Cour du château, jour. Yvain et Gauvain, vêtus d'armures, se tiennent devant Perceval et Karadoc. |
Perceval |
Si vous y allez pas, vous allez vous faire allumer. |
Karadoc |
Vous êtes au programme, vous avez pas le choix. |
Gauvain |
Mais c'est ridicule ! Je ne comprends pas en quoi le fait de se blesser grièvement pourrait être divertissant. |
Yvain |
C'est vraiment des trucs de barbares... |
Karadoc |
C'est la tradition. |
Perceval |
Faut pas chercher à comprendre, faut le faire, c'est tout. |
Yvain |
Et si on se coupe et que ça saigne ? |
Perceval |
Ben faut faire gaffe de pas se couper. |
Karadoc |
Vous y allez doucement ! |
Gauvain |
Et vous Messires, vous ne faites pas de démonstration aujourd'hui ? |
(Perceval et Karadoc rient.) |
Karadoc |
Non mais nous c'est pas pareil... |
Perceval |
Nous c'est trop technique, comme combat. Ça fait pas spectaculaire. |
Karadoc |
Nous c'est trop sur l'esquive, tout est calculé. |
Perceval |
On l'a déjà fait le tournoi une fois. Mais ils nous on dit de pas revenir parce que c'était trop chiant. |
Karadoc |
Ils sont pas habitués. |
Yvain |
Mais nous alors il faut qu'on se batte comment ? |
Perceval |
Ah non non non non ! Vous, vous vous maravez ! Quand on n'a pas de technique, faut y aller à la zob. |
Tribune, jour. Yvain et Gauvain se battent mollement devant la tribune, sur laquelle se trouvent Arthur, Calogrenant et le père Blaise. Le public siffle, Arthur somnole. |
Calogrenant |
Sire. Sire ! |
Arthur |
Mmh ? |
Calogrenant |
Enfin Sire, faut faire quelque chose, là ! |
Arthur |
Qu'est-ce qu'il y a qu'il faut faire de quoi ? |
Calogrenant |
Vous voyez bien que ça va nulle part... |
Le père Blaise |
Prononcez l'arrêt des combats ou n'importe quoi d'autre mais... |
Arthur |
(Toujours somnolant.) Ah bon... on peut faire à mort, alors... |
Calogrenant |
À mort ? Enfin Sire vous allez pas les faire s'entre-tuer ! |
Le père Blaise |
À mort c'est un peu raide, non ? |
Arthur |
Non... |
Calogrenant |
En plus la foule va s'exciter, si vous faite le signe... |
Arthur |
Faut faire le signe ? (Tend la main devant lui, le pouce vers le bas.) |
(La foule exprime sa liesse ; Yvain et Gauvain cessent de se battre.) |
Gauvain |
Ça veut dire quoi déjà le pouce baissé ? |
Yvain |
Je l'ai su à une époque mais je me souviens plus... |
Calogrenant |
Bah ça veut dire que... à partir de maintenant, le combat est à mort. |
Yvain |
C'est ça voilà. (Après un instant.) Mais euh... quel rapport, dans le contexte ? |
Calogrenant |
Ben vous vous battez jusqu'à ce que y en ait un qui tombe mort ! |
Gauvain |
De vieillesse ? |
Yvain |
Ça va être hyper long, non ? |
Le père Blaise |
Bon écoutez bande de crétins, vous vous bougez le derchederche (n.m.) Derrière, postérieur, cul En savoir plus, c'est un ordre du roi vous n'avez rien à discuter, allez. |
Calogrenant |
Non mais c'est complètement débile ! (Désignant Arthur, toujours endormi.) En plus il regarde même pas ! |
Le père Blaise |
C'est la loi. |
Calogrenant |
Bon allez-y les gars. Quand faut y aller... |
(Yvain et Gauvain recommencent à se battre mollement, la foule recommence à siffler.) |
Tribune, nuit. Arthur dort seul sur la tribune ; devant celle-ci, Yvain et Gauvain n'ont pas cessé de se battre sans énergie. |
Arthur |
(Se réveille.) Mais... qu'est-ce-que vous foutez là, bande de cons ? |
Gauvain |
Hé bah, nous nous battons à mort, mon oncle ! |
Yvain |
Est-ce que ça vous divertit ? |
Arthur |
À mort ? |
Gauvain |
C'est pas ce que vous avez demandé ? |
Yvain |
Avec le pouce baissé ? |
Arthur |
Mais jamais de la vie ! (Se souvient.) Ah ! Ah si, ouais peut-être. Bon écoutez, euh... moi je me cassese casser (v.) Partir, s'en aller En savoir plus, hein ? Et puis euh, bah vous, ben... vous continuez. |
Gauvain |
Hé bah, on continue quand même ? |
Arthur |
Ben... oui, le public m'a vu faire le signe ou pas ? |
Gauvain |
Bah à priori euh... |
Yvain |
Ouais c'est pas dit parce qu'ils sont assis vachement loin, quand même. |
Gauvain |
Oui c'est tout à fait possible que personne n'ait rien remarqué. |
Arthur |
Ouais, enfin moi dans le doute je préfère vous dire de continuer, hein, c'est... c'est plus sûr. Voilà et puis tâchez de vous départager, quoi. (Se lève et part.) |
(Yvain et Gauvain recommencent à se battre n'importe comment.) |
(Fermeture.) |
Tribune, jour. Yvain et Gauvain sont étendus sur le sol ; Arthur et Calogrenant se tiennent près d'eux. |
Arthur |
Alors ? Y en a un des deux qui est mort, ou pas ? |
Calogrenant |
(Examine Yvain et Gauvain.) Non, ils roupillent. Tous les deux. |
Arthur |
Qu'est-ce que je fais ? Parce qu'ils ont pas suivi les ordres, là ! |
Calogrenant |
Ben vous allez quand même pas les mettre à mort, Sire ! |
Arthur |
Quinze jours de cachot, vous croyez que ça fait crédible ? |
Calogrenant |
Ça me parait jouable. |
Arthur |
Bon. Et puis alors pour le prochain tournoi, on fait comme pour Perceval et Karadoc hein. |
Calogrenant |
C'est-à-dire ? |
(Noir.) |
Arthur |
Ben ils viennent pas. |
(Stab final.) |