le monde en a, moi j'arrive même pas à récupérer ma bonne femme... |
Perceval |
Sire, franchement mon histoire avec Angharad, vous pensez pas que c'est au point mort en ce moment ? |
Arthur |
(Soupire.) J'en ai pas grand-chose à carrer« n'en avoir rien à carrer » (loc.) Se désintéresser d’une chose ou y être totalement indifférent En savoir plus, pour rien vous cacher... |
Perceval |
Non mais Sire dites-moi, soyez sympa ! |
Arthur |
Mais... mais ça fait dix ans que ça dure votre histoire, vous vous êtes même pas fait une bise sur le front, venez pas me demander si c'est au point mort ! C'est plombé, ensablé, emmuré jusqu'au trognon votre truc, voilà. |
Perceval |
Ouais moi aussi, c'est l'impression que ça me fait. |
Karadoc |
Je vous l'ai toujours dit, ça demande qu'à devenir le beau truc. Il manque juste le petit coup de pouce. |
Perceval |
Je sais, c'est pour ça, je baisse pas les bras. |
Karadoc |
Des fois, il suffit de pas grand-chose pour que ça décolle. |
Perceval |
Faut pas être défaitiste. Vous, vous avez tendance à garder en dedans. Non non non non, il faut parler pour sortir tout ce qui est coincé ! |
Karadoc |
Je sais... |
Perceval |
Sinon c'est pas bon. |
Karadoc |
(Pointant du doigt.) Tenez, regardez, y a Angharad qui arrive. Allez-y, profitez-en, mettez les choses à plat une bonne fois pour toutes ! |
Perceval |
Non non non non non, attendez ça va durer huit jours... non non non, une autre fois hein. Venez on se casse. |
(Perceval et Karadoc se lèvent et partent.) |
Arthur |
(Soupire.) |
(Fermeture.) |
Jardins, jour. Arthur et Angharad sont allongés dans l'herbe et discutent. |
Angharad |
Je ne cacherai pas à Monsieur que de mon côté, j'ai pas un caractère facile ! Mais avec le seigneur Perceval, et c'est pas Monsieur qui me contredira... faut souvent parler en premier, parce que... parce que c'est un homme sensible, qui est surtout centré sur l'écoute, quoi ! |
Arthur |
Attendez, vous étiez pas censée bosser au camp de Lancelot, vous ? |
Angharad |
Ouais ouais non, mais je suis venue chercher des affaires pour Madame. Tenez, ça c'est pareil, ça... l'énergie que je suis capable de fournir dans le cadre professionnel, hé ben... je la retrouve pas quand il s'agit de faire quelque chose pour me sortir d'une impasse émotionnelle, voyez ? Non, d'ailleurs euh... je pose la question à Monsieur... |
(Noir.) |
Angharad |
Est-ce que Monsieur pense que mon histoire avec le seigneur Perceval est au point mort en ce moment ? |
(Stab final.) |