Séfriane D'Aquitaine
❰ Livre III – épisode 5 ❱
Salle de la Table ronde, jour. Arthur, Léodagan et Bohort sont à la Table ronde. | |
Séli | (Arrive, accompagnée de Séfriane.) Je vous présente Séfriane, la nièce du duc d'Aquitaine. Comme vous le constatez, elle attend un heureux événement. Elle vient assister à la réunion, paraît que vous êtes au courant ? |
Arthur | Oui oui, tout à fait. Merci, c'est bon. |
Séli | Je croyais que c'était interdit aux femmes, les réunions de la Table ronde. |
Arthur | C'est... plus compliqué que ça... |
Séli | Je peux rester, alors ? |
Arthur | Non. |
Séli | Et pourquoi ? |
Arthur | (Improvisant.) Parce que... c'est interdit aux femmes... pas enceintes. (Lève les yeux au ciel.) Merci, vous pouvez nous laisser. |
Séli | (Part.) |
Arthur | (Fait signe à Séfriane de s'asseoir.) |
(Ouverture.) |
Salle de la Table ronde, jour. Arthur, Léodagan, Bohort et Séfriane sont à la Table ronde. | |
Léodagan | Dès que c'est moi qui ai besoin d'un truc, comme par hasard... y a plus de budget. |
Arthur | Non non non, attention attention attention, j'ai jamais dit que y avait plus de budget, simplement là, je regarde la proposition, je pense que ça mérite... (Remarque que Séfriane fait de l'ordre dans les parchemins posés sur la Table ronde.) Réflexion... qu'est-ce que vous faites ? |
Séfriane | Rien, je range un peu. |
Arthur | Non non non non, touchez à rien. Touchez à rien, laissez ça tranquille, voilà, laissez comme ça. Parce que, est-ce qu'on a réellement besoin de béliers, c'est la question que je me pose... |
Bohort | Comme si on allait assiéger des forteresses ! Nous ! |
Arthur | Voilà... |
Léodagan | Ben quoi, « nous » ? Le jour où on assiège une forteresse, on la casse comment la porte ? Avec les pieds ? |
Séfriane | Non mais c'est vrai que dans votre position, y a quand même plus de chances de subir un siège plutôt que d'en organiser un ! |
Arthur | Non non attendez, attendez, non non mais vous dites rien, vous. |
Séfriane | Non mais je dis ça comme ça, c'est tout. |
Arthur | Non mais ni comme ça ni autrement, vous ne dites rien. |
Séfriane | Pardon. |
Arthur | Voilà. |
Bohort | Mais vous vous rendez compte du prix qu'ils coûtent, ces béliers ? En quoi sont-ils faits, je vous le demande ? |
Léodagan | C'est le prix. |
Arthur | Non mais c'est vrai, quand même, c'est raide. |
Séfriane | C'est pas donné. |
Arthur | (Lance un regard à Séfriane, agacé.) |
Bohort | Sans être un spécialiste de l'assaut, je pense qu'avec un tronc d'arbre et trois paires de sangles, on peut très bien enfoncer une porte. |
Léodagan | (Soupire avec mépris.) |
Arthur | Mais c'est pas pour faire le rapiatrapiat (n.m.) Avare, pingre En savoir plus mais je suis assez d'accord ! |
Séfriane | En tout cas en Aquitaine, moi j'ai déjà vu... |
Arthur | Non non mais ça suffit, maintenant ! Enfin ! Je vous dis de la fermer ! C'est quand même pas compliqué ! |
Séfriane | Mais j'allais dire un truc qui va dans votre sens ! |
Arthur | Mais j'en ai rien à foutre enfin, je suis en pleine réunion militaire, vous êtes là pour écouter vous écoutez. Qu'est-ce que vous venez faire des commentaires là, qu'est-ce que vous en savez ? |
Séfriane | Ben j'en sais que j'ai le prix sous les yeux ! Je suis quand même assez grande pour voir que si vous achetez des troncs d'arbres à ce prix-là, vous êtes en train de vous faire enflerenfler (v.) Arnaquer, duper, tromper En savoir plus. |
Léodagan | Hé oh oh oh, mais c'est pas des troncs d'arbres ! C'est des béliers de première catégorie, avec une tête de bélier sculptée, en bois spécial... |
Bohort | Mais à la première porte défoncée elle éclate en morceaux, votre sculpture ! |
Léodagan | Je croyais qu'on n'en défonçait pas, des portes ! |
Séfriane | Au bout d'un moment faudrait quand même savoir si vous comptez assiéger quelque chose ou pas ! |
Arthur | (Criant sur Séfriane.) Mais mêlez-vous de vos fesses ! |
Léodagan | Hé oh, mais moi si vous voulez vous balader avec des troncs d'arbres et qu'on passe pour des clodosclodo (n.m.) Clochard En savoir plus, c'est vous qui voyez, hein ! |
Bohort | Je trouve incroyable que vous osiez venir nous coller des projets hors de prix sous le nez, alors que pas plus tard que la semaine dernière, le roi vous a autorisé la construction de trois tourelles supplémentaires à vingt lieueslieue (n.f.) Ancienne unité de distance, une « lieue » équivalant à un peu plus de deux kilomètres En savoir plus du mur d'Hadrien où, excusez-moi de vous le dire, nous ne foutons jamais les pieds ! |
Séfriane | Mais c'est justement parce que vous y foutez jamais les pieds qu'il faut des tourelles ! |
Léodagan | (Prenant Séfriane à témoin.) Ah ! |
Arthur | (Hurlant sur Séfriane.) Mais bouclez-là ! |
Bohort | Les budgets ne sont pas extensibles à volonté, j'en suis parfaitement désolé. |
Léodagan | Pour faire la guerre, il faut de l'argent, hein, c'est pas moi qui l'invente. |
Séfriane | Oh bah ça c'est simple ! (Rit moqueusement.) J'ai besoin de ci, j'ai besoin de mi, vous croyez quoi, que ça se trouve dans le cul des poules, le fric ? |
Bohort | Non mais ça fait rien, on n'a qu'à s'arrêter de manger pendant trois mois, on sera tellement contents avec nos béliers sculptés ! |
Léodagan | Non mais oh, c'est le royaume de Bretagne ou pas ? Faut que ça jette un peu, l'armement ! |
Séfriane | Oh bah allez-y, oui ! Allez ! (Jette des parchemins en l'air.) Coulez la baraque ! Hein ! Vous viendrez pas pleurer quand on se retrouvera sur les genoux ! (À Arthur.) Et vous, là, vous allez vous réveiller ou pas ? Non ? Mais vous voyez pas que votre pognon est en train de foutre le camp ? Il dit rien, il écoute, il est là, il la joue « médiateur » ! Mais ça fait rien, ce sera des cailloux hein, qu'est-ce qu'on en a à foutre ? (Secouant Arthur par le bras.) Vous allez finir par faire votre bonhomme oui ou non ? (Flanque une gifle à Arthur, qui reste impassible et la fusille du regard.) Je suis enceinte ! Je suis enceinte... |
Arthur | (Se racle la gorge et se calme.) |
(Fermeture.) |
Couloir du château, jour. Séli arrive en hâte dans le couloir devant la salle de la Table ronde et croise Séfriane qui s'en va. | |
Séli | Qu'est-ce que c'est que ce bronxbronx (n.m.) Situation hors de contrôle En savoir plus, là-dedans ? |
Séfriane | (À Arthur.) Quand je vais dire à mon oncle combien vous raquez pour vos béliers pourris, il va bien se marrer ! |
Arthur | (Criant.) Mais votre oncle, mes béliers pourris, il va se les prendre dans le fionfion (n.m.) Derrière, postérieur, cul En savoir plus ! |
Séfriane | (Criant.) Vous êtes tous des zéroszéro (n.m.) Individu incompétent En savoir plus ! |
(Léodagan et Bohort protestent vivement.) | |
(Noir.) | |
Séfriane | Quoi, qu'est-ce qu'il y a, on cherche la maravemarave (n.f.) Bagarre En savoir plus ? |
(Stab final.) |