Marché romain, matin. Dans une rue animée, Verinus et Venec, chacun près de son étal de citrons respectif, se disputent. |
Verinus |
Non mais je rêve ou y a un peu de foutage de gueule, là ? |
Venec |
Dis donc ? Tu l'as achetée, la rue ? Non ! Hé ben tu me lâches, t'es gentil. |
Verinus |
Non mais attend, il sort d'où, lui ? Ça fait dix ans que je vends dans cette rue, moi ! |
Venec |
Hé bah justement, y en a marre ! (Criant.) Place aux jeunes ! |
Verinus |
Tout à l'heure quand t'as installé ton merdier je t'ai rien dit, tu l'as vu. Et maintenant, qu'est que monsieur met sur sa planche ? Des citrons ! |
Venec |
Qu'est-ce que t'as contre les citrons ? T'es allergique ? |
Verinus |
Non ! C'est aux trous du cul, que je suis allergique ! Les citrons c'est moi qui les vends. |
Venec |
Ah parce que c'est des citrons ? Ah pardon... bah comme ils sont tout petits et puis tout pourraves, je croyais que c'était des pruneaux... |
Verinus |
Bon, allez. Tu vas me foutre le camp, là, parce que je vais appeler la milice. |
Venec |
Bah ! Appelle-la, ta milice... ils vont bien se marrer ! |
Verinus |
Hé bah je serais toi, mon pote, je ferais un peu moins le mariole ! Parce que je te garantis que j'ai le bras long. J'ai dix ans de délation derrière moi. Si je les appelle, ils radinent direct ! |
Venec |
Ah ouais, et à quoi il te sert, ton bras long ? Tu vends toujours des merdes dans la rue ! |
Verinus |
Moi je suis commerçant, moi ! Y a pas de honte, hein ! Mes produits, je les achète honnêtement, moi. (Désignant ses citrons.) Tout ça c'est honnête, et à mon avis, c'est pas le cas de tout le monde... |
Venec |
De quoi ? |
Verinus |
Ouais... t'as très bien compris, va. Avec ta petite tête de contrebandier là, tu vas pas me faire croire quand même que tout ça, là, c'est pas des citrons piqués, ça ? Tu les as trouvés où, tes citrons ? |
Venec |
Dans ton cul ! |
Verinus |
Ah ouais ? (Lance un citron sur Venec.) |
(Verinus et Venec s'empoignent, la foule tente de les séparer.) |
(Ouverture.) |
Dortoir de la caserne, matin. Arthur se repose, alors que Caius, Papinius et Falerius s'affairent. |
Caius |
Alors c'est comme ça, quand on est centurion, on glandouille ? |
Arthur |
Non mais j'ai des trucs à faire, mais... c'est plus tard. |
Papinius |
Plus tard ? Pourquoi tu viens pas à l'entraînement, alors ? |
Arthur |
Parce que ça me gonfle ! Honnêtement, vous auriez le moyen d'y couper, vous iriez, vous, peut-être ? |
Falerius |
Bah ouais ! |
Papinius |
(En même temps que Falerius.) Non... |
(Falerius et Papinius échangent un regard.) |
Caius |
Et c'est quoi, tes « trucs à faire » ? |
Arthur |
Bah... je sais pas, ils m'ont pas dit. |
Caius |
(Taquin.) Oh l'autre hé, il est en mission secrète... |
Arthur |
Non mais c'est vrai ! J'ai un rendez-vous, mais... je sais pas ce que c'est. |
Falerius |
Ils vont peut-être te faire faire un sale truc... |
Papinius |
Il paraît que c'est souvent ça, pour les trucs dangereux, ils prennent un jeune gradé et hop ! Ils l'envoient au casse-pipe ! |
Arthur |
Pff... arrêtez vos conneries... |
Caius |
Bon alors du coup, tu restes au plumard, quoi. |
Arthur |
Bof... ouais. |
La Dame du Lac |
(Apparaît.) |
Arthur |
(Sursaute.) |
Caius |
Bah qu'est-ce qui t'arrive, t'es malade ? |
La Dame du Lac |
Vous avez un petit moment, cette fois ? |
Arthur |
(À Caius.) Euh... non, ça va. Faut que... faut que j'aille prier. (Fait un signe à la Dame du Lac, puis se lève.) |
La Dame du Lac |
(Disparaît.) |
Caius |
(À Papinius et Falerius.) Il va prier maintenant ? |
Arthur |
(S'assied face à un autel à Mars, dans un coin du dortoir.) |
La Dame du Lac |
(Apparaît.) C'est Mars, que vous priez ? |
Arthur |
(À voix basse.) Sans rire... pourquoi est-ce que vous attendez pas que je sois tout seul, pour venir ? |
La Dame du Lac |
Bah... j'essaie, mais j'ai souvent des contretemps. |
Arthur |
C'est vous qui vous occupiez de moi quand j'étais petit, c'est ça ? |
La Dame du Lac |
Oui, enfin... entre autres... |
Arthur |
Et pourquoi est-ce que vous revenez, maintenant ? Pourquoi est-ce qu'on me reparle de la Bretagne, tout d'un coup ? |
La Dame du Lac |
Parce que c'est le moment, c'est comme ça. |
Arthur |
Je vous préviens, je me souviens de presque rien. |
La Dame du Lac |
Pourquoi vous croyez que je suis là ? J'en ai, des choses à vous dire... |
Arthur |
Oui mais le truc c'est que j'ai pas le temps, moi, il faut que je me tire ! |
La Dame du Lac |
Bah quand, alors ? |
Arthur |
Je sais pas, moi... ce soir. |
La Dame du Lac |
Oh, ce soir vous aurez encore quelque chose à faire... |
Arthur |
Hé bah ce soir, tard, quand j'aurai fini mes trucs à faire... |
La Dame du Lac |
Il faut qu'on parle vite ! Sinon vous comprendrez jamais ce qui vous arrive ! |
Arthur |
Ouais mais je suis d'accord, mais moi je suis centurion dans l'armée romaine ! Alors quand on me donne des ordres, je dois les suivre, c'est tout. |
La Dame du Lac |
(Amusée.) Centurion dans l'armée romaine... |
Arthur |
Hé ben, quoi ? |
La Dame du Lac |
C'est comme les prières à Mars... dans pas longtemps, ce sera loin derrière vous, tout ça... |
Arthur |
(Fait signe à la Dame du Lac de partir.) |
La Dame du Lac |
(Disparaît.) |
Quartiers riches, matin. Arthur, en costume de centurion, rejoint Servius et Merlin sur une place publique. |
Merlin |
Hou là là ! Oh ben non, je l'aurais pas reconnu. |
Servius |
Et pourtant c'est lui. Regarde, Arturus ! Le voilà ton barbu ! |
Arthur |
Merlin ? |
Merlin |
Tout juste ! Ah quand même, se souvenir de mon nom presque vingt ans après... ça me fait quelque chose. |
Arthur |
Comment ça se fait que vous êtes là ? |
Servius |
L'intelligence romaine, mon petit pote ! Tu dis « Merlin », on te le retrouve aussi sec. Même au fin fond du trou de balle du monde ! |
Merlin |
Vous voulez dire que la Bretagne c'est le fin fond du trou de balle du monde ? |
Servius |
Oui. Alors le programme : Arturus tu vas faire visiter la ville à ton ami, qui en profitera pour te parler de ton pays natal ! |
Arthur |
Quoi ? |
Merlin |
« Arturus », c'est comme ça que vous l'appelez ? |
Servius |
C'est pas comme ça qu'il s'appelle ? |
Merlin |
Non, il s'appelle « Arthur » ! |
Servius |
« Arthur » ? |
Arthur |
« Arthur » ? |
Servius |
C'est quoi comme nom, ça ? |
Merlin |
C'est le nom que sa mère lui a donné. |
Arthur |
Ma... mère ? |
Merlin |
Oui ! Arthur « Pendragon »... le nom de son père. |
Arthur |
Mon père ? |
Servius |
Bon, vous avez sûrement des millions de choses à vous dire hein, prenez votre temps... (À Merlin.) Je vous demande deux secondes, faut que je dise un mot au gamin. |
Merlin |
Faites. |
Servius |
(S'approche d'Arthur et l'entraîne à part.) |
Arthur |
Euh... ouais, vous êtes sûr qu'il faut que je fasse le guide touristique, là ? |
Servius |
Oui, et puis il faut que tu te grouilles, parce qu'à midi, t'as rendez-vous villa Aconia. |
Arthur |
Villa quoi ? |
Servius |
Non, fais pas comme si tu te souvenais pas... c'est là où t'as fracassé la tête de Glaucia... |
Arthur |
Ah. Euh... non mais je savais pas que ça s'appelait villa, euh... Aconia, pourquoi est-ce qu'il faut que je retourne là-bas ? |
Servius |
Tu... tu verras. Alors seulement tu fais bien attention, hein. Tu te pointes pas chez les bourgeois n'importe comment. Tu te laves, tu mets des fringues civiles propres, et t'arrive à l'heure, vu ? |
Arthur |
Non mais... je comprends pas... |
Servius |
Non mais... on te demande pas de comprendre ! (Désignant Merlin.) Tu balades la barbichette, là, en attendant... et surtout, t'essaies de piger la situation en Bretagne. Allez. (Part.) |
Merlin |
Je vous le dis, ce qui m'intéresserait, c'est de visiter des vestiges tyrrhéniens et de boire un coup. |
Tente de Macrinus, jour. Macrinus est à son bureau et consulte une carte. |
Cordius |
(Entre.) |
Macrinus |
Ah ! Alors ? |
Cordius |
Oui, les troupes de Carmélide sont bien en mouvement. Seulement, euh... |
Macrinus |
Seulement quoi ? |
Cordius |
Apparemment... ils ont pas de chef. |
Macrinus |
Pas de chef. Et ils font quoi ? Ils attendent ? |
Cordius |
Bah non, ils attendent pas, puisqu'ils sont en mouvement. Enfin, « en mouvement »... bon, après, tout dépend ce qu'on appelle « en mouvement », hein. Là ils marchent, quoi. |
Macrinus |
Sans chef ? |
Cordius |
Euh... oui, sans chef, oui oui... |
Macrinus |
Mais euh... ils marchent plutôt vers nous ? Parce que sinon, à la limite, on s'en fout un peu, non ? |
Cordius |
Oui, mais... vous savez ce que c'est, quoi... les espions, ils espionnent, et puis après ils vous foutent un rapport... « Oui... les troupes de Carmélide sont en mouvement et ils ont pas de chef. » Qu'est-ce qu'on fait avec ça ? |
Macrinus |
(Perdant patience.) Mais ça ressemble à une attaque, ou pas ? |
Cordius |
Mais ça ressemble pas à grand-chose, hein. C'est pour ça que, les... les espions sont déstabilisés, à mon avis. |
Macrinus |
Bon, merci... merci, Cordius. |
Cordius |
Euh... sinon, je... |
Macrinus |
(Agacé.) Non non, c'est bon... |
Cordius |
D'accord. (Sort.) |
Salle à manger de Léodagan, jour. Guenièvre, Séli, Léodagan, Calogrenant et Goustan sont à table et mangent. Une carte est posée vers Goustan. |
Loth |
(Arrive.) Ah oui, donc en fait, euh... vous êtes en train de bouffer ! |
Goustan |
Bah et alors ? |
Séli |
(En même temps que Goustan.) Et alors ? |
Loth |
Non, mais... autant pour moi, on m'a demandé de venir pour aider à commander une bataille, mais si vous préférez que je beurre les tartines... |
Léodagan |
On commandera la bataille quand on aura fini de becter ! Commencez pas à nous emmerder... |
Calogrenant |
Vous êtes en avance, c'est quand même pas de notre faute... |
Goustan |
Y a pas autre chose que des fèves, comme accompagnement ? |
Guenièvre |
(À Goustan.) Ah, attention, vous faites tomber de la graisse, là... |
Léodagan |
(À Goustan.) Oh ben non, une tache sur la carte de la zone ! |
Goustan |
C'est vous la tache, c'est un lac, ça... |
Léodagan |
Un lac ? Ah non y a pas de lac, là. Là c'est du gras de bidochebidoche (n.f.) Viande En savoir plus que vous venez de faire tomber, là. |
Goustan |
C'est vous le gras de bidochebidoche (n.f.) Viande En savoir plus. |
Calogrenant |
(À Goustan.) Euh... les lacs on se casse le tronc à les faire en bleu, je vous signale. Alors venez pas nous enfumer, hein ? |
Loth |
Bon ! Je... rentre chez moi ? Euh... qu'est-ce que je fais ? |
Léodagan |
Non ! Vous vous ouvrez vos étagères, parce que là, j'expose le plan. |
Loth |
En mangeant. |
Léodagan |
Merde. Hein, voilà. Donc, notre ami commun Ketchatar, roi d'Irlande, commande une armée... |
Calogrenant |
Moitié gars à lui, moitié gars à moi. |
Léodagan |
Voilà... bon, quelques hommes à moi, aussi... |
Calogrenant |
Bof... ouais... |
Léodagan |
Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? J'ai dit « quelques gars à moi », j'ai pas dit « beaucoup » ! |
Calogrenant |
Hé bah encore heureux... vous m'avez péniblement refilé trois boiteux qui traînaient... |
Goustan |
Ketchatar, c'est pas votre ami commun... |
Léodagan |
De quoi ? |
Goustan |
Vous avez dit : « notre ami commun, Ketchatar ». C'est pas vrai ! Il est peut-être commun, mais c'est pas votre ami ! |
Léodagan |
Non mais évidemment, que c'est pas notre ami... c'est pour ça qu'on l'envoie au casse-pipe sans trop se faire de cheveux... hein ? (Agite son index vers sa tempe.) |
Goustan |
(Reste bouche bée, comprenant.) |
Guenièvre |
(Pète.) Oh ! Pardon... qu'est-ce que ça ballonne, les fèves... |
Séli |
Bah vous êtes pas obligée d'en bouffer trois marmites, non plus ! |
Léodagan |
Oh ! Bon ! Donc on va diriger Ketchatar à coups de pigeons voyageurs, sans bouger nos miches de là. |
Loth |
Et on l'envoie toujours sur les Romains ? |
Léodagan |
Affirmatif. Droit dessus. |
(Un homme entre et donne un petit billet à Loth.) |
Léodagan |
Ah ! Des nouvelles ? |
Loth |
Oui... (Lit.) Ketchatar est pas arrivé. |
Calogrenant |
Pas arrivé ? Mais... pas arrivé où ? |
Loth |
Bah, si votre pigeon vient du champ de bataille, il est pas arrivé... sur le champ de bataille. |
Léodagan |
Non mais qu'est-ce qu'il glande ? Il devrait être là depuis au moins trois heures ! |
Loth |
(S'asseyant à côté de Séli.) Bon bah du coup, euh... c'est gentil de proposer, je prendrai volontiers une assiette de fèves avec une tranchette de viande pour... faire passer. |
Léodagan |
(Fait passer une assiette à Loth, en râlant.) Oh... |
Quartiers riches, jour. Merlin se tient au milieu d'une rangée de colonnes peintes. Arthur l'attend dans la rue en contrebas. |
Merlin |
Rendez-vous compte... de la magnificence de ces colonnades. L'imposant ne le dispute-t-il pas à la majesté ? |
Arthur |
Non, mais non ! |
Merlin |
Non ? |
Arthur |
Non mais vous pouvez pas rester une demi-heure sur chaque baraque ! |
Merlin |
Quoi ? J'ai raison ou pas ? Tous les jours vous marchez ici sans vous rendre compte de la magnificence de ces colonnades, il faut pas exagérer ! |
Arthur |
Non mais là d'accord, mais tout à l'heure vous avez dit la même chose à propos d'une boutique de saucisses ! |
Merlin |
Hé bah c'était peut-être une boutique de saucisses, n'empêche que l'imposant le disputait à la majesté, voilà. |
Arthur |
Et la Bretagne ? |
(Deux soldats passent et saluent Arthur d'un « ave ».) |
Arthur |
(Aux soldats.) Ave, ouais. (À Merlin.) Quand est-ce que vous comptez m'en parler, de la Bretagne ? |
Merlin |
On a le temps, la Bretagne... on y retournera bien assez tôt ! Moi ce que je veux c'est visiter. |
Arthur |
Bon ! Hé ben... visitez tout ce que vous voulez, moi j'ai des ordres, il faut que je vous laisse. |
Merlin |
Quoi, maintenant ? |
Arthur |
Parfaitement ! Ave ! (Part.) |
Merlin |
Bah d'accord ! J'ai pas besoin de vous ! Je peux très bien m'organiser mon petit périple, figurez-vous, vite fait bien fait ! Et si l'imposant le dispute à la majesté, il faudra pas venir chougnerOn voit Alexandre Astier partir vers la gauche et s'arrêter trop tôt de marcher. ! |
Marché romain, matin. Verinus est tenu par deux soldats, alors que d'autres saisissent son étal de citrons. Venec observe la scène. |
Venec |
Hé ben alors ? Il est où, le bras long ? Qu'est-ce que t'attends pour les faire jouer, tes relations, mon pote ? |
Verinus |
Je vois que Monsieur a des copains dans les forces de l'ordre ! |
Venec |
T'occupe. J'ai mes arrangements avec la milice. Tu peux pas comprendre. |
Verinus |
Ouais ? Bah moi aussi j'ai mes arrangements avec la milice. Et je serai sorti aussi vite que je serai rentré. Et à ce moment-là je m'occuperai méchamment de tes fesses ! |
Venec |
Hé dis donc, tu prends pas tes citrons, mec ? Ils vont pas te manquer ? |
Verinus |
Je reviens dans une heure, mon con. Et il vaudrait mieux que t'aies pris des vacances. |
Venec |
Ouais, bah en attendant, c'est toi qui les prends. Allez hop ! Emballé c'est pesé ! |
(Les soldats emportent Verinus et son étal.) |
Verinus |
(Traîné par les soldats.) Dans une heure ! Je reviens ! |
Venec |
(Se retourne vers sa clientèle.) Bon ! |
Villa Aconia, jour. Arthur est assis sur un divan. |
Aconia |
(Arrive.) |
Arthur |
(Se lève.) |
Aconia |
(Dévisage Arthur.) Voilà le petit protégé. |
Arthur |
Mes hommages. |
Aconia |
T'es habillé en soldat. |
Arthur |
Oui. Parce que... voilà. Comme j'expliquais à votre servante, en fait j'ai pas eu le temps de... repasser à la caserne, et euh... voilà, quoi, c'est... pour ça. |
Aconia |
T'as faim ? |
Arthur |
Pardon ? |
Aconia |
Est-ce que tu as faim ? |
Arthur |
« Faim » ! Oui pardon, j'avais compris, euh... euh oui, bah moi c'est-à-dire, j'ai... j'ai toujours plus ou moins faim ! |
Aconia |
Drusilla va te servir à manger. Pour le reste, tu reviendras demain. |
Arthur |
Mais... pardon, hein... parce que moi on m'a demandé de venir là, mais... on m'a pas expliqué pourquoi. |
Aconia |
On commencera par un peu d'algèbre, puis un peu de Socrate. Mais demain. Aujourd'hui tu manges. (Part.) |
Arthur |
(Fronce les sourcils, perplexe.) |
Tente des hommes de Macrinus, jour. La pluie tombe. Cordius et les autres hommes de Macrinus sont à l'abri, un feu est allumé. |
Macrinus |
(Arrive, emmitouflé dans une couverture.) Bon ! |
Cordius |
Ah ! Bah justement... on était en train de faire un petit point, là. |
Macrinus |
Ouais bah... t'es gentil, tu feras tes petits points une autre fois. Ils en sont où, les espions ? |
Cordius |
(Désignant certains des hommes.) Hé bah c'est eux, là ! Ils sont revenus ! |
Macrinus |
Quoi ? Mais c'est pas vrai ! (Furieux.) Je t'avais dit que quand ils rentraient, il fallait m'apporter le rapport tout de suite ! |
Cordius |
Non mais... justement, on parle de ça, là. Parce que... le rapport, je... je le trouve pas jojo. |
Macrinus |
Bah t'as pas à le trouver jojo ou pas jojo, le rapport. T'as pas le droit de le lire, pour commencer ! |
Cordius |
Non, parce que... là, les Vandales s'approchent des troupes bretonnes. Et par derrière. |
Macrinus |
Par derrière, euh... |
Cordius |
Par l'ouest. |
Macrinus |
Mais ils viennent pas par l'ouest, les Vandales ! |
Cordius |
Hé bah voilà ! C'est pour ça que je le trouve pas jojo, moi, ce rapport. |
Macrinus |
Par l'ouest ? |
Cordius |
Ouais. |
Macrinus |
(Part.) |
Salle à manger de Léodagan, jour. Léodagan lit un message, entouré de Loth et Calogrenant. Guenièvre et Séli sont assises à table. Une carte est posée vers Guenièvre. |
Léodagan |
Mais qu'est-ce qu'ils viennent nous faire chier, les Vandales ? Et d'où ils sortent, d'abord ? |
Calogrenant |
C'est vrai qu'ils passent pas souvent, ceux là... |
Loth |
Une fois de temps en temps. |
Léodagan |
De temps en temps, et ils choisissent aujourd'hui ! Ils viennent m'attaquer moi, par derrière, alors que je fonce tranquillement sur les Romains ! |
Calogrenant |
Vous foncez, vous foncez... je vous rappelle que y a pratiquement pas d'hommes à vous, hein. |
Guenièvre |
(Dessine sur la carte avec du gras de viande.) |
Séli |
Mais qu'est-ce que vous foutez, vous ? |
Guenièvre |
Ben quoi ? Je dessine nos hommes ! |
Séli |
Ah non mais ça va pas mieux ! |
Léodagan |
Elle dessine sur la carte, celle-là ! |
Séli |
Et avec du gras de viande, encore ! |
Guenièvre |
Ben oui, vous avez pas dit qu'ils étaient là ? On se fait une meilleure idée quand on les voit, non ? |
Calogrenant |
Mais ils vont pas rester tout le temps là, ils vont bouger ! |
Guenièvre |
Ah bon ? |
Goustan |
Oui enfin si les Vandales leur collent une peignée, ils vont peut-être pas bouger beaucoup... |
Léodagan |
(À Loth.) Bon, il est toujours pas là, Ketchatar ? |
Loth |
Vous me demandez ça, c'est vous qui avez le message dans la main ! Vous savez lire comme moi, y a rien qui dit qu'il soit arrivé... |
Léodagan |
(Jette le message, dépité.) |
Goustan |
Alors, si j'ai bien compris... nos troupes vont subir une attaque de Vandales par l'arrière, et une autre attaque par devant par les Romains. Parce qu'il faut surtout pas les oublier, ceux-là ! Sauf... que y a pas de Ketchatar pour diriger nos gars. |
Guenièvre |
(Enjouée.) Ah ! Bah du coup je peux bien les dessiner là, puisque c'est là qu'ils vont mourir ! |
Appartement de Licinia, soir. Licinia et Manilius font la lessive, Julia les regarde faire. |
(On frappe à la porte.) |
Arthur |
C'est Arturus. (Entre, tenant un paquet, et constate qu'on lui réserve un accueil plutôt froid.) Ouais... c'est peut-être pas moi que vous attendiez, si ? |
Julia |
Ah non, mais c'est parce que Verinus doit apporter à manger ! |
Licinia |
Et qu'on n'a plus de nouvelles de lui. |
Manilius |
On peut vraiment compter sur personne. |
Arthur |
Ouais. (Brandit son paquet.) Hé bah j'en amène, moi, de la bouffe. |
Manilius |
T'as encore tapé dans la réserve ? |
Arthur |
Non, même pas. |
Julia |
(Fouillant dans le paquet.) Oh, regardez, y a de la viande avec des poivrons ! |
Licinia |
De la viande ? |
Julia |
(Mangeant du pain.) Mmh... et le pain il est même pas sec ! |
Licinia |
Mais à qui t'a piqué ça ? |
Arthur |
Je l'ai même pas piqué. |
Manilius |
Ça vient d'où ? |
Arthur |
Qu'est-ce ça peut foutre, d'où ça vient ? Mangez... |
Manilius |
Tu veux pas le dire ? |
Arthur |
Non mais ça va ! Prenez ce que je vous donne et c'est marre ! Déjà que vous dites pas « merci »... |
Julia |
En tout cas moi je suis contente, hein ! |
Arthur |
En plus je comprends pas, c'est Mani qui doit pas bouger d'ici ! Vous, les gonzesses, vous pouvez pas sortir, pour trouver de la bouffe ? |
Licinia |
Non. J'ai la trouille. |
Julia |
Bah moi aussi ! |
Licinia |
Déjà y a plus un rond, hein... en plus nous aussi on nous a vues à la fête ! Si quelqu'un nous reconnaissait et nous suivait jusqu'ici ? |
Julia |
Trop risqué ! |
Arthur |
Bah la bouffe, elle vient de la villa Aconia. |
Manilius |
T'es retourné là-bas ? |
Arthur |
(Acquiesce.) Mmh. On m'y a envoyé pour que je voie la rombière, on m'a servi à bouffer... et je vous en ai ramené, voilà. |
Manilius |
Merci. |
Licinia |
Merci. |
Julia |
Merci. |
Arthur |
(Agacé.) Oui, oh... ça va ! Ça va, ça va. |
Bureau de Glaucia, nuit. Verinus est agenouillé devant Glaucia et Procyon, le visage en sang. |
Verinus |
Ouais non mais moi j'ai dit « Manilius »... j'ai dit « Manilius » comme j'aurais pu dire autre chose ! |
Procyon |
Ouais mais t'as pas dit autre chose ! T'as dit « Manilius » ! |
Verinus |
Parce que vous m'avez demandé où j'habitais à l'aide de claques dans le museau ! Alors moi comme j'habite nulle part, parce que je me... me considère comme un papillon... je vous ai parlé d'une fille chez qui j'allais souvent, et qui est la copine d'un soldat à vous ! |
Procyon |
Manilius ! |
Verinus |
Oui, Manilius, mais... c'est sorti comme ça, quoi ! C'est... c'est sûrement pas le mec que vous cherchez. Je sais même pas d'ailleurs s'il s'appelle Manilius, voilà. |
Procyon |
Des soldats à nous qui s'appellent Manilius, y en a pas cinquante ! |
Glaucia |
Tu sais ce que c'est, un homme en colère ? |
Verinus |
Bah, vu que je me mange des tartes depuis ce midi, oui je commence à me faire une bonne idée, là, ouais... |
Procyon |
Je lui en colle une ? |
Glaucia |
Attends deux secondes. |
Verinus |
Oui... deux secondes... |
Glaucia |
Je suis en colère parce que je me suis pris un coup sur la gueule ! |
Verinus |
Mmh... ouais non mais ça, jusque-là je comprends tout à fait. |
Glaucia |
Et quand j'ai retrouvé celui qui me l'a fait, on m'a interdit de le punir ! |
Procyon |
Et même, on lui a donné une promotion ! |
Glaucia |
Ouais ! |
Verinus |
Ah non mais d'accord, ah non attendez, là... là c'est le coup dur, là ! Ah mais ça je savais pas, moi, les mecs... j'étais pas au courant, là ! Ah là je suis à deux doigts d'aller en référer à qui de droit, là ! Et croyez moi, si j'y vais ça va faire du bruit, hein ! |
Glaucia |
Et le pain dans ta gueule, il va faire du bruit ? |
Procyon |
Puisqu'on n'a pas le droit de toucher à Arturus, donne-nous au moins l'autre ! |
Verinus |
Quel autre ? |
Glaucia |
Celui qui se cache ! Manilius ! |
Verinus |
Mais je ne sais pas qui est cette personne ! |
Caius |
(Entre, portant un bol de nourriture.) |
Glaucia |
Qu'est-ce que c'est ? |
Caius |
La collation... |
Glaucia |
Mais barre-toi... |
Caius |
(Part avec le bol.) |
Glaucia |
Non mais... pose ça là et barre-toi ! |
Caius |
Ah ouais. (Se dirige vers le bureau.) |
Verinus |
(Désignant Caius.) Tss... |
Procyon |
Si tu dis pas où est Manilius... je vais être obligé de te coller des mandales jusqu'à demain matin ! Alors fais un effort ! |
Verinus |
Ah oui, demain matin, quand même, euh... est-ce qu'il y aurait pas là, à ce moment-là, un petit risque de décès ? |
Glaucia |
(À bout de nerfs.) Où se planque Manilius ? |
Verinus |
(Hausse les épaules.) |
Procyon |
(Flanque une gifle à Verinus.) |
Verinus |
Bon bon bon bon bon bon bon. On va se calmer. Je vais vous le dire, où il est, votre Manilius. Vous avez de la chance, hein ! Vous avez de la chance que je supporte pas qu'on porte préjudice à l'intégrité physique de ma personne. |
Glaucia |
(À Caius.) Tu vas foutre le camp toi ? |
Caius |
(Part.) |
Couloir de la caserne, nuit. Caius émerge du bureau de Glaucia et aperçoit Falerius. |
Caius |
(À voix basse.) Hé, Falerius, Falerius ! Y a l'autre con, là, le petit marchand, qui s'apprête à balancer la planque de Mani ! |
Falerius |
(À voix basse.) Tu rigoles ? |
Caius |
Non ! Faut aller le prévenir ! |
Falerius |
Prévenir qui ? Mani ? Mais nous on sait pas où il se planque, Mani ! Faut que tu rentres pour écouter ! |
Caius |
Ah non non, moi je retourne pas là-dedans, je me suis fait jeter une fois, c'est bon, là... |
Falerius |
Alors faut prévenir Arturus ! Y a que lui qui sait où il est ! |
Caius |
Tu l'as vu, toi, Arturus ? |
Falerius |
Non, je sais même pas s'il est rentré ! (Part en courant.) |
Mess des officiers, nuit. Arthur est assis, les yeux fermés. |
La Dame du Lac |
(Apparaît, immense, le haut de son corps occupant une bonne partie de la pièce.) |
Arthur |
(Sursaute.) Ah ! C'est vous ? |
La Dame du Lac |
Bah... oui, bien sûr c'est moi... |
Arthur |
Et comment ça se fait que vous apparaissez, euh... comme ça ? |
La Dame du Lac |
En grand, vous voulez dire ? Oh, oui, ça dépend, des fois je viens comme ça... ça vous embête ? |
Arthur |
Bah... c'est particulier, quand même ! |
La Dame du Lac |
Oui, la prochaine fois je viendrai à votre taille, vous serez plus à l'aise. |
Arthur |
(À voix basse.) Bon, il faut pas qu'on parle trop fort, parce que normalement j'ai pas le droit d'être là. |
La Dame du Lac |
Bah euh... moi je parle comme je veux, y a que vous qui m'entendez ! |
Arthur |
Ah bah oui. Bon, bah... je vous écoute. Il s'agit de quoi ? |
La Dame du Lac |
De la Bretagne. Qu'est-ce que vous savez de la Bretagne ? |
Arthur |
Rien. |
La Dame du Lac |
Mais... rien... rien ? |
Arthur |
Rien rien. |
La Dame du Lac |
(Déçue.) Ah oui... bon, bah alors on va commencer du début : ce que vous appelez Britannia, vous... c'est la grande île et ce qu'il y a autour, d'accord ? Bon. Moi, quand je vous parle de la Bretagne, je vous parle du royaume de Logres, c'est-à-dire Britannia, et le pays de Galles, et l'Irlande, la Calédonie, euh... la Carmélide et les îles autour, et... le royaume continental, l'Armorique et l'Aquitaine. D'accord ? |
Arthur |
(Perplexe.) D'accord... oui... enfin, je vous promets pas de retenir tout ça d'un coup, mais... |
La Dame du Lac |
Hé bien il faudrait quand même trouver un moyen, parce que... c'est votre futur royaume. Ce serait bien que vous sachiez ce qui est à vous. |
Arthur |
Ouais. Bah je me le noterai quelque part. Ensuite ? |
La Dame du Lac |
Ensuite, votre père... ah, euh... il est mort, en fait, hein... vous faites pas de fausses joies... |
Arthur |
Euh... non, j'avais pas d'espoir particulier... |
La Dame du Lac |
Votre père, Uther Pendragon, c'est le dernier roi que Logres ait connu. |
Arthur |
Comment ça, je comprends pas, mais... parce que là y a plus de roi ? |
La Dame du Lac |
Non. |
Arthur |
Bah et nous... contre quel chef on se bat, alors ? |
La Dame du Lac |
Qui ça, vous ? |
Arthur |
Comment qui ça nous, nous les Romains ! |
La Dame du Lac |
Ah oui, oui alors, euh... ça aussi, va falloir laisser tomber, parce que... vous êtes pas romain. |
Arthur |
(Soupire.) Oui, non mais pardon, excusez-moi c'est pas encore un réflexe, hein. Alors, qui c'est le chef, là-bas ? |
La Dame du Lac |
Bah... en ce moment, euh... c'est plutôt le roi de Carmélide, mais enfin ça tourne, hein, c'est un peu à celui qui gueule le plus fort. Les clans sont en guerre permanente. |
Arthur |
En guerre... entre eux, ou contre nous ? Contre les Romains ? |
La Dame du Lac |
Entre eux et contre les Romains... les deux. |
Arthur |
Ah oui, ça doit pas être facile. |
La Dame du Lac |
Pas vraiment. Non, la situation est un petit peu dans une impasse, je ne vous le cacherai pas. |
Arthur |
Mmh. Mais euh... y en aurait pas un qui pourrait, je sais pas... coordonner un peu tout ça ? |
La Dame du Lac |
Pourquoi est-ce que vous croyez que les dieux m'ont envoyée vous chercher ? |
Salle à manger de Léodagan, nuit. Léodagan, Loth, Goustan, Calogrenant, Guenièvre et Séli sont à table. Ketchatar vient d'arriver. |
Léodagan |
Mais qu'est-ce que vous foutez là, vous ? |
Ketchatar |
Comment, qu'est-ce que je fous là ? Vous m'avez dit de venir, je suis là ! Bon, je suis en retard, mais euh... j'ai des raisons valables ! |
Séli |
(À Léodagan.) Mais vous lui avez dit de venir ici ? |
Léodagan |
Mais sûrement pas ! Je vous ai dit à la sixième marque du mur d'Hadrien ! |
Ketchatar |
Ah non ! Vous m'avez jamais dit ça ! |
Calogrenant |
On vous avait dit de venir avec vos troupes ! |
Ketchatar |
Bah elles sont là, mes troupes ! |
Séli |
Mais où ça, là ? |
Ketchatar |
Ah bah... dehors, hein... c'est sûr que je vais pas rentrer avec ! |
Léodagan |
Vos troupes sont dehors, là ? |
Ketchatar |
Ben oui ! |
Goustan |
Ça veut dire qu'au mur d'Hadrien, en ce moment, y a deux fois moins d'hommes que prévu ? |
Loth |
Ah oui. Là on est quand même sur un niveau de connerie remarquable. |
Ketchatar |
Alors qu'est-ce qu'on fait ? |
Léodagan |
Mais qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse ? Gros marteau ! |
Calogrenant |
Si je comprends bien, là bas, en ce moment y a que mes hommes ? Pris en tenaille entre les Romains et les Vandales ? |
Ketchatar |
En tout cas les miens, ils sont tous là, hein ! Hé hé ! Et ça fait du monde ! C'est pour ça que je suis en retard, d'ailleurs, parce que guider tous ces mecs sur des longs trajets, c'est pas une partie de rigolade ! D'ailleurs, euh... vous auriez de quoi les faire bouffer ? |
Séli |
Quoi ? |
Guenièvre |
Il reste des fèves, euh... |
Ketchatar |
Des fèves pour mille deux cents ? |
Guenièvre |
Ah bah non, là... non... |
Ketchatar |
Bah ça fait rien. Ils mangeront demain. |
Calogrenant |
Ouais. Moi les miens c'est en ce moment, qu'ils mangent. Des coups de massue par-derrière et des coups de pilum par-devant. |
Mess des officiers, matin. Arthur, emmitouflé dans une couverture, discute toujours avec la Dame du Lac. |
Arthur |
Et si j'y arrive pas, à retirer le machin ? |
La Dame du Lac |
Quoi, Excalibur ? Bah non, normalement, euh... il devrait pas y avoir de problème... |
Arthur |
Ouais, mais si quand même j'y arrive pas ? |
La Dame du Lac |
Oh bah euh... là, je sais pas quoi vous dire... |
Arthur |
Bon, mettons. Mettons, je retire bidule. |
La Dame du Lac |
Excalibur. |
Arthur |
Excalibur, ouais. Je suis roi de Logres... et les chefs de clans, ils vont venir vers moi, ils vont faire ce que je leur dis... comme ça ? |
La Dame du Lac |
Si vous avez Excalibur, normalement, euh... ça devrait suffire à leur imposer votre autorité ! |
Arthur |
Hé ben... j'ai pas intérêt de me vautrer, avec ce truc... |
La Dame du Lac |
Ah bah non, vaudrait mieux pas ! Enfin y a pas de raison... |
Arthur |
Et c'est les chefs qu'il faut que je prenne avec moi pour gouverner, c'est ça ? |
La Dame du Lac |
Bah oui. |
Arthur |
« Bah oui »... « bah oui » je sais pas, vous me dites qu'ils sont cons comme des meubles et puis qu'ils passent leur temps à se taper dessus ! Pourquoi est-ce que je pourrais pas choisir d'autres mecs ? |
La Dame du Lac |
Ah bah vous pouvez ! Vous faites ce que vous voulez ! Enfin moi, à votre place, euh... je prendrais quand même les chefs... parce que si vous me les vexez, vous allez pas fédérer grand chose ! À quoi vous pensez ? |
Arthur |
Non, il faudrait trouver un moyen, pour que... pour faire une place à ceux qui sont motivés... à ceux qui ont du courage, même si c'est des bouseux... faudrait trouver un moyen, pour que... pour que tout le monde ait une chance de prouver sa valeur... si c'est pour que le pouvoir, ce soit les mêmes magouilles qu'ici, ça sert à rien ! Là-bas vous me dites : « Y a une épée dans un rocher, et tout le monde a le droit d'essayer de la retirer. » Bon bah voilà ! C'est de ça, dont il faut s'inspirer. Faut que tout le monde... ait le droit d'essayer. |
Bureau de Glaucia, matin. À l'aide de citrons qu'il a placés sur le bureau de Glaucia, Verinus tente d'expliquer à Procyon où se cache Manilius. |
Verinus |
Non mais attendez, vous faites exprès ou quoi ? Je vous dis : « Vous arrivez dans le ghetto par le sud... » ! |
Procyon |
(Perdu.) Ouais mais le sud par rapport à quoi ? Parce que selon comment on se tourne, le sud, ça change tout !Référence à cette réplique de Perceval. |
Verinus |
Vous savez que c'est déjà pas simple d'un point de vue « culpabilité personnelle » de donner des informations sur une personne... alors si en plus vous vous arrivez derrière, vous comprenez pas les indications... |
Procyon |
Mais arrête de me faire chier avec tes « nord » et tes « sud », alors ! |
Verinus |
Bon, vous voyez le grand lavoir bleu, là, dans le ghetto, au croisement ? |
Procyon |
Non. |
Glaucia |
(Entre.) Habille-toi propre, et colle celui-là aux geôles ! On a rendez-vous dans deux heures au palais ! |
Procyon |
Au palais ? |
Verinus |
Bah pourquoi aux geôles ? Pourquoi aux geôles ? Je suis en train de coopérer comme une petite salope ! |
Glaucia |
Aux geôles. Le temps qu'on aille arrêter Manilius. Des fois qu'il te vienne à l'idée d'aller le prévenir avant qu'on arrive... |
Procyon |
Oui enfin, avant qu'on arrive, euh... faudrait déjà que je pige où c'est, hein, parce que... les explications, euh... (Soupire.) |
Verinus |
Oui, non, attends attends... tu vas te pousser un petit peu, déjà, toi. (À Glaucia.) Est-ce qu'on peut me trouver un mec un peu plus d'équerre pour les explications, justement, parce que là ça va durer une semaine, l'histoire, là. |
Procyon |
(Flanque une claque à Verinus qui en perd son chapeau.) |
Bureau de Sallustius, matin. Sallustius et Servius reçoivent la visite de Glaucia et Procyon. |
Sallustius |
Ah ! Entre... |
Glaucia |
(Terrorisé.) Ave Lucius Sillius Sallustius... ave Publius Servius Capito. C'est... c'est un honneur, de... |
Procyon |
Qu'est-ce que je fais moi, je... j'attends dehors ? |
Glaucia |
C'est ça, oui. |
Servius |
Non, tu restes, Procyon. Ça te concerne aussi. |
Sallustius |
Il paraît que... t'as réussi à loger celui qui t'a... tabassé ? |
Glaucia |
Non... non, celui qui m'a tabassé, c'est... Arturus, euh... mais j'ai... j'ai logé l'autre... |
Procyon |
Ouais, il se planque chez sa copine. Dans le ghetto. |
Servius |
On s'en fout, ça. |
Glaucia |
(À Procyon.) On s'en fout... |
Procyon |
Oui. On s'en fout. |
Sallustius |
Et je suppose que l'autre, là, tu vas... l'arrêter, le mettre à mort, enfin... ce qui s'ensuit... |
Glaucia |
Bah... c'est un peu le programme, oui... |
Sallustius |
Alors je vais être très clair. L'autre, là... comment il s'appelle, déjà ? |
Glaucia |
Appius Manilius. |
Sallustius |
Appius Manilius. Tu peux en faire ce que tu veux, hein, ça me regarde pas. En revanche... si t'avais dans l'idée de te venger d'Arturus... |
Procyon |
On peut pas ! Il est centurion ! |
Glaucia |
Tu vas finir par la fermer, ta gueule, oui ? |
Servius |
On sait, qu'il est centurion. Mais peut-être que la nuit, pendant tes insomnies, bah... tu te grattes la tête pour trouver un moyen de le faire payer, quand même. |
Sallustius |
Vexé comme tu dois être... |
Glaucia |
Je... je vais pas vous mentir, c'est... c'est vrai que je l'ai mauvaise. |
Sallustius |
Interdit. |
Glaucia |
Interdit ? |
Servius |
Rigoureusement interdit. |
Sallustius |
Interdit ! |
Servius |
Tu toucheras pas à un cheveu de sa tête, c'est compris ? |
Procyon |
Forcément, il est centurion ! |
Glaucia |
Chut ! |
Sallustius |
Caesar a de grands projets pour lui, si t'essaies de te venger... tu feras du tort à Caesar... |
Servius |
C'est compris ? |
Glaucia |
Bah, euh... |
Servius |
Très bien. Barre-toi. |
(Glaucia et Procyon partent.) |
Taverne romaine, jour. Arthur et Merlin boivent un verre à une terrasse, dans une ruelle. |
Merlin |
Exactement. Je suis druide. |
Arthur |
Druide, euh... comme un druide gaulois quoi. |
Merlin |
Ben non, comme les druides bretons ! On va dire que le druide breton va être plus à l'aise avec son environnement... faune, flore... éléments naturels... alors que le druide gaulois, si vous voulez... vous allez être sur du druide qui sera plus versé dans la potionRéférence à Astérix.. Enfin... il sera pas versé dans la potion, ce que je veux dire, euh... |
Arthur |
Oui oui non, mais d'accord. Très bien. Mais alors... vous êtes magicien ou pas ? |
Merlin |
Bah tout dépend de ce que vous entendez par « magicien »... je pourrais vous faire une pluie de pierres, si vous voulez. Mais un sort de sommeil, par exemple, je saurais pas. |
Arthur |
D'ac... une pluie de pierres ? |
Merlin |
Euh oui... ou la foudre, euh... tout ça c'est bien ma branche. |
Arthur |
Là, par exemple, vous... vous pourriez faire tomber la foudre ? |
Merlin |
Euh... honnêtement, là c'est grand bleu... et puis ça a pas l'air de vouloir se couvrir... |
Arthur |
D'accord. Ouais. Je comprends pas très bien. Euh... vous pouvez faire tomber la foudre, mais il faut qu'il y ait déjà de l'orage ? |
Merlin |
« Il faut », « il faut »... je vais pas vous mentir, ça aide. |
Arthur |
D'accord. Et... les dragons ? |
Merlin |
Quoi les dragons ? |
Arthur |
Ben je sais pas, les dragons, il paraît que chez vous ça... ça existe encore... |
Merlin |
Bien sûr que ça existe ! Pourquoi, vous en avez pas, ici ? |
Arthur |
Des dragons ? Non. |
Merlin |
Et qu'est-ce que vous avez, comme bêtes bizarres ? |
Arthur |
Euh... comme bêtes bizarres, je sais pas, le... les serpents... |
Merlin |
Ah ouais, les serpents géants ? C'est mauvais, ça... |
Arthur |
Géants ? Ah non non, pas... non non pas géants, c'est des serpents, c'est des machins comme ça, quoi... (Écarte ses mains d'une longueur de serpent.) |
Merlin |
Ah ouais, non... nous, on a un serpent aquatique, qui vit dans le Lac de l'Ombre, euh... il fait deux fois la rue... à une vache prèsà une vache près (loc.) À peu près, environ. En savoir plus... |
Taverne romaine, jour. Arthur et Merlin sont assis à une terrasse lorsque Procyon arrive, accompagné de Papinius et Falerius, et menant Manilius, torse nu et enchaîné. |
Arthur |
(Se lève, sidéré.)Les plans précédents semblent appartenir à la même scène, mais le script officiel opère un découpage. |
Procyon |
Tiens. Ave, Centurion. Regardez la bonne pêche de ce matin. Comme quoi... quand on a un bon informateur... |
Manilius |
(À Arthur.) Qui c'est qui a glairé ? |
Procyon |
Ta gueule. |
Manilius |
Faut le trouver. |
Procyon |
Ta gueule ! |
Falerius |
On sait, nous, qui c'est qui a glairé ! |
Procyon |
Ta gueule aussi, toi... |
Papinius |
C'est Verinus ! |
Procyon |
Mais vos gueules, par Junon ! Ou je vous fais tous coffrer pour insubordination ! Première fois que j'arrive à le dire sans me gourer ! Et toi, Arturus... t'as de la chance d’être pistonné. Parce que le pain dans la glotte... t'inquiète pas... je trouverai bien un moyen de te le faire payer. Allez, ave... centurion... |
(Procyon, Manilius, Papinius et Falerius partent.) |
Taverne romaine, jour. Arthur et Merlin regardent partir Procyon, Manilius, Falerius et Papinius. |
Arthur |
(S'assied.)Les plans précédents semblent appartenir à la même scène, mais le script officiel opère un découpage. |
Merlin |
C'est des collègues à vous ? |
Arthur |
Celui du milieu, surtout. |
Merlin |
Ah... qu'est-ce qu'il a fait ? |
Arthur |
(L'esprit ailleurs.) Bon, il faut... il faut que je vous laisse, là. |
Merlin |
« Là », où ça ? |
Arthur |
Là ici, parce que j'ai un ordre, il faut que... il faut absolument que j'y aille maintenant, en plus je devais me changer avant, j'ai même pas le temps... |
Merlin |
(Outré.) Qu'est-ce que je fais, moi ? |
Arthur |
Mais vous m'attendez là ! Hein, j'en ai pour quoi, une heure, ou deux... peut-être trois... |
Merlin |
Mais qu'est-ce que je vais foutre ici pendant trois heures, moi ? |
Arthur |
J'en sais rien, vous pouvez aller vous promener, et puis vous revenez dans un moment ! |
Merlin |
Ah... bon... |
Arthur |
Tenez, je vous laisse un peu de blé... (Pose quelques pièces sur la table.) Je reviens dès que je peux. (Part.) |
Tente de Macrinus, jour. Macrinus est à son bureau et mange une pomme. Cordius se tient devant lui. |
Macrinus |
Mais comment ça « dans l'autre sens » ? Quel autre sens ? |
Cordius |
Ils viennent plus vers nous ! Ils sont partis dans l'autre sens... parce que y avait les Vandales, qui... poussaient au cul, alors ils ont préféré se retourner contre eux ! |
Macrinus |
Donc nous, euh... on compte pour quoi, là-dedans ? |
Cordius |
Vous aussi, hein... ça vous le fait... |
Macrinus |
(Agacé.) Ça me fait quoi ? |
Cordius |
C'est vexant, un peu, non ? Ah, sous prétexte que les Vandales les attaquent, euh... pfft ! Nous on n'existe plus ! |
Macrinus |
Fout le camp, Cordius. |
Cordius |
Ah bah... en fait, c'est vrai, ils s'occupent de nous quand ils ont le temps ! |
Macrinus |
(Criant.) Fous le camp ! |
Cordius |
(Sort.) |
Salle à manger de Léodagan, jour. Léodagan, Loth, Calogrenant, Goustan, Guenièvre, Séli et Ketchatar sont réunis. |
Léodagan |
Pourquoi je vous aurais demandé de venir combattre les Romains en Carmélide ? Y a pas de Romains en Carmélide ! |
Ketchatar |
Bah j'en sais rien, moi ! Vous me dites de me pointer, je me pointe ! Je réfléchis pas à ce point-là ! |
Léodagan |
« À ce point-là » ? |
Séli |
Oh ! Mais vous allez arrêter de gueuler cinq minutes, oui ? |
Guenièvre |
En plus, si j'ai à peu près suivi, vous avez perdu. Bon, bah si vous avez perdu, c'est bon... c'est plus la peine de crier, hein... |
(Un homme entre et donne un petit billet à Calogrenant.) |
Calogrenant |
Tiens ! Des nouvelles ! |
Léodagan |
Hé bah gardez-les ! |
Calogrenant |
(Lit.) Les hommes demandent si ils peuvent revenir. Les Romains sont rentrés dans leur camp, et les Vandales ont renoncé à attaquer... ils se sont engueulés avec leur nouvel éclaireur. Galessin. |
Séli |
Leur nouvel éclaireur qui ? |
Calogrenant |
Galessin. |
Goustan |
Galessin... Galessin c'est pas le connard qui lui sert de bras droit, à celui-là ? (Désigne Loth.) |
Loth |
Si... |
Goustan |
Et là, il est éclaireur pour les Vandales qui nous attaquent ? |
Calogrenant |
Ben... d'après le message, on dirait... |
Ketchatar |
C'est pour ça qu'ils arrivaient par l'ouest, ces cons de Vandales ! Ils sont menés par un Orcanien ! (Ricane.) |
Léodagan |
(À Loth.) Dites, euh... vous auriez pas essayé de me la faire à la pute, par hasard ? |
Loth |
C'est-à-dire ? |
Léodagan |
C'est-à-dire conduire les Vandales par l'ouest, pour me prendre en traître pendant que je suis occupé avec les Romains à l'est. |
Loth |
Écoutez. Comme ça, à priori, euh... ça m'évoque rien, mais... honnêtement... c'est possible. Ce serait assez le genre de la maison, en tout cas. D'un autre côté, voyez un peu l'ironie : si j'avais pas fomenté une attaque par l'ouest, vous seriez allé vous écraser contre les Romains à l'est ! Oui, alors... pourquoi ? Pourquoi trahir sans arrêt les gens avec qui je collabore ? Je dirais... que c'est probablement une réponse... compulsive... à une crainte de m'attacher. Briser une relation, plutôt que la cultiver, pour ne pas se retrouver démuni face au bonheur. Oui, pour répondre à votre question : j'ai peur d'aimer. |
Léodagan |
(Part, puis revient avec un marteau de guerre.) Bon, alors moi, euh... je veux bien passer l'éponge sur vos tentatives de putsch, vos combines véreuses, vos alliances bidon et tout le reste. En revanche, si vous la fermez pas tout de suite, mais alors... définitivement, hein... je vous aplatis les boules... avec ça. (Brandit le marteau.) |
Loth |
(Acquiesce en silence.) |
Villa Aconia, jour. Arthur se tient dans l'atrium, son casque sous le bras. Drusilla se tient face à lui. |
Drusilla |
Vous êtes encore en retard. |
Arthur |
Ben... je suis désolé. |
Drusilla |
Vous êtes encore en uniforme. |
Arthur |
(Soupire.) Bah... oui... |
Drusilla |
Oui oui, je connais le coupletcouplet (n.m.) Propos répétés continuellement En savoir plus. Si vous étiez passé par la caserne pour vous changer, vous auriez été encore plus en retard, c'est ça ? |
Arthur |
Bah oui. |
Aconia |
(Arrive.) Tout nu ! |
Arthur |
Quoi ? |
Aconia |
Tout nu dans le bassin avec des huiles. Quand on représente Rome, on se tient propre. Trois bains par semaine, c'est un minimum. |
Arthur |
Oui non mais attendez, je suis pas venu là pour me laver, quoi... |
Aconia |
Et t'es venu ici pour quoi ? |
Arthur |
Mais j'en sais rien ! Parce qu'on me dit rien, je sais même pas ce que je viens faire ! |
Aconia |
Tu viens prendre des leçons ! Et ta leçon du jour, la voilà : quand on représente Rome, on se tient propre. |
Drusilla |
On se tient propre. |
Aconia |
(À Drusilla.) Tu lui laveras ses affaires et lui donneras quelque chose à se mettre sur le dos. (Part.) |
Arthur |
(À Aconia.) Ah, mais non... ah bah non, c'est-à-dire que je peux pas du tout vous laisser mon uniforme, quoi... hé ! |
Drusilla |
Tout nu. |
Arthur |
(Soupire et commence à défaire son armure.) |
Prison, jour. Manilius est emprisonné et se tient contre la grille, qui donne sur la rue. Glaucia est venu le narguer. |
Glaucia |
Si je me démerde bien... alors je te promets rien, attention, hein... je devrais pouvoir t'obtenir les lions ! |
Manilius |
Les lions ? |
Glaucia |
Ouais ! Si je chougne bien, si je montre bien ma blessure, là... je suis sûr que j'arrive à te faire bouffer ! Qu'est-ce que t'en pense ? |
(Licinia et Julia arrivent.) |
Glaucia |
Tiens ! Voilà les morues ! |
Licinia |
Faut peut-être qu'on repasse ? |
Manilius |
Non, restez. |
Glaucia |
Mais ouais ! Restez ! Vous verrez, c'est drôlement sympa ! (Désignant Julia.) Celle-là... c'est pas la copine à l'autre, là ? |
Julia |
Quel autre ? |
Glaucia |
Bah... celui qui devrait être là, à la place de celui là ! |
Julia |
Bah il devrait peut-être y être, n'empêche qu'il y est pas. |
Glaucia |
Je sais bien, oui... hé la vie c'est pas toujours carré, hein ? Bon, allez, je vous laisse entre clodos ! Et t'inquiète pas, va... je m'occupe de notre histoire de lions ! Ave ! (Part, non sans avoir frôlé Julia d'une façon lubrique.) |
Licinia |
Quelle histoire de lions ? |
Manilius |
Pourquoi il est pas venu, Arturus ? |
Julia |
Bah, il a des trucs à faire... |
Licinia |
Il a honte de venir, ouais ! |
Manilius |
Non mais... honte de venir... maintenant qu'on a dit que c'était injuste et dégueulasse... il peut bien venir, non ? Je suis quand même son pote ! |
Licinia |
(Caresse la main de Manilius.) |
Mess des officiers, jour. Procyon mange, Glaucia est assis à côté de lui. |
Procyon |
Vous mangez pas ? |
Glaucia |
Non. L'injustice, ça me coupe l'appétit... |
Procyon |
Moi pas. |
Glaucia |
Un jour, ce fumier de Sallustius... il se fera prendre la main dans le sac, avec ses petites combines ! Un jour il se retrouvera au milieu du cirque, avec les... les lions aux miches ! Et ce jour-là, moi je serai au premier rang. |
Procyon |
Ouais mais en attendant il y est pas. C'est plutôt le petit protégé de Caesar ! |
Glaucia |
Je sais bien, andouille... mais la roue tourne ! La roue tourne toujours ! |
Procyon |
Faudrait un petit coup de pouce des dieux. Ça vaudrait peut-être le coup de faire une offrande, non ? Il paraît que quand on enterre des couilles de mouton sous une statue de Vulcain, on peut demander... |
Glaucia |
Et avec les tiennes, tu crois que ça ferait l'affaire ? |
Procyon |
Moi je dis ça... Sallustius, s'il arrive à arrêter la guerre en Bretagne, il risque pas de se retrouver aux lions ! Ça va plutôt devenir un héros ! |
Glaucia |
Et si je l'arrêtais, moi, la guerre en Bretagne ? Bah, après tout je suis pas plus con que Sallustius ! |
Procyon |
(Fait une moue dubitative.) |
Glaucia |
Quoi ? |
Procyon |
Bah... pour les magouilles... il a l'air plutôt doué hein ! Et puis, euh... pendant que vous commandez la milice urbaine... qui entre nous est quand même la plus pourrie de toutes... lui, il dirige presque l'Empire ! |
Glaucia |
Tu veux mon pied au cul ? |
Procyon |
N'empêche que c'est vrai. |
Glaucia |
Pour arrêter la guerre en Bretagne, faut du pognon, c'est tout. N'importe quel chef peut s'acheter. |
Procyon |
Bah sauf que du pognon, vous en avez pas ! |
Glaucia |
Le pognon ça se trouve ! Il suffit de... connaître les bonnes personnes. |
Procyon |
Parce que vous connaissez des personnes qui ont du pognon, vous ? |
Glaucia |
Parfaitement. |
Procyon |
Ah bon. Bah oui, je suis con ! Vous connaissez Sallustius ! Mais... vous croyez qu'il vous prêtera ? |
Glaucia |
La ferme, débile ! (Réfléchit, puis pense soudain à quelque chose.) Tu vas envoyer un message au chef breton, tu m'entends ? Au roi de Carmélide. Tu vas l'inviter ici. Moi, le temps qu'il arrive, j'aurai réuni une belle somme. Et une fois que j'aurai romanisé ce péquenaud, là... et que toutes nos légions seront de retour à Rome... Caesar me fera demander. Et il me nommera sénateur ! Et alors là, Sallustius... je pourrai lui pisser sur les pompes, il pourra rien dire ! Allez ! |
Procyon |
Quoi, maintenant ? J'ai pas fini de bouffer... |
Glaucia |
Allez ! |
Procyon |
(Part.) |
Glaucia |
(Sourit, satisfait.) |
Taverne romaine, jour. Arthur, vêtu désormais d'une tunique immaculée, revient s'asseoir à l'endroit où il avait laissé Merlin. |
Merlin |
(Criant à la cantonade, ivre et portant un pichet.) Quand je dis... que Rome est à la cité ce que la chèvre est au fromage de chèvre, je veux dire que c'est le petit plus... qui est corollaire au noyau, mais qui est pas directement dans le cœur du fruit ! (Apercevant Arthur.) Tiens ! Le fils Pendragon ! Ça biche, votre altesse ? (Brandit son pichet.) Allez hop ! On va se dépêcher de rentrer ça avant qu'il pleuve. (S'assoit devant Arthur.) |
Arthur |
Mais qu'est-ce que vous avez foutu ? |
Merlin |
Quand vous êtes parti, je me suis dit « Je vais me promener, je vais me pas promener ? » Finalement j'ai décidé de me beurrer la gueule. (Saisit le pichet et un verre.) Allez, allez hop, je vous en sers un petit. |
Arthur |
(Prend le pichet des mains de Merlin.) Laissez-moi ça tranquille et écoutez-moi. |
Merlin |
Ah attention ! Avec le cagnardcagnard (n.m.) Soleil En savoir plus qu'il y a, si vous vous désaltérez pas régulièrement... |
Arthur |
(Empoigne Merlin et lui enfonce la tête dans une fontaine.) Vous allez dessoûler tout seul ou je vous fous la tronche là-dedans ? |
Merlin |
Non non non, c'est bon, c'est bon ! |
Arthur |
(Lâche Merlin.) Écoutez-moi bien. Vous allez rentrer en Bretagne. |
Merlin |
Quand ? |
Arthur |
Maintenant. Non mais me coupez pas avec des « quand », des « si », des « mi », fermez-la. |
Merlin |
Bon ben ça va... |
Arthur |
Vous allez rentrer en Bretagne. Vous allez colporter un message de ma part. Vous allez expliquer à tout le monde, les riches, les pauvres, les jeunes, les vieux, que le fils de Pendragon est de retour, et qu'il s'apprête à récupérer l'épée truc. |
Merlin |
Excalibur. |
Arthur |
Voilà. Vous allez expliquer aux gens que je les encourage à se distinguer par un fait d'armes de leur choix. Une victoire, sur l'un ou l'autre péril... l'accomplissement d'une quête, propre à les anoblir... et vous leur laissez entendre que les meilleurs d'entre eux seront choisis pour gouverner à mes cotés. |
Merlin |
Faut que je fasse toute l'île ? |
Arthur |
Euh... non, tout le royaume de Logres. |
Merlin |
Quoi ? |
Arthur |
Bah oui, avec euh... bah, les petites îles, l'Armorique, l'Aquitaine, enfin tous ceux qui étaient sous le joug de mon père, quoi. |
Merlin |
Sous le ? |
Arthur |
Sous le joug. |
Merlin |
Le ? |
Arthur |
Le joug ! |
Merlin |
« Le joug »... comme du joug de fruit ? |
Arthur |
Non. Comme du joug-joug. |
Merlin |
Ah bon. |
Arthur |
Vous vous souviendrez de tout ? |
Merlin |
Ouais en fait, ce que vous voulez, c'est... dénicher les meilleurs éléments ? |
Arthur |
Bah... oui, je vais pas gouverner avec des bras cassés ! |
Chambre de Léodagan en Carmélide, nuit. Léodagan et Séli sont au lit, Léodagan lit un parchemin. |
Séli |
Bon bah ça va aller, maintenant, non ? Pour une bataille aussi pourrie, vous allez pas recevoir des nouvelles jusqu'à demain ! |
Léodagan |
Non mais vous voyez bien que ça vient pas du champ de bataille... |
Séli |
Mais qu'est-ce que c'est, encore, comme nouvel emmerdement ? |
Léodagan |
On est invités à Rome. |
Séli |
De quoi ? |
Léodagan |
Comme je vous dis ! À Rome. |
Séli |
Mais par qui ? |
Léodagan |
Par eux. |
Séli |
Mais qui c'est, « eux » ? |
Léodagan |
Par les Romains ! |
Séli |
Mais lesquels, de Romains ? |
Léodagan |
Mais est-ce que je sais, moi ? C'est tous les mêmes, de toute façon ! |
Séli |
Bah qu'est-ce qu'ils nous veulent ? |
Léodagan |
Bah nous faire une offre, apparemment. |
Séli |
Moi aussi, je suis invitée ? |
Léodagan |
Bah oui. Bon. Ils ont dû croire que... |
Séli |
Que quoi ? |
Léodagan |
Bah je sais pas, euh... qu'on était du genre à faire des trucs ensemble, voilà, ils... ils peuvent pas se douter, hein ? |
Séli |
Qu'est-ce qu'on fait, on y va ? |
Léodagan |
Vous êtes pas dingue ? Pour quoi faire ? |
Séli |
Bah ils ont une proposition, il paraît, non ? |
Léodagan |
Oh oui, non mais ça moi aussi, j'en ai, des propositions... mais je fous pas les pieds à Rome, hein ! Faut pas exagérer ! |
Séli |
Mais si c'est une bonne proposition ? Une très bonne ? On va pas la laisser passer sous notre pif ! |
Léodagan |
C'est sûr, mais pour savoir si elle est bonne, faut y aller ! |
Séli |
Hé bah c'est ça ! |
Léodagan |
Ils sont forts... ils sont vraiment forts ! |
Gauvain |
(Entre.) |
Léodagan |
Ah bah non ! Pas encore. |
Séli |
Mais... mais quoi, laissez-le, il a peur il a peur ! |
Léodagan |
(Agacé.) Oh... |
Séli |
Allez viens. |
Gauvain |
(Se couche entre Léodagan et Séli.) |
Léodagan |
Moi je serais lui, c'est là que j'aurais peur... (À Gauvain.) Mmh ? (Rit.) |
Ferme de Pellinor, jour. Merlin discute avec Pellinor dans la cour de la ferme, Acheflour les rejoint. |
Merlin |
Donc on va être sur quelque chose de très fédérateur, de très... de très interactif, et... c'est pour ça qu'on vous propose une quête. |
Pellinor |
Une quoi ? |
Merlin |
Une quête... qui prouverait votre noblesse et votre courage au nouveau roi. Mais c'est pas obligatoire, hein ! Si ça vous intéresse pas... |
Pellinor |
Ah non mais moi j'ai envie de dire, euh... euh... dans l'absolu, euh... tout m'intéresse... dans la mesure où je comprends de quoi il s'agit. |
Merlin |
Mais ça fait une demi-heure que je vous l'explique, de quoi il s'agit ! |
Nonna |
(Sort de la ferme.) Hé ben j'espère que vous avez encore un peu de temps devant vous ! Parce que si vous comptez lui faire avaler ça en une seule fois... |
Acheflour |
Mère, du respect pour le chef de famille... |
Nonna |
Chef de famille de débiles... (Rentre dans la ferme.) |
Pellinor |
Écoutez, alors dans la mesure où on... on pourrait faire affaire, est-ce qu'il est possible de payer en deux fois ? |
Merlin |
De quoi ? |
Pellinor |
Ah non, oui, y a... y a rien à acheter... ouais... |
Merlin |
« À acheter », mais qu'est-ce que vous me chantez ? |
Nonna |
(Sort de la ferme.) Oh, ça y est ! Il commence à piger, le Cro-Magnon ! (Rentre dans la ferme.) |
Acheflour |
Et si nous refusons ? |
Merlin |
Bah vous refusez, qu'est-ce que ça peut foutre ? Je vous dis que vous faites comme vous voulez ! |
Pellinor |
Ah oui, alors est-ce que ça reste ouvert ? Est-ce que c'est ouvert, est-ce que c'est ouvert pour, euh... pour tous ? C'est-à-dire, ceux qui n'ont pas... inventé le gouvernail, est-ce qu'ils peuvent quand même faire leur enquête ? |
Merlin |
Leur quête. |
Pellinor |
Leur quoi ? |
Merlin |
Leur quête ! |
Pellinor |
(Réfléchit.) Bon, alors, euh... vous, de votre côté, vous faites euh... votre euh... comme vous dites, là... et moi je préfère faire une enquête. On marche comme ça ? |
Nonna |
(Hors-champ, de la ferme.) Ah non ! Je prends la peine de vous faire des beignets ! |
Perceval |
(Sort de la ferme.) |
Nonna |
(Suivant Perceval.) La moindre des choses, c'est de rester à table pour les manger ! |
Perceval |
(À Merlin.) Moi je le fais, ça ! Je pars à l'aventure ! |
(Noir.) |
(Une chèvre bêle.) |
(Stab final.) |
(Fermeture.) |