Les Tourelles
❰ Livre III – épisode 56 ❱
Salle de la Table ronde, jour. Arthur, Bohort et Léodagan sont à la Table ronde et discutent. | |
Bohort | Lorsque des étrangers viennent visiter notre pays, il est normal que nous leur en montrions les plus charmants côtés ! |
Léodagan | Question de point de vue. Moi je pense que quand les étrangers viennent visiter le pays, y a une chance sur deux que ce soit des envahisseurs et que, dans le doute, faut leur mettre des flèches dans la tête... |
Bohort | Sire, enfin, c'est ridicule ! Tout l'argent va encore passer dans un appareillage insensé dont la seule fonction est de couper les gens en morceaux ! |
Léodagan | Oh mais j'ai pas envie d'expliquer le pourquoi du comment... je pense que si on balancebalancer (v.) Lancer, envoyer, expédier En savoir plus le bléblé (n.m.) Argent, monnaie En savoir plus dans les bals... |
Bohort | Mais je ne parle pas de bals ! Il s'agit de mettre en place une troupe permanente d'artistes danseurs, qui puisse faire démonstration des danses traditionnelles... |
(Ouverture.) |
Salle de la Table ronde, jour. Arthur, Bohort et Léodagan sont à la Table ronde et discutent. | |
Arthur | Sept tourelles ? Oh non mais vous êtes complètement dingue ! À chaque fois il vous en faut un peu plus ! |
Léodagan | Bah oui, on est sur une île, et je mets des tourelles sur les côtes, alors tant que j'aurai pas fait le tour, euh... il m'en faudra encore ! |
Bohort | Je ne parlerai pas de l'aspect esthétique de la chose... |
Léodagan | Sécurité, sécurité. |
Bohort | Oh mais la sécurité se porte bien ! Même un crabe n'aurait aucune chance de franchir les lignes ! |
Léodagan | Ça prouve que je fais mon boulot ! |
Arthur | Non mais je vais vous dire, alors... franchement, je suis d'accord avec vous, on n'est jamais trop prudent. |
Bohort | Quoi ? Oh non, Sire ! |
Arthur | Non mais laissez-moi finir ! Simplement voilà, euh... pour cette fois, on va être obligés de remettre la construction à plus tard. |
Léodagan | Ah dites, vous escomptez pas me faire le coup du budget, j'espère ? Parce que je vous rappelle qu'en cas de nécessité militaire, vous êtes tenu d'emprunter le blé aux pays voisins, alors euh... |
Arthur | Non non mais le problème c'est pas le blé. C'est le bois. |
Léodagan | Quoi, le bois ? |
Arthur | Bah... le bois y en a plus. Mais oui, entre les incendies de cet été et le reste, les pécorespécore (n.m.) Paysan En savoir plus nous ramènent presque moitié moins de bois qu'avant ! Et puis il faut bien qu'on se chauffe. |
Léodagan | Y a qu'à emprunter le bois alors, à la place du blé ! |
Arthur | Ah non non mais je crois bien que la pénurie s'étend aussi aux pays voisins ! |
Léodagan | (Criant.) Vous vous foutez de moi ? |
Arthur | Écoutez, on va demander un rapport aux paysans ! On avisera. |
Bohort | Et pour les danseurs, Sire ? |
Arthur | Alors, euh... alors oui, on va être obligés, ah... (Faussement déçu.) On va être obligés de repousser aussi. |
Bohort | Mais pourquoi ? |
Arthur | Oui oui oui, on... parce que... comment ? Parce que je peux pas blairerblairer (v.) Supporter, apprécier En savoir plus la danse. |
Maison de Guethenoc, jour. Arthur et Guethenoc boivent un verre. | |
Arthur | Donc on est d'accord, vous venez en séance de doléance et vous expliquez le coup du bois. |
Guethenoc | Je suis pas bien chaud, Sire, hein. Non mais ça fait pas très sérieux... du bois, on en a tout le tour du ventre« en avoir tout le tour du ventre » (loc.) Disposer d’une chose en grande quantité En savoir plus... |
Arthur | Parce que vous croyez que mon beau-père est au courant des stocks ? Hein ? Enfin je vous demande pas d'entrer dans le détail ! Vous racontez qu'on n'a plus de bois et que c'est pareil dans les pays voisins, voilà ça prend cinq minutes. Et surtout, discret, hein. Qu'il n'apprenne pas que je suis venu là. |
Guethenoc | Et s'il me demande pourquoi y en a plus, de bois ? |
Arthur | Hé ben ? Vous inventez une bricolebricole (n.f.) Petite chose sans importance En savoir plus ! Vous vous démerdez ! Vous dites que y a plus de bois, et surtout que je ne peux pas l'acheter ailleurs. Parce qu'attention, si je peux l'acheter, il peut m'obliger à le faire. |
Guethenoc | Vous obliger ? |
Arthur | Ah bah. |
Guethenoc | Vous êtes pas le tauliertaulier (n.m.) Patron En savoir plus ? On peut vous obliger à faire des trucs ? |
Arthur | Non mais... qu'est-ce que vous voulez, le problème c'est que j'ai délégué la défense à mon beau-père, voilà. Je venais de me marier... je voulais faire un geste. Enfin, quand je vois ce que ça me coûte, j'aurais mieux fait de lui acheter une chèvre. |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, Léodagan à côté de lui. Devant eux se tient Guethenoc. | |
Léodagan | Mais enfin mais c'est dingue cette histoire ! |
Arthur | Oui oui oui, ben oui, c'est... c'est la vacherievacherie (n.f.) Chose pénible, désagréable En savoir plus, quoi. |
Guethenoc | Plus un seul bout de bois, dis. Et puis c'est pas la peine d'aller chercher chez les... chez les... |
Arthur | Voisins... |
Guethenoc | Voisins, c'est pareil. |
Léodagan | Enfin, qu'est-ce qui s'est passé, bon Dieu ? C'est la première année que ça fait ça ! |
Arthur | Non, je crois que les facteurs sont multiples, hein ? |
Guethenoc | Oui c'est... c'est une question de... de conjoncture. Remarquez, je vous dis ça, mais ce mot-là ça fait peu de temps que je le connais, je suis même pas sûr qu'il faille le mettre là... |
Arthur | OK ! Merci Guethenoc de nous éclairer de vos lumières. |
Guethenoc | Par contre, j'ai un petit stock personnel que j'ai amassé petit à petit ces dernières années en cas de coups durs. Bon, si c'est pour la défense du pays, je vous le cède. Enfin, « je vous le cède », je vous le vends. Plus cher, évidemment. |
Arthur | Quoi ? |
Guethenoc | Bah c'est la pénurie, les prix flambent ! C'est pas parce qu'on est pécorepécore (n.m.) Paysan En savoir plus qu'on sait pas compter ! |
(Fermeture.) |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, Léodagan à côté de lui. Devant eux se tient Guethenoc. | |
Guethenoc | Allez, je me sauve... |
Arthur | Attendez, euh... vous êtes chez vous, tout à l'heure ? |
Guethenoc | Euh... ça dépend. |
Arthur | Non parce que... je vais passer avec quelques hommes pour démonter votre baraque, c'est mieux si vous êtes là. |
Guethenoc | Démonter ma baraque ? |
Arthur | Ah bah oui, ça en cas de pénurie, c'est une prérogative militaire, hein. Ça fait plus de bois. |
Léodagan | Tiens, je l'avais oubliée, cette loi... |
Arthur | Oui enfin c'est surtout que je vous l'avais jamais dite. J'avais peur que vous rasiez toutes les cabanescabane (n.f.) Maison, logis En savoir plus du pays. |
Léodagan | Ah bah ouais... |
(Noir.) | |
Léodagan | Peur justifiée ! |
(Stab final.) |