Vox Populi II
❰ Livre II – épisode 84 ❱
Chambre d'Arthur, soir. Arthur et Guenièvre sont au lit. | |
Arthur | Mais enfin je comprends pas, je croyais que j'étais hyper populaire ! |
Guenièvre | Je sais pas quoi vous dire, moi, j'ai peut-être mal compris hein ? |
Arthur | Oh écoutez, ça va ! Je m'excuse mais enfin, cinquante paysans qui crient « Arthur au bûcher ! », je vois pas ce qu'il y a de difficile à comprendre ! |
Guenièvre | Ben ils disaient peut-être euh... « Arthur notre bien-aimé »... |
(Ouverture.) |
Taverne, jour. Perceval, Karadoc et le tavernier sont à la taverne. Le tavernier tient une plume et un parchemin est posé devant lui. | |
Perceval | Alors, la question d'après ! |
Le tavernier | (Soupire.) Ah non mais il est interminable ce questionnaire ! Surtout que je l'ai déjà fait pour moi... |
Karadoc | Vous pouvez bien nous donner un coup de main ! |
Perceval | On lit comme des pieds ! Dans huit jours on y est encore. |
Le tavernier | (Trempe sa plume dans l'encrier.) Bon, alors, « Diriez-vous que l'argent des taxes soit employé à bon escient ? Oui, non, ne se prononce pas. » |
Karadoc | On paie pas de taxes, nous. (À Perceval.) Les chevaliers ça paie pas de taxes ? |
Le tavernier | Hé bah mes cochons... |
Perceval | En plus je sais pas ce que ça veut dire, « à bon escient ». |
Karadoc | Moi non plus. |
Perceval | Non, elle est nulle celle-là, passez à la suivante ! |
Le tavernier | « Pensez-vous que la quête du Graal doive être la préoccupation principale des chevaliers de la Table ronde ? Oui, non, ne se prononce pas. » |
Karadoc | Ça, moi, je saurais pas dire. |
Perceval | Principale ? |
Karadoc | C'est dur de répondre, on est au premier plan, nous. |
Le tavernier | (S'exclamant soudain.) Ah mais non, je suis con ! Regardez : « Ce questionnaire s'adresse à tout individu résidant sur le territoire de Bretagne sauf les chevaliers et membres de la cour du Roi d'Arthur. » |
Perceval | Oh merde ! |
Karadoc | C'est dégueulasse ! |
Perceval | Ils ont trop de chance les individus résidant sur le territoire de Bretagne ! |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, Léodagan et Lancelot sont assis à ses côtés. Bohort se tient devant eux, un parchemin dans les mains. | |
Bohort | Le peuple breton estime à soixante-sept pour-cents que la sécurité à l'intérieur des cités est acceptable. |
Lancelot | Ah ben c'est bien, ça ! |
Arthur | Oui ! |
Léodagan | Bah euh « c'est bien », deux miliciens à chaque coin de rue, vu ce que ça nous coûte, ils peuvent trouver ça acceptable ! |
Bohort | En revanche, la population estime à quatre-vingt-onze pour-cents que la sécurité en milieu rural est inexistante. |
Arthur | Ah ouais, carrément ! |
Léodagan | Qu'est-ce qu'ils foutent en milieu rural, aussi ? |
Bohort | Euh, cinquante-cinq pour-cents des personnes interrogées estiment que l'hygiène est insuffisante, mais... douze pour-cents d'entre elles précisent qu'elles sentent un net progrès. |
Lancelot | Ah oui oui oui, mais l'hygiène c'est pas seulement l'infrastructure ! |
Arthur | Mais oui, c'est une prise de conscience collective, quoi ! |
Léodagan | Je veux !« je veux ! » (loc.) Oui, bien sûr ; évidemment En savoir plus Et puis avant de parler d'hygiène, qu'ils arrêtent déjà de chier par les fenêtres ! |
Bohort | Euh, trente-deux pour-cents de la population estime que le roi Arthur a trop de responsabilités, et qu'il devrait apprendre à déléguer. |
(Lancelot et Léodagan regardent Arthur.) | |
Arthur | Mais je les emmerde, moi ! De quoi je me mêle, sans déconner ! Je vais leur déléguer mon pied au cul, déjà ! |
Bohort | Vingt-trois pour-cents de la population estime que le seigneur Léodagan devrait prendre la place du roi. |
Arthur | Quoi ? |
Léodagan | Quoi ? |
Lancelot | Ben... et moi ? |
Arthur | Bah... les fumiersfumier (n.m.) Individu odieux et méprisable En savoir plus ! |
Léodagan | Le papelard, vous le jetez pas, hein ! C'est moi qui le récupère ! |
Salle du trône, jour. Arthur est assis sur son trône, Léodagan et Lancelot sont assis à ses côtés. Bohort se tient devant eux, un parchemin dans les mains. | |
Bohort | Trente-trois pour-cents de la population de Bretagne estime qu'il est intolérable de la part des chevaliers de la Table ronde de n'avoir toujours pas trouvé le saint Graal. |
Arthur | (Avachi sur son trône.) Mais qu'est-ce qu'on en a à foutre au bout d'un moment... |
Lancelot | C'est vrai que ça devient fatigant à la longue ces critiques sommaires... |
Léodagan | Faut pas tout jeter en bloc ! Moi y a des trucs que je trouve pas si cons que ça ! |
Arthur | Mais enfin si y a rien qui leur plaît, ils ont qu'à se tirerse tirer (v.) Partir, s'en aller En savoir plus ! Personne les retient... |
Lancelot | (Ricane avec mépris.) Ils sont trop contents d'habiter un pays progressiste, qui laisse le peuple s'exprimer... |
Arthur | Je vais leur en filer du progressiste, moi. Le prochain qu'est pas jouassejouasse (adj.) Content, satisfait En savoir plus, je le pends à un arbre ! |
Bohort | Vous savez, ces questionnaires ne sont voués qu'à apporter une vision objective des aspirations collectives, et... |
Léodagan | Non, non, ce qu'il faudrait, c'est trouver un moyen pour que ce soit le peuple qui décide qui c'est le roi, hein ? On pourrait pas trouver une combine, euh... en faisant remplir des... petits papiers, ou... hein ? |
Arthur | (Lève les yeux au ciel.) |
(Fermeture.) |
Chambre de Léodagan, soir. Léodagan et Séli sont au lit. | |
Séli | Combien de pour-cents vous avez dit ? |
Léodagan | Mais je sais plus, plus de la moitié ! |
Séli | Vous rigolez ? |
Léodagan | Mais est-ce que j'ai l'air de rigoler ! Je vais renverser le gouvernement ! Finis les petites mesures, les petites décisions, les traités de paix ! Je vais raser le continent ! Et pour les survivants, ce sera le règne de la peur ! (Se lève d'un coup.) Oh et puis tiens ! |
Séli | Mais qu'est-ce que vous foutez ? |
Léodagan | (Casse tout.) Ben je m'y mets ! |
(Noir.) | |
Léodagan | Je casse tout dans la piaulepiaule (n.f.) Chambre En savoir plus ! |
(Stab final.) |