Les Misanthropes
❰ Livre II – épisode 20 ❱
Taverne, jour. Perceval et Karadoc sont à la taverne et parlent avec le tavernier. | |
Perceval | Qu'est-ce qui se passe, patron ? Vous avez pas l'air d'être dans votre assiette... |
Le tavernier | (Las.) J'ai pas envie de voir du monde, aujourd'hui... |
Karadoc | C'est pour nous que vous dites ça ? |
Le tavernier | Bah... vous faites partie du monde, non ? |
(Perceval et Karadoc se regardent.) | |
(Ouverture.) |
Camp militaire, jour. Séli est assise à la limite d'un campement dans la forêt. | |
Léodagan | (Arrive.) Vous avez besoin de quelque chose ? |
Séli | Non, non. |
Léodagan | Vous me dites, hein ! |
Séli | Je vous dis : non. |
Léodagan | Non parce que comme ça fait une heure que vous vous êtes barrée du campement... |
Séli | Oui mais bon, on n'est pas obligés de rester les uns sur les autres vingt-quatre heures sur vingt-quatre non plus ! |
Léodagan | Ah non non, moi je dis ça... je trouve ça bizarre, mais bon. |
Séli | Qu'est-ce que vous trouvez bizarre ? |
Léodagan | Bah je sais pas... d'habitude, vous êtes systématiquement sur mon dos à me reprocher des tas de trucs ! |
Séli | Oui bah justement, profitez-en et tirez-vousse tirer (v.) Partir, s'en aller En savoir plus ! |
Léodagan | Ah non c'est sûr, maintenant faut que je me tire ! Et hier, j'avais pas assez de considération ! |
Séli | Vous en avez pas plus aujourd'hui, je vous rassure ! Il faut être franchement bigleux pour pas s'apercevoir que j'ai besoin de rester tranquille deux minutes et qu'on vienne pas m'emmerder ! |
Léodagan | Mais j'emmerde personne, je vous demande si vous avez besoin de quelque chose ! |
Séli | Écoutez, occupez-vous de vos michesmiche (n.f.) Fesse En savoir plus, c'est moi qui vous le demande pour une fois. |
Léodagan | Bah oui mais là c'est moi qui veux pas. |
Séli | Y a pas d'équivoque. (Se lève.) Vous êtes franchement un bourrinbourrin (n.m.) Individu manquant de finesse ; rustre En savoir plus dans toute circonstance. |
(Séli et Léodagan partent.) |
Couloir du château, nuit. Guenièvre ouvre la porte de sa chambre et voit Arthur. | |
Guenièvre | Ah c'est vous ? Qu'est-ce qui se passe ? |
Arthur | Non, j'étais simplement venu vous dire que je ne dormais pas là ce soir. |
Guenièvre | Ah bon. Vous allez chez Demetra. |
Arthur | Non, non. |
Guenièvre | Chez les jumelles du pêcheur ? |
Arthur | Non plus, non. |
Guenièvre | (Curieuse.) Chez une que je connais pas ? |
Arthur | Mais non mais je vais chez personne, euh... simplement, je veux dormir seul, c'est tout. |
Guenièvre | Ah bon, mais vous allez dormir où, alors ? |
Arthur | J'en sais rien ! |
Guenièvre | (Taquine.) Vous voulez pas me dire ? |
Arthur | Mais c'est pas que je veux pas vous dire, mais c'est une réalité ! Je ne sais pas où je vais dormir. Enfin on s'en fout, est-ce que c'est vraiment un problème, ça, si ? |
Guenièvre | Ben excusez-moi mais enfin c'est tout de même parfaitement curieux ! |
Arthur | Je vois pas ce qu'il y a de curieux ! J'ai besoin de dormir seul, c'est tout ! |
Guenièvre | Dormir seul ? Mais... qu'est-ce que je vous ai fait ? |
Arthur | Mais rien ! Vous m'avez rien fait ! Est-ce que j'ai dit que vous m'aviez fait quelque chose ? |
Guenièvre | Mais enfin, vous n'avez pas dormi seul depuis vos quatorze ans et subitement, ce soir, il vous prend des envies de solitude ? |
Arthur | Mais c'est peut-être justement parce que j'ai pas dormi seul depuis mes quatorze ans que je m'autoriserais bien un petit break ! |
Guenièvre | (Impatiente.) Mais pourquoi spécialement ce soir, là ? |
Arthur | Mais j'en sais rien ! Ça tombe ce soir, c'est tout ! J'étais juste passé pour vous prévenir pour pas que vous vous inquiétiez ! |
Guenièvre | Eh bien c'est raté ! Ça m'inquiète ! |
Arthur | Mais tout est est toujours un problème ! |
Guenièvre | Oh ! Vous êtes la personne la plus compliquée que je connaisse ! |
Arthur | Mais je vois pas ce qu'il y a de compliqué, j'ai besoin de dormir seul, là ! Et surtout, j'avais pas envie de parler ! |
Guenièvre | Pas envie de parler ? |
Arthur | Ah bah oui, ah bah là oui effectivement, c'est raté oui, je vous le fais pas dire. (Soupire.) |
Laboratoire de Merlin, jour. Perceval, Karadoc et Merlin sont dans le laboratoire de ce dernier, qui tient une serpe et un animal mort. | |
Merlin | Mais vous pouvez pas me foutre la paix, non ? |
Karadoc | Ça va, on vous demande pas grand chose ! |
Merlin | Oui bah ce serait encore mieux si vous me demandiez rien. |
Perceval | Franchement, qu'est-ce que ça vous coûte ? |
Merlin | Ça me coûte que j'avais réussi à me prendre une heure ou deux pour moi, pour travailler, là, tranquille, sans avoir à discutaillerdiscutailler (v.) Discuter longuement de choses insignifiantes, palabrer En savoir plus avec tout le château, et que ça arrive pas souvent. |
Perceval | Quitte à travailler, vous pouvez pas travailler pour nous ? |
Merlin | Mais c'est pas la question de travailler... ce que je voulais c'est être peinard, vous comprenez ? Parce que les moments où je suis tout seul sans me faire emmerder, je peux les compter sur les doigts de la main ! |
Karadoc | Depuis une heure que vous jacassez, ce serait déjà fait. |
Merlin | Franchement, une potion pour faire pisser bleu, ça pressait à la minute, là ? |
Perceval | Ah non mais nous on n'est pas fixés ! On propose ça... ce qui compte, c'est que ce soit un peu marrant, quoi ! Ouais et puis pour vous ça vous fait rigoler un peu ! C'est pas bon de rester enfermé dans votre cagibi à glanderglander (v.) Rester à ne rien faire En savoir plus de la journée... |
Merlin | (Jette un coup d'œil à sa serpe.) |
(Fermeture.) |
Couloir du château, nuit. Guenièvre ouvre la porte de sa chambre et voit Arthur. | |
Guenièvre | Ah, quand même ! Vous avez fini vos enfantillages ! |
Arthur | Euh... non, je viens chercher un oreiller, parce que je dors par terre à la Table ronde et je me casse la nuque. |
Guenièvre | Vous dormez par terre ? |
Arthur | Oui ? |
Guenièvre | Ça doit être terrible... |
Arthur | C'est pas marrant, oui, mais enfin... non j'avais vraiment pas envie de parler. D'ailleurs voyez on parle, là, hé ben euh... |
(Noir.) | |
Arthur | Non, je confirme, je préfère dormir par terre. |
(Stab final.) |