Les Affranchis
❰ Livre III – épisode 38 ❱
Salle de la Table ronde, jour. Arthur est assis à la Table ronde. Léodagan et Calogrenant arrivent, les bras chargés de paniers de victuailles. | |
Arthur | Ben, mais qu'est-ce que vous foutez, tous les deux ? |
Léodagan | Comment ça qu'est-ce qu'on fout ? On n'a pas dit qu'on se fabriquait un casse-graine ? |
Arthur | Mais si, mais pourquoi c'est vous qui portez les trucs ? |
Calogrenant | Comment ça ? |
Arthur | (Agacé.) Comment, « comment ça » ? Vous coltinez la bouffe des cuisines aux étages ! Qu'est-ce que vous foutez ? Y a pas assez de larbinslarbin (n.m.) Serviteur, domestique En savoir plus ? |
Léodagan | Bah non, y a pas assez de larbinslarbin (n.m.) Serviteur, domestique En savoir plus ! |
Arthur | De quoi ? |
Calogrenant | Ça fait des semaines qu'on trouve personne pour se faire servir. Alors du coup, on a pris le coup ! Regardez, j'arrive même à porter deux plateaux sur le même bras ! (Place un deuxième plateau sur son bras droit ; le plateau tombe par terre.) Oh... |
(Ouverture.) |
Taverne, soir. Venec est à la taverne, Arthur vient d'entrer, encapuchonné. | |
Venec | Sire ! |
Arthur | Chut ! « Sire » ! Je suis là incognito, espèce d'andouille ! |
Venec | Je vous appelle comment, du coup ? |
Arthur | Vous m'appelez pas ! Il faut que je vous parle des galériens. |
Venec | Ah bon ? |
Arthur | Si j'ai bien tout compris, quand y a une galère qui part, vous embarquez dessus avec votre « marchandise », c'est ça ? |
Venec | Bah non, j'avais mon bateau, mais ça me coûtait un œil. Alors maintenant, je m'arrange avec un capitaine et puis bah... je me fais poser où je veux. |
Arthur | Ouais. D'accord. (Murmurant.) Alors... si je vous donne du blé pour racheter tous les galériens, est-ce que vous pouvez les débarquer dans un endroit sûr où ils seront libres sans risquer de se faire (siffle) repiquer comme esclaves ? |
Venec | Bah... le mieux c'est Athènes. C'est grand, ils ont leur chance. Ou Rome. Sauf que c'est bien gentil, mais... le capitaine, comment il repart ? |
Arthur | Le capitaine, qu'est-ce que j'en ai à secouer« n'en avoir rien à secouer » (loc.) Se désintéresser d’une chose ou y être totalement indifférent En savoir plus ? Le capitaine, il se démerde ! Il a qu'à repartir à la rame, tiens. |
Venec | Mais pourquoi vous faites ça ? À quoi est-ce que ça vous sert de libérer des galériens ? En plus c'est que de la racaille, tout ça... |
Arthur | Non, franchement, je crois pas que vous soyez en... (Porte son attention sur la serveuse.) Mais elle est de chez moi, celle-là ! |
Venec | Comment ça ? |
Arthur | (Force la serveuse à s'asseoir à côté de lui.) Mais comment, comment ça ? Mais elle est de Kaamelott ! C'est une esclave viking, je la connais bien ! |
Venec | Je savais pas que vous connaissiez toute les têtes de vos esclaves ! Vous en avez tellement. |
Arthur | (Gêné.) Oui, non mais c'est pas ça, parce que... non mais ça c'est particulier, c'est parce qu'on a... bon non mais attention, hein ? (Frappe la table.) Ne changez pas de conversation ! |
Le tavernier | (Hors-champ.) Hep, hep, hep ! Si vous tripotez la petite, c'est plus cher ! |
Venec | (Au tavernier.) Non non mais ça va, c'est bon, je m'en occupe. |
Le tavernier | Non, parce que si je vous les achète, c'est pas pour qu'elles passent le service à glanderglander (v.) Rester à ne rien faire En savoir plus ! |
Arthur | Hé ? Qu'est-ce que c'est que ce cirque ? |
Venec | Des fois, je prends des esclaves que vous avez pas besoin, au château. Des qui glandent rien. Et puis bah euh... pour pas leur faire perdre la main, je les fais bosser ici, au service ! Ça les maintient ! |
Arthur | Vous vendez au tavernier les esclaves que je vous ai déjà achetés ? |
Venec | C'est en plus de chez vous ! Quand ils ont fini chez vous, ils viennent ici ! Ça peut pas vous faire défaut, c'est transparent ! |
Arthur | Mais vous leur faites faire double journée ! Mais vous allez me les buterbuter (v.) Tuer En savoir plus ! (Prend le bras de la serveuse.) Regardez-moi là, celle-ci, elle pèse cinquante livreslivre (n.f.) Ancienne unité de mesure de masse En savoir plus avec les habits et on voit à travers ! |
Venec | Non mais c'est pas vraiment double journée... double journée, c'est trop. |
Arthur | Alors quoi ? |
Venec | Elle... elle est plutôt ici. |
Arthur | Ah oui d'accord, c'est ça. Elle bosse plus du tout à Kaamelott. |
Venec | J'ai fait double journée au début, mais y en a six qui sont morts, alors ça va ! Je vais pas vous dévaliser, non plus ! |
Arthur | Écoutez-moi bien, espèce de zinzinzinzin (n.m.) Fou En savoir plus. Les esclaves à Kaamelott, ils sont tous affranchis. |
Venec | Tous quoi ? |
Arthur | Affranchis. Ils sont libres ! |
Venec | Vous voulez dire, comme les liberti à Rome ? |
Arthur | Exactement. |
Venec | Hé ben ? Et pourquoi ils se barrentse barrer (v.) Partir, s'en aller En savoir plus pas, alors ? |
Arthur | Mais parce que je les paie ! Et ils préfèrent rester bosser plutôt que de sortir et de se faire capturer par des pignoufspignouf (n.m.) Imbécile, idiot En savoir plus dans votre genre ! |
Le tavernier | (Hors-champ.) Mais vous lui lâchez le jupon, oui ? |
Arthur | Vous me la ramenez à Kaamelott, mais tout de suite, sinon je vous balancebalancer (v.) Lancer, envoyer, expédier En savoir plus au troutrou (n.m.) Prison En savoir plus pour le restant de vos jours ! |
Venec | Ces histoires de galériens, de liberti, pourquoi vous me parlez de ça ici, à la taverne, habillé comme un clodoclodo (n.m.) Clochard En savoir plus ? |
Arthur | Parce que personne ne sait que je fais ça, et personne doit le savoir. Mes liberti, pour tout le monde, c'est des esclaves. OK ? |
Venec | Mais pourquoi ? |
Arthur | Parce que pour le moment, en Bretagne, affranchir des esclaves, ça fait tapettetapette (n.f.) Homosexuel En savoir plus. Et je peux pas me le permettre. |
(Fermeture.) |
Salle de la Table ronde, jour. Une dizaine d'esclaves affranchis faut la queue pour recevoir leur solde d'Arthur, à côté duquel est assise la serveuse de la taverne, désormais servante affranchie. | |
Arthur | (Donne sa solde à un premier esclave affranchi.) |
(L'esclave remercie Arthur.) | |
Arthur | (Donne sa solde à un deuxième esclave affranchi.) |
(L'esclave remercie Arthur.) | |
Arthur | Non mais... non mais arrêtez de dire « merci », quoi, enfin vous bossez je vous paie, c'est bon... (Donne sa solde à un troisième esclave affranchi.) |
(L'esclave remercie Arthur.) | |
Arthur | (Montre des signes d'agacement.) |
(Un quatrième esclave s'approche.) | |
La servante affranchie | Celui-ci, c'est un Ibère. Il aimerait vous faire un bisou pour vous remercier. |
Arthur | Non mais... mais ça va, il est libre maintenant, il a pas besoin de faire des bisous ! |
La servante affranchie | Bah justement, s'il est libre, il est libre de vous faire un bisou... |
Arthur | (Soupire.) Bon bah, oui... (Indique sa joue à l'esclave.) |
(L'esclave embrasse Arthur sur la joue.) | |
Arthur | (Donne sa solde à l'esclave ibère.) |
(L'esclave remercie Arthur avec un fort accent.) | |
Arthur | (Donne sa solde à un cinquième esclave affranchi.) |
(L'esclave remercie Arthur.) | |
Arthur | (Lève les yeux au ciel.) |
(Noir.) | |
Arthur | (Donne sa solde à un sixième esclave affranchi.) |
(L'esclave remercie Arthur.) | |
(Stab final.) |