Couloir du château, jour. Perceval frappe à la porte de Karadoc. |
Karadoc |
(Ouvre sa porte.) |
Perceval |
Ah, bah tiens ! Je me disais « Il va pas être là. » |
Karadoc |
Moi pareil ! Je me suis dit « Mince, qui c'est qui frappe ? » |
Perceval |
Non c'était moi. Parce que moi c'est pareil, je savais pas où vous étiez, alors je me suis dit, euh... « Il va être là ou il va pas être là ? » C'est pour ça, je suis venu taper. |
Karadoc |
Bon, qu'est-ce qu'on fait, on se met au boulot ? |
Perceval |
Allez. On se met où ? Dans votre chambre ? |
Karadoc |
Ah... travailler dans sa chambre, euh... il paraît que c'est pas sain. |
Perceval |
Ouais. Et la salle d'armes, y a Arthur qui s'entraîne. |
Karadoc |
La salle à manger, les larbins sont encore après débarrasser le midi... |
Perceval |
La Table ronde, ils vont pas nous l'ouvrir... non, c'est malheureux hein... y a pas cinquante solutions... la taverne ! |
Karadoc |
(En même temps que Perceval.) La taverne ! (Hausse les épaules.) Bon. |
(Ouverture.) |
Devant la taverne, jour. Perceval et Karadoc marchent. |
Perceval |
Non et puis au château, on connaît trop de gens... on est sans cesse sollicités, on peut pas se concentrer. |
Karadoc |
Hé, « Seigneur Perceval » par-ci, « Seigneur Karadoc » par-là... à croire que quand on est pas là, y a plus rien qui tourne ! |
Perceval |
Remarquez, c'est un peu vrai aussi. |
Karadoc |
Non, quand y a pas d'imprévus, dans l'ensemble, ils s'en sortent. |
Perceval |
Voilà. Mais dès que y a une tuile, ils sont pas foutus de régler le truc sans nous. |
Karadoc |
Ah, ça... |
Le tavernier |
(Barrant l'accès à la taverne, armé d'une fourche.) Stop ! |
Karadoc |
Bah qu'est-ce qui se passe ? |
Le tavernier |
Il se passe que vous pouvez pas rentrer. |
Perceval |
Vous êtes inondé ? |
Le tavernier |
Euh... disons que j'ai des fuites. Des fuites de pognon ! |
Karadoc |
On vous vole du pognon ? |
Le tavernier |
Disons qu'on m'en doit. ça revient au même... |
Perceval |
Mais... du coup, vous fermez la boutique ? |
Le tavernier |
Je la ferme pour ceux qui me doivent le plus. Parce que figurez-vous que hier c'était jour des comptes. Hé ben vous me croirez ou vous me croirez pas, mais si on cumule ce que vous me devez depuis que vous fréquentez l'établissement, on arrive à une somme supérieure au prix de l'établissement sus-ci-nommé. Attention, en plus des murs, euh... je compte les stocks et le terrain ! |
Karadoc |
Mais... vous êtes sûr de votre coup, là ? |
Perceval |
Mais vous avez peut-être fait une erreur, là... |
Le tavernier |
Y a pas d'erreur possible. (Inflexible.) Vous ne foutrez plus les pieds chez moi, tant que vous n'aurez pas remboursé toutes vos dettes. Jusqu'au dernier rond... attention, hein ! Je vous préviens, je serai inflexible ! |
Perceval |
C'est pas faux ! |
Karadoc |
Mais... vous pouvez pas faire ça, y a crime ! |
Perceval |
Vous allez quand même nous laisser rentrer, allez, quoi... |
Le tavernier |
Ah, mais vous pourrez rentrer tant que vous voudrez... quand vous aurez casquécasquer (v.) Payer En savoir plus ! En attendant, ah bah vous buvez de l'eau, vous allez entamer une ardoise chez la concurrence, moi, pfuit ! Je ferme les robinets. |
Karadoc |
Mais c'est complètement con, on sait même pas combien on vous doit ! |
Le tavernier |
Ah bah justement, je vous y ai marqué en gros, (sort un petit papier) là-dessus, pour que vous ayez une idée du préjudice. |
Perceval |
(Prend le papier.) Ouais, c'est pas faux. |
Le tavernier |
Bon ! Hé bah maintenant, vous vous tirez, vous reviendrez quand vous aurez trouvé une carriole pour y entreposer tout le fric que vous me devez. C'est clair ? Allez, ouste ! (Part, puis se retourne.) Pourtant je vous aimais bien... |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, Bohort est assis à côté de lui. Devant eux se tiennent Perceval et Karadoc. |
Arthur |
Hé ben je peux vous dire que vous manquez pas de cran... venir me demander à moi de rembourser vos dettes de bistrot ! |
Bohort |
J'ose espérer que si le roi accède à votre requête, cet épisode honteux vous serve de leçon ! |
Karadoc |
Bah évidemment... |
Perceval |
Maintenant, on va faire attention... |
Arthur |
Oui... parce que figurez-vous que je serai pas toujours là pour éponger les conneries ! Ha ça, non mais sans ça c'est trop facile, c'est vrai ! C'est... (Regardant le petit parchemin sur lequel figure le montant de la dette de Perceval et Karadoc.) Qu'est-ce que c'est, ça, qu'est-ce que... je sais même pas ce que je lis là, c'est quoi, ça ? |
Perceval |
Bah... ça c'est la somme qu'on doit, il paraît. |
Arthur |
(Regarde le parchemin puis relève la tête, hébété, et crie.) Combien ? |
(Perceval et Karadoc se regardent, penauds.) |
(Fermeture.) |
Devant la taverne, jour. Perceval et Karadoc mettent de l'ordre et empilent des tonneaux. |
Karadoc |
(Rangeant un tonneau.) Ah ! Hé ! Attendez, il dit « cinq ans », je suis sûr que si on met un bon coup de collier« mettre un coup de collier » (loc.) Fournir un effort pour mener à bien une tâche En savoir plus, on peut lui rembourser le tout en quatre. Peut-être même en trois ! |
Perceval |
En plus, je vois pas ce qu'il y a de mal à faire un peu de travail manuel ! |
Karadoc |
Mais ouais ! C'est un métier de contact, on apprend plein de choses... |
Perceval |
Hé, c'est quoi qu'on doit faire après ? Laver par terre ? |
Karadoc |
Ah non, faut faire les chambres d'abord. |
Perceval |
Ah ouais c'est classe ! Comme ça je vais apprendre à faire les lits ! Après je pourrai faire le mien tout seul. |
Karadoc |
Hé, ça me fait penser qu'il faut que j'aille saler les fromages à la cave. |
Perceval |
(Rayonnant.) Hé, sans déconner ! On est les rois là ou pas ? |
(Noir.) |
Karadoc |
Vous croyez qu'un jour il me laissera m'occuper du comptoir ? |
(Stab final.) |