| Salle d'armes, jour. Perceval et Karadoc s'entraînent au combat à torse nu, Karadoc tenant des bottes de céleri, Perceval des miches de pain. La salle d'armes est remplie d'objets divers. |
| Karadoc |
Ouf, ouf, ouf, ouf, ouf, ouf, ouf... |
| Arthur |
(Entre, se cogne la tête au linteau de la porte et tombe, puis se relève.) Mais... mais qu'est-ce que c'est que ce chantier ? |
| Perceval |
Vous inquiétez pas Sire, on rangera tout après. |
| Arthur |
Après quoi ? Qu'est-ce que vous foutez ? |
| Perceval |
Ben, on s'entraîne ! |
| Arthur |
Vous vous entraînez à mettre le merdier ? |
| Perceval |
Non mais on est sur une nouvelle technique, là... |
| Karadoc |
Toujours à la pointe ! |
| Arthur |
Rhabillez-vous et foutez-moi le camp d'ici, bande de tarés ! Et tâchez moyen de vous occuper à autre chose qu'à emmerder le monde ! Et rangez moi ce bordel avant que quelqu'un se fasse mal ! (Sort, se cogne la tête au linteau de la porte et tombe.) |
| (Ouverture.) |
| Salle d'armes, jour. Arthur applique une compresse contre son front endolori. Perceval et Karadoc se tiennent devant lui. |
| Karadoc |
Un jour on était à la taverne... |
| Perceval |
On était de surveillance dans l'établissement. |
| Arthur |
(Lève les yeux au ciel.) |
| Karadoc |
Et d'un coup y en a un qui se lève pour me taper. |
| Arthur |
Vous taper... pourquoi ? |
| Perceval |
Non mais il était beurré. |
| Karadoc |
Il m'a pris pour son neveu. |
| Perceval |
D'après ce qu'on a compris, euh... il aimait pas son neveu, parce que soi-disant il lui avait volé de la salade, ou... je sais pas quoi... |
| Karadoc |
Bon bref, moi je vais pour dégainer mon épée... |
| Perceval |
Et l'autre, il a attrapé sa cruche, et il lui a pété sur la tête. |
| Karadoc |
Enfin... il m'a pas pété sur la tête... |
| Perceval |
Ah non, il vous a pété la cruche, sur la tête. |
| Karadoc |
Ah ouais voilà. |
| Perceval |
Et c'est à partir de là qu'on a décidé de développer une nouvelle technique. |
| Karadoc |
C'était notre base de réflexion. |
| Arthur |
(Encaisse le choc.) Ouf ! |
| Perceval |
Quoi ? C'est pas comme ça qu'on dit ? |
| Arthur |
Si si si si si si, c'est comme ça. |
| Perceval |
Donc, on a décidé de s'entraîner à combattre en se servant des objets présents dans l'environnement. |
| Karadoc |
Première étape : apprendre à reconnaître les objets redondants. |
| Arthur |
Les objets ? |
| Perceval |
Les objets redondants. Les objets qui blessent, quoi. C'est pas comme ça qu'on dit ? |
| Arthur |
Si, ah si si si si, pardon si, les objets redondants, pardon, j'avais pas compris. Allez-y... |
| Perceval |
Allez, un exemple au hasard. |
| Karadoc |
(Saisit un fenouil.) Hop ! (Ricane.) |
| Perceval |
Alors, Sire... est-ce que vous pensez qu'un fenouil, c'est redondant ? |
| Arthur |
Ben, c'est-à-dire que je suis pas un pro du combat au fenouil, mais enfin comme ça instinctivement je dirais non... |
| (Perceval et Karadoc ricanent.) |
| Karadoc |
C'était un piège... |
| Perceval |
Dans ce cas-là, la réponse c'est : « oui et non ». |
| Karadoc |
Le débutant, qu'est-ce qu'il fait ? Il attrape le fenouil par la tige, et essaie de donner des coups avec la partie sporadique. |
| Arthur |
La partie « sporadique » ? |
| Perceval |
Ouais, « sporadique », c'est quand c'est en forme de boule. |
| Arthur |
(Acquiesce.) Mmh. |
| Karadoc |
Vous l'auriez attrapé par la tige, on est d'accord ? |
| Arthur |
Toujours dans l'éventualité où je me retrouve à me battre avec un fenouil, hein ? |
| Perceval |
Ouais. |
| Arthur |
Oui, c'est possible, oui... |
| Karadoc |
Hé ben non, en fait ! Qu'est-ce qu'on constate quand on observe l'objet en détail, c'est que la partie sporadique ne présente pas de prospérités, et que donc... elle est lisse ! |
| Perceval |
Il vaux mieux l'attraper par la partie boulière... |
| Karadoc |
...ou « sporadique »... |
| Perceval |
...et se battre avec la tige... |
| Karadoc |
...la partie tigeuse... |
| Perceval |
...dont la pointe peut être considérée comme redondante ! |
| Karadoc |
Ça va, Sire, vous suivez ? |
| Salle d'armes, jour. Arthur est assis. Perceval et Karadoc se tiennent devant lui, Perceval tenant une brosse, Karadoc tenant un chapelet de saucisses. |
| Perceval |
Une fois qu'on a analysé la brosse, on sait que la partie redondante, c'est les piquants. Du coup, on s'en sert pour griffer. (Mime un mouvement de frottement avec la brosse.) |
| Karadoc |
Tout à l'heure, on vu que le chapelet de saucisses n'était pas un objet redondant... et pourtant, on a pu lui trouver une utilisation périmétrique en s'en servant comme un fouet ! (Fouette Perceval avec le chapelet de saucisses.) |
| Perceval |
Aïe, ça fouette ! Pareil pour la flûte ! (Saisit une flûte.) Même si on l'a analysée redondante parce qu'elle est un peu pointue, il vaut mieux s'en servir à agacer... (Souffle dans la flûte, qui produit un son strident.) |
| Karadoc |
(Se bouchant les oreilles.) Ah ! Je suis agacé ! Puisqu'il y a agacement, il y a déconcentration... et qu'est-ce qu'on fait ? |
| Arthur |
(Hausse les épaules.) |
| Karadoc |
(Soupire, impatient, et saisit un bonnet.) On utilise un objet que l'on avait mis de côté car il ne présentait pas de prospérités, mais qui, dans la situation actuelle, devient utile ! (Revêt le bonnet.) Hop ! |
| Perceval |
(Souffle à nouveau dans la flûte.) |
| Karadoc |
Et je ne suis plus agacé, mes oreilles sont protégées, on peut reprendre le combat. |
| Perceval |
Vous voulez essayer, Sire ? |
| (Fermeture.) |
| Salle d'armes, jour. Perceval et Arthur se battent, Perceval à l'aide d'un poireau, Arthur à l'aide de deux saucisses attachées comme un nunchaku. Karadoc se tient non loin et observe. |
| Arthur |
(Désarme Perceval d'un coup de nunchaku-saucisse, puis souffle dans une flûte, contraignant Perceval à se protéger les oreilles avec un bonnet.) |
| Karadoc |
(Applaudissant.) Bien ! Bien ! Très bien ! Très belle passe ! |
| Perceval |
Attention ! Maintenant Sire, vous lâchez tous les objets ! |
| Arthur |
(Lâche tout ce qu'il tenait.) |
| Perceval |
(S'arme d'une branche de céleri et d'une corne en osier.) |
| Karadoc |
(S'arme d'un poireau et d'un saucisson.) On vous attaque à deux, et vous improvisez avec ce qui vous tombe sous la main, derrière vous. |
| (Perceval et Karadoc se ruent sur Arthur en hurlant.) |
| Arthur |
(Envoie une violente claque à Perceval puis à Karadoc, qui tombent au sol.) |
| (Noir.) |
| Perceval |
Non mais Sire, c'est n'importe quoi, là ! |
| (Stab final.) |