Un Bruit Dans La Nuit
❰ Livre I – épisode 61 ❱
Camp militaire, soir. Arthur et Léodagan sont en campagne, dans un campement. | |
Léodagan | Bon, allez. Moi, je vais me coucher hein, je tiens plus en l'air« ne plus tenir en l'air » (loc.) Etre harassé, exténué En savoir plus... |
Arthur | OK. Je vais rester un peu pour finir. |
Léodagan | Attendez, ça va ! Ça fait trente heures que je suis debout, je peux peut-être aller m'allonger deux minutes, non ? |
Arthur | Mais qu'est-ce que j'ai dit ? |
Léodagan | Mais oui, genre « je vais rester pour finir »... sous-entendu « y a que moi qui bosse », c'est ça ? |
Arthur | Non. |
Léodagan | Ah bon. Bon bah... bonne nuit, alors. |
Arthur | OK, à demain. |
Léodagan | Et voilà, voilà c'est ça, ouais c'est ça. « À demain »... et qu'est-ce que ça veut dire ça, « à demain » ? |
Arthur | (Regarde Léodagan sans savoir quoi dire.) |
(Ouverture.) |
Camp militaire, soir. Arthur et Bohort sont en campagne, dans un campement. | |
Arthur | Mais de quoi vous voulez qu'on parle ? |
Bohort | Je sais pas... de tout et de rien... |
Arthur | Écoutez Bohort, vous devriez aller vous coucher. L'assaut est programmé pour demain à l'aube, vous allez avoir les yeux au milieu de la figure« avoir les yeux au milieu de la figure » (loc.) Etre harassé, exténué En savoir plus. |
Bohort | J'arrive pas à m'assoupir, Sire. Tous ces bruits autour de nous, c'est à mourir d'épouvante ! |
Arthur | Mais c'est rien, ça ! C'est des bestioles ! |
Bohort | Des bestioles, oui, justement ! Je ne vois pas ce que ça a de rassurant ! |
Arthur | Ah bah on est dans la forêt, Bohort, y a des bestioles, c'est comme ça... |
Bohort | Après, bien sûr, tout dépend de quelles bestioles ! |
Arthur | Quelles bestioles, j'en sais rien, moi... un peu de tout ! |
Bohort | Des lapins ? |
Arthur | Oui, Bohort. Si vous voulez, d'accord, des lapins. |
Bohort | (Rassuré.) De minuscules lapereaux mignons et inoffensifs qui se chamaillent probablement dans les fougères ! Sont-ils cocasses, ces chers petits... |
Arthur | (Paternel.) Voilà. Soyez tranquille. Allez, allez vous coucher. |
(Un sanglier grogne au loin.) | |
Bohort | (Après un instant.) Vous avez vu, j'ai pas crié hein... |
(Le sanglier grogne à nouveau.) | |
Bohort | (Hurlant.) À moi ! |
(Les hommes du campement accourent.) | |
Arthur | (Aux hommes du campement.) Non non c'est bon ! C'est bon, c'est bon. |
Camp militaire, soir. Arthur et Bohort sont en campagne, dans un campement. | |
Arthur | D'accord, effectivement Bohort, ce serait vous mentir que de dire qu'il n'y a que des lapins dans cette forêt. |
Bohort | Quoi d'autre, alors ? |
Arthur | Mais tout ! C'est une forêt ! |
Bohort | Des faisans ? |
Arthur | (Pris au dépourvu.) Je sais pas, oui pourquoi pas, des faisans ! |
Bohort | Y en a ou y en a pas ? |
Arthur | (Perd son calme.) Mais vous m'emmerdez ! Qu'est-ce que j'en sais moi, je suis pas garde-chasse ! Qu'est-ce que ça peut foutre, d'abord ? Vous avez pas peur des faisans, si ? |
Bohort | Ah si ! |
Arthur | Des faisans ? |
Bohort | Ah oui ! Vous avez vu la taille de ces machins ? |
Arthur | Mais... les faisans c'est des oiseaux, Bohort ! |
Bohort | Mais des oiseaux de quatre piedspied (n.m.) Ancienne unité de longueur valant, en équivalent moderne, 32,660 centimètres En savoir plus de long ! Je m'excuse du peu mais je trouve ça parfaitement terrifiant ! |
Arthur | Ah oui, alors là, c'est sûr, c'est pas gagné... |
Bohort | Un faisan blessé, il paraît qu'il a plus peur de l'homme et qu'il peut venir vous picorer ! |
Arthur | Bon, mettons que y a pas de faisans. |
Bohort | Vous dites ça pour me rassurer... |
Arthur | Non, pas du tout ! Tenez, ici, c'est le territoire de chasse du seigneur Dagonet. Le seigneur Dagonet, vous le savez bien, quand il chasse des bestioles, il les empaille et il les expose chez lui. Bon bah voilà : je ne me souviens pas avoir vu de faisans empaillés chez Dagonet. |
Bohort | Alors qu'est-ce que vous avez vu, comme bêtes empaillées ? |
Arthur | Des lapins. |
Bohort | (Regarde Arthur d'un air méfiant.) Des lapins adultes ? |
Arthur | Non, euh... ah, maintenant que vous me le dites, non, c'était plutôt des jeunes. |
Bohort | Des jeunes lapins. |
Arthur | Ouais voilà. |
Bohort | Et quoi d'autre ? |
Arthur | Non, non non, enfin là comme ça, je me souviens surtout des lapins. Des jeunes lapins. |
Bohort | (Semble rassuré.) |
(Au loin, un loup hurle.) | |
Arthur | Ouais non,ça d'accord. Ça, c'est un lapin adulte, ça. |
Camp militaire, soir. Arthur et Bohort sont en campagne, dans un campement. | |
Arthur | Vous voulez vraiment pas aller vous coucher ? |
Bohort | J'irai me coucher quand vous m'aurez juré qu'il n'y a, dans cette forêt, pas d'animal plus dangereux que le lapin adulte ! |
Arthur | Je jure, voilà ! Vous êtes content ? Je jure ! À part le lapin adulte, il n'y a rien de dangereux dans cette forêt ! |
Bohort | Pas de faisans ? |
Arthur | Pas de faisans. |
Bohort | Pas de belettes ? |
Arthur | Non. |
Bohort | Des petits furets ? |
Arthur | Non plus. |
Bohort | Des souriceaux ? |
Arthur | Pas que je sache. |
Bohort | Des gerbilles ? |
Arthur | (Fait mine que non.) |
Bohort | Une petite gerbille ? |
Arthur | Rien du tout ! |
Bohort | Bon. |
Léodagan | (Arrive, le visage et l'épée ensanglantés.) Qu'est-ce que vous bricolez à cette heure ? Vous roupillezroupiller (v.) Dormir En savoir plus pas ? |
Arthur | On discutait... |
Bohort | De choses et d'autres.... |
Arthur | Bah, et vous ? |
Léodagan | Oh m'en parlez pas ! Je pars pisser, pan ! Un ours d'une toisetoise (n.f.) Ancienne unité de mesure, longue de six pieds, soit environ de 1,5 à 2 mètres selon la valeur du pied En savoir plus et demie qui me tombe sur le râble« tomber sur le râble » (loc.) Assaillir, agresser En savoir plus ! |
Bohort | (Sourit de façon crispée.) Oh mais non, non... c'était un lapin adulte ! |
Léodagan | Non non. Un ours. |
Bohort | (Sourit toujours et s'évanouit.) |
Léodagan | (Questionne Arthur du regard.) |
Arthur | (Hausse les sourcils.) |
(Fermeture.) |
Camp militaire, soir. Arthur, Bohort et Léodagan sont en campagne, dans un campement, et boivent un verre. | |
Léodagan | Quand je dis un ours, c'est pour frimerfrimer (v.) Prendre un air assuré, confiant, pour faire impression ; se mettre en valeur En savoir plus. C'était dans le noir, j'ai pas bien vu... |
Arthur | C'était sûrement un lapin. |
Bohort | Un lapin adulte ? |
Léodagan | Je sais pas... en même temps, il était pas bien grand. Peut-être un ado... |
Arthur | Entre deux âges. |
Bohort | C'était pas un faisan, quand même ! |
Léodagan | Mais non ! |
(Noir.) | |
Léodagan | Si j'étais tombé sur un faisan, je serais pas en train de me la péter« se la péter » (loc.) Se mettre en valeur, se vanter En savoir plus comme ça, hein... |
(Stab final.) |