Couloir du château, jour. Le père Blaise et le maître d'armes discutent. |
Le maître d’armes |
Non, c'est pas possible... |
Le père Blaise |
Oui bah c'est peut-être pas possible, n'empêche que c'est comme ça. |
Le maître d’armes |
Non mais vous vous rendez compte de la gravité de la chose ? |
Le père Blaise |
Mais vous comprenez pas que c'est officiel ? J'étais là ! C'est moi qui ai officié pendant l'échange ! |
Le maître d’armes |
Le roi a échangé son épouse avec celle d'un autre chevalier ? |
Le père Blaise |
Oui, oui, oui, oui, oui et re-oui... |
Le maître d’armes |
(Après un instant.) Non c'est grotesque. Et Guenièvre, vous allez me faire croire qu'elle est partie avec Karadoc ? |
Le père Blaise |
Euh... oui et non. |
Le maître d’armes |
« Oui et non »... |
Le père Blaise |
Oui, bah c'est compliqué, je sais pas par où commencer, c'est... |
Le maître d’armes |
Commencez déjà par admettre que vous avez un problème de boisson, mon vieux. |
(Ouverture.) |
Couloir du château, jour. Le père Blaise et le maître d'armes discutent. |
Le maître d’armes |
De toute façon je vois même pas pourquoi on discute. Si le roi s'est mis avec la femme de Karadoc, je le verrai bien par moi-même, mathématiquement. La prochaine fois que je le rencontrerai, y a une chance sur deux pour que sa « nouvelle » femme soit pas loin... |
Le père Blaise |
Oui bah c'est même pas sûr. |
Le maître d’armes |
Tiens donc. |
Le père Blaise |
Ouais, ils s'affichent pas tellement ensemble... |
Le maître d’armes |
(Sarcastique.) Oh... quel dommage ! |
Le père Blaise |
(Perdant patience.) Non mais... j'étais là, j'ai tout vu, j'étais à la cérémonie, pourquoi est-ce que vous me croyez pas ? |
Le maître d’armes |
Convoiter la femme d'un autre chevalier est une chose extrêmement grave, mon petit vieux. Selon la loi et le serment des chevaliers, l'affaire ne se peut régler que par un duel à mort ! |
Le père Blaise |
Ouais bah minute... c'est moi qui me ruine les yeux à les mettre sur papier, les lois. Vous croyez que je les connais pas ? |
Le maître d’armes |
Je n'imagine pas notre bon roi Arthur se lancer dans de telles extravagances, voilà ! |
Le père Blaise |
Mais je vous dis qu'il a utilisé une vieille loi de Vannes qui l'autorise parfaitement à... |
Le maître d’armes |
Je ne croirai votre désolant feuilleton que quand j'en aurai une preuve tangible ! En attendant vous êtes un alcoolique, voilà tout ! |
Le père Blaise |
(Brandit le poing, puis se ressaisit.) Vous savez ce qu'on va faire ? À cette heure-ci, le roi fait sa sieste. Et pendant la sieste, il aime bien... |
Le maître d’armes |
Il aime bien quoi ? |
Le père Blaise |
Hé bah il aime bien... vous voyez ! |
Le maître d’armes |
Ah, ouais... |
Le père Blaise |
Voilà, bon. Donc, je vais aller frapper à sa porte en prétextant n'importe quoi, un truc, là... et avec un peu de bol, aujourd'hui, il fait ça avec sa nouvelle femme. |
Le maître d’armes |
Il fait quoi ? |
Le père Blaise |
Hé bah, il... |
Le maître d’armes |
Ah oui ! Ah, ouais... |
Le père Blaise |
Oui ! Mmh ? |
Le maître d’armes |
(Acquiesce.) |
Couloir du château, jour. Le père Blaise et le maître d'armes se tiennent devant la porte d'Arthur. |
Le père Blaise |
(Frappe à la porte.) |
Arthur |
(Ouvre.) |
Le père Blaise |
Ah Sire, vous êtes là ! Je vous cherchais. |
Arthur |
Bah oui, j'étais là. |
Le père Blaise |
Il fallait que je vous parle. |
Arthur |
Je suppose que ça ne pouvait pas attendre... |
Le père Blaise |
Euh, difficilement... enfin quoique tout peut attendre hein, évidemment ! |
Arthur |
Je vous écoute ! Qu'est-ce que vous me voulez ? |
Le maître d’armes |
Attention, Sire, euh... moi je... non je vois que vous me regardez, je suis là qu'en observateur... |
Arthur |
En observateur de quoi ? |
Le maître d’armes |
Disons que c'est notre ami qui a une question à vous poser, moi je... je supervise ! |
Le père Blaise |
Oui en fait c'est très simple... euh... enfin quoique c'est un petit peu délicat, euh est-ce que je pourrais rentrer, s'il vous plaît, pour qu'on soit plus tranquilles ? |
Arthur |
(Jette un œil dans la pièce.) Ah, de... ah non, non là non... |
Le père Blaise |
Non ? |
Arthur |
Non non, non, non. |
Le père Blaise |
(Se tourne discrètement vers le maître d'armes, satisfait.) Ah ah... |
Arthur |
C'est ça que vous vouliez me poser comme question ? Si vous pouvez rentrer ? |
Le père Blaise |
Euh... non non, non non, c'était pas ça, euh mais je... c'est pas grave, je reviendrai à un moment plus propice. |
Arthur |
Attendez, je croyais que c'était urgent ! |
Le père Blaise |
Pas du tout ! Pas du tout, non tout va très bien, ne vous inquiétez pas, vous pouvez retourner à vos petites affaires... (Sourit d'un air entendu et jette un coup d'œil au maître d'armes.) |
Arthur |
Ah bah ça valait le coup ! (Au maître d'armes.) Et puis ça valait le coup de superviser, aussi ! (Referme sa porte.) |
(Fermeture.) |
Couloir du château, jour. Le père Blaise et le maître d'armes se tiennent devant la porte d'Arthur. |
Le maître d’armes |
Et c'était ça votre preuve tangible ? Vous vous foutez de moi ! |
Le père Blaise |
Il nous laisse pas rentrer ! Comme par hasard... |
Le maître d’armes |
Mais y en a des milliers de raisons de pas nous laisser rentrer, voyons ! |
Le père Blaise |
Il était tout décoiffé ! Vous voyez bien qu'il était en train... |
Le maître d’armes |
Mais quand bien même ! Rien ne prouve que c'était pas avec une de ses nombreuses maîtresses ! |
Le père Blaise |
Je vous dis que c'est avec Dame Mevanwi ! |
Le maître d’armes |
Et moi je vous dis de surveiller votre consommation d'alcool ! |
Le père Blaise |
Je m'en fous ! Je retape. (Frappe à la porte.) Ça va vite me gonfler cette affaire... |
(Noir.) |
Le maître d’armes |
J'en connais un autre que ça va vite gonfler aussi. |
(Stab final.) |