Tous Les Matins Du Monde 1re Partie
❰ Livre IV – épisode 1 ❱
Camp de Lancelot, matin. Guenièvre sort de la cabane de Lancelot. | |
Guenièvre | (Respire profondément, radieuse.) |
Lancelot | (Sort à son tour, souriant.) Vous n'avez pas froid ? |
Guenièvre | Si mais ça n'a aucune importance. (Cesse de sourire et frissonne.) Je vais peut-être prendre un petit lainage parce que j'ai peur d'attraper mal. (Rentre.) |
(Ouverture.) |
Couloir du château, matin. Le maître d'armes et le père Blaise se tiennent dans un couloir, Bohort arrive en hâte. | |
Bohort | Ah, mes amis, connaissez-vous la nouvelle ? |
Le père Blaise | On connaît que ça... |
Bohort | Est-ce que, par chance, ce pourrait être une rumeur ? |
Le maître d’armes | Les espions sont formels, la reine Guenièvre a quitté le château hier dans l'après-midi avec deux servantes, un âne et tous ses bagages pour rejoindre le seigneur Lancelot. |
Bohort | (Anéanti.) Oh mon Dieu ! Je suis un misérable ! |
Le père Blaise | Mais pourquoi, quel rapport avec vous ? |
Bohort | Je suis le porteur du message diabolique ! C'est à moi que Lancelot a confié la honteuse mission d'aller avouer son transport à la Reine ! |
Le père Blaise | C'est vous qui avez passé le message ? |
Le maître d’armes | Et lui ou un autre, qu'est-ce que ça change ? |
Bohort | Mais... notre roi, est-il au courant ? |
Le maître d’armes | Ah, si les espions le sont, lui aussi hein. |
Bohort | Mon Dieu, où est-il ? |
Le père Blaise | Dans sa chambre, il est pas encore levé. |
Bohort | C'est affreux. Le pauvre homme doit être anéanti. |
Chambre d'Arthur, matin. Arthur est au lit. | |
Arthur | (Triomphal.) Woohoo ! Woohoo ! (Chantant.) Mon petit oiseau... |
Angharad | (Arrive, portant un plateau.) |
Arthur | Tiens donc ! |
Angharad | Je... je savais pas si je devais venir... |
Arthur | Ah bon, pourquoi pas ? |
Angharad | Je m'étais figuré que... vu la situation, Monsieur aurait peut-être pas bien d'appétit... |
Arthur | Pas d'appétit ? (Criant.) Je boufferais un cheval en salade ! (Fait signe de poser le plateau sur lui.) |
Angharad | (Pose le plateau.) |
Arthur | (Victorieux.) Ouais ! |
Angharad | Monsieur a besoin d'autre chose ? |
Arthur | Ah bah, tout dépend de ce que vous pouvez fournir ! (Bascule Angharad sur lui et lui donne une fessée.) |
Angharad | Oh ben non ! |
Arthur | Oh hé ho hé ! Humour ! |
Angharad | Monsieur me confond certainement avec une petite nouvelle. |
Arthur | Ah non, ça y a pas de danger, je vous rassure. |
Angharad | Figurez-vous que c'est pas le genre de la maison. |
Arthur | De la maison si, disons que vous êtes une exception. |
Angharad | En parlant d'exception, Monsieur en est quand même une belle... la reine fiche le camp avec un traîne-patintraîne-patin (n.m.) Bon à rien, fainéant En savoir plus et Monsieur est en pleine forme... |
Arthur | Déjà, le seigneur Lancelot n'est pas un « traîne-patintraîne-patin (n.m.) Bon à rien, fainéant En savoir plus », j'ai le regret de vous l'apprendre... |
Angharad | Après ce qu'il a fait à Monsieur ? |
Arthur | Ce qu'il a fait quand ? Quand il s'est barré ou quand il m'a piqué ma femme ? Ah ! |
Angharad | Euh... je sais pas, euh... les deux ? |
Arthur | Je vous dirais bien que je suis hors de moi et que je vais lui péter la gueule, seulement j'en ai rien à secouer« n'en avoir rien à secouer » (loc.) Se désintéresser d’une chose ou y être totalement indifférent En savoir plus et je vais faire une grasse mat'. D'ailleurs vous allez vous tirer. |
Angharad | Permettez-moi de dire à Monsieur... je suis épatée par la philosophie de Monsieur... |
Arthur | C'est ça. |
Angharad | Je peux dire à Monsieur que le jour où on me fera ça... |
Arthur | Hé ben vous aviserez sur le moment. Barrez-vousse barrer (v.) Partir, s'en aller En savoir plus. Barrez-vousse barrer (v.) Partir, s'en aller En savoir plus ! |
Angharad | (Part.) |
Chambre de Léodagan, matin. Léodagan et Séli sont au lit. | |
Séli | Celle-là c'est quand même la plus belle de l'année ! |
Léodagan | Là j'admets que c'est un peu raide. |
Séli | Vous êtes sûr qu'ils picolentpicoler (v.) Boire de l'alcool, s'enivrer En savoir plus pas, vos espions ? |
Léodagan | Non non, ils ont dit « Y a pas de doute possible. » |
Séli | Poignardée dans le dos par sa propre fille ! |
Léodagan | Oh... « poignardée »... |
Séli | Hé ben quoi ? Vous allez peut-être prendre sa défense ? |
Léodagan | Mais faut la comprendre aussi... affublée d'un cornichon pareil... |
Séli | Hé ben quand on est reine, on est reine ! Si le roi est un cornichon, on fait avec ! Je peux vous dire que j'en sais quelque chose. |
Léodagan | Ben n'empêche que vous avez vu sa dégaine au souverain ? Vous en auriez voulu comme mari, vous peut-être ? |
Séli | Oh mais de vous non plus j'en aurais pas voulu comme mari. Seulement dans la vie on fait pas toujours ce qu'on veut ! |
(Fermeture.) |
Chambre de Léodagan, matin. Léodagan et Séli sont au lit. | |
Léodagan | Avec vos conneries de traditions pictes, aussi... |
Séli | Ben alors là je vois pas le rapport ! |
Léodagan | Vous lui avez bourré le mou à cette gosse, voilà tout ! « C'est les femmes qui décident, les femmes c'est des guerrières, les femmes-ci, les femmes-mi... » |
Séli | Non mais enfin j'ai jamais parlé de nous laisser sur le carreau pour foutre le camp avec le premier clampin... |
(Noir.) | |
Léodagan | Hé ben disons qu'elle est douée, voilà. |
(Stab final.) |