Les Paris II
❰ Livre III – épisode 54 ❱
Couloir du château, nuit. Arthur se tient dans l'embrasure de sa porte, à moitié endormi. Bohort se tient devant lui, une bougie à la main. Au loin, on entend des aboiements. | |
Bohort | Sire, c'est intolérable. |
Arthur | De me réveiller en pleine nuit, vous voulez dire ? |
Bohort | Un vacarme assourdissant dans la chambre de Venec m'empêche de trouver le sommeil. |
Arthur | La chambre de Venec ? Parce qu'il a une chambre, Venec ? |
Bohort | Je tape à sa porte pour lui dire de stopper, savez-vous ce que cet énergumène trafique ? |
Arthur | Non ? |
Bohort | Des combats de chiens ! |
Arthur | Des combats de chiens... dans sa chambre ? |
Bohort | Exactement ! Et les fiers chevaliers de notre belle Table ronde s'en donnent à cœur joie ! |
Arthur | Allez me le chercher. |
Bohort | Euh... ça vous embêterait de venir avec moi, Sire ? Comme la plupart d'entre eux sont saouls comme cochons... j'ai peur de me faire taper... |
(Ouverture.) |
Couloir du château, nuit. Arthur se tient dans l'embrasure de sa porte. Devant lui se trouvent Bohort et Venec. Ce dernier tient plusieurs bourses à la main. | |
Arthur | (Désignant les bourses.) Qu'est-ce que c'est que ça ? |
Venec | Hé ben, c'est le blé des paris, vous croyez quand même pas que je vais laisser ça là-bas ! |
Bohort | C'est honteux, Sire ! |
Arthur | Ah non, Bohort, ne commencez pas ! |
Venec | Bon allez, Sire, il faut que j'y retourne, ils vont tout me péter dans la piaulepiaule (n.f.) Chambre En savoir plus. |
Arthur | Alors, d'abord, est-ce que je peux savoir depuis quand vous avez une piaulepiaule (n.f.) Chambre En savoir plus au château, vous ? |
Venec | Hé ben, quand je zone dans la région, je viens jeter un œil pour voir si y a pas une chambre en rab, ça m'évite de pioncerpioncer (v.) Dormir En savoir plus dans la roulotte ! |
Bohort | Mais bien sûr, faites comme chez vous, on pourrait aussi vous donner un double de la salle des coffres ! |
Venec | (Désignant les bourses.) Vous voulez dire, pour planquer ça ? Non merci, ça le pognon ça reste à la pogne, c'est la règle ! |
Arthur | Alors premièrement, la prochaine fois que vous zonez dans la région, qu'il y ait des chambres en rab ou pas, vous vous farcirez votre roulotte, je suis pas une auberge ! |
Bohort | Ça, vous l'avez pas volé ! |
Venec | Sire, qu'est-ce que ça peut faire si je prends la place de personne ? |
Arthur | Non mais, attendez, vous seriez discret encore, moi je dirais « pourquoi pas », mais là qu'est-ce que c'est que ce cirquecirque (n.m.) Situation chaotique, désordre En savoir plus que vous menez ? |
Bohort | Des combats de chiens, Sire ! C'est horrible ! |
Venec | « Des combats de chiens », tout de suite ! |
Bohort | Vous allez peut-être prétendre que c'est pas vrai ? |
Venec | Non, mais... bon y a deux-trois collègues à vous qui sont passés pour dire bonsoir, systématiquement on boit un coup pour se souhaiter la bonne nuit, hé ben il se trouve que j'ai un ou deux chiens, voilà. Et voilà ! C'est parti en vrille, mais c'était pas prémédité ! |
Bohort | Le roi a interdit les jeux d'argent, figurez-vous ! C'est quand même un comble de vous en voir organiser au beau milieu du château ! |
Arthur | Vraiment, vous manquez pas de soufflene pas manquer de souffle (loc.) Avoir du culot. En savoir plus, hein ? |
Venec | Non, mais c'est entre amis, il parait que c'est toléré entre amis ! |
Arthur | Ah oui, bien sûr, mais oui, c'est vrai, c'est ça que j'ai mis dans loi : « Les jeux d'argent sont interdits, sauf entre amis. » C'est pas la loi débile, déjà. Donc vous en fait, la seule chose qui a changé depuis la loi, c'est que tous les clodosclodo (n.m.) Clochard En savoir plus et traîne-patinstraîne-patin (n.m.) Bon à rien, fainéant En savoir plus du coin sont devenus vos amis ! |
Venec | Une loi, ça s'interprète ! |
Arthur | Ben, je pense bien, je vais bien me débrouiller à vous en interpréter une pour vous faire descendre en cabanecabane (n.f.) Prison En savoir plus ! |
Venec | Attendez, qu'est-ce qu'on fait de mal, au bout d'un moment ? Moi je force personne ! |
Bohort | Déjà, vous réveillez tout le château... |
Venec | Ah ben, des combats de chiens, oui ça brasse un peu, oui ! |
Bohort | Sire, jetez un œil à la quantité d'argent que... que ce saligaud vient de soutirer à nos chers camarades ! |
Venec | Non mais c'est le jeu, ça, euh... des fois on gagne, des fois on perd... |
Bohort | Mais vous perdez quand, vous ? |
Venec | Ah non, moi c'est autre chose, c'est mon gagne pain. |
Arthur | Ah, parce que les combats sont truqués. |
Venec | « Truqués » ! Ben tout de suite les grands mots ! Non, mon chien, il est entraîné, eux, ils ont pas de chien, alors je leur en prête un que j'ai là... bon évidemment il est à moitié crevécrever (v.) Mourir En savoir plus, le machin, il fait pas des miracles. |
Arthur | Donc attendez, parce que vous, vous avez un chien entraîné, tout ça, et vous avez d'autres chiens, aussi ? |
Venec | Oh bah les autres, je les récupère sur le bord de la route, les malades, les saloperies à trois pattes qui traînent, ça leur fait une seconde jeunesse ! Au lieu de caner dans le froid, ils disparaissent dans la gloire du combat, sous les applaudissements. Tiens si ils pouvaient parler, ils me remercieraient. |
Arthur | Mmh. S'il leur restait des dents, vous auriez plus de noixnoix (n.f.) Testicule En savoir plus. |
(Fermeture.) |
Couloir du château, nuit. Arthur se tient dans l'embrasure de sa porte. Devant lui se trouvent Bohort et Venec. Ce dernier tient plusieurs bourses à la main. | |
Venec | Sire, déconnez pas ! |
Arthur | Deux semaines de troutrou (n.m.) Prison En savoir plus, pas un jour de moins. |
Bohort | Estimez-vous heureux, pour ma part je trouve ça assez souple. |
Venec | Une semaine, allez Sire... |
Arthur | Deux ! |
Venec | Bon allez, une semaine, et je vous file la moitié du blé. |
Arthur | Ah ! C'est sûr, si on rajoute la tentative de corruption, c'est pas pareil. |
(Noir.) | |
Arthur | Allez, on arrondit à un mois ! |
(Stab final.) |