Les Derniers Outrages
❰ Livre III – épisode 14 ❱
Salle à manger, jour. Arthur, Lancelot et Léodagan mangent ensemble. | |
Arthur | Demain, on gracie. |
Léodagan | On gracie quoi ? |
Lancelot | Les prisonniers. Ceux qui ont rien fait de gravissime, ils sortent. |
Léodagan | Non mais c'est pas vrai ! Chaque année vous allez me faire le coup ! |
Arthur | C'est la coutume. |
Lancelot | Tous les ans. |
Léodagan | Des canailles en liberté... (Repousse son assiette avec colère.) Tiens ! Ça me coupe l'appétit moi. |
(Ouverture.) |
Salle à manger, jour. Arthur, Lancelot et Léodagan mangent ensemble. | |
Arthur | C'est une coutume, c'est tout. |
Lancelot | Chaque année on essaie de vider les prisons. |
Léodagan | Mais en Carmélide aussi on le fait qu'est-ce que vous croyez ? Chaque année on crame toutes les geôles, la saloperie est éliminée, et une nouvelle génération arrive, et ainsi de suite ! |
Arthur | Normalement vous êtes un pays fédéré, vous avez pas le droit de faire ça ! |
Lancelot | On pourrait vous faire arrêter d'ailleurs. |
Léodagan | Ah bah il ferait beau voir« il ferait beau voir » (loc.) Locution ironique dans le sens de « Ce serait bien le comble. », « Ce serait incroyable. » En savoir plus ! C'est une tradition. Quand vous avez fédéré, vous avez dit que les traditions locales seraient respectées. |
Arthur | Ouais non mais attendez, ça dépend lesquelles, hein ! |
Léodagan | Vous savez quoi ? Je vais vous dire un truc. Moi, aujourd'hui, je suis chez vous, je respecte les traditions. Demain, je libère tous les saligauds du coin. Mais vous, la prochaine fois que vous êtes en Carmélide pour une raison ou pour une autre, vous vous plierez à une tradition locale. |
Arthur | Une tradition locale ? Laquelle ? |
Léodagan | Vous verrez. |
Village d'Aelis, jour. Léodagan, accompagné d'Arthur et de soldats, saccage le village d'un clan ennemi. | |
Léodagan | (Aux soldats.) Allez ! Doit y avoir de la racaille encore dans les maisons du fond ! (À Arthur.) Vous vous arrêtez là, vous. |
Arthur | Quoi ? |
Léodagan | Vous êtes en Carmélide, ici. Le chef de rang doit entrer dans la maison du chef de clan vaincu, et euh... et voilà. |
Arthur | Et voilà quoi ? |
Léodagan | Bah là y a la fille aînée du chef de clan, et... bah voilà ! |
Arthur | Quoi ? Vous vous foutez de ma gueule ? Alors là vous pouvez aller vous gratterse gratter (v.) Être contraint de renoncer ou de se passer de quelque chose En savoir plus ! |
Léodagan | Ah, vous n'auriez tout de même pas l'indélicatesse de venir sur nos terres et de ne pas en respecter les plus anciennes traditions ! |
Arthur | Je vois pas ce que les traditions viennent foutre là dedans, moi il est tout simplement hors de question que... |
Léodagan | C'est l'incident diplomatique que vous cherchez ? Si vous respectez pas la coutume locale, votre État fédéral il vaut de la merde ! Allez, c'est la maison derrière vous. Et puis hé... essayez de vous distinguer, pour une fois. Ça nous changera... |
Maison d'Aelis, jour. Arthur entre timidement dans la maison d'Aelis, qui l'y attend. | |
Arthur | Y a quelqu'un ? |
Aelis | Entrez entrez ! Bonjour ! |
Arthur | (Gêné.) Bonjour ! |
Aelis | Ça va ? Pas trop blessé ? |
Arthur | Non ça va. Je vous remercie. |
Aelis | Ah oui, une petite précision, la fille aînée normalement c'est ma sœur, mais on s'est arrangées hein... aujourd'hui ça sera plutôt moi... |
Arthur | D'accord... |
Aelis | Entre nous, vous y gagnez au change, parce que ma sœur euh... c'est pas la caille du coin. |
Arthur | Tout à fait, euh... parce que moi la tradition, je dirai franchement... euh... je suis pas bien chaud. |
Aelis | Oui, en rapport à votre réputation ? |
Arthur | (Fronce les sourcils, ne comprenant pas.) |
Aelis | Ce qu'on peut fait, on le fait, moi, je le dis à personne. |
Arthur | Ah, bah c'est tout à fait curieux, parce que moi je pensais on le fait... pas, et vous le dites quand même. À tout le monde. |
Aelis | On le fait pas ? Mais euh... c'est quoi le truc ? Vous avez pas envie ? Je suis pas votre type, c'est ça... |
Arthur | Non non, non mais c'est pas la question... vous êtes « mon type »... en plus si, alors ha, je vais vous dire un truc, simplement c'est une histoire de contexte. |
Aelis | Euh dites ? Vous savez la vie que j'ai moi ici, toute la journée les pieds dans la merde ? Trois heures de sommeil par nuit, une espérance de vie de trente-cinq ans, pour une fois que y en a un qui se pointese pointer (v.) Arriver, faire apparition En savoir plus, qui est propre, qui ressemble pas à un goret... en plus c'est le roi Arthur ! Non non je suis désolée mais... je vous laisse pas partir comme ça, moi. |
Arthur | D'accord, simplement moi, le truc c'est que j'ai pas envie ! |
Aelis | Hé bah forcez-vous ! |
Arthur | Mais non ! |
Aelis | Vous voulez que je sorte ? Pour que tout le monde voie que je suis même dépeignée ? Hein ? |
(Fermeture.) |
Maison d'Aelis, jour. Arthur et Aelis sont dans la maison de cette dernière. | |
Arthur | Pour aujourd'hui, on fait semblant. Vous gueulez euh, machin, « ouais non au secours » et cætera, patin couffin, mais la tradition est sauve. |
Aelis | (Sceptique.) Ouais... |
Arthur | Et, dans un second temps, je fais de vous une de mes maîtresses officielles. |
Aelis | Sans blague ? |
Arthur | Voilà. |
Aelis | Non mais le truc c'est que... aujourd'hui je m'étais faite à l'idée, moi ! |
Arthur | Oui enfin, je me fous pas de vous, quand même. Attendez je vous sors de la bouse, la vie de château, la bectancebectance (n.f.) Nourriture En savoir plus à volonté euh, tout le bazar« tout le bazar » (loc.) Et tout le reste, et tout ce qui s'en suit En savoir plus, non. |
Aelis | (Sort une dague.) Et si c'est moi qui vous force ? |
Arthur | Attention, je vous préviens... |
(Noir.) | |
Arthur | Je hurle. |
(Stab final.) |