Couloir du château, nuit. Perceval et Karadoc se tiennent devant la porte d'Arthur. |
Karadoc |
(Frappe à la porte.) Sire ! |
Perceval |
Ouvrez, on en a gros ! |
Karadoc |
On sait très bien que vous êtes là alors ouvrez ! |
Perceval |
On en a gros ! |
Arthur |
(Ouvre sa porte.) C'est marrant, parce que... ça fait quatre ou cinq jours d'affilée que je peux pas faire une nuit complète parce que je suis réveillé par des cons. |
Perceval |
Qu'est-ce que vous voulez dire, Sire ? |
Arthur |
Ouais ouais, chaque nuit y a un truc. Hier c'était mon beau-père qui avait des insomnies, avant-hier c'était je sais plus qui qui est venu me trouver pour me dire je sais plus quoi, et ça fait cinq jours. Cinq jours que ça dure. Le défilé des glandusglandu (n.m.) Individu niais et stupide En savoir plus. C'est marrant, hein ? |
Karadoc |
Mais vous allez nous écouter ou pas ? |
Perceval |
Parce qu'attention, on en a gros ! |
Arthur |
Vous écouter ? (Feignant de comprendre soudain.) Ah non, non mais non, pas du tout ! (Referme sa porte.) |
(Ouverture.) |
Couloir du château, nuit. Perceval et Karadoc se tiennent devant la porte d'Arthur. |
Karadoc |
(Frappe à la porte.) Sire, ouvrez c'est important ! |
Perceval |
Parce qu'on en a gros ! |
Karadoc |
On a besoin de vous parler pour vous « exposer » un truc. |
Perceval |
Ouais, ouvrez ! |
Arthur |
(Hors-champ, depuis sa chambre.) Vous voulez pas me l'« exposer » demain ? |
Karadoc |
Non mais là c'est urgent, si on vient vous réveiller en pleine nuit, vous imaginez bien que c'est pas pour rien ! |
Perceval |
C'est parce qu'on en a gros ! |
Arthur |
Ouais, seulement là moi je dors, alors tirez-vous ! |
Karadoc |
Sire, y a pas de hasard. Si vous voulez pas nous parler, c'est parce que vous avez euh... (Peine à trouver ses mots.) C'est, vous voulez pas admettre que... non. Vous refusez de comprendre... (à Perceval) non mais j'arrive pas à expliquer. |
Perceval |
Non mais cherchez pas des phrases pourries... « on en a gros ». |
Karadoc |
On en a gros ! |
Perceval |
Voilà ! |
Arthur |
(Ouvre sa porte.) Magnez-vousse magner (v.) Se dépêcher En savoir plus. |
Karadoc |
L'autre jour à la fête. |
Arthur |
Quelle fête ? Ah oui la fête oui. Bon hé ben. |
Karadoc |
À un moment on a pris la parole. |
Perceval |
Faites pas celui qui se souvient plus. |
Karadoc |
On a fait un petit discours sur la chevalerie. |
Perceval |
Un truc bien ficelé... seulement vous pouvez pas savoir, puisque quand c'est nous... vous écoutez jamais. |
Karadoc |
Pendant qu'on parle, vous parlez avec d'autres, vous croyez que c'est gentil ? |
Perceval |
On en a gros. |
Karadoc |
Pour boucler le tout, on annonce qu'on va chanter en canon et qu'on voudrait bien que le roi Arthur se joigne à nous. |
Perceval |
Et vous, vous savez ce que vous avez répondu ? |
Arthur |
Non. |
Karadoc |
Vous savez pas ? |
Arthur |
Si, j'ai répondu « non ». |
Karadoc |
Exactement ! |
Perceval |
Et là sans déconner, euh... |
Arthur |
Oui oui « on en a gros ». Écoutez euh... je vous fais mes excuses. Voilà. Bonne nuit. (Commence à fermer sa porte.) |
Karadoc |
Ah non non non non non non non... ça serait trop facile. |
Perceval |
Un peu fort mon bon Seigneur ! (Regarde Karadoc, pas certain de sa phrase.) |
Karadoc |
(Adresse un pouce levé discret à Perceval.) |
Arthur |
De toute façon, comment est-ce que vous voulez que je chante le canon avec vous, je le connais même pas ce canon. |
Karadoc |
Non mais vous vous foutez pas de nous ? Ça fait cent cinquante fois que vous nous entendez le chanter ! Vous nous prenez vraiment pour des cons ! |
Perceval |
On en a gros... |
Arthur |
Bon bah je vous fais mes excuses, et la prochaine fois je chanterai avec vous, ça vous va ? |
Karadoc |
Ouais ouais ouais ouais... « la prochaine fois », vous êtes sûr ? |
Perceval |
Moi je crois plutôt que la prochaine fois, vous nous enverrez chier tout pareil, c'est pas vrai ? |
Arthur |
Si. |
Perceval |
Ah. On en a gros. |
(Fermeture.) |
Couloir du château, nuit. Perceval, Karadoc et Arthur chantent en canon. |
Karadoc |
(Chantant.) L'amour étant enfant de raison, et la fleur fille du poète, il alla, bergers bergers, au pré sont allés, et... (Inintelligible.) Digue don don, digue don di-don don daine ! |
Perceval |
(Chantant en un canon discordant.) L'amour étant enfant de raison, et la fleur fille du poète, le berger étant enfant, et la bergère prend ses moutons, digue don don, digue don don, digue don don, don, don, don daine ! |
Arthur |
(Rejoignant le canon seulement sur la dernière note.) Daine ! |
(Les trois éclatent de rire, Arthur feignant l'enthousiasme.) |
Perceval |
Bravo Sire, c'était hyper classe ! |
Arthur |
(Tape dans la main de Perceval puis dans celle de Karadoc, puis claque sa porte, perdant son sourire forcé.) |
Karadoc |
Hé, c'était classe ou pas ? |
Perceval |
Carrément... on en a gros ! |
(Noir.) |
Karadoc |
Ah ben non. |
Perceval |
Ah non, pardon. |
(Stab final.) |